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Alestan - La légende des sept sabres


Alestan
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CONSEIL DE GUERRE

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          La taverne d'Eldol fut emplie de rires et de chants jusqu'à l'aube, la boisson coulant à flot et la bonne humeur atteignant son paroxysme lorsque la princesse charma l'assistance en effectuant une danse sensuelle au rythme langoureux des percussions, rejoint dans l'hilarité général par William et Alestan. Une fois rentrés au palais, les deux hommes laissèrent Caëlis sur le seuil des appartements royaux pour s'endormir lourdement dans la chambre du chevalier. Ils se réveillèrent peu avant l'heure du déjeuner, le crâne douloureux et la bouche pateuse. William tira le vagabond dans un concert de protestations hors du matelat posé près de son lit, et ils prirent leur repas en compagnie de la princesse dans les jardins suspendues d'Abal ö Bhel. Le soleil brillait chaleureusement dans le ciel printanier, et tandis qu'ils dégustaient une salade de fruits particulièrement rafraîchissante, Caëlis assaillait Alestan de questions concernant sa longue absence.

 

- Combien de royaumes as-tu visité ? Demanda-t-elle avec curiosité, son visage harmonieux et sa peau satinée resplendissant dans la lumière du jour.

- Tous. Répondit-il après s'être servi une troisième fois un bol de fruits juteux. Après avoir quitté Nera, je suis descendu à Agata avant de rejoindre les plaines d'Heiya No Tsuchigumo. En suivant le fleuve Elkêom j'ai traversé Elnath en coupant à travers la forêt d'Encre, un endroit sinistre si tu veux mon avis. Ensuite j'ai contourné le col de Néphèse pour longer les plages d'Argos, avant d'atteindre la muraille de Grendël. Je faisais parfois un bout de chemin avec d'autres voyageurs, et l'un d'eux m'a guidé jusqu'à la frontière des Terres Gelées. Je l'ai perdu dans une tempête de neige, du coup j'ai rebroussé chemin jusqu'à Dürkador, où les gardes d'Albieros m'en ont refusé l'accès, ce qui m'a poussé à traverser la Mer Intérieure à bord d'un navire marchand. On a accosté à Keïb, et j'ai suivi le fleuve Nür jusqu'aux Landes du Tigre. J'aurais aimé continuer jusqu'au désert d'Armënia, mais le voyage peut durer plusieurs mois, et je devais rendre visite à Masamune. Il ne me restait plus qu'à emprunter la Route de l'Ouest, pour rejoindre Shura en longeant la rivière Ka.

 

William et Caëlis étaient impressionné par le périple de leur ami, qui avait quasiment fait le tour d'Alesta en un peu plus de deux ans. Ce n'était cependant pas la première fois que le vagabond disparaissait plusieurs mois sans donner de nouvelles, bien que cette fois-ci fut sa plus longue absence, conséquence de l'exil exigé par la reine Yilda. Bien qu'il restait toujours extrêmement vague sur le sujet, William savait ce qui poussait Alestan à entreprendre ces grands pélerinages, tout comme la princesse, qui posa la question qui leur brûlait les lèvres.

 

- Tu as trouvé la personne que tu cherchais ?

- Non. Répondit-il en effaçant d'un sourire l'ombre qui était passée sur son visage. J'ai fais quelques rencontres intéressantes, mais pas celle que je voulais. Qu'en est-il de ta soeur Will ?

- Toujours rien, mais je garde espoir.

 

Au cours des dernières années, et avec l'aide précieuse de Caëlis, ils avaient épluché les archives d'une centaine d'orphelinat du royaume d'Ademar dans l'espoir de retrouver Epona, la soeur de William. Mais depuis que les relations entre la reine Yilda et le roi Arthmar s'était envenimées, leurs recherches avaient été interrompues.

 

- Et toi Caë ? Interrogea le vagabond. Tu arrives à supporter ta mère en ces temps difficiles ?

 

La princesse poussa un soupir avant de réhausser sa chevelure d'églantine au-dessus de son crâne, la rassemblant en une queue de cheval pour se la passer autour du cou, faisant mine de s'étrangler.

 

- J'exagère à peine, mais en vérité la situation du royaume m'inquiète énormément. Avoua-t-elle tristement. Notre armée est loin de pouvoir tenir tête à celles combinées d'Ademar et de Daëdra. Tarvos a proposé de recruter parmi les citoyens, mais tant que je vivrais, cette option ne sera pas envisageable.

- Notre infériorité numérique est paliée avec les Montagnes d'Urkab au Nord, et la forêt de Wanda au Sud. Ajouta William. Elnath est le plus petit royaume d'Alesta, mais ses frontières naturelles sont un atout majeur. Du moins l'étaient avant l'essort des perce-nuages...

- Les ingénieurs d'Albieros sont talentueux, mais ils vendent leurs technologies au plus offrant sans en mesurer les conséquences. Regretta Caëlis.

- C'est peut-être pour cette raison que la reine souhaite leur proposer une alliance. Réfléchit Alestan. Que compte-t-elle donner en échange ?

- C'est ce que nous verrons tout à l'heure.

 

Ils passèrent le reste de l'après-midi à se balader dans la cité de Nera, retrouvant le chemin du palais lorsque le soleil déclina à l'Ouest. La salle du Conseil de Guerre d'Abal ö Bhel se situait au onzième niveau de la pyramide, et tandis qu'ils s'apprêtaient à rejoindre la reine et ses généraux, Alestan s'arrêta au seuil de l'entrée voûté d'un long couloir.

 

- Je vous laisse ici, je doute que je sois le bienvenue.

 

Dans sa robe de soie assortie à ses yeux d'émeraudes, un médaillon représentant une salamandre à trois têtes dormant sur sa poitrine, la princesse s'avança pour lui prendre la main.

 

- Tu es mon invité.

 

Bien que William ne put s'empêcher d'éprouver un sentiment de jalousie, il conforta l'avis de Caëlis, ne pouvant se résoudre à laisser son ami errer seul dans les couloirs du palais.

 

- Sous oublier que tu es mon prisonnier, et la reine m'a ordonné de te garder à l'oeil.

 

Se laissant convaincre, Alestan concéda à les suivre jusqu'aux portes en chêne de la salle du conseil, étroitement surveillé par une dizaine de soldats de la garde royale. Ils pénétrèrent dans une vaste pièce, aux murs de pierre couvert de cartes et de tapisseries, un immense chandelier surplombant une table de marbre noire, taillée en hexagone afin d'acceuillir la reine et sa fille, ainsi que trois des quatre généraux de l'armée d'Elnath.

 

- Veuillez fermer la porte derrière vous.

 

William accéda à la requête de Tarvos Garanus, découvrant par la même occasion qu'ils étaient les derniers arrivants. La reine Yilda trônait en bout de table, le chef de sa force militaire à sa droite et le siège vide de la princesse sur sa gauche. Elle roula des yeux en remarquant Alestan, demeurant cependant silencieuse tandis que celui-ci, marchant derrière William, précédait Caëlis qui prenait place. Ils se placèrent debout et légèrement en retrait de la princesse, et le silence qui s'était glissé lors de leur entrée fut rompu par la voix autoritaire de la souveraine d'Elnath.

 

- Bien. Nous pouvons commencer. Général Elesias, veuillez nous exposer la situation du front Nord.

 

Klein Elesias était le commandant des opérations spéciales, l'un des quatre généraux présent lors des Conseils de Guerre. Il s'agissait d'un père de famille à la barbe négligé, des yeux vifs et tâchetés derrière les mèches éparses de sa chevelure nouée en catogan. William avait été sous ses ordres lors de la bataille de Rougepierre, et il éprouvait énormément de respect pour cet homme, qui fut son instructeur ainsi que celui d'Alestan au cours de leur formation militaire. Le général Elesias frotta son nez busqué, esquissant un sourire en croisant le regard du chevalier.

 

- Si vous me permettez ma reine, j'aimerais juste dire à notre jeune invité décoiffé que c'est un réel plaisir de le voir en bonne santé.

- Général, vous aurez tout le temps de lui parler après le conseil. Le réprimanda Yilda.

 

William se tourna discrètement vers Alestan, dont le sourire en coin prouvait qu'il avait été touché par l'attention de son ancien maître d'arme.

 

- Pardonnez-moi votre altesse. Se rattrapa le général Elesias. Nos frontières sont sécurisées du col de Néphèse jusqu'au port de Vineta. Le général Glared et sa Vieille Garde veille à leurs surveillances. Il semblerait que l'ennemi se soit replié, ou du moins qu'il nous laisse un instant de répis avant la prochaine offensive.

Tarvos m'a fait part de votre gestion exceptionnelle de nos troupes. Le félicita la reine. L'ennemi était pourtant deux fois plus nombreux que dans nos prévisions.

- Je vous remercie, mais le mérite revient surtout au chevalier de votre fille.

 

Tous les regards se portèrent sur William, qui écarquilla ses yeux ambrés sans comprendre. La seule chose qu'il avait accompli lors de la bataille fut d'inspirer la terreur à ses soldats, au point de le rapatrier à la capitale. Klein Elesias exposa alors son avis sur le sujet.

 

- Ce qu'il a accompli durant de la bataille n'a dû être égalé que Nuada la Salamandre. La terreur qu'il a inspiré aux troupes d'Arthmar nous a permi de les repousser au-delà des frontières. Je tiens à te remercier William.

 

Ce dernier sentit sa poitrine se gonfler de fierté et d'admiration pour le général, bien que son euphorie ne fut que de courte durée, brutalement interrompue par l'intervention de Tarvos.

 

- Klein, n'oubliez pas que vous parlez du meurtrier d'Abelion.

 

Sa phrase fut ponctué par le bruit sourd du poing de la princesse, qui percuta la table de marbre tandis qu'elle s'était redressée de son siège, une lueur menaçante dans le regard.

 

- Je vous interdit de parler de lui ainsi. Siffla-t-elle avec une rage mal contenue. Mon chevalier est l'homme le plus brave et courageux de notre armée, comparé à lui vous...

- Caëlis je t'en prie. Trancha sèchement la reine.

- La princesse a raison. Modéra Tarvos. J'ai manqué de respect à son chevalier, et par conséquent à elle. Veuillez m'excuser, nous pouvons poursuivre.

 

Ce que William avait ressenti lors des compliments de Klein n'était que peu de choses comparé à l'intervention de Caëlis. Elle tourna brièvement ses grands yeux vert lui, et il toucha discrètement son coeur du bout des doigts, lui montrant à quel point il avait aprécié son soutien. La reine Yilda semblait pour sa part exaspérée par le tempérament incontrôlable de sa fille, s'adressant au dernier général qui était resté jusque là silencieux. Il s'agissait du chef des Dragons de la Reine, un homme âgé à l'épaisse crinière grise et au long bouc tressé, son oeil gauche dissimulé derrière un cache métallique.

 

- Qu'en est-il de notre frontière Sud Alderan ?

- Quatre villages sont tombés entre les mains des Daërs. Annonça-t-il d'une voix grave et rocailleuse. Deux autres ont été rasés. La majorité de mes troupes sont basées à Hekario, et nous attendons votre feu vert pour dégager l'ennemi de ses positions.

- Vous l'avez général. Accorda Yilda. Les habitants d'Hekario méritent toute notre reconnaissance. J'ai également cru comprendre qu'ils avaient reçu le soutient de deux sabres légendaires, dont l'un se trouve justement dans cette salle.

 

Ils dévisagèrent Alestan, dont les mains étaient croisées sur la poignée de Kusanagi tandis qu'il regardait distraitement le chandelier, visiblement ennuyé par la solennité du conseil.

 

- Qui est l'autre ? Demanda Klein.

- Ren Raigîn. Rétorqua le vagabond. Il détient Asaku, qui appartenait autrefois à un certain Jigoro.

- La Lame Fantôme. Souffla le général Alderan en tournant son oeil valide vers Alestan. On racontait qu'il était capable de couper une montagne en deux.

- Son élève est également capitaine de la Troisième Division des Aërims d'Elaris. Leur renseigna Alestan.

 

L'information provoqua une agitation parmi les généraux, et même William dû admettre que l'implication de la Terre Neutre dans ce conflit risquait d'annoncer de grands changements dans leurs plans de bataille. Si l'armée Aërim se rangeait de leur côté, les royaumes d'Ademar et de Daëdra n'auraient pas d'autre choix que de mettre fin à leur guerre injustifiée.

 

- La Troisième Division opère dans notre royaume. Annonça Tarvos. Nous avons déjà fait appel à eux pour débarasser les villages frontaliers des mercenaires du roi Seimu.

- Et ce fut un cuisant échec. Rappela la reine. Je ne tiens pas à mêler Elaris dans ce conflit, en particulier quand nos ambassadeurs font tout leur possible pour trouver une solution pacifique à cette guerre.

- Je doute qu'elle se règle grâce à des négociations votre majesté. Contra le chef des armées. Nous devrions utiliser ce capitaine Raigîn pour convaincre le Commandant Kriphos ainsi que la Chambre d'Elaris de nous soutenir activement.

 

Bien qu'il détestait Tarvos Garanus du plus profond de son être, William ne pouvait s'empêcher d'être en accord avec son plan. Il s'agissait du meilleur moyen de faire pression sur leurs ennemis, mais la reine ne semblait pas du même avis.

 

- Je préfère de loin l'idée de Klein et Alderan. Révéla-t-elle. Exposez le plan général Elesias.

 

L'homme à l'apparence décontractée posa son index au centre de la table, indiquant sur la carte d'Alesta le royaume d'Albieros, protégé à l'Est par la muraille de Grendël, et s'étendant des Terres Gelées jusqu'aux côtes de la Mer Intérieure.

 

- Nous devons faire du roi Östen notre allié. L'alliance entre Elnath et Albieros poussera non seulement Ademar à éparpiller son armée, mais pourrait également forcer indirectement Elaris à mettre fin à la guerre.

- Sans oublier la lettre que vous avez reçu ma reine. Enchérit Alderan. Il est rare que Masamune se soit trompé dans ses prévisions.

- Je vois que Tarvos vous a déjà mis au courant. Devina Yilda. En effet, le maître de Shura nous a averti d'une offensive combinée des Ademans et des Daërs. Face à une telle menace, je n'ai pas d'autres choix que de tendre la main à Östen.

- Pouvons-nous réellement faire confiance à Masamune ? Questionna Tarvos. Après tout, il vit au sein de Daëdra depuis des années.

- Des siècles. Plaisanta Klëin.

 

Les doutes soulevés par le chef des armées n'étaient pas infondées. William avait rencontré le créateur de son sabre seulement deux fois au cours de sa vie. La première fut peu de temps après qu'il ait acquit Berham, et le vieux forgeron lui avait expliqué pourquoi son bras était devenu aussi monstrueux, avant de lui apprendre une vieille chanson. La deuxième fois fut peu après que Caëlis l'ait choisi comme chevalier, et le maître s'était contenté de lui dire qu'il ne devait pas se laisser consumer par les flammes de la colère. Malgré sa réputation légendaire, le créateur des Sept était aux yeux de William qu'un simple vieil homme, radoteur et excentrique.

 

- Masamune forgea Berham pour le roi Beli Maponos. Révéla soudainement Yilda. Il sert notre royaume depuis ce temps, et comme ce fut le cas pour le roi Abelion, je lui fais entièrement confiance.

- Sauf votre respect majesté, Beli Maponos fut le souverain d'Elnath il y a plus de neuf cent ans. Rappela Alderan en caressant son bouc, légèrement amusé par la naïveté de la reine. Je l'ai vu vieillir comme tout homme en ce monde. Ajouta-t-il plus sérieusement.

- Je suis au courant. Lui accorda Yilda. Cependant, l'arrière grand père d'Abelion, Kaleos, ainsi que le père de ce dernier, Eöcha le Sage, ont laissé des manuscrits évoquant l'existence de Masamune à leur époque. Et quite à paraître insensée, sachez que nous conservons une lettre du roi Akurgal, datant de plus de cinq cent ans, informant Masamune qu'il comptait passer à sa mort le sabre Berham à la caste des chevaliers, qui existe encore à ce jour.

 

William porta instinctivement sa main gantée sur son arme, ignorant jusqu'ici qu'elle fut autrefois portée par la lignée royale d'Elnath. Une théorie absurde lui vînt à l'esprit, et il s'exprima pour la première fois depuis le début du conseil.

 

- Ma reine, vous voulez dire que ce sabre a réellement appartenu...

- Au premier roi d'Elnath. Termina Yilda avec le plus grand sérieux. Je suis également certaine que Beli Maponos a vaincu Neriamar, la Salamandre aux trois têtes, avec cette lame.

 

Un silence s'abattit sur leur petite assemblée, et William échangea un regard avec Alestan, qui ne semblait pas surpris par la révélation. Il possédait après tout des liens assez étroits avec Masamune, et la même lueur brillait dans leurs yeux. Un feu de glace.

 

- Nous nous égarons. Se repprocha la reine. Pour en revenir à notre premier sujet, j'ai décidé de partir à la rencontre du roi Östen à Dürkador après le festival de la Salamandre. J'embarquerais sur un perce-nuage d'Albieros, et l'itinéraire du trajet sera seulement connu des personnes présentes dans cette pièce.

- Pardonnez-moi ma reine, mais je ne peux l'accepter. Protesta Tarvos avec détermination.

- Il en est de même pour moi. Annonça Caëlis. Une reine doit rester près de son peuple en temps de guerre. Prendre un tel risque est insencé.

 

William ne pouvait qu'être d'accord avec la princesse et le chef des armées. Cependant, son avis comptait peu, et Klein dû exposer les raisons de ce choix pour les convaincre.

 

- Le roi Östen est quelqu'un d'entêté et terriblement orgueilleux. A ses yeux, la reine doit faire le déplacement peu importe la situation. Le peuple d'Albieros a la réputation d'être l'un des plus fiers d'Alesta.

- Que comptons-nous offrir pour qu'il accepte une alliance ? Interrogea Caëlis.

- Nous allons proposer d'équiper toutes nos cités de leur technologie, en plus d'autoriser sans limite leurs échanges commerciaux sur notre territoire. Révéla la reine.

- C'est une offre qui va au-delà de nos capacités financières ! S'exclama Alderan. Sans compter que vous autorisez quelque chose que vous avez consciemment refuser à Ademar et Daëdra.

- Il ne s'agit que d'Albieros, et nous négocions en ce moment même un emprunt à Elaris. Se défendit Yilda.

 

La détermination de la reine inspirait le respect. Elle avait déjà prit sa décision, à la fois guidée par son devoir de protéger le peuple d'Elnath, et son désir de venger la mort de son roi, qu'elle associait depuis toujours au roi Arthmar d'Ademar.

 

- Je refuse cependant de vous laissez partir à Dürkador. Insista le général Garanus avec conviction, le visage renfrogné. C'est une erreur tactique votre altesse, et vous le savez aussi bien que moi.

- Tarvos. Soupira Yilda. Ma décisions est déjà...

- J'irais.

 

La voix claire de Caëlis avait interrompu celle de sa mère, et la flamme verte de ses yeux aurait suffit à embraser le palais d'Abal ö Bhel. Contrairement aux autres, William ne fut pas surpris par sa décision, trouvant au contraire qu'elle s'exprimait un peu tardivement. Les généraux échangèrent des regards appuyés, et tous attendaient la réponse de la reine, qui ne vînt qu'après un long moment de réflection.

 

- Je refuse. Annonça-t-elle. Je comptais te laisser la direction du royaume pendant mon absence.

- C'est à mon tour de refuser. Contra Caëlis. Je suis l'héritière du royaume, et en tant que telle, je suis capable de négocier une alliance avec le roi Östen.

- Mais tu...

- De plus, l'interrompit la princesse, je serais accompagnée par deux des sabreurs les plus puissants d'Alesta afin d'assurer ma sécurité. Je suis certaine que Tarvos sera de mon avis.

 

Le chef des armées dévisageait le visage ravissant de Caëlis avec intensité. Il pesa le pour et le contre de cette proposition, évaluant certainement les risques et jetant par instant un oeil bleu et vif  en direction de William, comme s'il essayait de le juger capable de protéger l'héritière du royaume.

 

- Je le suis.

- Je dois admettre que la princesse marque un point. Enchérit Klein Elesias.

- Navré ma reine, mais mon avis rejoint le leur. Conclu Alderan.

 

Yilda observa longuement ses généraux avant de se tourner vers sa fille, qu'elle aimait plus que son propre peuple. La seule raison qui l'avait poussé à se rendre elle-même à Dürkador était d'éviter de faire courir le moindre risque à Caëlis.

 

- Qu'il en soit ainsi. Accorda-t-elle. Vous partirez pour la capitale d'Albieros le lendemain du festival.

 

Le Conseil de Guerre se poursuivit avec les détails de leur voyage, dont l'itinéraire passait par les Montagnes d'Urkab puis le fleuve d'Anthénor, remontant jusqu'à Ovios Matrona, la Région des Lacs, pour finir par survoler la forêt d'Orcynie jusqu'à Holmgaard, l'une des quatre cités forteresses de la Muraille de Grendël. Seul les sept personnes présentes dans la salle avaient connaissance du trajet, et la reine Yilda leur indiqua qu'ils embarqueraient à bord d'un perce-nuage léger et rapide, dirigé par l'un des meilleurs pilotes de la flotte d'Albieros. La discussion porta ensuite sur la répartition de l'armée le long des frontières, et du message de Masamune qui prévoyait une attaque simultanée d'Ademar et de Daëdra dans les trois semaines à venir.

 

- L'alliance doit être signée avant ce délais. Déclara Klein Elesias.

- En laissant passer le festival et en comptant la durée du voyage, la princesse aura donc une semaine pour convaincre Östen. Comptabilisa Alderan.

- Je le ferais. Promit Caëlis en parcourant du regard les membres du Conseil. L'échec n'est pas envisageable.

 

William admirait son courage, mais il ne pouvait pas s'empêcher de douter de la réussite de leur stratégie. Si jamais la princesse échouait, la mâchoire formée par la coalition de leurs ennemis écraserait le royaume d'Elnath. Les généraux évoquèrent d'autres sujets que le chevalier écouta seulement d'une oreille distraite, tandis qu'Alestan fixait curieusement Tarvos Garanus, comme s'il tentait de lire à travers le chef des armées. Voyant que William l'obervait, le vagabond se rapprocha d'un pas pour chuchoter discrètement.

 

- Vu la taille de ses sourcils, on pourrait les utiliser pour stopper l'armée d'Ademar.

 

Le chevalier s'étouffa en faisant mine de tousser pour dissimuler son rire, mais fort heureusement personne ne semblait l'avoir remarqué. La réunion prit fin à une heure tardive, et William dîna en compagnie d'Alestan et Caëlis avant d'aller contempler les étoiles sur la terasse du vingtième niveau d'Abal ö Bhel. Ils furent rejoint par Klein, leur ancien maître d'arme et ses cheveux noués en catogan, une longue pipe au bout des lèvres tandis qu'il crachait d'épais nuages de fumée en évoquant ses souvenirs de leur entraînement.

 

- Vous étiez insuportable. Se remémora-t-il en grattant machinalement sa barbe négligée. Mais quite à choisir je dirais qu'Al était le pire.

- C'est un mauvais garçon. Enchérit Caëlis en scrutant la voie lactée, l'éclat de ses yeux comparable à celui des étoiles.

- C'est pourtant Will qui s'amusait à remplir vos bottes avec des fourmis. Se défendit Alestan, accoudé sur le rebord du balcon.

- Mes orteils s'en souviennent encore... Soupira Klein avant d'inspirer une bouffée de tabac.

 

Ils demeurèrent les quatre silencieux, savourant le calme et la beauté du ciel nocturne. William avait prêté sa cape écarlate à la princesse pour lui couvrir les épaules, se tenant près d'elle en imaginant ce qu'elle pouvait penser, désormais responsable de la réussite d'une alliance entre son royaume et Albieros. Caëlis se tourna vers le général Elesias qui, aux côtés d'Alestan, faisait penser à un oncle et son neveu, aussi bien dans leur apparence désinvolte que dans leur expression calme et énigmatique.

 

- Avez-vous déjà rencontré Östen ? Demanda-t-elle.

- Une fois. Répondit-il.

- Comment est-il ?

 

Klein réfléchit  en expirant la fumée de sa pipe, cherchant sans doute à se souvenir précisément de sa rencontre avec le souverain du Nord.

 

- C'est un jeune roi. Révéla-t-il. Trente-cinq ans tout au plus. Il est monté sur le trône à dix-neuf ans, et comme son règne suis celui remarquable de son père, Önund le Glorieux, le peuple attend beaucoup de lui. Il ne sera pas facile à convaincre, mais si je peux vous donner un conseil princesse, jouez sur sa vanité et son désir de gloire.

- Le fait qu'il soit jeune peut nous être favorable. La réconforta William.

- Ou le contraire.

 

L'honnêteté d'Alestan fendilla légèrement leur moral, mais celui-ci n'était pas du genre à ménager son entourage. Il était de ses hommes qui faisait face à la vérité sans crainte, qu'elle soit bonne ou mauvaise. Cependant le vagabond n'en resta pas là, enchaînant sur un sujet qui troublait également le coeur du chevalier.

 

- Vous faites confiance à Tarvos ?

- La reine lui fait confiance. Rétorqua Klein.

- Et vous ? Insista William.

 

Le général demeura silencieux en les dévisageant à tour de rôle. Caëlis souhaitait également connaître son avis, bien qu'elle avait rejoint l'opinion du chef des armées lors du Conseil de Guerre. Leur ancien instructeur finit par briser le silence.

 

- Accorder sa confiance c'est prendre le risque de se faire trahir. Mais vivre dans la méfiance c'est se condamner à être seul.

 

Klein Elesias n'avait pas répondu à la question, mais la sagesse de ses mots les poussa à méditer sur la question. Les yeux tâchetés de nuances bleus et grises de leur ancien instructeur se perdirent dans les étoiles, et il sembla un instant que celui-ci allait leur dire quelque chose avant de se résigner.

 

- Je vous laisse les jeunes. Annonça-t-il. Ma femme et mes filles m'attendent.

 

Ils le regardèrent s'éloigner à l'intérieur du palais, et Alestan attendit de le voir disparaître par l'arc voûté avant de s'exprimer.

 

- Il a des enfants ? Questionna-t-il, surpris.

- Apparemment, mais je ne les ai jamais vu. Répondit William. Je ne savais même pas qu'il était marié.

- Le général Elesias tient beaucoup à sa vie privée. Révéla alors Caëlis. Je l'ai déjà vu avec sa famille plusieurs fois, et quand il est avec eux c'est un autre homme - On a tous quelque chose qui nous permet de s'évader, et on y tient tellement que ça nous rend parfois égoïste.

 

La princesse avait raison. Pour William s'était elle qui lui permettait de s'évader. Ils demeurèrent encore un moment sur la terrasse avant de retrouver leur chambre respective, et il était rare de ne pas les croiser les trois ensemble au cour des jours suivants.

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Un bon chapitre !

 

Un chapitre concentré sur le dialogue plus qu'autre chose, mais ce fut bien captivant. Tu gères la politique et le conseil de guerre dans ton oeuvre, chapeau ! J'ai déjà hâte d'en arriver là de mon côté lol.

 

Alestan a quand même sacrément voyager jusque là :o, il recherche sans doute le tueur de son ancien mentor, enfin celui qui détenait la pipe. Je me demande si sa soeur ne sera pas une détentrice d'une lame, et être au côté de celui qu'Alestan cherche.

 

J'ai bien aimé l’apparition et la description des autres généraux, ils semblent bien sympathique. Masamune a sacrément vécu, je me demande bien comment il a fait pour vivre autant d'années ? un sort ou une malédiction ?

 

Caelis je sentais déjà qu'elle se serait proposé, ce choix la mènera droit dans le coeur de la guerre et d'un grand enjeu.

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VEILLE DU DEPART

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        William et Caëlis passaient tout leur temps disponible en compagnie d'Alestan, qui restait cependant seul la plus grande partie de la journée, tandis que le chevalier et la princesse demeuraient aux côtés de la reine au cour des entrevues dans la salle du trône. Arriva alors les trois jours du Festival de la Salamandre, et le seul qui ne put apprécier pleinement la fête fut William, incapable de partager la liesse du peuple et les multiples défilés hautement colorés. Alestan avait disparu le premier jour, et ils ne le retrouvèrent qu'après la cérémonie des pommes et des pièces d'or, durant laquelle Caëlis le réprimanda après qu'il ait suggéré de fouiller chaque enfant de la fontaine Belisama. Alestan réapparut lorsque le char, aux huit chevaux drappés de rouge, retournait au palais d'Abal ö Bhel par l'avenue des pavés blancs. Il n'avait pas dormi pendant les trois jours du festival et ce fut Eldol, du Repaire des Noctambules, qui l'aida à marcher tant le vagabond était saoûl et épuisé. Il l'avait apparemment retrouvé allongé dans les ordures de sa taverne uniquement vêtu de sa cape blanche et d'une ceinture, avec notamment un chapeau pointu sur ses cheveux emmêlés, un cor de chasse dans la main, un soutien gorge grande taille dans l'autre, du sang sur le fourreau de son sabre et en possession d'une quantité assez importante d'haricots rouges en sachet. William et Caëlis, celle-ci visiblement jalouse en entendant parler du sous-vêtement, interrogèrent leur ami sur ce qui lui était arrivé au cour de la fête, mais Alestan se contenta simplement soupirer.

 

- C'était épicé...

 

De retour au palais ils allèrent directement se coucher, afin d'être réveillé à l'aube pour retrouver la reine Yilda et les généraux sur le versant Ouest du Mont Salamandre. Cette nuit-là, après être parvenu à s'endormir malgré les ronflements bruyants d'Alestan, le sommeil de William fut troublé par ses cauchemars habituels. Le ciel était de cendre, et il se trouvait dans une plaine stérile, encerclé par des centaines de corps carbonisés dont certains, bien qu'effroyablement déformés par leurs chairs brûlées, émettaient des cris éraillés ou des râles douloureux tout en rampant vers lui. Il était habitué à cette vision morbide et écoeurante, mais cette fois-ci son rêve différa des précédents. Parmi les silouhettes à la peau noircie et couvertes de cloques sanguinolentes, s'en trouvait une différente. Contrairement aux autres qui souffraient et se plaignaient dans un concert d'hurlements abominables, celle-ci marchait dans sa direction pour lui faire face. Sa peau était calcinée et ses yeux cavés, mais William avait l'impression de connaître cette personne. Les autres âmes damnées s'embrasèrent soudainement, et le chevalier reconnu la pièce d'or du roi Abelion sur la poitrine du cadavre qui lui faisait face. Son propre reflet. Une voix s'échappa alors des entrailles de la terre, la sienne.

 

- L'heure approche. Ce qui fut brisé sera réunifié. Les Sept de jadis ne feront plus qu'un, alors l'unité du commencement entraînera sa fin. L'heure approche...

 

Son reflet calciné se consuma dans des flammes rouges, et William cria à s'en briser la voix. Son cauchemar se transforma, plongé dans l'obscurité il se trouvait désormais avec six autres personnes autour d'un pilier, contemplant un coeur desséché. Il reconnu Alestan et souhaita l'interpeller, mais à nouveau le feu consuma sa vision pour révéler un champ de bataille. Des guerriers à l'armure étincelantes, miroitantes tel un lac doré, montaient des tigres à dent de sabres pour affronter une armée de géants de pierres. Des milliers d'hommes s'affrontaient, pliant comme les blés sous les tirs répétés des canons tandis qu'une montagne inversée les surplombait, flottant haut dans les cieux. La terre trembla sous ses pieds, et un souffle glacial balaya la plaine jonchée de cadavres alors que le soleil disparaissait sous une vague colossale, recouvrant le monde sous les eaux. Un hurlement s'éleva, poignant et terrifiant, et  William se réveilla brusquement, découvrant avec stupeur que son sabre venait de s'enflammer, brûlant le fauteuil sur lequel il reposait. Le cri venait quand à lui d'Alestan, flottant à quelques centimètres de son matelas dans une brume ténébreuse. La gorge du chevalier se noua en reconnaissant les mots que son ami rugissait.

 

- Elya ! Je t'en prie... ELYA !

 

Sans perdre de temps, William ôta le gant qui cachait sa main gauche, révélant des doigts aiguisés et couvert d'une peau écailleuse. Il la plongea dans les flammes pour saisir la poignée de son sabre, le tirant hors du feu pour en ôter le fourreau et révéler une lame pourpre. Il la plongea dans le feu et la fournaise se dissipa, aspirée par l'acier écarlate en ne laissant qu'un siège consumé. William se précipita ensuite vers Alestan pour le tirer de son cauchemar. Il lui saisit le poignet, et la pénombre de sa chambre se changea soudainement en clairière. Il se trouvait désormais à l'orée d'une forêt, comprenant peu à peu qu'il venait d'entrer dans le rêve du vagabond. Enveloppée dans une cape de voyage blanche, une femme aux longs cheveux dorées était assise contre le tronc d'un arbre, son visage harmonieux lui rappelant avec un pincement au coeur la grâce et la beauté de Caëlis. Le corps tailladé de toutes parts, elle compressait une large entaille le long de sa gorge, guidant la main d'un jeune garçon aux cheveux sombres, pour placer la pointe d'un poignard contre sa poitrine. William reconnu le sabre d'Alestan reposant près d'elle, et devina rapidement ce qu'il était en train de contempler.

 

- Je t'aime Alestan.

 

William détourna le regard avant que la lame pénètre dans la poitrine de l'inconnue, et la vision disparue. Il était de retour dans sa chambre, ayant lâché sans s'en rendre compte le poignet d'Alestan. La brume s'était dissipée, et le vagabond souleva ses paupières pour contempler le visage inquiet du chevalier. Il porta son attention sur la main couverte d'écailles avant de s'attarder sur le fauteuil calciné, visiblement étonné de découvrir une telle pagaille.

 

- Que s'est-il passé ? Murmura-t-il en se redressant, frottant son oeil argenté avant de passer une main dans ses cheveux noirs.

- Aucune idée. Avoua sombrement William. Je crois... J'ai l'impression d'avoir eu une vision.

- Ce qui fut brisé sera réunifié. Les Sept de jadis ne feront plus qu'un, alors l'unité du commencement entraînera sa fin. Cita sombrement le vagabond.

 

Ils demeurèrent un long moment sans prononcer un mot, réfléchissant au sens de ces paroles sans réellement le comprendre. William préféra ne pas évoquer la femme aux cheveux d'or, conscient que son ami devait avoir une bonne raison de ne jamais lui en avoir parlé. Il se demanda s'il s'agissait d'une proche, son estomac se contractant en imaginant que cette personne pouvait très bien être la mère d'Alestan.

 

- Il y avait une bataille. Se remémora-t-il. La terre tremblait.Une vague gigantesque...

- Tu étais dans mon rêve. Révéla William. C'est assez flou mais nous étions autour d'un coeur avec cinq autres.

- Je t'ai vu également. Souffla le vagabond. J'ai reconnu Ren Raigîn et...

 

Il demeura silencieux, et bien que le chevalier respectait la vie privée de son ami, il avait la certitude que leur vision commune était d'une importance capitale.

 

- Et ? Répéta William. Quelqu'un d'autre ?

- C'était les sept sabreurs... Murmura Alestan, sans répondre à sa question. On sait maintenant ce qu'il risque de se passer si jamais nous sommes réunis à Elaris.

- Le vieux disait vrai...

 

Le chevalier avait l'impression que le sol se dérobait sous ses pieds. Il pensait que l'avertissement de Masamune n'était qu'une invention pour les empêcher de s'entretuer, même si au fond, il se doutait que son sabre renfermait un pouvoir au-delà de toute compréhension. William détailla sa main monstrueuse, serrant les griffes dans sa paume.

 

- Nous devons prévenir la reine.

- Non, c'est la dernière chose que nous devons faire.

- En tant que chevalier je dois l'informer du danger qui menace son royaume.

 

Le visage du vagabond s'assombrit, et un sourire sinistre étira ses lèvres. William détestait le voir dans cet état, lorsqu'il cédait consciemment à la folie ténébreuse de son sabre.

 

- Et que dira la reine en apprenant que nous avons la capacité d'éradiquer Alesta et son peuple ? L'interrogea-t-il. Qu'il est possible que nous soyons la cause indirecte de la guerre qui menace son royaume ?

 

William comprit où il voulait en venir. A la place d'Yilda, il les enfermeraient au plus profond des geôles d'Abal ö Bhel pour les laisser pourrir en même temps que leur sabre maudit. Mais contrairement à Alestan, le chevalier était prêt à faire ce choix si cela pouvait sauver Elnath.

 

- Dans ce cas nous devons en subir les conséquences. Je suis certain que la reine fera le bon choix.

- Pauvre idiot ! L'insulta brusquement le vagabond. Tu crois que tu dois tout à cette femme ?

 

Pour toute réponse, il lui colla son poing dans la figure. Alestan ne s'y attendait pas, et le regard qu'il lui jeta après avoir essuyé le sang au coin de ses lèvres le blessa. C'était des yeux froids et cruels, ceux d'un meurtrier. William n'aurait pas été étonné qu'il tente de le tuer à l'instant même, mais après un long silence étouffant, l'éclat ténébreux de son regard se dissipa. Malgré sa déception, le chevalier consentit à dire ce que le vagabond devrait savoir depuis longtemps.

 

- Je lui dois tout.

- Laisse-moi t'expliquer les choses différemment. Grinça Alestan sans le quitter des yeux. Si la reine réalise le danger que nous représentons elle nous enfermera. Pendant ce temps Caë va s'envoler pour Albieros, et les armées d'Arthmar et de Seïmu vont déferler sur ce pays. Si par miracle l'alliance est formée et qu'Elnath en sort victorieux, crois-tu réellement que tout va s'arranger ?

 

William aurait aimé dire que oui, mais il s'agissait d'un mensonge. Il ne faisait aucun doute que quelqu'un tentait par tous les moyens de déclencher une guerre, et comme personne ne connaissait ses intentions, il était impossible de prévoir ce qui allait suivre.

 

- Utilise ta tête plutôt que tes poings. Poursuivit le vagabond en se détendant légèrement. Si quelqu'un capable de manipuler des rois cherche à nous réunir, crois-moi qu'il serait prêt à démonter ce palais pierre par pierre pour nous récupérer.

- Tu soupçonnes quelqu'un en particulier ? Devina William, qui retrouvait également son calme.

- L'un des sept. Révéla-t-il. Peut-être même plusieurs. Et surtout, quelqu'un dans ce palais.

- Tarvos ?

- Je ne sais pas. Avoua Alestan. Quoi qu'il en soit, nous devrons être sur nos gardes lors du voyage.

 

Ils se détendirent, bien qu'une lourde atmosphère pesait désormais sur eux. Le chevalier détaillait son ami de ses yeux ambrés, et il réalisa à quel point ce dernier était réfléchit, contrairement à lui, qui se laissait guidé par ses émotions.

 

- Excuse-moi de t'avoir frappé mon vieux.

- Au moins je n'ai plus la gueule de bois.

 

La plaisanterie lui déclencha un sourire, même si les images menaçantes de son cauchemar demeurait vives dans son esprit. William s'était déjà rendu plusieurs fois à Elaris avec Caëlis, mais il se jura de ne plus jamais y mettre les pieds.

 

- On dirait que les légendes du passées reviennent nous hanter. Souffla-t-il avec gravité. Et si je me souviens bien, tu as dit que ce capitaine Raigîn et un autre sabreur font partie de l'armée Neutre. Est-ce que Masamune est au courant ?

- Oui. C'est lui qui a demandé à Ren de les rejoindre, et je n'en sais pas plus sur l'autre.

- On dirait que le vieux aussi à un plan.

- C'est ce que je pense aussi. Fit Alestan après s'être étiré. On est certainement inclu dedans, même sans le savoir.

 

William n'aimait pas l'idée d'être manipulé comme un vulgaire pion, mais il devait avouer que les enjeux le dépassait. Jusqu'ici, tout ce qui lui importait était sa promesse au roi Abelion et l'espoir de retrouver un jour sa soeur, Epona. Quand à Alestan, l'intrusion dans son souvenir l'avait éclairé sur ce que celui-ci cherchait depuis toutes ses années.

 

- Tu cherches à te venger de l'un des Sept ? Osa-t-il sans grand espoir d'obtenir une réponse.

 

Alestan lui jeta un regard perçant dans la pénombre avant de se détourner pour fixer un point invisible.

 

- Ce que tu as vu... Aussi bien dans ton rêve que dans le mien. N''en parles à personne.

 

Il savait. William avait entrevu ce passé que le vagabond n'avait jamais évoqué, même si ce n'était pas de sa propre volonté.

 

- Juré. Promit-il.

 

Un nouveau silence se glissa entre eux, brisé par Alestan, qui révéla pour la première fois la raison de ses années d'errance.

 

- Elle s'appelait Elya.

 

Il marqua une pause, fouillant dans sa cape afin d'en sortir une pipe en ivoire, finement ciselée, que William avait déjà plusieurs fois remarqué.

 

- Ce que tu as vu. Reprit-il en faisant tourner l'objet dans ses doigts. Ce jour là ce n'est pas son coeur que j'ai poignardé, mais le mien. La seule chose qui m'importe depuis est de retrouver une personne pour elle.

- Une personne ?

- Sa fille, Nëa.

 

Alestan donnait l'impression de s'être débarrasser d'un fardeau qui pesait depuis longtemps sur ses épaules. Il demeura silencieux, et les deux hommes observèrent les premières lueurs de l'aurore apparaître par la fenêtre de la chambre. Bien qu'il ne connaissait pas encore tous les détails, plus de dix années et une intrusion dans son esprit auront été nécessaire au chevalier pour apprendre une bride du passé de son ami. Le traumatisme qu'il avait subit était certainement plus important qu'il ne le laissait paraître, et William avait l'impression d'avoir regardé la dernière page d'un livre sans en lire son contenu. Il garda l'expérience de cette nuit troublée dans un coin de sa tête, et dissimula sa main reptilienne sous son gant.

 

- C'est bientôt l'heure d'embarquer.

 

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Bon chapitre !

 

Les prépartifs pour aller négocier avec le jeune Roi sont finalisés. Tarvos est un chevalier dont tout le monde se méfie, il a tout à fait le profil d'une personne qui pourrait être le traitre, cependant je pense que c'est quelqu'un d'autre.

 

J'ai bien aimé le passage sur les visions communes et mystérieuses qu'ont eu nos deux sabreurs, une sorte de rêve prémonitoire et énigmatique ! Le coeur en question est peut être la force qui derrière la fin de chaque cycle, ce coeur exauce les voeux où en rapport aux actes des sabreurs décident du sort du monde.

 

On connait un peu plus sur le passé d'Al et la personne qu'il recherche indéfiniment, la pipe appartenait à une femme qui a grandi avec lui, moi qui m'attendais à un vieillard, c'est pas plus mal J'ai hâte d'en savoir plus sur elle.

 

J'ai été surpris de voir que la main de William se soit déjà métamorphosé en celle d'un reptile tel un dragon ou salamandre ? Il se changerait en dragon/salamandre dans l'utilisation maximale de son sabre ?

 

Maintenant que j'y pense Al à la lame des ténèbres et Will du feu, il manque donc l'eau, la terre, le vent, lumière, et celui de Ren je vois pas à quoi le lié, mais je me trompe peut être sur toute la ligne.

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Je suis content que la vision t’ai plu ! Autant dire qu'elle sera d'une importance capitale, comme la pressentie Will.

 

Maintenant que j'y pense Al à la lame des ténèbres et Will du feu, il manque donc l'eau, la terre, le vent, lumière, et celui de Ren je vois pas à quoi le lié, mais je me trompe peut être sur toute la ligne.

 

Bien vu ! Très bien vu !

 

Le sabre de Ren est lié à l'Air (Jigoro pouvait distordre l'air pour allonger la portée d'Asaku, d'où le surnom de "La Lame Fantôme"). Pour Icare, l'illusion montre que notre monde n'est qu'une image éphémère en mouvement, et qu'en réalité il n'y a rien. Zagan est le Néant. Il manque effectivement l'Eau, la Lumière et la Terre.

 

Le bras de William est devenu monstrueux dès le moment où il a prit le sabre de Brawen, mais effectivement ce n'est pas anodin et la légende de Beli Maponos peut donner des indices sur ce que le chevalier est capable d'accomplir.

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L'HANSA

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William et Alestan se changèrent avant de rejoindre Caëlis dans le hall étincelant d'Abal ö Bhel. La princesse avait laissé de côté ses robes somptueuses pour revêtir un corset de cuir et un pantalon épousant la forme de ses longues jambes, ses cheveux aux teintes de fleurs de cerisiers noués en tresse. Resplendissante, elle leur fit un signe de la main tandis qu'ils dépassaient les imposantes colonnes de marbres blancs, les deux hommes affichant une légère surprise en remarquant une lance de cuivre dans le dos de leur amie. Le chevalier reconnu l'arme, la salamandre du royaume gravée sur la pointe ainsi qu'une inscription de son premier propriétaire, " Margan Maponos, roi d'Elnath ". Caëlis les accueillis avec un sourire chaleureux, et William serra les dents pour ne pas dévoiler son rêve, ce qui ne passa pas inaperçu auprès de la princesse.

 

- Tout va bien ? On dirait que tu n'as pas fermé l'oeil de la nuit.

- Les ronflements d'Alestan m'empêchaient de dormir. Mentit-il.

 

Il jeta un oeil au vagabond, enviant son air décontracté et sa capacité à faire abstraction de leur vision catastrophique. Il était cependant certain que Caëlis ne réagirait pas de la même façon que sa mère, se promettant de convaincre son ami afin qu'ils se confessent à la princesse. Ils quittèrent le palais par la grande porte sous la pâle lueur de l'aube, et Alestan s'immobilisa tandis qu'ils s'orientaient vers le versant Ouest du Mont Salamandre.

 

- Je vous rejoint un peu plus tard, je dois envoyer un message. Leur annonça-t-il.

- Fais vite. L'avertit Caëlis. Si tu traînes on part sans toi.

 

William se mit en route avec la princesse, contournant la pyramide du palais royal pour suivre un chemin de terre jusqu'au volcan endormi. Le relief imposant camouflait l'horizon, ses pans couverts d'une épaisse végétation s'arrêtant aux abords du cratère pour laisser place à un lac sombre que les habitants de Nera évitaient soigneusement, craignant que Neriamar, la salamandre aux trois têtes, soit toujours endormie au plus profond des eaux. Ils grimpèrent de longues minutes, Caëlis ne cessant de jeter des regards suspicieux à son chevalier, qui demeurait étrangement silencieux.

 

- Tu me caches quelque chose. Dit-elle en fronçant ses sourcils.

- Pourquoi tu penses ça ? Se défendit William, faisant mine d'être surpris.

- Je peux le sentir. Je te connais par coeur.

- Si tu le dis... Soupira-t-il, conscient qu'elle pouvait lire en lui aussi facilement qu'un livre ouvert.

 

Ils arrivèrent au point d'embarquement, une simple clairière où était stationné un voilier flanqué de deux petits dirigeables. Le chevalier s'était attendu à un perce-nuage plus conséquent, et surtout un modèle plus récent. Il avait entendu dire que depuis plusieurs années, les aérostats étaient dissimulés à l'intérieur de la coque pour les protéger en cas d'attaque, mais celui-ci devait être trop étroit pour que ce soit le cas. William n'y connaissait pas grand chose en navires des cieux, mais les deux mâts et le bois cerclé de fer de l'armature semblait usé et mal entretenu. Ils passèrent devant l'appareil, détaillant une plaque d'acier rouillé sur laquelle était gravés les lettres " RL " suivit du nom Hansa, rejoignant la reine Yilda accompagné de Klein et Tarvos, ainsi qu'un homme et une femme qu'ils ne connaissaient pas. Malgré la taille réduite du perce-nuage, William trouva étrange qu'aucun autre membre d'équipage ne soit visible. Une brise balaya la clairière, soulevant les cheveux cuivrées aux mèches grisonnantes de la reine, dont le visage fier et fatigué semblait également marqué par une légère inquiétude. Les généraux demeuraient fidèle à eux-même, son ancien instructeur avec sa pipe aux lèvres et le chef des armées arborant son habituel expression sévère, sans oublier de jeter un regard méprisant au chevalier. La reine les informa qu'Alderan était parti retrouver ses hommes la veille, organisant la défense de la frontière Sud du royaume.

 

- Alestan ne vient pas ? Demanda Klein en regardant par dessus leurs épaules.

- Il devait envoyer une lettre. Expliqua William. Il ne devrait pas tarder.

 

Tarvos fut profondément ennuyé par ce retard, ses yeux bleus lançant des éclairs dans sa direction, comme s'il était responsable de ce contretemps.

 

- Une lettre ? Répéta-t-il sur un ton empli de menace, avant de s'adresser à Yilda. Majesté, si ce vagabond  transmet l'itinéraire à l'ennemi, non seulement la vie de votre fille sera en danger, mais ce sera également le cas du royaume.

- Ce garçon est le dernier de nos soucis général. Se contenta de répondre la reine, avant de désigner leur deux invités. Caëlis, William, je vous présente vos pilotes : Royngär et Loreleï.

 

L'homme faisait presque deux têtes de moins que le chevalier et devait être légèrement plus âgé que lui. Vêtu d'une veste noire par-dessus une chemise blanche trop grande pour lui, ses cheveux étaient rasés sur les côtés, mettant en valeur ses oreilles percées par deux crocs, de longues tresses blondes tirées sur son crâne pour retomber dans son dos. Il les salua en inclinant légèrement son visage aux traits charismatiques et à la barbe de plusieurs jours. Dans sa tunique moulante en cuir et lassée dans le dos, la jeune femme à ses côté demeura quand à elle silencieuse et impassible. William la trouva particulièrement séduisante, avec sa chevelure ambrée et bouclée flottant au vent tandis qu'elle les dévisageait de ses yeux d'un bleu d'outremer, un grain de beauté discret au coin de ses lèvres rouges et pulpeuses. La princesse et le chevalier les saluèrent poliment, quelque peu gêné par leur indifférence et leur silence pesant.

 

- Royngär est l'un des meilleurs pilotes de perce-nuages d'Albieros. Les renseigna Klein, voyant que ce dernier ne comptait pas dire un mot. Il nous a été conseillé par le roi Östen en personne. Son navire, l'Hansa, possède une renommée légendaire.

 

William et Caëlis se tournèrent en même temps vers le double mât, ne pouvant s'empêcher de douter sur ce dernier point en constatant le triste état de l'appareil. Ils observèrent alors Alestan les rejoindre au trot, un corbeau aux plumes teintés de gris sur l'épaule. Désormais au complet, la voix d'Yilda s'éleva.

 

- Approchez.

 

Ils passèrent alors à tour de rôle devant les deux généraux et la reine. William fut le premier, se plaçant d'abord face à Klein Elesias, qui lui posa une main sur l'épaule, un sourire étirant son visage rassurant.

 

- Je ne me fais pas de soucis quand à votre réussite. Après tout je t'ai formé.

 

La remarque fit sourire le chevalier, qui passait désormais devant le général Tarvos. Ils échangèrent un regard empli d'animosité puis, contre toute attente, le chef des armées lui adressa une parole d'encouragement.

 

- Restes sur tes gardes.

- Toujours. Répondit William.

 

Il arriva finalement devant la reine Yilda, qui patientait près de la rampe d'accès du perce-nuage, un escalier rétractable chevauchant l'un des dirigeables pour atteindre une ouverture sur le bastingage.  Les deux pilotes s'activaient sur le pont en dépliant les voiles des mâts, et tandis que William les observait, la reine lui prit le visage dans les mains pour déposer un baiser sur son front. Il sentit une chaleur lui monter aux joues, déstabilisé par le geste de la souveraine. Caëlis avait hérité de la beauté et la dignité de sa mère, sauf les yeux, qui étaient pour Yilda d'un bleu profond parsemé d'éclats dorées, comme le reflet du soleil sur l'océan.

 

- Je sais que tu tiendras ta promesse. Lui souffla-t-elle si bas qu'il était le seul à pouvoir l'entendre. Abelion a lu en toi, et tout comme lui je te pardonne. Maintenant va mon fils.

 

William sentit sa gorge se nouer et son coeur se gonfler d'affection. Il ne méritait pas un tel honneur. Il fit de son mieux pour ne pas laisser transparaître ses émotions, cherchant quelque chose à répondre sans pouvoir formuler une phrase appropriée. Il finit par trouver ses mots, simples et honnêtes.

 

- Je ne vous décevrais pas.

 

Yilda lui sourit avant de faire face à sa fille, qu'elle enlaça tendrement. Elles échangèrent ensuite quelques paroles réconfortantes, tandis qu'Alestan et Klein riaient de bon coeur. Le vagabond passa ensuite devant Tarvos en se contentant d'un signe de tête, s'arrêtant devant la reine pour lui murmurer quelque chose à l'oreille. Yilda écarquilla les yeux, s'écartant pour les plonger dans ceux d'Alestan.

 

- Tu as ma parole. Lui assura-t-elle mystérieusement.

 

Alestan secoua l'épaule sur laquelle reposait le corbeau, et celui-ci s'envola dans un croassement rocailleux pour partir en direction du palais. Le vagabond retrouva William et Caëlis, puis ils grimpèrent sur le pont du perce-nuage. Royngär tourna alors une manivelle pour replier les escaliers de la rampe, dont les marches se rétractèrent par un système d'engrenage avant de rejoindre le bastingage. Ils l'observèrent ensuite rejoindre le tillac où l'attendait la discrète Loreleï, se plaçant derrière la barre à roue tandis que son assistante se décalait pour faire face à un panneau couvert d'instruments en cuivre, abaissant l'un des six leviers qui émergeaient du plancher. William sentit le pont vibrer tandis qu'un bourdonnement de plus en plus intense résonnait sous ses pieds. Le son s'amplifia, et un battement régulier s'enclencha lorsque Loreleï tourna une valve reliée à un tuyau, accélérant à mesure que la pilote augmentait le flux. C'était comme si quelque chose tournoyait de plus en plus vite, claquant parfois dans un bruit sourd de tambour, qui donnait envie au chevalier de se boucher les oreilles. Le perce-nuage tout entier semblait inspirer et expirer dans un tapage assourdissant, et ils sentirent la structure s'élever lentement du sol. Un autre levier fut abaissé et les pieds qui maintenaient la coque se replièrent, tandis qu'un sifflement indiquait que les dirigeables se remplissaient d'air. Contrairement à William et Alestan, Caëlis semblait être habituée à l'opération, rejoignant le bastingage pour saluer la reine et les généraux. Les deux hommes se placèrent à ses côtés, et ils observèrent Yilda lever la main tandis qu'elle rétrécissait  à vue d'oeil. Ils pouvaient désormais voir Abal ö Bhel et son fameux pommier qui surplombait les vingt-et-un niveaux de la pyramide, détaillant la splendeur de ses jardins florissants. Leur regard se posa sur les pavés blancs de l'avenue qui partait du palais jusqu'à la fontaine de Belisama, avant d'observer la vaste cité de Nera, qui s'éveillait sous les rayons chatoyants du soleil, l'ombre du Mont Salamandre se rétractant à mesure que l'astre du jour s'élevait dans le ciel.

 

- C'est beau. Souffla William sans se faire entendre dans le tumulte du perce-nuage.

 

Ils s'élevèrent jusqu'à rejoindre la couverture des nuages, et en regardant vers l'Est, ils pouvaient apercevoir à l'horizon l'Océan d'Ether, trop loin cependant pour distinguer le phare d'Akurgal du port d'Aëth. Loreleï repositionna le premier levier qu'elle avait actionné, et le pont cessa de vibrer, en même temps que s'estompèrent les bourdonnements sourds ainsi que le battement puissant et tournoyant. Le perce-nuage était si haut qu'ils étaient capable d'admirer les plaines rocheuses de Karn Caëdros au Sud, devinant même les pics enneigés d'Urkab en se plaçant à la proue du navire. William aurait pu contempler le paysage toute la durée du voyage, contrairement à Alestan qui détourna assez vite le regard pour se placer près du premier mât.

 

- Je déteste ces engins. Avoua-t-il lorsque le chevalier et Caëlis l'avait rejoint. Si tu coules en mer tu peux toujours nager, mais dans les airs tu n'as qu'à prier pour apprendre à voler.

 

Le pont était désormais au calme, et leur deux pilotes venaient de disparaître dans la cabine du tillac, laissant le vent et les dirigeables guider le perce-nuage. La princesse les invita à descendre dans les cales du navire pour découvrir leur chambre, et ils la suivirent en empruntant une porte sous le tillac, passant par un hall faiblement éclairé pour emprunter un escalier qui s'enfonçait sous le pont. Ils parvinrent à un couloir percé par six portes, des cristaux diffusant une pâle lumière bleutée au plafond, comme les lampadaires des rues de Nera. Ils visitèrent les quartiers, découvrant une pièce faisant à la fois office de cuisine et de salle à manger, ainsi qu'une autre où Klein avait stocké des vivres et toutes sortes de choses utiles pour le voyage. Deux portes refusèrent de s'ouvrir, certainement les appartements de leurs pilotes et la salle des machines. Les deux dernières salle consistaient en une pièce pour faire sa toilette et leur chambre, au sol couvert de tapis et trois hamacs fixés aux cloisons.

 

- On dirait que je vais dormir avec vous pour la durée du voyage. Annonça joyeusement Caëlis. Je prend celui près de l'ouverture.

- Avec plaisir. Lui accorda Alestan.

 

William devait avoir dix ou onze ans la dernière fois qu'il avait dormi dans la même pièce que la princesse. Il fut cependant surpris que celle-ci ne soit pas gêné par le manque d'intimité, et après avoir terminé leur visite, Caëlis laissa sa lance dans l'unité de stockage pour qu'ils retrouvent le pont du perce-nuage. Les voiles blanches étaient gonflé et le vent sifflait dans les interstices du bois vernis. Ils passaient parfois près d'un nuage cotoneux, et le chevalier se demanda comment ces deux compagnons pouvaient demeurés aussi peu admiratif de naviguer dans le ciel. La princesse réfléchissait, finissant par exprimer la question qu'elle hésitait à poser à Alestan.

 

- Pourquoi ma mère t'a donné sa parole ?

 

Le détail avait presque échappé à William, dont la tête s'était vidée depuis leur décollage. Le vagabond avait effectivement chuchoté quelque chose à l'oreille de la reine.

 

- Je lui ai fait promettre de se réfugier à la forteresse de Lugnasad si jamais elle ne voyait pas de corbeau pendant plus de deux jours. Révéla Alestan.

- Je me demandais ce que tu faisais avec cet oiseau. Avoua le chevalier.

- Il y en a deux. Leur expliqua-t-il. Ils feront l'allée-retour entre le palais et le perce-nuage toute la durée du voyage. Comme Holmgaard est à environ deux jours à vol d'oiseau, ce qui correspond à cinq jours pour nous, deux corbeaux permettront de garder ce délais jusqu'à notre arrivé. Si jamais nous sommes attaqué sur le trajet, et donc qu'un des généraux se trouve être un traitre, j'arrêterais d'envoyer les corbeaux, et la reine comprendra que quelque chose nous est arrivée.

 

William dû se répéter plusieurs fois le plan d'Alestan pour le comprendre pleinement, réalisant à quel point l'astuce avait été réfléchit malgré sa simplicité. Comme les volatiles ne transportaient pas de messages, il n'y avait aucun risque au cas où ils étaient intercepté.

 

- Et une fois à Holmgaard, il suffira d'envoyer un mot comme quoi nous sommes bien arrivé. Comprit Caëlis. On dirait pas comme ça, mais il t'arrive de réfléchir. Le taquina-t-elle.

- Tu veux plutôt dire que c'est un génie. Le félicita William.

 

Le vagabond se contenta de sourire, et ils se tournèrent pour voir Royngär et Loreleï apparaître sur le tillac.

 

- On devrait apprendre à les connaître. Proposa Caëlis.

 

Ils se dirigèrent vers les pilotes, qui étudiaient la console de bord couverte de cadrans et de manettes de contrôles. Deux tuyaux sortaient du plancher afin d'exposer leur vanne, et William se demanda à quoi servaient chacun des six leviers, tout comme le reste des instruments. La princesse fit le premier pas pour s'adresser à l'homme aux longues et épaisses tresses blondes, dans sa chemise décontractée et trop grande pour lui.

 

- Nous avons pas encore eût l'occasion de parler depuis le départ. Tenta-t-elle aimablement. La reine n'a pas eut l'occasion d'introduire votre troisième passager, il s'agit d'Alestan.

 

Le pilote détacha ses yeux couleurs noisettes du tableau de bord pour détailler le vagabond, passant une main couverte de bagues dans sa barbe sans prononcer un mot.

 

- J'espère que vous savez ce que vous faites. Plaisanta Alestan pour briser la glace.

- Graät smë dagr ? Leur demanda-t-il.

 

Les trois compagnons se jetèrent un regard confus, n'ayant pas la moindre idée de ce que venais de raconter le dénommé Royngär.

Vous parlez le langage commun ? Lui retourna Caëlis, qui faisait de son mieux pour ne pas céder à la panique.

 

- Jarn Eïk. Rétorqua-t-il avec un sourire.

 

Le pilote se tourna vers la jeune femme aux lèvres charnues, dont la tunique compressait ses formes généreuses, pour lui parler dans ce qui devait être le langage d'Albieros. Elle roula alors des yeux et exécuta plusieurs signes à l'aide de ses mains. William et Alestan se tournèrent alors vers la princesse, dont le visage était désormais déconfit.

 

- Roy. Se présenta soudainement l'homme en se pointant du doigt, avant de désigner son assistante. Loreleï.

- On peut vous appelez Roy ? C'est bien ça ? Comprit William.

 

Le sourire du pilote s'évanouit, et son visage se renfrogna.

 

- Faöir...

 

Il se détourna pour se concentrer à nouveau sur les instruments, et le chevalier sentit la main d'Alestan se poser sur son épaule.

 

- Je parle pas l'Albien, mais je pense qu'il vient de t'insulter.

 

William sentit une vague de colère le submerger, serrant les dents et les poings pour ne pas la laisser déborder. Alestan le dépassa pour se mettre à hauteur de Royngär, sous le regard dépité de Caëlis.

 

- Dis, on va passer plusieurs jours ensemble, donc si tu peux être un peu plus amical ce serait...

- Faöir. L'interrompit le pilote avant de l'ignorer.

 

Le vagabond se tourna vers eux, un sourire sarcastique étirant ses lèvres.

 

- Il vient de m'insulter là ?

- Al, garde ton calme. Le pria la princesse.

 

Mais William le connaissait trop bien pour savoir qu'un cap venait d'être franchit. Alestan attrapa l'homme par le col pour le tenir en face de lui, une veine gonflant sa tempe.

 

- Tu penses parler à qui là ? Siffla-t-il d'une voix sinistre. Excuse-toi si tu veux pas que ton sang se mette à pleuvoir sur les habitants d'Elnath.

- Elfay sjalden. Rétorqua l'autre sans être inquiété par l'expression menaçante du vagabond.

- Laisse tomber Al. Lui intima William.

 

Il lâcha le pilote pour les rejoindre, lorsque celui-ci se mit soudainement à éclater de rire. Le chevalier sût que s'était la goutte d'eau qui venait de faire déborder le vase, mais à leur plus grande surprise, Loreleï asséna un douloureux coup de pied dans l'entrejambe de son partenaire, qui poussa une exclamation étouffée en se laissant tomber sur les genoux. La jeune femme se contenta ensuite d'hausser les épaules pour retourner à ses occupations, arrachant un long soupir à Alestan qui croisa les mains derrière ses cheveux sombres.

 

- Je la sens bien cette virée en perce-nuage.

 

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Très bon chapitre !

 

Nos trois amis d'enfance s'en vont vers leur destination où une mission d'envergure les attend.

 

J'ai bien aimé le passage sur le départ avec les mots de chaque personnage, même venant de Tarvos.

 

Al est toujours est fidèle à lui même à préparer des plans en avance et il a bien raison de le faire.

 

J'ai bien ri aussi durant la courte échange entre eux et les pilotes du perce nuage, celui qui a les traits d'un nain semble être un provocateur, il doit pas aimer les citoyens d'Elnath.

 

Ça promet des situations pimentés et rocambolesques durant leur voyage.

 

Je remarque aussi que tu t'es mis à créer ta propre langue dans ton œuvre, ça ajoute une vraie richesse. Je me suis toujours demander si je devais m'y essayer.

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ROYNGÄR ET LORELEÏ

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        William se demanda si la reine et ses généraux savaient que leurs deux pilotes ne parlaient pas un mot de leur langue. Du moins, c'était le cas de ce Royngär, l'autre jeune femme n'ayant pas ouvert la bouche depuis leur rencontre. Elle devait certainement être muette, ce qui expliquait pourquoi elle s'adressait à son partenaire uniquement par signes.

 

- Klein va m'entendre à notre retour. Gronda Caëlis tandis qu'ils rejoignaient Alestan sur le pont du perce-nuage.

- Il aurait dû nous prévenir. Acquiesça William.

 

La matinée passa lentement, et ils se préparèrent une collation pour déjeuner sur la proue du navire. Les deux corbeaux évoqués par le vagabond firent leur apparition au milieu de leur repas, et ils renvoyèrent celui au plumage parsemé de gris pour garder l'autre auprès d'eux. Le chevalier réalisa rapidement qu'il n'y avait pas grand chose à faire à bord du voilier, hormis contempler les nuages et le paysage en contrebat. Ils pouvaient désormais distinguer au loin les pics enneigés du Col de Néphèse, qui remontaient jusqu'au Sud des Plaines Eventées, une région constament balayée par le vent d'Est, au point que les arbres de cette partie d'Alesta poussaient en diagonale, créant des formes uniques et originales. Il s'agissait également de la frontière entre le Royaume d'Elnath et celui d'Ademar, dont les villes de Vineta, près de la côte, de Rougepierre et d'Edhol, cette dernière plus à l'Ouest, délimitaient le territoire. Contrairement à eux, Alestan demeurait en retrait du bastingage, ce qui semblait amuser la princesse.

 

- Tu n'aurais pas le vertige par hasard ? Devina-t-elle avec un sourire compatissant.

- Pas du tout. Rétorqua-t-il un peu trop vite.

- Vraiment ? Le taquina William. Pourtant je t'ai vu escalader le palais plusieurs fois.

- C'est différent. Se défendit Alestan. Je savais ce que je faisais. Là, on ne maîtrise rien du tout.

- Je peux te tenir la main si tu as peur. Proposa le chevalier en se rapprochant de lui.

- Moi aussi, tu te sentiras plus en sécurité comme ça. Renchérit Caëlis.

 

Ils ricanèrent devant l'expression agacée de leur compagnon, se retournant en voyant celui-ci hausser son sourcil traversé par sa fine cicatrice. Royngär les avait rejoint avec Loreleï, cette dernière croisant les bras sur sa poitrine en jetant un regard noir à son partenaire. Le pilote grattait sa barbe blonde avec embarras, l'extrémitée de ses longues tresses flottant au rythme du vent. Contre toute attente, il s'adressa à eux d'une voix grave et chaleureuse.

 

- Lili tient à ce que je m'excuse.

 

William lança un regard à Caëlis et Alestan, qui paraissaient aussi confus que lui. Le vagabond les devança en se plaçant face aux deux navigateurs, mais contrairement aux remontrances qu'ils pensaient entendre, il se contenta d'hocher légèrement la tête en clignant lentement des yeux.

 

- Est-ce que je peux l'appeler Lili aussi ?

 

La princesse passa une main sur son visage consterné, et le chevalier dû admettre que les éclairs de génie de son ami le surprenaient autant que ses niaiseries. Caëlis prit les devant en se plaçant aux côtés d'Alestan, imité par William.

 

- C'était quoi cette comédie tout à l'heure ? Lui reprocha-t-elle.

- Un test.

 

Royngär étira ses lèvres, et son sourire chaleureux changea complètement l'opinion qu'ils s'étaient faite sur lui. Il était petit pour un homme, aussi grand que la princesse, mais son apparence extravagante et son expression charismatique lui donnaient un air fascinant.

 

- Un test ? Répéta Alestan sans comprendre. Pour être honnête, ça m'a surtout donné envie de te jeter par dessus bord.

- Exactement. Rétorqua Royngär en le pointant du doigt. Tu es du genre à te laisser emporter par des détails, mais tu es capable de garder la tête froide dans des situations désespérées. Tu es également orgueilleux et turbulent, mais je pense que c'est une façon de cacher ta vraie nature. Voilà ce que j'ai appris en t'observant. Révéla-t-il, avant de s'exclamer. Tu seras Quartier Maître !

 

Ils demeurèrent abassourdis par le discours du pilote, ne pouvant s'empêcher d'être impressionnés par sa sagacité. Mais il ne s'arrêta pas à la description du vagabond, désignant cette fois-ci William, qui se demandait à quel point il avait dévoilé sa personnalitée en si peu de temps.

 

- Tu es quand à toi un homme respectueux. Poursuivit le navigateur. Tu es consciens que tes émotions sont plus fortes que ta raison, et le contrôle que tu excerces sur toi-même dénote un grand sens des responsabilitées et du devoir. Tu es naïf mais tu as un grand coeur, et tu es du genre à mourir pour tes valeurs. Je te nomme Cannonier !

- Il n'y a pas de canons sur le navire. Rétorqua le chevalier, frustré d'avoir été ainsi mis à nu par un inconnu.

- Détrompe-toi. Lui assura Royngär. J'ai moi-même conçu Hansa, et je t'assure que cette beautée est unique en son genre.

 

Légèrement en retrait, William remarqua alors Loreleï sourire timidement en l'observant, s'empressant de détourner son regard en remarquant qu'il l'avait surprise. Il ne savait pas quoi penser de cet étrange échange, incapable d'imaginer une femme aussi attirante lui accorder de l'attention. La voix de Caëlis s'éleva à son tour, curieuse de connaître son portrait.

 

- Et pour moi ?

- Vous princesse... Commença-t-il en prenant un ton suave. Vous êtes la plus belle femme qu'il m'ait été permi de contempler.

 

Loreleï se repprocha de lui pour lui mettre un léger coup de poing derrière le crâne, esquissant une moue consternée, tout comme Caëlis.

 

- Je veux dire, vous êtes...

- Tu peux me tutoyer. Le coupa-t-elle.

- Très bien. Sourit Royngär en triturant le croc dans son lobe, embarassé. Vous... Tu es très digne et tu ne veux pas que les gens te jugent sur ton apparence, mais sur tes actes. Tu vois les gens tels qu'ils sont sans prendre en compte leur passé, ce qui fera de toi une reine compatissante sachant pardonner. Mais tu sais également te montrer forte et sévère, capable de prendre des décisions difficiles pour protéger ceux que tu aimes. Tu seras donc Maître d'équipage !

 

Un silence suivit la fin de son monologue, et ils se dévisagèrent mutuellement sans savoir si le pilote était un prodige perspicace ou un fou particulièrement arrogant. William lui trouva quelques ressemblances avec Alestan, même si celui-ci avait depuis longtemps cessé d'écouter Royngär pour nourrir leur corbeau, ayant conservé quelques restes de leur déjeuner. Pour sa part, la princesse avait écouté avec attention sa description, le visage légèrement renfrogné.

 

- Tu es bizarre. Finit-elle par lui annoncer. Tout ce que tu viens de dire, tu l'aurais appris en nous cotoyant normalement. Pourquoi tu nous a trompé ?

- Je trouvais ça plus drôle. Répondit-il, hésitant.

- Et c'est quoi cette histoire de postes que tu nous as confié ? Ajouta William.

 

Le navigateur échangea un regard avec Loreleï avant de reporter son attention sur eux. Quelque chose avait changé dans son expression, sa maladresse laissant place à une grande l'éloquence.

 

- Même si l'Hansa n'est qu'un deux mâts, je ne vais pas vous laissez les bras croisés sur mon navire. Ici je suis le Capitaine, et Lili mon second. Vous vous plierez donc à nos directives jusqu'à destination.

 

William n'en revenait pas. Hormis la reine, personne n'avait osé donner d'ordres à Caëlis. Il esquissa un geste vers Royngär, mais la princesse le retînt par le bras.

 

- L'idée me plaît. Sourit-elle. Ce sera une bonne expérience.

 

Alestan s'approcha avec le corbeau sur l'épaule, ses griffes resserrés sur sa cape immaculée. Ses yeux verts et argentés fixaient le pilote avec intensité, celui-ci ayant visiblement éveillé son intérêt.

 

- Que veux dire Faöir ?

- Crétin. Traduit Royngär en étirant timidement ses lèvres.

 

Le vagabond esquissa également un sourire avant de siffler deux notes aigues, et le sombre volatile s'envola dans un battement d'ailes pour se jeter sur le capitaine, ce dernier poussant un cri de protestation en levant les bras pour repousser les attaques du corbeau.

 

- Il l'a cherché. Commenta William en tournant son regard ambré vers ses deux compagnons.

- On sera quite après ça. Confirma Alestan.

 

Il rappela l'oiseau au bout de quelques secondes, laissant Royngär avec quelques griffures sur les mains et plus de peur que de mal. Le pilote éclata ensuite de rire, avant de les informer que leur formation débutait immédiatement. Ils se répartirent en deux groupes, et le chevalier se trouva seul avec Loreleï, qui l'invita à la suivre sur le tillac tandis que la princesse et le vagabond écoutaient le capitaine leur expliquer comment carguer les voiles carrées contre la vergue, une pièce de bois cylindrique placée au travers du mât. William observa la jeune femme nouer ses cheveux ambrés en queue de cheval, dévoilant la peau satinée de son cou avant de disparaître dans la passerelle et revenir avec un parchemin et des cordes. Sans dire mot, elle s'installa sur le pavois, ses longues jambes dissimulé sous un collant en dentelle dans le vide, et l'invita à la rejoindre. Le chevalier l'imita pour passer une partie de l'après-midi à apprendre les différents types de noeuds, examinant dans un premier temps le dessin tout en observant Loreleï l'exécuter, puis celle-ci défaisait son oeuvre avant lui tendre la corde. William tenta tant bien que mal de reproduire ce qu'il avait vu, réussissant le demi-noeud et le noeud d'arrêt, mais rapidement perdu en essayant le noeud d'écoute. La navigatrice lui adressa alors un sourire attendrissant, le guidant à l'aide de ses mains douces et expertes. Il écarta son bras lorsqu'elle toucha son gant, ne souhaitant pas dévoiler son membre monstrueux, et la jeune femme se renfrogna légèrement sans pour autant cesser de l'aider. Le silence de Loreleï avait quelque chose d'apaisant. Sa timidité, la finesse de ses traits et son élégance naturelle auraient certainement charmés William s'il n'était pas amoureux de Caëlis depuis son enfance.

 

- Sjalden nek faöir !

 

Ils se tournèrent en même temps vers le premier mât, où Royngär avait crié sur Alestan. Cela pouvait être justifié par le fait que le vagabond, assistant la démonstration de son formateur, venait discrètement de passer un cordage autour du pied de ce dernier qui, après avoir serré la voile, se trouvait la tête à l'envers et pendu par une jambe à un mètre du pont.

 

- C'est de ma faute Roy. S'excusa Caëlis. J'ai cru qu'il fallait dessérer la verge.

- La vergue ! S'offensa le capitaine, ses longues tresses crépus lui couvrant le visage. Une princesse ne doit pas dire des choses pareilles !

- Tu dois tenir la verge plus fermement Caë. Ajouta Alestan, en équilibre sur le marchepied de la voile.

- Vergue ! Protesta Royngär.

 

Ils le détachèrent pour continuer leur apprentissage jusqu'à la fin de l'après-midi. L'Hansa traversait parfois un nuage qui les couvraient de gouttelettes d'eau scintillantes, les faisant frissonner dans la brise continuelle qui parcourait le pont. Loreleï prit la barre pour ajuster leur trajectoire, et William remarqua qu'elle plaçait ses bottes dans deux fixations métalliques vissées sur le plancher. Des attaches semblables étaient visible devant le panneau de contrôle, mais avant que le chevalier ne demande à quoi cela pouvait bien servir la jeune femme lui avait donné un autre parchemin, indiquant l'usage des nombreux cadrans et instruments incrustés dans la boiserie.

 

Il réalisa à quel point la navigation d'un perce-nuage était complexe et minutieuse après avoir détaillé le variomètre, l'altimètre, l’anémomètre, l'indicateur de virage, les différents niveaux de pression de flux et d'hydrogène. Il y avait également les régulateurs et les leviers correspondant aux hélices, aérostats, inclinaison des mâts, la centrale d'inertie, et les instruments de navigations tel que le nocturlabe, le gyrocompas, l'astrolabe et la boussole magnétique, ainsi que nombreux autres paramètres que William n'arriva pas à retenir. Les autres les avaient rejoint et Royngär leur indiqua que le poste de Loreleï nécessitait normalement deux à trois personnes.

 

- Mais Lili peut le faire seule. Elle a obtenu le plus haut score dans toutes les matières théoriques et pratiques de l'université Vaëgar, pour les navigateurs des cieux. Les informa-t-il. C'est déjà arrivé par le passé, mais son exploit est de l'avoir fait à l'âge de treize ans.

 

Ils en furent impressionnés, comprenant désormais pourquoi seulement deux personnes parvenaient à diriger le perce-nuage. Ils contemplèrent ensuite un sublime couché de soleil, dédoublant l'horizon pour illuminer la terre et les nuages dans une lumière dorée, laissant le ciel dans un bleu profond, qui s'estompait lentement dans l'obscurité. Leur petit équipage éclaira quelques lanternes sur le pont du navire, et ils dînèrent ensemble dans la salle à manger, bavardant sur les différences entre Elnath et Albieros autour d'une choppe d'hydromel, profitant à Caëlis qui tentait de mieux cerner le royaume d'Östen. Lorsqu'elle commença à poser des questions sur le roi, Royngär lui adressa un sourire gêné.

 

- Désolé, mais il m'a ordonné de ne rien dévoiler à son sujet.

- Tu le connais personnellement ? Demanda William.

- Nous sommes cousins.

 

L'information les prirent par surprise, mais l'ombre qui était passé sur le visage du pilote leur indiqua qu'il ne souhaitait pas évoquer davantage le sujet, ce qui poussa Caëlis à se concentrer sur lui.

 

- Tu pilotes depuis longtemps ?

- Depuis toujours. Répondit-il en esquissant un sourire. Mon père était général de la flotte d'Albieros. C'était le genre d'homme à passer plus de temps dans le ciel que sur la terre ferme.

- J'ai l'impression que tu es pareil. Devina Alestan.

- C'est vrai. Avoua Royngär, marquant une pause avant de poursuivre. Mais j'ai réellement décidé d'en faire ma vie à l'âge de dix ans. Après que mon père ait entreprit de traverser l'Océan d'Ether pour explorer les Terres Extérieures. Tout ceux l'ayant tenté avant lui ne sont jamais revenu, et il n'a pas fait exception à la règle.

 

Ils furent à la fois navré et légèrement surpris par la révélation du capitaine. Celui-ci semblait avoir complètement changé d'attitude, et il se trouvait être d'une agréable compagnie. Tout comme la discrète Loreleï, qui savourait son hydromel en écoutant avec intérêt leur conversation. Le pilote leur proposa ensuite de jouer aux cartes, ce qu'ils acceptèrent en enchaînant des parties de tarots jusqu'à une heure avancée de la nuit. Comme ils jouaient à cinq, les manches se déroulaient à deux contre trois avec un appel au roi, et il se trouva que ceux faisant équipe avec la silencieuse Loreleï remportaient presque toujours la manche. Alestan la soupçonnait injustement de tricher, hormis lorsqu'il gagnait en sa compagnie. Royngär leur annonça qu'il devait vérifier la trajectoire du perce-nuage, et ils en profitèrent pour se coucher dans leur hamac, ne s'endormant qu'après avoir longuement bavardé.

 

Les trois compagnons reprirent leur formation le lendemain, et cette fois-ci William fit équipe avec Caëlis en compagnie du capitaine, tandis que Loreleï s'occupait du vagabond. Ils survolaient désormais les Plaines Eventées, et des turbulences interrompirent leur apprentissage à plusieurs reprises. Le chevalier aimait observer les deux navigateurs travailler ensemble, coopérant avec efficacité sans échanger le moindre mot. La jeune femme arborait un corset et une longue veste noire, concentrée sur les différents instruments de bord tout en réduisant le régime des hélices des dirigeables, jouant sur les leviers d'inclinaison des mâts afin de se mettre en allure de travers. Contrairement à ce que croyait William, un vent arrière ralentissait considérablement leur vitesse tout en menaçant de les faire dévier de leur cap. Le corbeau au plumage parsemé de gris les avait rattrapé avant l'heure du déjeuner, et Alestan envoya son homologue rejoindre Abal ö Bhel.

 

- On passe au-dessus des Collines d'Atura. Les informa Royngär au début de l'après-midi.

 

Ils survolaient en effet un long relief étrangement bombé, qui ressemblait à des molaires plantées dans le sol. Plusieurs regroupements d'habitations étaient également visible, mais leur regard fut surtout attiré par une masse sombre et inquiétante au Nord-Est du ciel. Le capitaine leur révéla ce qu'ils avaient déjà deviné.

 

- Une tempête approche. On va carguer les voiles pour la nuit.

 

Ils s’exécutèrent, mettant en pratique les rudiments qu'ils avaient apprit, puis Royngär laissa la barre à Loreleï pour les inviter à descendre dans la cale. Ils le suivirent jusqu'au couloir de leur quartier, sortant une clef de sa poche pour leur dévoiler la salle des machines. William écarquilla les yeux en découvrant, au centre de la pièce étouffante, plusieurs tuyaux irriguant une structure de taille humaine en forme d'oeuf, ainsi qu'une autre plus petite, toute deux entourées par des cuves en cuivre suintantes de condensation. Le capitaine ouvrit une trappe sur la plus imposante, les invitant à jeter un oeil à l'intérieur.

 

- Voici le coeur des perce-nuages. Présenta-t-il. Celui-ci est de ma fabrication.

 

Ils détaillèrent un ensemble de chaînes et d'engrenages baignant dans un liquide pourpre. William fut légèrement déçu par tant de simplicité, ayant maintes fois entendu parlé du talent légendaire des ingénieurs d'Albieros. Caëlis examinait quand à elle avec un grand intérêt l'intérieur du rouage centrale, plus grand que les autres et au centre duquel se trouvait plusieurs pièces métalliques, disposées en spirale.

 

- Des aimants. Souffla-t-elle, impressionnée. J'imagine que dans un sens ils permettent de décoller, et que dans un autre ils font atterrir. C'est bien ça ?

- Je n'en attendais pas moins de la princesse d'Elnath. Sourit Royngär.

- J'ai du mal à croire que cette chose fasse autant de bruit. Avoua William.

 

Le pilote éclata d'un rire chaleureux, bien qu'aucune plaisanterie n'avait été prononcé et que les trois compagnons gardaient un air sérieux et concentré.

 

- C'est parce qu’une fois lancée, les aimants tournent à une vitesse inimaginable ! Si rapide, qu'ils inversent la gravité de la structure. Malheureusement nous n'avons pas toujours trouvé un moyen de l'utiliser continuellement. Il surchauffe assez vite et c'est la raison pour laquelle nous utilisons toujours des ballons d'airs.

- Et c'est quoi ce liquide ? L'interrogea Alestan, curieux.

- L'un des secrets les mieux gardé d'Albieros. Répondit Royngär. Nous l'appelons Mercure.  Il fournit l'énergie nécessaire à la rotation et empêche les rouages de se disloquer. Mais seule une poignée de gens savent comment le produire, et je n'en fais malheureusement pas parti.

 

Il les guida ensuite dans une arrière salle située vers la proue, où se trouvait six canons prêt à fonctionner. Comme il avait nommé William canonnier, le pilote lui expliqua en détail comment ouvrir les écoutilles de la coque et utiliser les pièces d'artilleries. Le chevalier fut fasciné par l'inventivité du navigateur, qui avait mis au point un système capable d'actionner l'ensemble des armes avec seulement deux hommes. La limite demeurait cependant de trois tirs par canon, et le risque assez important en cas de blocage d'un boulet, qui pouvait facilement faire sauter la salle.

 

- C'est assez embêtant en effet. Plaisanta le chevalier, qui espérait ne jamais avoir l'occasion de les essayer.

- Je travail toujours sur leurs améliorations. Fit Royngär en caressant sa barbe.

 

La visite se trouvait être une preuve de confiance et de respect, ce qui les rapprochèrent du pilote extravagant. Ils retrouvèrent le pont de l'Hansa, où le vent soufflait désormais avec force tandis que la masse sombre des nuages orageux s'approchaient de leur position. Loreleï jeta un regard appuyé au capitaine en formant plusieurs signes de la main, et le visage de celui-ci se renfrogna.

 

- Je vais rester ici avec Lili tant que la tempête nous menace. Vous pouvez descendre, on s'occupe de tout.

- On peut vous aider. Proposa Caëlis.

- Je ne veux pas vous inquiétez, mais ça risque de devenir dangereux sur le pont et vous n'êtes pas encore prêt.

 

Ils acceptèrent sa décision, rejoignant la salle à manger pour entamer une partie de carte. Cependant William pouvait ressentir une légère tension, aucun d'eux n'ayant eût à affronter un orage à bord d'un perce-nuage. De plus, le chevalier avait tenté sans succès de trouver un moment pour demander à Alestan de partager leur rêve commun avec Caëlis. Bien qu'elle n'en avait pas reparlé, la princesse se doutait qu'ils lui cachaient quelque chose et il préférait être honnête avec elle. Prenant exemple sur Loreleï et Royngär, William tenta de communiquer avec le vagabond à l'aide de regards, mais chaque fois que ses yeux ambrés croisaient ceux d'Alestan, ce dernier haussait les sourcils sans comprendre ce qu'il voulait dire. Ils en étaient à leur cinquième partie lorsqu'une lumière éblouie la pièce, suivit par un son fracassant, qui les firent sursauter en ébranlant les cloisons.

 

- Le tonnerre. Souffla Caëlis.

 

Le navire commença à chanceler dangereusement tandis que l'obscurité et une pluie diluvienne les empêchaient de voir ce qu'il se passait à l'extérieur. Tourmenté, le bois du perce-nuage grinçait sinistrement tandis que des turbulences manquèrent plusieurs fois de les faire tomber.

 

- J'espère que tout va bien là-haut. Souffla William, inquiet pour leur deux pilotes.

- Allons voir. Proposa Alestan.

 

Ils remontèrent en se tenant aux murs, débouchant dans le hall sous le tillac pour ouvrir difficilement la porte donnant sur le pont. Un vent puissant s'engouffra, et le chevalier retînt Caëlis qui fut projeter contre lui aussi facilement qu'une simple feuille. Sortant sur le pont, ils firent face à une vision apocalyptique, se trouvant aussitôt trempés jusqu'à la moelle des os tandis qu'ils contemplaient sans voix le coeur de l'orage. L'Hansa luttait pour garder le cap au milieu de gigantesques nuages ténébreux, gorgés d'eaux et aussi imposant que des montagnes, parfois traversés par un éclair aveuglant qui révélait l'étendue dantesque de la tempête.  Derrière sa console Loreleï donnait l'impression d'avoir sautée dans l'océan, ses cheveux collés contre son visage concentré tandis qu'elle surveillait ses instruments tout en gérant les différents leviers de contrôle. Royngär avait quand à lui lâché la barre pour scruter le ciel redoutable avec sa longue vue, affichant une expression peu rassurante. Il cessa son observation pour les regarder, criant pour couvrir les hurlements du vent et les roulements assourdissant du tonnerre.

 

- On a un problème !

 

Ils le rejoignirent tant bien que mal, et avant de leur expliquer la situation le pilote leur tendit à chacun un cordage relié au bastingage, qu'ils nouèrent autour de leur taille.

 

- Qu'y a-t-il ? L'interrogea Caëlis, une main au-dessus des yeux pour se protéger de la pluie.

- Nous sommes suivis. Répondit-il sombrement.

 

Il passa la longue vue à la princesse en lui montrant un point à tribord, et celle-ci fit de même avec William. Il scruta l'endroit, apercevant le temps d'un éclair un perce-nuage dans les cumulonimbus. Bien qu'encore éloigné, ce dernier ce dirigeait dans leur direction, et une vague de colère s'empara subitement du chevalier.

 

- Nous avons été trahis.

- Nous y étions préparé. Ajouta fermement Caëlis.

 

Royngär semblait pour sa part surpris, récupérant sa longue vue pour la placer dans l'écharpe qui lui nouait la taille. Une bourrasque les forcèrent à s'accrocher à ce qu'ils pouvaient, et William remarqua que le capitaine et Loreleï n'étaient pas attachés, se contentant des fixations en métal du plancher.

 

- Je pensais que seul vos généraux étaient au courant de l'itinéraire.

- L'un d'eux est un traitre ! S'exclama la princesse pour se faire entendre dans un grondement de tonnerre. Il a certainement communiquer le trajet à Ademar !

 

Un éclair trancha les cieux pour passer à quelques mètres de leur position, et chacun d'entre eux ressentit une légère décharge, hérissant les poils de leur corps.

 

- Pouvons-nous leur échapper ? Demanda Alestan, dont la cape imbibée d'eau menaçait de s'envoler.

- Non. Rétorqua Royngär. La tempête a joué en leur faveur.

 

Le vagabond se tourna vers William, et cette fois-ci ils devinèrent chacun la pensée de l'autre d'un simple regard, attendant simplement une confirmation.

 

- Caë ?

 

La princesse réfléchit intensément, se trouvant face à une menace directe et une autre indirecte. Elle savait désormais avec certitude que sa mère était en présence d'un grand danger, mais faire demi-tour condamnait son royaume à la défaite.

 

- On maintient le plan ! Rétorqua-t-elle avec force. Grâce à Al ma mère sera prévenue de la trahison et ira se réfugier à Lugnasad. Roy, quelles sont les chances de l'Hansa face à notre poursuivant ?

- C'est un trois mâts de deuxième classe. Révéla-t-il. Je dirais une chance sur deux.

- Vous êtes notre capitaine, à vous de choisir. Fit Caë en égouttant sa tresse d'églantine.

 

Royngär la dévisagea avec gravité, son regard passant de William à Alestan, qui avaient tous deux la main sur leur sabre. Il éclata soudainement de rire en empoignant la barre de son perce-nuage, jetant un rapide coup d'oeil vers Loreleï qui étirait ses lèvres.

 

- Cap sur l'ennemi ! Rugit-il.

 

 

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Super chapitre !

 

Roy et Lore dévoilent un peu plus leur trait de caractère et je les apprécie un peu plus, on apprend même que Roy est un cousin du Roi, sa personnalité fait vraiment pensé à un nain lol. J'ai beaucoup aimé sa manière de tester et la revanche de nos héros sur lui à l'aide de l'oiseau.

 

Alestan a déjà des vues avec Lore, il tape dans l'oeil de toutes les filles qu'il croise, Ely aura des rivales :P. Bref la vie sur le perce-nuage devient plus animé et amicale entre eux et on découvre un peu plus cette machine atypique qui est vraiment bien pensé. On voit vraiment que tu l'as travaillé et recherché ;).

 

Et on finit sur l'action et la confirmation qu'il y a bien traître parmi et je pense que c'est la même personne qui a envoyé William tué le précédent Roi. Un général ou la Reine elle même ?

 

J'attends la suite et voir comment notre groupe se sortira de cette situation !

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TEMPÊTE

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        Le gouffre colossal des nuages se zébra d'éclairs tandis que l'Hansa dérivait vers le perce-nuage d'Ademar. Prit dans les tourbillons d'air chaud et les turbulences, leur navire vibrait dangereusement jusqu'à ce que Loreleï augmente le rythme des hélices de leurs deux dirigeables. Ils se stabilisèrent, en grande partie grâce aux compétences de leur pilote qui connaissait son vaisseau sur le bout des doigts. Ils pouvaient désormais discerner à travers la pluie battante les silouhettes qui s'activaient sur le pont ennemi, s'orientant de façon à ce que leurs canons puissent les atteindre.

 

- William, Alestan ! S'écria Royngär. Dans la salle d'artillerie !

- Non ! Rétorqua le vagabond. Place-toi au-dessus d'eux.

 

Le capitaine lui jeta un regard surpris, s'apprêtant à le contredire lorsque Caëlis intervînt, sachant ce que ses deux compagnons comptaient faire.

 

- Ils vont sauter. Révéla-t-elle.

- Vous n'êtes pas sérieux ? S'exclama-t-il.

- Fais leur confiance !

 

Bien que le pilote ne semblait pas partager leur idée, il ne la contesta pas, faisant tourner les huit rayons de la barre d'un geste sec pour faire pivoter l'Hansa. Le mouvement les força à s'accrocher à ce qu'ils pouvaient, et de nouveau une décharge d'énergie pure passa à quelques mètres de leur position, chargeant l'air d'électricité.

 

- Lili ! Ordonna Royngär. Descend aux canons avec la princesse !

 

Loreleï hocha la tête avant de faire signe à Caëlis de la suivre. William observa les deux femmes lutter contre les bourrasques et l'averse torrentielle pour disparaître sous le tillac, et le capitaine lui donna la consigne qu'il redoutait.

 

- William ! Panneau de contrôle ! Réduit le flux bâbord !

 

Le chevalier s'exécuta, plaçant ses bottes dans les fixations du plancher en détaillant l'impressionnante console et sa multitude d'instruments. Il essuya nerveusement l'eau qui ruisselait sur son visage avant d'actionner la dernière des quatre manettes qui se trouvaient au dessus des régulateurs. Il ne se passa rien, provoquant les hurlements de Royngär, ses mains crispées sur la roue tandis que la coque du navire ennemi était désormais parallèle à la leur.

 

- Celle de gauche !

 

William s'empressa de rectifier ce qui inclina légèrement l'Hansa, déviant brusquement sa trajectoire pour se placer face à la proue de leur adversaire. Des flash s'illuminèrent sur la coque de ce dernier, immédiatement suivit par une dizaine de détonations. Leur manoeuvre leur permi d'éviter une grande partie de la rafale, mais une soudaine explosion ainsi qu'une violente secousse leur indiqua qu'ils avaient été touché.

 

- On a perdu l'hélice de la poupe. Lâcha sombrement Royngär.

 

Une série de déflagrations leur indiqua que Loreleï et Caëlis avaient répliqué, et les deux vaisseaux échangèrent plusieurs tirs avant que le pilote ne parvienne à manoeuvrer pour empêcher l'artillerie de les atteindres.

 

- Baisse le levier de gauche de moitié ! Rugit-il.

 

Le chevalier obéït, et les aiguilles de plusieurs cadrants se mirent à bouger tandis que chaque parcelle de l'Hansa vibrait dangereusement. William reconnu le vombrissant familier du coeur, et l'altimètre lui indiqua qu'ils prenaient de l'altitude tout en s'approchant du vaisseau adverse.

 

- Préparez-vous à aborder !

 

Alestan dégaina son sabre ténébreux pour trancher la corde autour de sa taille, imité par le chevalier. L'acier de sa lame écarlate faisait évaporer les gouttes de pluies, et il sentit son sang entrer en ébullition. Leurs vêtements lourds et imbibés d'eau, ils se précipitèrent vers la proue de l'Hansa tandis qu'ils s'apprêtaient à survoler le pont adverse. Les deux sabreurs enjambèrent le bastingage pour se tenir sur le pavois, à quelques mètres de la tête du dirigeable tribord. William échangea un regard avec Alestan, dont la chevelure trempée dégoulinait de chaque côté de son visage, dont les traits déformés affichaient un sourire sauvage. L'excitation précédant le combat. Le chevalier la ressentait aussi, tout comme la fournaise qui embrasait ses entrailles. Les soldats d'Ademar tirèrent une salve de flèches qui se figèrent dans la coque, et Royngär tira une poignée du socle de son appareil à gouverner, dépliant deux longues lames de chaque côté des aérostats de l'Hansa. Les soubassements du perce-nuage entrèrent en contact avec le pont ennemi dans un fracas assourdissant, et l'une des cimeterres trancha le premier mât qui s'effondra dans une tempête de débris. William et Alestan sautèrent pour atterrir lourdement sur le plancher du perce-nuage d'Ademar, se redressant au milieu du tumulte des matelots qui les observaient avec effarement.

 

" Brûle. "

 

Une voix gutturale résonnait dans le crâne du chevalier, et tandis que Royngär éloignait l'Hansa, il sentit sa conscience laisser place à un instinct primaire et destructeur. Le gant et les bandages de son bras gauche s'embrasèrent dans des flammes dorées, tout comme son sabre, qu'il serrait dans sa main couverte d'écailles.

 

" Dévore. "

 

Un soldat en tunique rouge se jeta sur lui en brandissant son épée, et la lame de William le traversa pour le découper horizontalement, l'acier pourpre émergeant par les côtes pour séparer le corps en deux tout en calcinant la chair. Le chevalier ressentit une allégresse proche de l'extase, et après avoir dévié le coup d'estoc d'un assaillant, il plongea son sabre embrasé dans la poitrine d'un jeune homme, lâchant la poignée pour lui attraper le visage de ses doigts monstrueux et aiguisés. Le soldat hurlait de douleur tandis que sa peau noircissait sous le brasier de sa main, et William augmenta l'intensité des flammes jusqu'à ce que les cris cessent.   

 

" Consume."

 

Une flèche se figea dans son dos, et la fureur qu'il ressentit modifia son regard ambré. Ses pupilles ne formait plus qu'une fine lamelle reptilienne tandis qu'il chargeait en direction de l'archer, stoppant un nouveau carreau qui se brisa sur la peau écailleuse de son bras. Il décapita l'assaillant avant de mettre le feu à son cadavre, et l'horreur qu'il inspira aux soldats les poussa à fuir devant lui. William s'amusa à les poursuivre tout en enflammant ce qui se trouvait à sa portée. La pluie ne parvenait pas à éteindre l'incendie qu'il déclencha, et un sourire étira ses lèvres en croisant une brume encore plus sombre que les nuages d'orages. Le tonnerre gronda dans un éclair éblouissant, révélant la silhouette d'Alestan qui semait impitoyablement la mort dans les rangs ennemis, véritable tornade meurtrière dont la lame noire tranchait et démembrait brutalement sans le moindre répits. L'eau qui ruisselait entre leurs pieds avait désormais une teinte écarlate, tandis qu'un brasier dévorait une partie du pont. Les hommes fuyaient en poussant des cris terrorisés, et leurs voix sonnaient comme une douce musique à leurs oreilles. William en oublia même la situation de l'Hansa, concentrant tous ses efforts pour reprendre le contrôle de son esprit et jeter un oeil dans la masse sombre de la tempête. Leur perce-nuage avait contourné le navire d'Ademar pour entamer une descente, sans doute dans l'intention de les récupérer une fois le pont nettoyé. Alestan se colla contre lui pour retirer la flèche dans son dos, lui arrachant une légère grimace.

 

- Tu penses pouvoir le réduire en cendre ? Demanda le vagabond en essuyant son visage constellé de sang à l'aide de sa cape, encore blanche quelques instants plus tôt.

- Oui, couvre-moi.

- De quoi tu parles ?

 

William n'avait pas réalisé qu'ils venaient de massacrer un grand nombre d'ennemis, les autres ayant fuis dans les cales du navire. Les flammes de son bras se dissipèrent, et ses yeux retrouvèrent leur humanité tandis qu'il se dirigeait au milieu du pont et des cadavres pour planter son sabre dans le plancher. Alors qu'il s'apprêtait à déclencher un nouvel incendie, une déflagration lui donna l'impression de recevoir un coup dans l'estomac. Alestan rengaina son sabre alors qu'ils observaient, impuissant, les deux mâts de l'Hansa être pulvérisés dans une série d'explosions et de sifflements stridents. Royngär, qui s'était approché pour leur permettre de sauter à bord, venait d'essuyer de terribles dommages provoqués par les canons d'un deuxième vaisseau ennemi. Le pilote continuait cependant de manœuvrer, Caëlis et sa lance à ses côtés tandis que Loreleï assistait le capitaine pour venir les récupérer.

 

- Grille-les ! Rugit Alestan.

 

William sentit une chaleur étouffante s'échapper par tous les pores de sa peau, de la lave en fusion parcourant ses veines pour venir alimenter son sabre. Le plancher gonfla sous leurs pieds, des étincelles et une odeur écœurante s'échappant par les interstices du bois. Le chevalier retira son sabre pour le rengainer, chancelant sous les bourrasques de l'orage et la douleur insupportable qui crispait chacun de ses muscles. Berham avait encore faim, le torturant pour se venger. Il serra les dents pour rejoindre Alestan au bastingage, l'un des dirigeables de l'Hansa étant désormais suffisamment proche pour qu'ils grimpent à bord. L'une des longues lames du perce-nuage était enfoncée dans la coque ennemi pour se maintenir, et les deux sabreurs s'apprêtaient à sauter sur l'aérostat lorsque Royngär fit tournoyer la roue de sa barre, les projetant au sol tout en entraînant le navire d'Ademar dans une spirale désespérée. La structure trembla frénétiquement, si bien qu'elle semblait sur le point de se disloquer. Royngär venait d'utiliser le vaisseau ennemi comme bouclier afin de contrer une rafale d'artilleries, et sans plus attendre, William et Alestan bondirent sur le dirigeable de l'Hansa. Ils s'accrochèrent de toutes leurs forces à l'armature métallique glissante et ruisselante, tandis que le capitaine et Loreleï éloignaient leur perce-nuage, incapable de dissimuler leur détresse en remarquant trois autres vaisseaux Ademan émerger d'un énorme nuage noir. Caëlis accourut vers eux pour leur tendre le manche de sa lance, les aidant à rejoindre ce qui était autrefois le pont de l'Hansa, désormais un amas de voiles déchirées et de bois brisés.

 

- Nous sommes encerclé. Annonça-t-elle gravement, le visage livide.

- On a qu'à faire la même chose pour les autres. Proposa Alestan.

 

William aurait aimé que les choses soit aussi simple, mais il avait l'impression que son corps risquait de se rompre à tout instant. Les traits crispés du vagabond lui indiquèrent qu'ils pouvaient peut-être reproduire leur exploit une fois, mais il doutait que l'Hansa puisse tenir contre trois adversaires pendant ce temps. Le fil de ses pensées fut interrompu par une secousse, provoquée par la désintégration du perce-nuage qu'ils venaient d'abordé, désormais réduit à une lumière rougeoyante illuminant le ciel. L'onde de choc les frappa brutalement, menaçant de faire basculer leur navire. Le pont s'inclina dangereusement et William eût le réflexe de saisir le bastingage, ses doigts puissants enfonçant leurs écailles dans le bois pour éviter de basculer dans le vide. Il retenait le bras de Caëlis de l'autre main, et observa avec frayeur Alestan glisser sur le plancher pour se précipiter de l'autre côté du pont. Il se rattrapa de justesse à l'un des cordages de la vergue, lui évitant une chute mortelle. L'Hansa se rétablit dans un bourdonnement grave, et le chevalier devina que Loreleï venait d'accélérer la vitesse des aimants du coeur. Ils profitèrent de la stabilité de l'appareil pour rejoindre les deux pilotes sur le tillac, dont les expressions sinistres étaient loin de les rassurer.

 

- Je n'aurais jamais cru voir deux démons à l'oeuvre le jour de ma mort. Fit Royngär, l'un de ses yeux dissimulés sous une chair enflée et sanguinolente.

 

Il arborait une bosse énorme sur son front, sans doute après avoir percuté sa barre dans l'une des nombreuses salves de canons. William tressaillit lorsque Caëlis toucha son dos, retirant ses doigts couverts de sang pour le dévisager avec inquiétude.

 

- Tu es blessé.

- Ce n'est rien. Lui assura-t-il. On a un plus gros problème.

- Quatre gros problèmes. Précisa Alestan.

 

Les navires ennemis, dont l'un était un véritable galion de guerre, manœuvraient pour les encercler au milieu du paysage de fin du monde. Il était impossible de distinguer le haut du bas, et la plupart des instruments de navigation de Loreleï avaient depuis longtemps cessés de fonctionner. Cette dernière était aussi pâle que Caëlis, jetant des regards désespérés vers le cercle de leurs agresseur, qui se plaçaient en position de tirs.

 

- Avons-nous une chance de fuir ?

 

Royngär tourna son oeil valide vers la princesse, et le grondement du tonnerre fut la seule réponse qu'elle put obtenir dans un premier temps. Le capitaine les détailla à tour de rôle, avant de terminer par sa précieuse assistante, qui hocha la tête négativement.

 

- Nous tournons actuellement sur le coeur, qui tiendra encore quelques minutes avant d'imploser. Révéla-t-il sombrement. Nous n'avons plus de mâts, ni assez d'hydrogène pour atteindre la Muraille de Grendël. Il ne reste que l'hélice tribord, donc à part tourner en rond...

- Merde ! Rugit soudainement Caëlis en enfonçant son poing dans la cabine du tillac, répétant plusieurs fois le geste. Merde ! Merde ! Merde...

 

William l'interrompit en stoppant sa main, dont les jointures saignaient abondamment. Les yeux d'émeraudes de la princesse étaient emplie de larmes, se mêlant aux gouttes de pluies de son visage ruisselant. Même dans leur situation désespérée, il ne put s'empêcher de la  trouver magnifique.

 

- Ne perd pas espoir. Ordonna-t-il avec sévérité. Tant que nous sommes en vie, un miracle peut se produire.

- Un miracle ? Ricana Royngär. Je te trouve optimiste.

- Excuse-moi Will. Souffla Caëlis. Tu as raison.

 

Alestan s'approcha du capitaine, passant la main dans ses cheveux gorgés d'eau pour dégager ses yeux envoûtants. Il la posa ensuite sur l'épaule du pilote pour la serrer fermement.

 

- Il y a quoi au-dessus des nuages ?

- Quoi au-dessus des nuages ?

- Qu'est-ce qui se trouve au-dessus de ce foutu orage ? Répéta avec force le vagabond.

- Tu es...

 

Royngär se tût lorsque Loreleï imita Alestan. Ce simple geste illumina le visage du capitaine, qui comme le ciel, venait d'être traversé par un éclair.

 

- Les étoiles... Murmura-t-il, avant de s'exclamer. Juste les étoiles ! Loreleï ! Fait la rugir !

 

La jeune femme étira ses lèvres en se positionnant devant son poste, ouvrant toutes les vannes des différents flux avant de pousser les leviers des deux coeurs de l'Hansa. Un grondement aussi puissant que le tonnerre fit trembler chaque parcelle du perce-nuage, suivit par la cacophonie infernale de rouages, qui augmentèrent d'intensité au point de les rendre sourds.

 

- Accrochez-vous ! S'écria Royngär.

 

Il embrassa ensuite l'une de ses bagues, sur laquelle figurait une tête de mort, prononçant une prière tout en serrant la barre de son navire. William, Alestan et Caëlis empoignèrent la rembarde du tillac tandis que l'Hansa prenait subitement de l'altitude, sa proue visant progressivement le haut de la tempête. De multiples détonations résonnèrent simultanément, et bien que la majorité des projectiles des quatre vaisseaux ennemis passèrent sous leur coque, certains percutèrent la poupe et la cabine dans leur dos. L'arrière du perce-nuage éclata dans un tourbillon de débris incandescants, et William se plaça derrière Caëlis pour la couvrir, sentant un objet lourd lui cogner douloureusement le crâne tandis que sa cape se déchirait sous les innombrables fragments de bois. Il passa une main dans ses cheveux mouillés pour examiner sa paume imbibée de sang, pressentant que sa blessure risquait de poser problème. Loreleï s'en était sortie avec de nouvelles contusions, tout comme Alestan. Quand à Royngär, un épieu lui avait traversé les côtes, sa chemise se teintant de pourpre. Il retira le morceau de bois en serrant les dents, le jetant derrière son épaule pour maintenir l'ascension de l'Hansa. William fut le seul à le remarquer, car Loreleï observait avec gravité les aiguilles de ses cadrans atteindre le rouge tandis qu'Alestan et Caëlis observaient les vaisseaux ennemis se lancer à leur poursuite.

 

- Lili ! Prépare-toi à larguer les dirigeables ! Ordonna férocement Royngär.

 

Leur navire pénétra dans un gigantesque nuage noir, la proue continuant inlassablement de monter, formant un angle de plus en plus dangereux qui les forçaient à s'accrocher pour ne pas tomber dans le vide. La pluie cessa à l'intérieur du mastodonte, qui inspira une crainte respectueuse à William. Ils observèrent certains éclairs se croiser pour former de véritables tourbillons électriques, dont certains percutaient les lames d'abordages de l'Hansa dans une tempête d'étincelles. La vision était à la fois majestueuse et cataclysmique, et chacun d'eux admira ce que peu d'hommes furent à même d'observer de leurs propres yeux. Alestan leur fit passer des bouts de cordes qu'il avait agilement attrapé en vol, leur permettant de s'attacher à la rambarde. Royngär et Loreleï se contentèrent de leur fixation au sol et la poigne solide que l'un appliquait sur la barre et l'autre sur les leviers de commandes. La coque de l'Hansa commençait à s'effriter comme de la poudre, et des morceaux de bois se détachèrent pour filer comme des météores sur leurs poursuivants, assez fous pour les suivre dans leur fuite suicidaire. William eût alors une idée, s'emparant de la lance de Caëlis pour en saisir la pointe de ses doigts reptiliens. Il demanda à la princesse de le retenir un court instant, et chauffa la tête de l'arme jusqu'à ce que le métal s'enflamme soudainement, n'ayant plus qu'à attendre l'ordre de Royngär.

 

- Maintenant !

 

Loreleï arracha l'astrolabe de la console pour tirer une manette cachée dans un compartiment, et les deux dirigeables de l'Hansa se décrochèrent pour filer derrière eux. Le pont du perce-nuage était désormais quasiment vertical, et ils continuaient de monter en altitude tandis que les deux coeurs arrivaient à saturation. William se tourna pour faire face au précipice, saisissant la lance du Roi Margan d'une main tandis que Caëlis le retenait de toutes ses forces. Il poussa un rugissement en projetant l'arme enflammée vers l'un des aérostats, cette dernière le traversant alors qu'il passait près de l'un des galions d'Ademar. L'hydrogène s'enflamma pour exploser subitement, tandis qu'un éclair frappa le deuxième comme si le destin jouait en leur faveur. Les deux combustions formèrent un nuage de feu qui se répandit sur les ponts ennemi, et William entendit Royngär rire à pleine gorge.

 

- Que les dieux en soient témoins ! Hurla-t-il. Taërov jol ilmerë !

 

Désormais complètement verticale en visant les cieux, l'Hansa se désagrégeait dangereusement dans les vibrations de ses deux coeurs. L'eau qui se trouvait sur leurs vêtements et l'appareil commença à geler, tandis que les ténèbres et les flux d'énergie aveuglant de la tempête se mêlaient au grondement du tonnerre et le hurlement du vent. Puis tout cessa brusquement.

 

- Merveilleux...

 

L'épave de l'Hansa avait émergé de l'orage pour faire face aux scintillements des étoiles, dont l'étendue infinie semblait les aspirer dans sa toile de diamants purs. La lune, immense et entourée d'un halo féerique, brillait d'une lumière douce et rassurante, véritable miracle après avoir traversé un océan de chaos. Loreleï coupa le flux des deux coeurs, et un silence bienveillant les enveloppa l'espace de quelques secondes. Les cinq compagnons furent subjuger par le spectacle qui s'offrait à leurs yeux, et Royngär essuya une larme au coin de l'oeil avant de donner un coup de pied dans le socle de la barre à roue. Une trappe s'ouvrit et il tira sur la corde qu'elle cachait, libérant une petite partie de la réserve d'hydrogène qui rétablit l'Hansa dans sa position.

 

- L'espoir. Souffla le capitaine.

 

Privé de son énergie, le perce-nuage commença alors à perdre de l'altitude. Voyant Loreleï et Royngär s'accrocher désespérément à leur appareil, William caressa la pièce d'Abelion sur sa poitrine avant d'employer toute sa force pour serrer la rembarde du tillac, imité par Alestan et Caëlis. Il comprit alors la manoeuvre du capitaine, dont le génie ne fut jamais plus égalé de mémoire d'homme. Klein leur avait dit que leur pilote était l'un des meilleurs d'Albieros, mais le général s'était lourdement trompé. Le fossé qui séparait Royngär des autres navigateurs était aussi large que l'Océan d'Ether. Ce petit homme extravagant, assisté par l'une des femmes les plus intelligentes d'Alesta, était le genre à n'apparaître qu'une fois par millénaire. Il n'était pas pilote de navire des cieux. Derrière sa barre, il était à la fois le navire et les cieux. Alestan l'avait sentit, et William en était désormais certain. Ils auraient dû mourir dès le moment où un deuxième vaisseau ennemi les avait pris en chasse. Ademar et le traître d'Elnath avaient soigneusement préparé leur plan, allant jusqu'à prévoir un itinéraire qui passerait par l'ouragan. Tout avait été calculé pour assurer leur échec, et leur survie n'avait reposé que sur les compétences surhumaines de Loreleï et Royngär.

 

" L'espoir ".

 

L'Hansa gagnait en vitesse tandis qu'il chutait irrémédiablement dans le vide. Ils retrouvèrent avec amertume le coeur de la tempête, et ne purent contempler les visages stupéfiés des Adémans, qui observèrent une carcasse de perce-nuage tomber telle une pierre à travers les nuages gonflés d'air, d'eau et d'éclairs. Chaque seconde accélérait leur plongeon suicidaire, et la gravité les attira vers la terre à une vitesse prodigieuse. Les pieds de William se décollèrent du sol, son médaillon tiré autour de son cou, et sa cape pourpre se détacha pour se perdre dans l'immensité sombre de l'orage. Chacun des cinq compagnons luttait sauvagement pour ne pas lâcher prise, et le sifflement strident de l'air leur faisait l'effet du crissement désagréable des dents d'une fourchette contre le métal. L'Hansa continuait sa décomposition dans sa chute phénoménale, et la tresse d'églantine de Caëlis obstruait la vue du chevalier, qui ne put discerner les nombreux lacs d'Ovios Matrona lorsqu'ils émergèrent de la tempête pour s'écraser sur les terres de cette région, comme un verre de cristal qu'on lâcherait depuis le sommet d'Abal ö Bhel. La proue du perce-nuage était désormais pointé vers le sol, irrésistiblement attiré par ce dernier. Royngär, immobilisé par la pression de l'air, si puissante qu'elle était capable de briser les os en miettes, ôta un pied de l'une des fixations métallique dans cri redoutable. Il s'acharna à le passer dans la corde du socle de sa barre à roue, se tenant prêt à agir simultanément avec Loreleï, qui s'accrochait aux deux leviers des coeurs comme à sa propre vie. Tout reposait sur cet instant crucial. Le perce-nuage n'était plus qu'à quelques centaines de mètres du sol lorsque le pilote rugit le surnom de son second.

 

- LILI !

 

Loreleï poussa les leviers à la fin de la deuxième syllabe, parfaitement synchronisé avec Royngär qui libéra tout l'hydrogène qui leur restait. Les deux coeurs de l'Hansa hurlèrent, et ils furent brutalement plaqué contre le plancher du tillac, hormis le capitaine qui semblait briller d'une aura surnaturelle. Le navire se redressa tout en gardant sa vitesse infernale, et le soubassement frotta une première fois la terre ferme, faisant rebondir la structure qui perdit la moitié de sa coque sous le choc. William retenait Caëlis tout en étant incapable de détacher son regard de Royngär, qui manœuvrait la barre d'une carcasse fumante pour tenter de réaliser un miracle.

 

Le pont explosa subitement sous l'implosion des deux cœurs, mais le pilote garda le cap, uniquement guidé par son instinct. L'Hansa s'écrasa finalement dans la terre, glissant furieusement dans un champs, et la vision de William se troubla. Il se dit que le miracle avait été accomplit lorsqu'ils avaient fait face aux étoiles, et tous partagèrent son avis en observant la Forêt d'Orcynie former un mur d'arbres sur leur passage. Ces derniers réduisirent l'ossature de l'Hansa en pièces, mettant cruellement fin à leur fuite et leurs espoirs. Le navire bascula sur le côté en emportant son équipage dans sa chute, et William observa impuissant ses compagnons disparaître dans une tornade de débris, lui-même ayant perdu Caëlis dans un cri désespéré, avant de s'écraser dans les ténèbres d'Orcynie.

 

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Je m'absente une semaine et il y a déjà plus de dix chapitres à rattraper ? Ton rythme est effrayant. Bref, j'ai fini l'arc 2, enfin !

 

J'ai bien aimé cette manière de faire et je vois que tu as vraiment travaillé cette guerre car tu nous as plongé dans le rythme. Tu accélérais quand tu voulais immédiatement passer d'une bataille à l'autre. Mais tu as su prendre ton temps quand il le fallait. La bataille de l'horloge a duré deux chapitres et pourtant il s'est déroulé peu de choses. C'est fort de mettre autant de vocabulaire et autant d'intensité dans les descriptions dans chaque action. Du coup, l'aspect tragique y est renforcé.

 

J'ai suivi le tout avec entrain et surtout j'ai aimé la prestation d'Hakim, plus que puissant. Il avait tellement la classe. Je pensais qu'il mourrait assez vite, et finalement, il a tenu jusqu'à la foret. D'ailleurs le plus dur a été de le voir mourir alors que la brume venait juste après. Ca m'a rappelé la disparition de la Colonie de Roanoke. Un bon personnage, très réussi. Et je pense que pour la réécriture, si tu comptes faire une bataille plus longue, tu pourrais créer deux ou trois persos comme Hakim à suivre dans la guerre. Tu aimes le Seigneur des Anneaux. Tu pourrais faire comme dans la bataille des cinq armées dans le Hobbit et de jouer sur le focus sur un combattant et revenir sur la bataille d'un œil éloigné.

 

Pour les trois héros de cet arc, j'ai déjà tout dit dessus. La relation entre Ren et Alestan est devenue amicale. On s'y attendait. Durant leur combat, j'ai eu des souvenirs de scènes de manga identique. Ça m'a aussi rappelé l'alliance entre Gintoki et Jirocho lors de la bataille des Quatre Devas. Voir Ely quitter le village, ça ça a été ma surprise. Mais c'est un bonheur de la voir s'émanciper. Quel plaisir ça aurait été si Hakim avait survécu pour aller avec eux...

 

Mais ce qui m'a vraiment plu est l'excellent Epilogue ! Il est bon car tu as balancé des éléments. C'est ta plus grande qualité. Tu arrives à nous donner de quoi spéculer, tu es généreux en infos sans tout dévoiler. Du coup on peut théoriser.

 

Et là je commence à me faire un scénario un peu faux mais je le propose. Nous apprenons qu'Icare ( j'sais pas pourquoi il m'a rappelé Sasaki ) aurait "tué" la fille de Masamune. Donc le forgeron ne tient pas Alestan pour responsable. On peut se dire cela... Icare aurait par perfidie poussé la fille de Masamune à s'emparer de Kusanagi. La femme aurait succombé au pouvoir de ce sabre et Alestan l'aurait tué pour la libérer de son emprise. Ainsi donc, il serait devenu à son tour le porteur. Dorénavant il veut détruire ce sabre et se libérer de son emprise. Ce serait à peu près ma théorie.

Et pour Icare, il se pourrait qu'il soit l'ennemi final de cette œuvre. Tout dépendra de ce que tu feras de lui. Mais il semble parti pour. Il a réussi à s'affranchir des lames et est devenu une arme à lui seul... Il cherche la paix, but noble. Il veut rassembler les six autres fragments... Il me rappelle un ancien homme des cycles précédents qui a pris un pouvoir tellement puissant qui est devenu un tyran.

 

Bref. Place à l'arc 3...

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Un chapitre fort épique !

 

Après les combats terriens place aux aériens et tu as très bien orchestré et mise en scène cette bataille aérienne. On ressentait la tension, le désespoir  pour laisser place à l'espoir et quel fin et retournement magistral, c'était vraiment insensé venant de Al et Lore mais cette acte fou et insolite était fort poétique, j'ai bien aimé !

 

De plus tu fais allusion assez souvent à l'aura sur Roy qu'il a défié les dieux, est ce une sorte de métaphore ou vraiment le cas ? Sa rencontre avec deux porteurs des lames pourrait en déduire cela, un vrai miracle a eu lieu.

 

Bien que l'atterrisage fut assez dramatique, mais je doute qu'il y est un mort plus des blessures, maintenant ils devront se rendre à leur destinations à pied, ce qui sera encore plus intrépide.

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Merci à vous deux !

 

Kaname :

 

Perspicace comme toujours  :) Ce qui est bien avec Hakim c'est que je ne l'avais pas du tout prévu ! Il s'est invité tout seul dans l'histoire et j'avoue m'être attaché à lui. Il aurait formé une belle équipe avec Eyleen. Et merci pour le conseil de réécriture ! Je suis un immense fan du Seigneur des Anneaux, mais je ne pense pas que la bataille sera plus longue, à moins que tu me dises que ça ajouterait en qualité à l'histoire ! Dans ce cas  :D  L'idée de plusieurs personnages à suivre est très bonne. =) Et je pense faire apparaître Hakim plus tôt aussi ! Je peux aussi dire avec certitude qu'on verra Eyleen assez rapidement, car j'éprouve beaucoup de plaisir à écrire de son point de vue.

 

Il y a du Sasaki dans Icare ! Dangereux et calculateur pour atteindre sa noble cause. En tout cas bien vu pour le quatuor Icare - Masamune - Sa fille - Alestan. Cependant, plusieurs éléments risquent de faire changer ta théorie dans le troisième Arc.

 

Kyojin :

 

J'ai fait tout mon possible pour le rendre épique ! C'était pas facile de tout décrire... J'avais chaque scène et chorégraphie en tête mais une bataille aérienne c'est compliquée, surtout avec ces perce-nuages ! J'ai dessiné le panneau de contrôle de Loreleï pour m'aider à ajouter du réalisme, en mélangeant tableau de bord de l'aviation et instruments navals. Pour le coeur au mercure, celui-ci est grandement inspiré de la machine utilisé pour faire le coral castle en Floride. Pour l’anecdote, c'est un vieil homme polonais qui a construit un château tout seul avec des blocs dépassant parfois 10 tonnes. Il l'a assemblé seul. Il disait avoir trouvé le secret de fabrication des pyramides, et a même fournit un plan de son moteur. Un moteur à énergie perpétuelle et anti-gravitationnelle. C'est pour ça qu'il pouvait soulever des rochers de corail seul, mais personne est capable de reproduire cette machine (le malin a enlevé certaines pièces clefs avant de mourir). On connait juste le secret : La polarité et donc les aimants !!

 

Pour en revenir sur la bataille, quand je l'imagine animée (ou pour le coup même en film), c'est grandiose ! A en tirer les larmes ^^ Mais l'écrire fut un véritable défis... L'un des plus dur jusqu'à présent. Je suis très content que tu ai aimé !!!

 

Pour Roy, je pense que l'aura vu par William est certainement dû au coup qu'il a reçu et l'adrénaline liée à leur mort imminente. Mais d'un autre côté, le pilote a réellement fait qu'un avec chaque rouage et bout de bois de son navire, jusqu'aux éclairs dans le ciel, les étoiles et la lune... Bref, Roy a entrevue Dieu. L'énergie à l'origine de tout ce qui existe, et il n'a fait qu'un avec elle l'espace de quelques secondes. Un miracle.

 

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ORCYNIE

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        Les rayons de l'aurore filtraient à travers les feuillages et les branches de la forêt lorsque William reprit conscience. Allongé au milieu d'un amas de planches et de pièces métalliques, ses cheveux bruns aux mèches cuivrées étaient collés sur son crâne, baignant dans du sang coaguler. Il cligna plusieurs fois des paupières, son regard ambré passant du ciel pâle à la carcasse de l'Hansa, qui avait déraciné une grande quantité d'arbres pour se frayer un passage dans les bois. Il ne restait quasiment rien du perce-nuage. Surpris, le chevalier sentit des larmes de reconnaissances lui monter aux yeux. Il n'aurait jamais cru être encore en vie. Il se redressa difficilement, constatant que plusieurs lamelles en cuir de son armure s'étaient arrachées dans sa chute. Berham demeurait à sa hanche, intacte. Le fourreau écarlate comportait quelques erraflures mais le sabre en lui-même était indestructible. Plusieurs contusions parcouraient le corps de William, et une douleur particulièrement lancinante lui indiqua qu'il avait certainement plusieurs côtes de fracturées. Rien de grave cependant, car le chevalier se remettait de ses blessures beaucoup plus rapidement que la normale. Il devait se mettre à la recherche de ses compagnons, et son coeur se serra dans sa poitrine au souvenir du terrible accident. William serra les dents pour se mettre sur ses jambes, son angoisse grandissante tandis qu'il parcourait les débris de l'Hansa. Un mouvement derrière les arbres le poussa à mettre sa main sur la poignée de son sabre, se rétractant en découvrant Alestan portant Caëlis dans ses bras. Le chevalier se précipita vers le vagabond, ses vêtements sombres déchirés et sa cape blanche couverte de sang, l'une de ses épaules formant un angle étrange. Il déposa soigneusement la princesse à terre, dont les yeux grands ouverts affichaient une souffrance insoutenable tandis qu'elle émettait un râle régulier et désagréable. William sentit le sol se dérober sous ses pieds en comprenant qu'il s'agissait de sa respiration, et la peur le submergea, paralysant ses membres.

 

- Qu'est-ce qu'elle a ? Paniqua-t-il.

- Le choc a dû atteindre ses poumons. Lâcha sombrement Alestan, les traits du visage crispé d'inquiétude. L'air qui s'en échappe est en train de les comprimer.

- Caë... Murmura William d'une voix tremblante. On doit faire quelque chose...

- Il faut drainer l'air rapidement. Trouve-moi un objet pointu.

 

Le vagabond gardait son calme, bien qu'il semblait sur le point de craquer. Il ôta le corset de cuir de la princesse, dont l'agonie devenait insuportable, enlevant sa cape pour couvrir avec pudeur la poitrine de son amie. William avait fini par mettre la main sur une pièce d'acier suffisamment aiguisée, qu'il chauffa entre les écailles de ses doigts pour la stériliser. Alestan arracha un bout de son vêtement pour envelopper sa main, s'emparant  de l'objet pour en coller la pointe sur le flanc de Caëlis.

 

- Désolé princesse. Souffla-t-il en enfonçant le poignard improvisé.

 

Elle poussa un long râle douloureux, des larmes s'échappant de ses yeux pour courir le long de ses pommettes. Elle plongea son regard dans celui de William, qui fit de son mieux afin de la soutenir dans cet instant difficile.

 

- Tu es courageuse. Lui assura-t-il avec fierté.

 

La respiration de la princesse retrouva un rythme normal tandis qu'Alestan jetait le morceau de métal pour compresser la plaie.

 

- Reste avec nous Caë.

- Je... Je suis... Là... Articula-t-elle fébrilement.

 

La volonté de William faiblit en comprenant qu'elle essayait de plaisanter. Le vagabond déchira le reste de sa cape pour bander la poitrine de la princesse, puis il demanda au chevalier de lui remboiter l'épaule. L'opération ne lui arracha pas la moindre grimace, et William prit délicatement Caëlis dans ses bras puissants, comme si elle était faite de porcelaine. Un cri déchirant s'éleva dans la forêt, et ils s'empressèrent d'en rejoindre la source. Ils contournèrent l'épave du perce-nuage, un sentiment d'effrois en découvrant dans les décombres une jambe arrachée, puis une deuxième, avant de se trouver face à Loreleï, qui pleurait en s'accrochant désespérément au corps brisé de Royngär, adossé contre le tronc d'un chêne. Le pilote avait rampé jusque là pour détailler les restes de son navire, un sourire apaisé étirant son visage sans vie. Un immense chagrin perça leur coeur fatigué et endolori, mais ce n'était rien comparé à la détresse de Loreleï, qui caressait la barbe de son capitaine sans pouvoir exprimer autre chose que des sanglots et des larmes. Le pilote avait donné sa vie pour accomplir un miracle. Une dette qu'ils ne seraient jamais en mesure de rembourser. Alestan s'approcha de la jeune femme, posant délicatement une main sur son épaule. Elle tourna ses yeux d'outremers pour le dévisager, sa chevelure ambrée couvrant en partie son visage déformé par la perte de l'homme auquel elle avait dédié sa vie.

 

- Nous devons continuer. Dit le vagabond avec douceur. Faisons en sorte que sa mort ne soit pas vaine.

 

Loreleï repoussa brutalement sa main avant de recommencer à serrer le corps de Royngär, et William ressentit l'envie d'abandonner la mission pour retrouver la reine à Abal ö Bhel, ou plutôt Lugnasad, les corbeaux n'ayant plus de raisons de faire l'allée retour.

 

- Le temps presse... Souffla le chevalier. Nous devons trouver un village pour soigner Caë et nos propres blessures.

- Je connais cette région. Orcyn se trouve à quelques heures de marche. L'informa Alestan en se redressant.

- L'armée d'Ademar aura passé le col de Néphèse avant notre arrivé à Dürkador. Nous serons plus utile aux côtés de la rei...

- Non... L'interrompit faiblement Caëlis. Je n'abandonne pas l'alliance.

 

Malgré son état critique, une flamme d'émeraude brillait dans les yeux de la princesse. L'incident n'avait rien enlevé à sa volonté, renforçant même sa détermination.

 

- Pour mon peuple. Reprit-elle. Pour Roy...

- Nous devons partir maintenant. Les pressa Alestan. Les soldats d'Ademar peuvent nous tomber dessus d'un moment à l'autre.

 

Le vagabond força Loreleï à se redresser, évitant le poing de celle-ci avant d'en stopper un autre, pour s'adresser à elle d'un ton sévère et froid.

 

- Tu ne peux plus rien pour lui.

- Alestan ! Gronda William, indigné par son attitude.

- S'apitoyer n'a jamais sauvé personne. Rétorqua-t-il. Je doute que Roy aurait accepter de voir sa précieuse assistante perdre espoir pour attendre la mort.

 

Ses mots étaient durs, mais justes. La rage de Loreleï s'estompa, et elle essuya ses larmes d'un revers de la main. Hormi une balafre lui traversant la joue, elle semblait n'avoir aucune blessure sévère. Elle déposa un baiser sur le front de Royngär, retirant la bague sertie d'une tête de mort pour se la passer autour de l'annulaire, puis dépassa Alestan pour rejoindre William et Caëlis, bousculant le vagabond d'un coup d'épaule au passage.

 

- Après avoir trouvé un médecin à Orcyn, nous marcherons jusqu'à Holmgaard. Exposa ce dernier. Nous devrions y parvenir en deux jours sans faire de halte. On pourra ensuite atteindre Dürkador en trois autres jours si on s'accorde une seule nuit de repits.

- C'est peu. L'avertit William. Caë ne pourra pas supporter un tel rythme.

- Je peux le faire. Lui assura la princesse. Je me sens déjà mieux.

 

Son visage pâle et son corps tremblant dans les bras du chevalier trahissaient son mensonge, mais il fit mine de la croire. Alestan et Loreleï fouillèrent la carcasse de l'Hansa pour réunir quelques vivres nécessaire à leur voyage, entre temps rejoint par les deux corbeaux, l'un venant d'Abal ö Bhel et l'autre s'étant envolé avant la tempête. Le vagabond accrocha un bout de parchemin, qu'il avait certainement préparé avant leur départ, à celui qui arborait des plumes grisées, avant de libérer l'autre volatile de sa mission. Puis ils rendirent hommage à Royngär, plaçant la barre à roue de l'Hansa sur sa dépouille, et William s'apprêta à mettre le feu à l'épave du perce-nuage, stoppé par Alestan.

 

- Ils doivent savoir que nous sommes toujours en vie.

- Ils se mettront à notre recherche. Contra le chevalier.

- S'ils pensent que nous sommes mort, le traître passera à l'action. La reine ne sera pas au courant de l'attaque avant demain soir, nous devons gagner du temps jusqu'ici.

- Tu penses que Tarvos est le traître ? L'interrogea William. Si la reine et la princesse meurt, son poste de chef des armées le placera à la tête du royaume.

- Il est le principal suspect. Avoua Alestan.

 

Le chevalier n'avait aucun doute quand à la traîtrise du général. Il faisait entièrement confiance à Klein et Alderan, sans compter que ses derniers n'avaient absolument rien à gagné du meurtre de la souveraine d'Elnath et de son héritière. Cela ne semblait pas être le cas du vagabond, dont l'expression soucieuse dévoilait ses doutes quand à l'identité du parjure. William souhaitait connaître son avis sur la question, mais ils devaient désormais se mettre en route, laissant derrière eux l'Hansa et Royngär, dont l'ultime sacrifice leur avait permi de poursuivre leur mission. Face à la souffrance de Caëlis, et après avoir croisé le regard de Loreleï, accablé par le chagrin, William se jura de traquer et tuer le responsable de l'attaque dès leur retour au royaume.

 

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Tu m'as pris à revers !

 

Bah finalement l’atterrissage a été beaucoup plus dramatique à ce que je croyais. Cae a failli perdre la vie sans l'intervention de ses deux amis, sa cage thoracique a mangé sévère.

 

Quand à Roy :-\ il a perdu la vie tout comme son fidèle perce-nuage, je pense que c'est une mort noble pour un capitaine. Il est mort en accomplissant un miracle pour en sauvé plusieurs et lâcher son dernier souffle auprès du dernier vole de son engin 8). R.I.P je l'aimais bien.

 

J'attends la suite !

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LE GENERAL

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      Tarvos marchait d'un pas déterminé dans les couloirs d'Abal ö Bhel, son regard bleu électrique fixé devant lui tandis qu'il se rendait dans la salle du trône. Cela faisait maintenant quatre jours que la princesse était parti pour Dürkador, et le général espérait que le voyage de l'héritière d'Elnath se passait sans encombre. Il était au service de la monarchie depuis quarante deux années, ce qui représentait les trois quart de sa vie, et rien ne le rendait plus fier que d'avoir prêté allégeance à la couronne. La nomination de Tarvos au poste de chef des armées fut amplement méritée, et pourtant, il n'était jamais parvenu à gagner entièrement la confiance de la reine Yilda. Cela devait certainement avoir un rapport avec le chevalier de la princesse, ce William. Un régicide, meurtrier du seigneur Abelion.  Tarvos ne comprenait pas pourquoi la reine avait été choqué de le voir torturer cet enfant ce jour-là. Un vulgaire assassin qui avait ôté la vie du roi. Un homme que le général considérait comme son ami et respectait plus que tout. Dire que la souveraine d'Elnath avait prit cet enfant maudit sous son aile, et que la princesse le tenait en haute estime. Décidément, Tarvos ne comprenait rien aux femmes. A mesure qu'il montait les niveaux du palais, le général remarqua de moins en moins de gardes, d'ordinaire postés aux coins de chaque escalier et intersection. Il ne se souvenait pas avoir ordonné de relâcher la surveillance d'Abal ö Bhel, bien au contraire, ce qui le poussa à interroger l'un des soldats armés d'hallebardes.

 

- Que se passe-t-il ici ? Je pensais avoir demandé de doubler les effectifs.

- La moitié du régiment a été convoqué pour partir au front Nord général.

- Qui a donné cet ordre ? Rétorqua sèchement Tarvos.

- Ce... Je pensais... Balbutia le guerrier, hésitant. C'est vous, non ?

 

Sans répondre, Tarvos se renfrogna pour laisser le garde décontenancé. Il accéléra le pas, sa cape beige resserrée autour de ses épaules, anormalement lourde en raison de la multitude de couteaux qu'elle dissimulait, ses armes de prédilection. Son lancé était reconnu dans tout le royaume, capable d'abattre un homme à plusieurs dizaines de mètres de sa position sans difficulté. Arrivé au sommet des marches du vingtième niveau, Tarvos comprit qu'il se passait quelque chose d'anormal. Son coeur battait de plus en plus rapidement dans sa poitrine en traversant des couloirs vides, courant désormais pour rejoindre au plus vite la salle du trône. Il retînt une exclamation en atteignant le hall du dernier étage, découvrant face aux portes de bronze une douzaine de corps, gisant sans vie sur les dalles de marbre. Le général s'agenouilla pour examiner l'un des guerriers, sa main se retirant aussitôt du cadavre après avoir constaté l'état effroyable dans lequel il se trouvait. La peau était collée aux os et terriblement désséchée, comme si les soldats avaient été embaumé de leur vivant. Aucune trace de sang n'était visible, faisant naître chez Tarvos un sentiment qu'il n'avait pas ressentit depuis longtemps. La peur.

 

- Alerte ! Hurla-t-il dans les escaliers à l'attention de la garde royale. Alerte dans la salle du trône !

 

Sans attendre les renforts, il poussa les battants de la porte pour pénétrer dans l'imposant dôme circulaire et ses colonnes abritant les sculptures des précédents souverains d'Elnath. Sur le trône remarquable, taillé à même les racines du pommier de Maponos, se trouvait à la place de la reine Yilda le général Klein Elesias. Confortablement installé dans le siège, il avait sa pipe à la bouche en grattant distraitement sa barbe négligé. Tarvos glissa une main sous sa cape pour saisir l'un de ses couteaux sans lâcher des yeux l'homme au catogan, qui donnait l'impression de l'avoir attendu.

 

- Où se trouve la reine ? Le questionna-t-il d'une voix menaçante.

 

Klein cracha un nuage de fumée sans esquisser le moindre geste. Sa nonchalence avait toujours fortement agacé Tarvos, qui demeurait cependant sur ses gardes, l'image des cadavres affreusement déformés encore gravée dans son esprit.

 

- Je m'apprêtais à vous retournez la question. Répondit le général après avoir inspiré une nouvelle bouffée de tabac, qu'il expira par les narines. Où se trouve-t-elle ?

- Qu'est-ce cela signifie ?

 

Tarvos connaissait déjà la réponse à la question. Klein était un traitre, sans doute à la solde d'Ademar. Il devait gagner du temps jusqu'à l'arrivé des soldats.

 

- Vous avez des enfants ? Lui retourna le général en se levant lentement du trône.

- Restez où vous êtes !

 

Voyant qu'il s'approchait désormais dans sa direction, Tarvos s'empara d'un de ses projectiles pour viser la tête du parjure. Le couteau fila droit vers sa cible, qui se contenta de parer avec son avant-bras, la lame s'enfonçant dans la chair sans lui arracher la moindre grimace de douleur. Son expression demeurait calme et impassible, et lorsque le chef des armées s'apprêta à attaquer de nouveau, son corps refusa de bouger. Klein avait tendu une main dans sa direction, ses doigts recroquevillés dans une étrange position, comme s'il animait une marionnette. Tarvos avait l'impression que des aiguilles s'enfonçaient dans chacun de ses membres, et plus il tentait de lutter, plus la souffrance s'intensifiait.

 

- Je m'en doutais. Souffla Klein en avançant tranquillement vers lui. Vous êtes un vieux loup solitaire. Vous ne savez pas...

 

La douleur crispait chaque muscle de Tarvos, qui serrait les dents pour ne pas crier. Un fluide étranger s'écoulait dans ses veines et ses organes, et ce dernier s'étendait pour le paralyser entièrement, lui permettant seulement de s'exprimer.

 

- De quoi parlez-vous ? Articula-t-il difficilement, espérant que ses hommes allaient arrivé d'un instant à l'autre.

- Ce qu'un père est capable de faire pour sa famille. Répondit gravement Klein, désormais à deux pas de lui.

 

Sa pipe aux lèvres, le général le dévisageait comme si de rien n'était, arborant son habituelle expression chaleureuse. Tarvos le défia du regard, bien qu'il se trouvait désormais à sa merci sans comprendre comment. Son coeur, qui battait la chamade jusqu'à présent, se mit subitement à ralentir, et il pria pour que la garde royale franchisse les portes de bronze à l'instant.

 

- Je suis navré, mais ils ne viendront pas. Lui révéla le traitre avec une note de regret, ayant deviné ses pensées. Les soldats restants travaillent pour moi, et les autres sont certainement en train de se faire exécuter.

 

Le dernier espoir de Tarvos venait de se faire cruellement piétiné. Comprenant qu'il vivait ses derniers instants, sa peur s'estompa pour laisser place à de la fierté. Malgré la douleur de plus en plus insupportable, le chef des armées d'Elnath se mit à rire d'une voix rocailleuse.

 

- Elle savait. Réalisa-t-il en grimaçant un sourire. La reine savait et tu ne sais pas où elle est partie ! Tu me fais pitié Elesias... Foutu lâche, tu mériterais que je...

 

Le général des opérations spéciales bougea légèrement l'annulaire et Tarvos sentit sa gorge se serrer impitoyablement. La prise invisible, à l'intérieur de son cou, se relâcha lentement et ce fut au tour de Klein d'étirer les lèvres pour esquisser un sourire sans joie.

 

- Je n'avais rien contre vous jusqu'ici, mais je déteste qu'on me traite de lâche. Grinça-t-il sur un ton meurtrier, avant de reprendre d'une voix plus calme. Dire que je comptais vous tuer en vous laissant un peu d'espoir... Enfin, ce n'est qu'une question de temps avant que je trouve Yilda. Vous devriez également savoir que la mission de la princesse a échoué. Son perce-nuage a été abattu il y a deux jours près de la forêt d'Orcynie.

 

Tarvos avait l'impression que ses entrailles venaient de disparaître. Klein était à l'origine de l'itinéraire de l'Hansa. Ce dernier marqua une pause pour aprécier son désespoir grandissant, reprenant sa torture verbale sans afficher la moindre émotion.

 

- Sans compter Alderan qui attend une armée Daër qui ne viendra sans doute jamais. Ce vieux Masamune a tendance à rendre nos plans difficiles... Malgré tout, sans l'alliance avec Östen et privé de la moitié de ses troupes, ce royaume est voué a disparaître. Si je ne peux pas mettre la main sur la reine, c'est elle qui viendra à moi.

- Pourquoi...

 

La question de Tarvos disparu dans un gargouillit, et il sentit son corps refroidir dangereusement lorsque Klein écarta les doigts. Une souffrance insupportable lui arracha un hurlement silencieux tandis qu'il sentit le fluide mystérieux s'extirper par tous les pores de sa peau. Celle-ci se déssecha, creusant ses joues tandis qu'il observait avec terreur des particules s'échapper de sa poitrine pour se réunir dans la paume du général, s'allongeant pour former une poignée, puis une lame translucide. Un sabre de glace, crée à partir de l'eau contenue dans ses muscles et son sang. La quantité requise n'était toutefois pas suffisante pour le tuer, bien qu'il se sentait terriblement assoiffé et amoindri. Ainsi Klein se trouvait être l'un des Sept sabreurs, tout comme William et ce vagabond nommé Alestan. Tarvos avait toujours craînt le pouvoir de ses armes maudites. Ses yeux exorbités détaillèrent la lame gelée, ses lèvres sèches s'ouvrant et se refermant sans émettre le moindre son.

 

- Lilith. Présenta Klein en posant la pointe du sabre sur le coeur de Tarvos. Pour être franc, j'aurais souhaité que sa route ne croise jamais la mienne. Au lieu de vous tuez, nous serions peut-être en train de boire un verre ensemble.

 

Le sabre transperça son organe vital dans un déchirement glacial, et tandis que Tarvos rendait son dernier souffle, le traître murmura une dernière parole avant de relâcher le contrôle qu'il exerçait sur son corps.

 

- Le destin est capricieux.

 

Le chef des armées s'écroula sur le sol en marbre blanc de la salle du trône, puis Klein lâcha son arme qui se changea en flaque d'eau. Il arracha ensuite le couteau de son avant-bras avant de toucher sa poitrine, sentant sous ses doigts le fragment de pierre avec lequel il avait fusionné des années plus tôt. Le général n'était alors qu'un jeune homme en soif de vengeance. Un étranger lui avait offert un sabre capable de le rendre invincible, ce qu'il accepta naïvement à l'époque. Il ne se doutait pas qu'il s'agissait d'une ruse, et qu'il se trouvait désormais dans l'incapacité de se défaire de son allégeance. Klein retourna s'installer sur le trône d'Abal ö Bhel, prenant une bouffée de tabac pour cracher un rond de fumée. Il regardait droit devant lui, devinant au loin la cité d'Elaris, là où se trouvait sa famille et son maître.

 

- Crée un nouveau monde implique forcément la destruction de l'ancien.

 

 

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Excellent chapitre !

 

Nous découvrons le véritable traître du royaume qui n'est autre qu'Elesias. Je commençais bien à douter que Tarvos ayant l'image du vendu serait trop facile.

 

Et ça surprend quand même que ce soit Klein le traître. Et encore plus qu'il détienne le cœur du sabre de l'eau, il a le pouvoir le plus classe et redoutable que j'ai vu pour le moment, je vois bien William face a lui. Feu contre glace.

 

Il semble aussi forcé d'agir ainsi à cause d'Icare, ce dernier doit détenir sa famille en otage, je pense.

 

Sinon pour la scène du couteau qui se plante dans l'avant bras et du calme dont il fait preuve, j'ai fait la même chose pour un chapitre de L.H, tu verras ça te surprendra lol.

 

Bref j'attends la suite qui s'annonce encore plus trépidante ! Klein impose 8)!

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ELARIS

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        La Trouée d'Aboros se situait à la croisée du Chemin d'Or et du Chemin Blanc, le premier partant des portes du Désert d'Armënia, où se trouvait les mines les plus riches d'Alesta, le second prenant racine à Nera pour rejoindre la Terre Neutre au coeur des Montagnes d'Urkab. Ces dernières encerclaient la région d'Elinor, la Vallée de l'Etoile, au centre de laquelle se dressait fièrement la cité d'Elaris. Cela faisait cinq jours depuis qu'Eyleen avait quitté le village d'Hekario en compagnie de Ren, et après de longues heures de marches vers l'Ouest, ils empruntaient désormais une route solitaire bordée de falaises acérées, comme si une lame gigantesque avait découpé le relief montagneux pour en creuser un passage. Un chemin sinueux, creusé par l'homme bien avant la fondation des cinq royaumes. Le soleil était à son zénith derrière le ciel nuageux lorsque les deux voyageurs décidèrent de faire une pause, s'installant sur un rocher plat ayant sans doute dégringolé de la montagne au cours d'un éboulement. Dans sa  veste en cuir mordorée, ses cheveux flamboyants retombant en pointes sur ses épaules, Eyleen levait ses yeux au bleu de saphir vers les nuages grisonnants faute de trouver autre chose à faire.

 

Ren était peu bavard, et la seule fois où ils avaient eût une longue discussion fut deux jours plus tôt, lorsqu'elle insista pour faire un détour par la forêt d'Encre, ne pouvant manqué une occasion de récupérer des feuilles de Noctaril, une espèce d'arbre extrêmement rare et aux propriétés extraordinaires. Avec la bonne préparation, les feuilles réduites en poudre pouvaient crée un écran de fumée noire, très utile pour mettre au point une diversion. Cependant, comme le capitaine souhaitait rejoindre au plus vite Elaris, Eyleen fut forcée d'entamer une longue argumentation pour le convaincre de passer par la forêt. Depuis cette brève dispute ils ne s'étaient échangés que quelques mots, chacun trop entêté pour enterrer la hache de guerre. Ils mangeaient silencieusement leur dernière ration de nourriture, profitant de la courte pause avant d'entamer la dernière étape jusqu'à leur destination. Le voyage avait permi à Eyleen de récupérer pleinement de la bataille d'Hekario, et elle espérait que l'armée d'Elnath avait désormais rejoint le village afin de le défendre contre d'éventuelles attaques. Bien qu'elle était remise physiquement, les nuits d'Eyleen étaient encore hantées par la vision des corps jonchant les barricades et le vacarme des explosions, revivant parfois le sacrifice d'Hakim, ce qui la tirait hors du sommeil avec les larmes aux yeux. Malgré son tempérament froid et sa droiture parfois exaspérante, la proximité de Ren la réconfortait dans ses moments difficiles. Mais quand celui-ci était de mauvaise humeur, où que sa présence ne suffisait pas à lui remonter le moral, Eyleen pensait à Alestan.

 

Le tempérament chaleureux et la folie douce du vagabond lui manquait. Sans compter qu'il avait changé sa vie, consciemment ou non. Elle n'était pas certaine d'être tombé amoureuse de lui, mais elle avait rarement été aussi charmé par un homme. Sans doute son côté sombre et cette aura mystérieuse qu'il dégageait. Ren lui ressemblait sur beaucoup de points, mais contrairement à Alestan, il était beaucoup trop solennel à son goût. Une fois leur déjeuner terminé, ils se remirent en marche et Eyleen se décida à mettre fin à leur mauvaise humeur.

 

- Toujours en train de bouder ?

- C'est toi qui en fait toute une histoire.

 

Ren ralentit cependant le pas, ce qu'Eyleen interprêta comme un bon signe. Déchiffrer l'expression impassible du sabreur n'était pas une mince affaire, mais elle avait appris à reconnaître certains rictus. S'il fronçait seulement l'un de ses sourcils aiguisés, comme c'était le cas, le dialogue pouvait s'établir. Les deux signifiaient soit une inquiétude, soit un refus. Un mouvement de mâchoire vers la gauche dénotait généralement de l'ennui, et de la réflexion vers la droite. En somme, décrypter Ren Raigîn revenait à mener une enquête avec peu d'indices, et la moindre erreur entraînait immanquablement un silence assommant. Eyleen croisa brièvement le regard sombre du capitaine, et elle ne put s'empêcher de sourire en constatant le sérieux de ce dernier.

 

- Je pense que tu as passé trop de temps en solitaire. Enchaîna-t-elle avec légerté.

- Qu'est-ce que ça veut dire ?

- C'est quand la dernière fois que tu t'es retrouvé seul avec une femme ?

 

Ren ne répondit pas tout de suite, resserrant son manteau noir autour de ses épaules tandis que son sabre bleuté se balançait contre sa hanche au rythme de ses pas. Ses pommettes osseuses prirent une teinte rosée, et Eyleen se retînt de rire à cette vision.

 

- J'ai fréquenté beaucoup de femmes. Finit-il par annoncer en évitant son regard inquisiteur.

- On va dire que je te crois. Sourit-elle. Faisons un marché.

- Quelque genre de marché ? Fit Ren, méfiant.

- Maintenant que nous travaillons ensemble, chacun d'entre nous se doit de répondre à toutes les questions de l'autres, aussi bien privées que professionnelles. Enonça Eyleen en levant l'index. Mais comme nous avons toi et moi le droit de garder des secrets, disons que nous avons chacun droit à trois mensonges.

 

Il soupira en hochant la tête de gauche à droite, visiblement consterné par l'attitude de sa nouvelle lieutenant. Eyleen tendit la main pour sceller le pacte, surprise lorsque Ren accepta l'offre après une courte réflexion.

 

- Je n'y vois pas d'inconvénient.

- Tant mieux. Il ne te reste plus que deux mensonges.

- Deux... Attend quoi ? S'offusqua-t-il.

 

Elle se couvrit la bouche pour glousser, consciente que le sabreur ne pouvait désormais plus reculer après avoir accepté le marché. Les hommes avec trop d'honneur avaient tendance à être assez naïf pour respecter leurs paroles les plus inconsidérées.

 

- Je sais quand tu mens capitaine Raigîn. Susurra sournoisement Eyleen. Tu seras bientôt forcé de répondre à toutes mes questions sans échappatoire ! Finit-elle par jubiler.

- Alestan a déteint sur toi. Grommela Ren en roulant des yeux.

- Peut-être... Parle-moi d'Elaris.

 

Il marqua un court silence avant de répondre, fixant le chemin de gravier qui prenait de plus en plus d'altitude, les forçant à renforcer leur appuis pour éviter de glisser.

 

- C'est sans doute la plus vieille cité d'Alesta. L'informa-t-il. Mais je t'en dirais plus lorsque nous arriverons. La vision d'Elaris se passe de toutes descriptions, et elle inspire autant d'admiration que d'appréhension.

 

Eyleen avait hâte de découvrir cette ville mystérieuse, berceau de la Terre Neutre, dont le rôle de médiateur maintenait jusqu'à présent la paix à Alesta. Une paix fragile qui s'effritait dangereusement, entraînant par la même occasion l'apparition de légendes oubliées. La brume de la forêt de Wanda, les Sept sabres de Masamune ainsi que l'arme dévastatrice d'Elaris, annonciatrice de la fin des Cycles.  Eyleen avait eût le temps de réfléchir à la question, se basant sur les récits d'Alestan et de Ren. Elle savait pour l'instant que réunir les Sept dans la cité Neutre pouvait déclencher une catastrophe sans précédent, ce qui lui avait permi d'en déduire que les fragments de pierre de ces armes libéraient sans doute une forme d'énergie capable d'alimenter un mécanisme. Si elle pouvait étudier l'arme en question, Eyleen était certaine d'en comprendre le fonctionnement, et donc de trouver un moyen de la désactiver. Elle se demandait si Ren ne l'avait pas recruté dans ce but, lui qui s'était infiltré à Elaris sur la demande de ce fameux Masamune. Malgré le peu d'informations dont elle disposait, elle était certaine d'une chose : Un plan se tramait dans l'ombre, impliquant des forces qui la dépassait, et le seul moyen d'en comprendre les rouages était d'avoir une vision globale des choses.

 

- Nous verrons bientôt la Vallée de l'Etoile. Annonça Ren.

 

L'après-midi touchait à sa fin, et la pente en ligne droite cheminée par les deux voyageurs depuis plusieurs heures formait désormais une route tortueuse, toujours encerclée par le paysage gris et morne des rochers saillants. Eyleen ressentait une légère excitation tandis qu'ils empruntaient un dernier virage, qui se mua en ébahissement lorsqu'ils contemplèrent une combe verdoyante parsemée d'arbres aux feuilles cuivrées. Les pans de la vallée prenaient racines dans les hauteurs des montagnes d'Urkab, qui cerclaient la vaste région pour abriter en son sein un gouffre immense. Suspendu au-dessus de ce dernier se trouvait Elaris, dont les quatre ponts gigantesques la reliait à chaque point cardinal, lui évitant ainsi de sombrer dans le précipice. Une ville blanche aux coupoles d'or et aux tuiles de cobalt dont l'édifice principal, en plein centre de la cité, s'élevait en une tour monumentale. Bien qu'ils se trouvaient encore à bonne distance, Ren et Eyleen pouvaient admirer une lumière éclatante scintiller à son sommet, refletant les dernières lueurs du soleil déclinant. Il s'agissait d'Elinor, l'étoile ayant donné son nom à la vallée. Le plus gros diamant et le plus pur jamais découvert à Alesta, extrait des mines d'Adamant à l'aube de la première civilisation des hommes, dont seul Masamune en connaissait l'histoire complète. La splendeur de cette vision leur coupa le souffle, y comprit Ren, qui l'avait pourtant déjà observé à de nombreuses reprises. Il invita Eyleen à descendre le long de la chaussée qui menait à l'entrée Sud de la cité, et elle tressaillit malgré elle en détaillant les nombreux perce-nuages accostés à un port construit au bord du gouffre. Certains remontaient des profondeurs tandis que d'autres décolaient dans un bourdonnement sourd et lointain, ravivant de mauvais souvenirs. Ren entreprit alors de lui expliquer le fonctionnement d'Elaris.

 

- Nous sommes désormais en Terre Neutre. Ici la plus haute autorité est détenue par la Chambre du Conseil, qui regroupe dix représentants issus de chaque royaume, chacun élu en fonction des lois en vigueur de leur pays.

- La paix est maintenue par ces cinquante personnes ?

- Eux et le commandant de l'armée Aërim. Précisa-t-il. Et dans une moindre mesure les capitaines des Cinq Divisions.

 

Ren n'avait jamais évoqué l'importance de sa fonction jusqu'à présent. Pour un homme fier, il se trouvait en vérité assez modeste.

 

- Mais il s'agit seulement des plus hautes autoritées. Reprit-il sur un ton posé. Tu dois ensuite ajouté l'immense congrégation de diplomates, conseillers et représentants en tout genre, chacun tentant d'imposer leur projet à la Chambre afin de voter des mesures en faveur de leur royaume. Le traité commercial entre Ademar et Daëdra en est un exemple.

- On a bien vu le résultat. Souffla sombrement Eyleen.

- En effet. Lui accorda Ren. Je pense que ce fut une erreur de la part de la Chambre d'avoir approuvé cette proposition.

- A cause du conflit diplomatique qu'elle a engendré. Devina-t-elle.

- Les relations entre Elnath et Ademar ont toujours été tendues depuis l'assassina du roi Abelion. Ils auraient dû savoir que la reine refuserait l'accord si on lui laissait le choix.

 

Abordé sous cet angle, Eyleen pouvait aisément percevoir la manipulation qui se cachait derrière ce traité. Ainsi, il existait des personnes capables d'impliquer trois royaumes dans une guerre inutile au sein de la cité d'Elaris. Cette pensée était effrayante, en particulier le fait qu'une poignée d'hommes pouvaient semer la discorde et la mort pour servir leurs propres intérêts.

 

- C'est donc ça la politique. Réalisa-t-elle avec ironie. On dirait surtout une organisation mal intentionnée.

- Tu comprends vite. La félicita Ren. Elaris est en effet devenu le coeur politique et financier d'Alesta au fil du temps. Le sort des peuples ne dépend plus de leur royaume respectif, et contrairement à ce que l'on pense, les libertés sont amoindris. Les fonds monétaires, le commerce, la gestions des territoires et de nombreux autres facteurs sont désormais gérés par quelques dizaines de représentants, et il faut passer par de nombreux services et une administration  absurde avant d'obtenir la moindre décision. L'idée d'unifier le monde part d'une bonne intention, mais ce n'est qu'une utopie.

- On ne peut rien y faire... Soupira Eyleen, désabusée.

 

Ils arrivaient à l'entrée du pont Sud, faisant face à un arc creusé dans l'épaisse muraille blanche et circulaire de la cité. Des gardes enveloppés d'épais manteaux noirs sans blason gardaient les portes en fer forgé, ses dernières couvertes de gravures impressionnantes, représentant une multitude d'animaux, d'humains et de squelettes fixant un coeur au centre des deux battants. Ren lui révéla alors son plan dans un murmure afin de ne pas être entendu par les sombres sentinelles, dont le visage était dissimulé sous un masque d'acier.

 

- Il existe un moyen. Il consiste à détruire Elaris, et telle est ma quête.

 

Il lui jeta un regard déterminé, comme s'il s'attendait à ce qu'elle s'oppose à sa mission, mais Eyleen n'en fit rien. Cependant, seule une armée conséquente et parfaitement organisée était capable de venir à bout de la muraille et des effectifs des cinq divisions, qui selon Ren s'élevait à plus de deux mille soldats parfaitement entraînés. Ils traversèrent le large pont de pierre, et Eyleen se risqua à jeter un coup d'oeil dans le gouffre, sans pouvoir en distinguer le fond perdu dans l'obscurité, et remarquant avec surprise que les fondations de la cité ressemblait à une montagne inversée. Elle eût l'étrange impression qu'Elaris n'avait pas toujours été établi en ce lieu, et que la cité s'était arrachée de son ancien emplacement pour atterrir dans ce précipice. Tout comme Ren l'avait prédit, l'admiration d'Eyleen se teinta d'appréhension, en particulier lorsqu'elle discerna les nombreuses sculptures inscustées dans les soubassement de la ville. Ces dernières représentaient des colosses de pierre, parfaitement alignés avec leur bras croisés sur la poitrine, telle une armée de géants silencieux. Ils étaient vêtu d'une armure lourde et leur tête était dépourvu de visage, un détail qui dérangeait Eyleen tandis que sa conversation avec Alestan, celle qu'ils avaient eût à la cabane du vieux Paul, lui revenait en mémoire.

 

" La Terre Neutre ? L'arme est une ville ? "

" Tu y es déjà allé ? "

 

Elle avait répondu non à ce moment là, et les paroles d'Alestan dévoilaient désormais tout leur sens.

 

" Tu n'auras plus aucun mal à me croire si tu la contemple un jour. "

 

Effectivement, Eyleen n'avait plus aucun mal à le croire. Rien que d'imaginer les guerriers de pierre escalader les fondations de la cité pour venir l'attaquer lui donnait la chair de poule. Elle se demanda si des hommes avaient réellement affronté ces choses, et pourquoi aucune histoire ni aucun écrit ne rapportait un témoignage de ces combats. Tant de questions lui brûlaient les lèvres qu'elle dû se retenir d'assaillir Ren, qui se dirigeait vers une petite ouverture astucieusement dissimulée dans le battant droit de l'imposante porte de fer. Une voix étouffée retentit derrière le masque de l'un des trois gardes postés face à l'entrée.

 

- Bienvenue Capitaine.

 

Le sabreur se contenta d'un signe de tête sans s'arrêter, suivit par Eyleen qui se stoppa net lorsque les sentinelles dégaînèrent leurs épées pour lui barrer la route.

 

- Déposez vos armes.

 

Elle ne s'attendait pas à ce genre d'accueil, préférant rebrousser chemin plutôt que de laisser son bâton, le poignard d'Hakim et la dague de son père derrière elle. Ren vînt à son secours pour présenter son nouveau titre d'une voix autoritaire.

 

- Il s'agit du lieutenant Tarimiel de la Troisième Division. Je vous prie de la laisser passer.

 

Sans dire mot, les gardes rangèrent leurs armes pour libérer le passage, permettant à Eyleen d'accéder à la cité, dont les rues bordées de bâtiments richement décorés et de boutiques en pierre blanche immaculée l'aurait sans doute émerveillée, si elle ne connaissait pas la sombre réputation d'Elaris.

 

 

 

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Chapitre bien plaisant !

On passe sur Ely et Ren voyageant à travers de bel environnements et paysage.

J'aime bien ma relation qui se créer entre eux, bien que Alestan manque à Ely lol.

La cité d'Elaris semble bien magnifique, j'ai toujours aimé voir ce genre de royaume suspendu au dessus d'un immense trou ça me rappelle certains rpg. J'ai même repris ce concept pour mon histoire.

Et le système de pouvoir d'Elaris fonctionne comme une sorte de République.

 

Et tu dissimules quelques indices sur les portes on revoit le cœur. Je me demande si ce cœur ne se trouve pas au fond du gouffre gardé par des géants endormis :P.

 

Bref j'attends la suite cette ville me plait bien. 

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L'OROS FLORSEÏS

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        Ren et Eyleen marchaient vers la tour d'Elinor, cette dernière surplombant les habitations d'Elaris de plusieurs centaines de mètres. Les avenues et les ruelles de la cité Neutre débordaient de vie en cette fin de journée entre les différents commerçants, groupes d'hommes d'affaires et détachement d'officiels qui trottinaient à vive allure pour rejoindre un rendez-vous, ainsi que les habitants de la ville, qui vivaient pour la plupart de ces allées-venues continuelles. Il n'était pas rare de croiser les sombres sentinelles masquées, patrouillant par petit groupe pour assurer la sécurité de la ville, tout comme les nombreux guerriers originaires des cinq royaumes d'Alesta. La population d'Elaris était d'une grande diversité, et Eyleen se promit d'effectuer une visite plus poussée lorsqu'elle trouverait du temps libre. Ils dépassèrent un édifice de plusieurs étages aux longs toits incurvés, contrastant de manière drastique avec le reste de l'architecture. Des statues de dragons encadraient l'entrée du bâtiment, dont les portes étaient surmonté d'un symbole qu'Eyleen reconnu avec une légère aversion. Un corbeau perché sur son caducé, un croissant de lune dans le bec.

 

- L'ambassade Daër. La renseigna Ren, qui avait remarqué son air interrogateur. Celle d'Elnath se situe au Nord Est de la ville, dans le quartier Margan. Mon appartement se trouve là-bas.

- Serait-ce une invitation ? Demanda Eyleen avec un sourire en coin.

- Tu peux aussi dormir sur le trottoir. Rétorqua-t-il en haussant un sourcil.

 

Elle se contenta de lui donner un léger coup dans l'épaule tandis que les réverbères d'Elaris s'allumaient d'une faible lueur bleutée, qui augmentait à mesure que la lumière du jour s'estompait. Après avoir emprutés une dernière avenue ils arrivèrent aux pieds de la tour, où plus précisément de l'imposante bâtisse en forme d'hexagone qui l'entourait. De larges pinacles au revêtement doré trônaient sur chaque angle de la construction, et de hautes colonnes soutenaient un avant-toit le long des six façades du bâtiments. Alors qu'ils montaient des marches tapissées de rouge pour accéder à l'entrée, ridiculement petite pour un tel édifice, Eyleen réalisa que celui-ci ne disposait d'aucune fenêtre, contrairement à la tour, dont la contemplation lui faisait mal au cou.

 

- Voici l'Oros Florseïs, l'un des lieux les plus importants d'Alesta. Annonça tranquillement Ren. C'est ici que se trouve entre autre la Chambre du Conseil d'Elaris, le bureau du gouverneur de la Terre Neutre et le siège de l'armée Aërim.

- Le gouverneur ?

- Ne te laisse pas impressionner par ce titre. Sa fonction se limite à gérer l'entretien des infrastructures et les dépenses de la ville. Je ne me souviens même plus de son nom.

 

Cela en disait long sur la faible importance du personnage. Néanmoins, plus Eyleen en apprenait sur le fonctionnement d'Elaris et plus sa curiosité se développait. Elle rencontra à nouveau une légère méfiance auprès des gardes de l'Oros Florseïs, aussitôt balayée par Ren avant qu'ils pénètrent dans un hall aussi sobre que gigantesque, aux lustres diffusant une intense lumière blanche. Outre les gens vêtus de tuniques coûteuses qui passaient sans leur accorder un regard, les seules éléments notables du lieu étaient le grand bureau circulaire au centre de la salle, ainsi que deux couloirs et les deux escaliers qui s'opposaient symétriquement de chaque côté de l'immense pièce. Eyleen se colla à Ren pour se rendre à l'office, où six jeunes femmes tournaient le dos à un colombier pour renseigner les visiteurs, tout en fouillant dans la multitude de papiers qui jonchaient leur espace de travail. Le capitaine se rendit vers celle qui était disponible, d'apparence stricte dans sa tunique noire et impeccable, ses cheveux blonds tiré en chignon sur son crâne.

 

- Bonjour, comment puis-je vous renseigner ? Leur lança-t-elle sans lever les yeux de ses documents.

- Capitaine Ren Raigîn, je souhaiterais rencontrer le Maréchal Kriphos.

 

Elle cessa sa lecture pour porter son attention sur le sabreur, son regard passant du visage anguleux de ce dernier à celui d'Eyleen. Ses traits s'étaient soudainement radoucis, et elle s'empressa d'ouvrir un tiroir sous son bureau pour en tirer un épais registre.

 

- On dirait que votre division va être occupé. Fit-elle avec politesse, sans doute pour passer le temps tandis qu'elle consultait les pages du livre. Nous sommes déborder ici depuis le début du conflit.

- J'imagine. Commenta distraitement Ren.

- Nous vivons une époque difficile... Soupira la jeune femme avant de trouver ce qu'elle cherchait. La réunion du Maréchal prendra fin d'ici une dizaine de minutes. - Je l'informe de votre arrivé.

 

Elle griffona quelques mots sur un bout de papier avant de le tendre vers l'un des orrifices du colombier, sur lequel était surmonté un petit écriteau renseignant le destinataire du message : Zakary Kriphos. Un pigeon émergea de l'orifice pour se laisser prendre docilement, avant de s'envoler une fois le message attaché à l'une de ses pattes. Eyleen détaillait les différents noms et services inscrit sur la volière jusqu'à ce que Ren l'invite à la suivre vers l'escalier sur leur gauche, qui menait à l'étage supérieur. Ils débouchèrent dans un couloir circulaire éclairé par la lumière immaculée des chandeliers en cristal, une mosaïque aux teintes d'azur et aux motifs ondulés décorant le sol, leur donnant l'impression de marcher sur une rivière.

 

- J'imaginais l'endroit plus gai. Dit Eyleen en promenant son regard sur les plaques numérotées des portes qu'ils dépassaient.

- L'Oros Florseïs n'a été construit que récemment. Lui révéla Ren. La Chambre se situait autrefois dans la tour d'Elinor, mais à mesure que les services se diversifiaient pour s'agrandir il a été décidé de bâtir l'hexagone pour préserver le monument.

- On peut grimper au sommet ?

- L'accès est strictement interdit. J'avais fait une demande il y a trois ou quatre ans.

 

Eyleen ne put s'empêcher d'être déçue. La vue sur la vallée devait être époustouflante depuis une telle hauteur. Elle devina cependant dans la voix du sabreur une pointe de sarcasme, et connaissant l'objectif de celui-ci, elle n'eût aucun mal à comprendre ce que pouvait dissimuler la tour.

 

- Est-ce que l'ar...

- Pas ici. La coupa Ren sans hausser le ton.

 

Il désigna les gens qu'ils croisaient le long du couloir, et Eyleen se sentit idiote d'avoir autant manqué de prudence. Elle prenait également conscience que leur style vestimentaire attirait le regard, lui donnant l'impression d'être une intrus parmi ce monde  pompeux et distingué, où chacun se sentait affublé d'une mission essentielle au fonctionnement d'Alesta. Cette pensée en tête, elle remarqua que la plupart des passants les regardaient avec dédain quand ils ne décidaient pas simplement de les ignorer. Ce détail lui échauffa le sang, et les paroles de Ren s'en trouvaient tristement confirmées. Ces gens décidaient du sort des peuples, mais aucun donnait l'impression d'avoir connu le manque où la moindre difficultés au cour de leur vie. Ils étaient issu de familles aisés, vivaient dans des demeures splendides mis à leur service par les fonds des cinq royaumes, et si riche qu'ils pouvaient vivre confortablement jusqu'à la fin de leur jour en se tournant les pouces. Eyleen manqua de percuter Ren lorsque celui-ci ralentit subitement, ravalant la réflexion qu'elle s'apprêtait à lui faire en observant un homme élégant se diriger vers eux. D'une beauté surnaturelle dans sa tunique blanche au col remonté, il leur adressa un sourire charmeur, étirant gracieusement les lèvres de son visage lisse, aux pommettes prononcées. Malgré sa jeunesse apparente, ses cheveux étaient blancs comme neige et retombaient en cascade sur ses épaules. Eyleen se plaça aux côtés de Ren, qui semblait étrangement tendu, ses yeux sombres fixant froidement l'inconnu qui plaçait une main dans son dos, l'autre sur la poitrine pour les saluer respectueusement.

 

- Ravi de vous revoir capitaine Raigîn.

 

Sa voix grave et mélodieuse fit tressaillir Eyleen de plaisir, qui se ressaisit aussitôt au ton froid et méfiant de Ren.

 

- Je regrette de ne pas avoir de temps à vous accorder sénateur Alkadia.

- Combien de fois devrais-je vous répétez de m'appeler Icare capitaine. Le taquina-t-il chaleureusement, tel un ami de longue date. Je vois que vous êtes bien accompagné, me feriez-vous le plaisir de nous présenter  ?

 

Eyleen hésita, légèrement inquiète de voir Ren se raidir brusquement à la demande de cet Icare. Elle croisa brièvement le regard de ce dernier, sentant son estomac se contracter sans raison en détaillant des pupilles quasiment inexistantes, perdue au centre d'une spirale pourpre et sombre, à la fois fascinante et hypnotique.

 

- Il s'agit du lieutenant Tarimiel. Grinça Ren. A présent excusez-nous mais nous sommes attendu.

 

Il esquissa un geste pour avancer, se rétractant en comprenant qu'Eyleen ne pouvait plus bouger. Pour une raison inexplicable, elle ne ressentait pas l'envie de faire un pas de plus, préférant de loin admirer le visage séduisant du sénateur tout en écoutant sa voix sucrée.

 

- Enchanté de faire votre connaissance Eyleen. Souffla-t-il en lui tendant la main.

 

Elle ne se souvenait pas avoir donné son nom, ce qui ne l'empêcha pas d'avancer ses doigts, stoppée au dernier moment par Ren. Eyleen eût l'impression de recevoir un seau d'eau glacée sur la tête, envisageant l'espace d'une seconde de frapper sauvagement son compagnon avant de réaliser avec frayeur qu'elle se faisait manipuler.

 

- Éloignez vous de moi. Gronda-t-elle d'un ton menaçant.

 

Bien qu'elle se sentait submergée par une peur viscérale, Eyleen jeta un regard meurtrier à l'homme qui se contenta d'élargir son sourire.

 

- Toutes mes excuses, je ne vous retarderait pas plus. Ce fut un plaisir de rencontrer votre nouvelle assistante capitaine, et j'espère vous revoir très vite.

 

Il caressa son menton avant de les dépasser, ajoutant une dernière parole tandis qu'il s'éloignait le long du couloir incurvé.

 

- Je crains d'avoir mis le Maréchal Kriphos de mauvaise humeur, je compte sur vous pour le calmer.

 

Eyleen se retourna pour voir le sénateur disparaître derrière un groupe d'hommes, ressentant brusquement une terrible douleur dans son abdomen. Elle baissa les yeux pour contempler une blessure béante au niveau de son ventre, observant avec une terreur grandissante ses intestins se déverser sur la mosaïque du sol. Son corps trembla nerveusement et elle aurait sans doute hurler si Ren ne l'avait pas immédiatement saisit par les épaules pour la forcer à le regarder.

 

- Ce n'est pas réel. Lui assura-t-il avec force. Reprend ton calme.

 

Elle s'accrocha désespérément aux yeux sombres du sabreur en contrôlant sa respiration, et de longues secondes s'écoulèrent avant qu'elle parvienne à examiner de nouveau son ventre, réalisant avec soulagement qu'elle avait été victime d'une hallucination. Ren la lâcha pour l'inviter à le suivre, et Eyleen lui fut reconnaissante de l'avoir empêché de paniquer.

 

- Ren...

- Icare Alkadia est l'un des Sept. Souffla-t-il en anticipant sa question. Il est aussi l'un des sénateurs les plus influent de la Chambre du Conseil.

- Je pensais que vous étiez que deux. Se rappela Eyleen. C'est ce que tu avais dis à Alestan.

- J'ai menti. Il ne doit en aucun cas savoir que cet homme se trouve à Elaris.

- Pourquoi il ne...

- Je t'expliquerais plus tard. L'interrompit-il. Nous sommes arrivé.

 

Ils faisaient face à l'une des seules portes ne comportant pas de numéros. A la place, la plaque dorée annonçait le "Maréchal Zakary Kryphos, Commandant Aërim". Eyleen se remettait à peine de ses émotions lorsque Ren frappa deux coups, tournant la poignée lorsqu'une voix contrariée les invita à entrer. Ils pénétrèrent dans une pièce ovale éclairée aux flammes des chandelles, une douce pénombre comparée aux lumières éblouissantes des cristaux de l'Oros Florseïs. Épousant les courbes du lieu, des étagères garnies de livres et diverses pièces de mobiliers en bois précieux entouraient un bureau en chêne massif, derrière lequel un homme les observait. D'une cinquantaine d'années, ses cheveux grisonnants coupés courts et une barbe soigneusement taillée, le visage du maréchal Kriphos semblait taillé dans un roc, des rides profondes traversant son front anxieux à ses grandes cernes sous des yeux las et fatigués. Le pigeon qui avait annoncé leur venu s'envola par la porte avant que Ren la referme derrière eux, et la voix rocailleuse du commandant de l'armée Neutre s'éleva.

 

- Installez-vous. Je vous sers quelque chose ?

 

Ils refusèrent poliment en prenant place sur des sièges de velours, faisant face au maréchal qui s'empara d'une bouteille pour se remplir un verre de liquide ambré. Il vida le contenu d'un traite et son expression préoccupée se détendit tandis qu'il se versait une deuxième rasade, buvant cette fois-ci avec modération.

 

- Je t'attendais plus tôt. Lança-t-il à l'adresse de Ren. Et surtout seul. Qui est cette ravissante jeune femme ?

- Je suis le lieutenant Eyleen Tarimiel.

 

Elle tendit sa main, légèrement surprise lorsque le Maréchal se leva pour la prendre délicatement afin d'y déposer un baiser. Elle comprit rapidement que l'homme était un vieux charmeur, esquissant un sourire gêné lorsque celui-ci se réinstalla confortablement dans son fauteuil après avoir brusquement éclaté de rire.

 

- Félicitation Ren ! Je n'aurais jamais pensé que tu demanderais à quelqu'un de te seconder. J'imagine qu'il s'en est passé des choses à la frontière d'Elnath.

- On dirait que c'est aussi le cas ici. Devina le capitaine.

 

Zakary Kryphos se renfrogna, attrapant son verre pour en boire une gorgée avant de sortir une longue pipe de son épaisse veste blanche.

 

- Ce foutu Icare... Gronda-t-il en insérant du tabac dans la tête de son calumet. Il mène la Chambre à la baguette et voilà qu'il s'intéresse désormais à mon poste.

- Que voulez-vous dire ? L'interrogea Ren en fronçant ses sourcils aiguisés.

- Je viens d'apprendre qu'il a fait voté une motion cinq ans plus tôt pour que le Conseil partage le pouvoir exécutif en cas de guerre. Cinq ans ! Répéta le maréchal après avoir allumé sa pipe, inspirant à travers le bec pour recracher un épais nuage de fumée.

 

Eyleen remarqua que les poings du sabreur s'étaient resserrés sur ses jambes, et bien qu'elle ne saisissait pas encore les conséquences d'une telle annonce, elle n'avait aucun mal à deviner que ce fameux sénateur disposait d'une influence terrifiante.

 

- En somme vos décisions doivent forcément passer par le Conseil avant d'être appliqué. Résuma sombrement Ren. Où plutôt par lui.

- Il a déjà fait assez de mal en permettant à ce maudit traité d'être approuvé. Grommela le commandant Kryphos. Qu'est-ce qu'il peut bien gagner à déclencher une guerre ? Et surtout pourquoi tous ces idiots cupides le suivent aveuglément ? Sont-ils devenu fous ?

 

Le maréchal avait haussé le ton au point de crier dans son bureau, se ressaisissant pour reprendre son calme. Eyleen demeurait silencieuse, consciente que Ren avait de bonnes raisons de ne pas évoqué le fait que le dénommé Icare était en vérité un possesseur de sabre maudit, vraisemblablement capable de manipuler ses semblables d'un simple regard. Zakary Kryphos leur proposa à nouveau un verre qu'ils refusèrent, usant de l'occasion pour se resservir.

 

- Enfin... Soupira-t-il. C'est comme ça la politique. Je n'ai jamais été doué pour ce genre de choses. Je ne suis qu'un vieux guerrier ayant eût le malheur de monter en grade, et me voilà. Si j'avais votre âge, j'aurais fais sauter la tête de ce sénateur depuis belle lurette, croyez-moi.

 

L'alcool commençait à se mêler aux mots du maréchal, et Eyleen se sentait un peu mal à l'aise, pressée de sortir de l'Oros Florseïs, qui s'avérait être un lieu particulièrement inhospitalier. Elle était à peu près certaine que Ren avait le même sentiment, bien qu'il devait vivre ce genre de situations déplaisantes depuis plusieurs années. Le commandant demanda alors au capitaine de faire son rapport, et celui-ci s'exécuta après une demande pour le moins surprenante, surtout venant de Ren.

 

- Finalement je prendrais bien un verre.

 

Le Maréchal Kryphos sourit en les servant tous les deux, et Eyleen ne cessa de jeter des regards dubitatif au sabreur tandis qu'il entamait son récit détaillé sur tous les évènements d'Hekario, depuis son infiltration chez les mercenaires, chose qu'elle ignorait, jusqu'au recrutement de sa lieutenant. Il passa sous silence l'existence d'Alestan et du vieux Paul, remplaçant le premier par Hakim et ne faisant pas la moindre allusion concernant le gardien de la forêt. La bouteille d'alcool avait été vidé au cour de son long monologue, et Eyleen le soupçonna d'avoir intentionnellement poussé son supérieur à l'ivresse. Ce dernier tira un formulaire du tiroir de son bureau, déposant une signature au bas de la page avant de le faire glisser dans leur direction.

 

- Simple paperasse. Expliqua le Maréchal, dont les joues étaient désormais empourprées. Ce document officialise ta nomination. Ren, je compte sur toi pour me rendre un rapport écrit de cette affaire. Evite tous les passages où tu es directement impliqués, ce n'était à la base qu'une mission d'observation.

 

Souhaitant se libérer au plus vite de la partie administrative, Eyleen demanda une plume afin de renseigner les différentes informations la concernant. Ren en profita pour évoquer des sujets que le commandant n'aurait pas abordé aussi aisément en étant sobre.

 

- Qu'en est-il des autres Divisions ?

- Ah.. Et bien... Réfléchit distraitement le maréchal. Valdir et la Première seront de retour d'ici deux jours. La Deuxième vient de partir pour Ademar, la Troisième, Quatrième et Cinquième sont toujours à Elaris.

- J'aimerais mener la Troisième auprès de la reine Yilda. Annonça Ren avec détermination. Mes hommes seront plus utiles au royaume d'Elnath.

 

Une ombre passa sur le visage du Maréchal, et Eyleen regretta que le sabreur fut aussi direct, surtout après avoir si soigneusement préparé sa requête. Zakary Kryphos marqua une longue pause avant de s'exprimer.

 

- Tu es l'un de mes meilleurs éléments, l'un des rares en qui j'ai confiance. Assura-t-il. Mais je suis dans l'incapacité de te donner cette autorisation.

- La Deuxième est pourtant en route pour Ademar. Contra Ren. Et je suis certain qu'Estor va se rendre avec la Cinquième à Daëdra dans les jours à venir. Nous ne pouvons pas avantager un camp plus qu'un autre.

- Je me suis opposé au départ du Capitaine Seïko. Révéla sombrement Zakary Kriphos. Mais comme je te l'ai déjà dis, la motion du sénateur Alkadia permet à la Chambre de gérer les Aërims à leur guise. J'ai les poings liés.

 

L'atmosphère du bureau s'assombrit brusquement, et Eyleen pouvait presque palper la tension que dégageait le sabreur, dont les yeux noirs pétillaient dangereusement à la lueur des chandelles.

 

- Vous allez laisser des milliers de gens se faire tuer à cause d'une loi ?

- Si je t'autorise à quitter Elaris sans l'aval de la Chambre, non seulement nous serions tous les deux exécutés pour traitrise, mais les cinq cents hommes sous ton commandement seront distribué dans les quatre autres divisions. De toute manière Ren... Que changerais-tu en te rendant auprès de la reine ? Nous savons toi et moi qu'Elnath n'a pas d'autre choix que de se rendre dans ce conflit.

- Ma seule présence sur un champ de bataille suffit. Trancha le capitaine. Je peux offrir la victoire au royaume d'Elnath si vous me donnez la permission de guider mes troupes. C'est la seule façon de contrecarrer les plans d'Icare.

 

Un silence étouffant ponctua la phrase de Ren, perturbé par le crépitement des flammes. Eyleen avait terminé de remplir son formulaire, mais préféra ne pas prononcer le moindre mot tant que les deux hommes ne parvenaient pas à une entente, ou un désaccord. Le Maréchal poussa un long soupir après avoir réalisé que sa bouteille d'alcool était vide, rallumant sa pipe tout en réfléchissant aux paroles du sabreur.

 

- Voilà pourquoi je te fais confiance. Finit-il par déclarer. Je te promet d'essayer de t'obtenir cette autorisation dans les jours à venir. D'ici là je te conseille de rendre visite à tes hommes et de vous préparez au départ. Vous pouvez disposer.

- Merci Maréchal.

 

Ren se redressa, imité par Eyleen, qui déposa timidement sa plume sur le bureau. Elle croisa le regard du commandant Kryphos, y percevant de l'anxiété tandis qu'il reprenait le formulaire complété.

 

- Très bien, je vais pouvoir envoyé ça au service compétent. Bienvenue parmi nous lieutenant.

- C'est un honneur de rejoindre les rangs des Aërims. Le remercia-t-elle.

 

Le Maréchal esquissa un sourire, adressant un dernier mot à Ren avant qu'ils  franchissent le seuil de la porte.

 

- N'oublie pas ton rapport.

 

Il hocha la tête avant de rejoindre Eyleen dans le couloir, dont l'intense lumière blanche la força à plisser les yeux. L'entretien avait été éprouvant, en particulier pour Ren, dont la mauvaise humeur était à son paroxysme. Alors qu'ils se mirent en marche pour rejoindre le hall de l'Oros Florseïs, le sabreur au manteau noir s'arrêta pour frapper du poing le mur blanc de la galerie.

 

- Maudits soient-ils. Gronda-t-il. Tous autant qu'ils sont.

 

Il porta sa main sur la poignée de son sabre azuré, la plume offerte par le vieux Paul accrochée sur cette dernière, et Eyleen crût un instant que Ren perdait le contrôle, craignant qu'il laisse sa colère le consumer pour effectuer un massacre dans l'hexagone. Délicatement, elle lui toucha l'épaule, le sentant tressaillir au contact.

 

- Où est passé le noble guerrier impassible ? Lui demanda-t-elle avec douceur. Sortons d'ici, cet endroit me sort par les yeux.

 

Le courroux de Ren s'apaisa et ils quittèrent l'Oros Florseïs pour rejoindre les rues d'Elaris, baignées dans un halo bleuté sous la douce clarté de la lune.

 

 

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On continue par être bercé par le Royaume d'Elaris, toujours aussi contemplatif et magnifique.

J'ai apprécié chaque description et architecture des lieux. 

 

La vraie surprise du chapitre est qu'on revoit Icare plus tôt que prévu en tant que sénateur très influent, son pouvoir est toujours aussi redoutable et cruel.

 

Ça ne m'étonne pas qu'il arrive à mettre en plan une guerre vu son poste, il est au courant de tout et couplé à son pouvoir il peut manipuler tout le monde.

 

Je pense que ce personnage sera pour Al.

 

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