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Alestan - Chapitre 21 : Le Vagabond [FIN]


Alestan
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PROLOGUE

 

    « Fuis ! »

 

    La voix résonnait avec force dans son crâne, et il lui faisait entièrement confiance. Sa course enfiévrée à travers l'épaisse forêt semblait confuse, mais il n'en était rien. Son instinct avait pris le dessus pour le guider avec une agilité animale, bondissant au-dessus des énormes racines qui jonchaient la terre, s'engouffrant sous les branches pour parfois stopper net, comme si le jeune homme avait perçu un danger imminent.

 

    Au loin, dissimulée par plusieurs rangées d'arbres, une flèche fut décochée. La main qui maniait cet arc était expérimentée, et le trait fila entre les troncs pour se diriger droit sur sa cible. L'archer jura de l'avoir touché, mais l'autre avait déjà repris sa course folle. La voix lui avait chuchoté chacun de ces événements avant qu'ils ne se produisent. La seconde qui précédait une mort imminente.

 

    « Droite. Trente pas. Douze soldats. »

 

    Ce fut cette fois-ci une pluie de flèches, mais déjà le fuyard avait dégainé un sabre noir, dont la lame ne brillait pas. Il y eut un mot prononcé, suivit d'un bruit assourdissant, roulant comme le tonnerre sous les arbres de la forêt. Une rumeur. Un cri, prolongé par de nombreux autres. Les carreaux des archers ne touchèrent pas le jeune homme, excepté le premier. La flèche lui traversa l'épaule, et il serra les dents après un mouvement de recul. Un simple mortel se serait sans doute écroulé de douleur, mais le feu qui coulait dans ses veines le maintenait sur ses jambes. Il avait connu pire.

 

    « Urkaëth. »

 

    Le sabre expira un nuage ténébreux, qui prit de l'ampleur à chaque battement de cœur, et cette brume d'encre se dispersa ensuite dans un terrible tumulte. Elle glissa entre les feuilles des vieux chênes et des érables centenaires, avec la forme vaporeuse de visages et de crânes. Face à ce spectacle qui relevait certainement d'un puissant sortilège, les soldats restèrent figés de terreur. La vie de la forêt elle-même semblait s'être flétrie. Il n'y avait que ce sombre brouillard aux formes grotesques, et une ombre qui fuyait à travers les feuillages. Celle-ci faucha deux gaillards de sa lame morte avant de disparaître à la vue de tous. Le jeune homme reprenait ses esprits quand la voix retentit une dernière fois.

 

    « Là-bas, vers le pont. »

 

 

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Jimbox, te revoilà de retour... Avec un prologue bien intriguant ! Et ce, pour deux choses à mes yeux : le titre qui est cité à l'intérieur et cette voix qu'entend ce mystérieux inconnu. *clin d’œil*

 

J'ai reconnu tous les éléments que tu présentes. Je sais ce que tout ce que cela représente, en particulier ce pont. Ah oui, là où tout a commencé, là où la vie d'un jeune homme en ressortit changée à jamais... À moins que je n'aie rêvé ce jour-là ? Qu'est-ce qui est différent, qu'est-ce qui ne l'est pas ? Vers où nous conduiras-tu, nous, lecteurs, pauvres témoins impuissants de cette histoire ? Quant à ce je ne connais pas, j'ai bien une première idée en ce qui concerne ce murmure au pouvoir de prédiction, mais il est trop tôt ! Hélas ! Les pièces du puzzle sont encore incomplètes. Il manque encore des éléments. En attente du grand commencement de cette aventure !

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CHAPITRE 1 - L'IMPREVISIBLE

 

Effrayé par l'inconnu, l'homme tend naturellement à élargir ses connaissances dans le but de comprendre et maîtriser son environnement. Du plus riche au plus pauvre, du plus puissant au plus faible, chaque membre de l'espèce humaine se trouve émotionnellement impacté lorsqu'une situation illogique, non préméditée, se dresse devant lui. Nous le nommons « l'imprévisible », ou encore le Destin, et quelque soit le lieu ou l'époque, l'homme préfère dépendre de ce qu'il connaît, quitte à faire abstraction de ce qu'il ne comprend pas.

 

Mais lorsque la peur du changement est la conséquence d'une paresse confortable, la roue tourne pour précipiter les nations et les empires dans la dégénérescence. Un royaume en plein déclin se voit alors en proie à des rebellions et une corruption de plus en plus virulente. La société meurt de l'intérieur, sans intervention extérieur. Le peuple devient son propre ennemi, car il est désormais esclave de l'imprévisible, au lieu d'être le maître de son destin.

 

C'était dans ce climat instable et étrange, peu avant l'équinoxe de mars, que Jin se rendait à la frontière Nord de son pays. Un grand panier en osier dans le dos, un chapeau de paille cachant son regard, Jin se présentait généralement comme un petit forgeron commerçant avec les villages frontaliers. Un commerce de plus en plus difficile depuis la rupture diplomatique avec le royaume voisin, car les marchands se trouvaient souvent confronté à de longs interrogatoires par les gardes frontières, se voyant même confisquer leurs biens, dans l'illégalité la plus complète. Cependant Jin avait entendu parlé dans une auberge de Shura, sa ville natale, d'un passage  peu connu dans la forêt.

 

« … Paraît que ça débouche directement chez les Elnaë. »

« Et ils payent avec une monnaie frappée d'or ! »

 

C'était l'argument qui avait poussé Jin à réunir ses plus belles pièces et venir les vendre au peuple voisin, et ce malgré les tensions entre les deux royaumes. Le soleil déclinait sous un voile pourpre lorsque le forgeron arriva à la frontière entre sa patrie et les régions verdoyantes d'Elnath. Une faille délimitait les deux territoires et un fleuve s'y engouffrait pour se perdre à l'horizon. Comme le client de l'auberge l'avait signalé, aucun soldat ne surveillait le passage, et Jin se dirigea sans hésiter vers la seule structure permettant de traverser l'obstacle naturel.

 

Il s'agissait d'un pont suspendu depuis longtemps oublié, fait d'un enchevêtrement de lianes et de cordes usées, dont les planches pourrissantes menaçaient de se rompre au moindre faux pas. Il avait sans doute été construit par les habitants des alentours, voir même par des chasseurs en quête d'un plus vaste choix de gibier. Réajustant son fardeau, Jin entreprit la traversée avec calme et précaution. Le pont était en mauvais état, mais il demeurait encore solide, et le seul véritable danger résidait dans les parties moisies du bois. La largeur de la passerelle était trop étroite pour laisser passer plus d'une personne, et Jin remarqua à mi-chemin que le courant du fleuve, en contrebas, s'accélérait à l'approche d'un entonnoir rocailleux. Comme expirer par l'immense forêt du royaume voisin, une bourrasque fit frissonner le pont de fortune, charriant dans son sillage un air froid et emplit d'un parfum primitif.

 

Jin s'immobilisa en maintenant son équilibre, et son regard ambré s'arrêta entre les arbres qui lui faisait face. Il y avait des éclats de voix étouffés, et de nombreux bruissements, comme si une battue battait son plein. La végétation semblait aussi plus menaçante, plus dense, avec des ombres qui donnait l'impression de s'étendre à vue d’œil. Jin hésita à faire demi-tour, avant de se raviser avec une pointe de colère.

 

La monnaie d'or des Elnaë lui permettait d'économiser, et il ne manquait plus qu'une bonne vente pour enfin atteindre son but. Ce passage lui évitait d'être questionné par des soldats, d'autant plus qu'ils risquaient de découvrir son secret au terme d'un interrogatoire. Après avoir abaisser son chapeau de paille, Jin reprit sa traversée lorsqu'une nuée d'oiseaux émergea de la cime des arbres. Des gens se rapprochaient. Sa silhouette fine dissimulée sous d'amples vêtements, le jeune forgeron esquissa un geste en arrière. Un individu venait d'émerger de la forêt pour se diriger vers le pont à toute vitesse. Une cape blanche et déchirée de part en part s'agitait nerveusement dans son dos, et Jin parvînt à décerner les traits d'un homme sous une cascade de mèches sombres.

 

- Dégages !

 

Il regardait dans sa direction en agitant un bras, l'autre occupé à maintenir un fourreau à sa hanche. D'autres formes émergèrent à sa suite, et Jin se paralysa en reconnaissant les armures de l'armée Daër. Les soldats de son royaume poursuivaient le fuyard qui s'apprêtait désormais à traverser le pont instable, tout en hurlant des ordres à son attention.

 

- Demi-tour ! Bouges !

- J'étais là en premier ! Protesta courageusement Jin.

 

L'autre se préoccupa nullement de cette règle de priorité pour s'engager sur le pont, qui se mit alors à tanguer dangereusement.

 

- A quoi vous jouez ?

- Au jeu de la vie et de la mort.

 

Sa voix s'était brusquement baissée, suffisamment forte pour que Jin soit capable de l'entendre, grave et teinté d'un léger sarcasme.  Sur ces mots, il fit un bond prodigieux pour plaquer le forgeron hébété contre les planches pourrissantes du pont. Le bois émit des craquements plaintifs sans toutefois se rompre, et Jin commença à se débattre lorsque son agresseur, couché sur lui, le força à basculer sur le coté. Il y eût un sifflement suivit d'un choc sourd, et Jin devina qu'une flèche venait de se planter dans son panier. Le visage du fuyard était beaucoup trop proche du sien, et malgré la confusion de leur situation, il était impossible d'ignorer une figure aussi particulière. Outre la finesse des traits et la jeunesse qui en résultait, les yeux qui fixaient Jin donnaient l'impression d'être figés dans le flot du temps. L’œil de gauche était semblable à l'ancienne forêt qui bordait la frontière et l'autre, aux teintes d'une pierre de lune, éveillait les souvenirs d'un âge oublié. Il se trouvait barré par une cicatrice, comme si quelqu'un avait tenté de l'arracher, incapable d'en supporter le jugement implacable.

 

Ce regard était celui de l'imprévisible, et il marqua profondément Jin. Le jeune homme qui venait de sauver sa vie dégageait une aura chaotique de sentiments contraires. Il semblait sournois tout en inspirant la confiance, sombre et menaçant en dépit de son air sympathique. Noble, malgré une apparence de pauvre vagabond. Il jeta un coup d’œil en direction du fleuve qui se précipitait à bonne distance sous leur position, avant de reporter son attention sur ses poursuivants. Cinq de ces guerriers en armure d'ébène étaient sur le point de les rejoindre, poussant Jin à lancer un avertissement d'une voix beaucoup plus aiguë que prévue.

 

- Les cordes vont céder !

 

L'homme à ses côtés se redressa agilement, dévoilant une blessure impressionnante lui lacérant le dos. Les lambeaux de sa cape trouvaient leur explication, et tandis qu'il esquissait un pas vers ses adversaires, sa voix parvînt aux oreilles de Jin.

 

- Fuis.

- De quoi vous...

 

Sa réplique s'évanouit dans la secousse qui suivit, indiquant la traversée inconsciente des soldats frontaliers.

 

 

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Super chapitre !

 

Et je commence à comprendre que tu as repris le début de ton histoire à priori...donc tu as changé quelques éléments scénaristiques pour cela et on découvrira pourquoi lors de la suite. Mais en tout cas l'écriture est toujours aussi bonne à lire, fluide et bien décrit, chapeau bas !

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La plainte des cordes s'éleva clairement, et le pont perdit soudainement de l'altitude, menaçant de les faire basculer dans le précipice. La passerelle se stabilisa malgré la terrible tension exercée dans son armature, et tandis que chacun soupirait avec soulagement, Jin distingua plus précisément la situation. Un trio de guerriers s'étaient immobilisé l'un derrière l'autre, à deux pas du jeune fuyard blessé. Leurs camarades s'amassaient aux abords de la faille, et certains les visaient désormais avec de longs arcs d'if. Une voix se répercuta contre les arbres de la forêt pour se perdre dans le courant du fleuve, appartenant sans doute à l'officier en charge du régiment. 

 

- Prenez-le vivant !

 

Il y eût des hésitations et des regards appuyés, aussi bien entre les soldats qu'avec le vagabond aux cheveux sombres. Sur le pont, il était en position de force, mais s'il parvenait par miracle à terrasser ses adversaires, il deviendrait alors la cible des archers perchés sur la rive. La seule stratégie consistait à maintenir l'attention sur la fragilité croissante du pont, et convaincre les soldats de les laisser reculer. Ce long raisonnement, Jin ne le fit que bien plus tard,  car à cet instant son instinct de survie l'avait redressé pour l'écarter lentement et discrètement du conflit. Des brides de la conversation entre le jeune homme et les trois guerriers perçaient par intermittences le sifflement naissant du vent.

 

- Vos soldes valent vraiment un sacrifice aussi absurde ?

- Contentes-toi de nous suivre !

- J'ai une famille...

- Mais qu'est-ce-que vous attendez ! Keiro !

 

Le chef de troupe vociférait à la tête du pont, son sabre dégainé près des poutres qui supportaient la structure et ses cinq passagers. Dans son armure de plate noire, le gradé désigna le nœud de lianes et de cordes avec la pointe de sa lame.

 

- Prenez une décision Keiro !

 

L'homme désigné par son commandant se trouva confronté à une pression beaucoup trop grande, entre la menace d'être précipité dans le vide et celle de désobéir à un ordre qui allait à coup sûr lui valoir le même sort. De son côté, Jin avait parcouru plus de la moitié du chemin vers sa fuite, lorsque le dénommé Keiro craqua. Son sabre étincela telle une flamme dans les derniers rayons du couchant, et imité par ses deux compagnons, il chargea le vagabond blessé.

 

Jin se mit à courir, mais trop tard, car les ondulations qui s'emparèrent du pont étaient assez puissantes pour l'envoyer dans le lit du fleuve. Le matériel qui remplissait son panier l'attira contre les cordes instables, et c'est avec le cœur serré que Jin abandonna le fruit de son travail dans le précipice pour agripper les liens de la passerelle, évitant ainsi une chute prodigieuse. Son regard passa de la ruée des flots à l'autre rive, où une douzaine de soldats observaient avec un mélange d'effroi et d'admiration le combat chaotique de leurs trois camarades. 

 

Les valeureux guerriers se cramponnaient à la manière de Jin, tout en abattant aveuglément leurs lames en direction du vagabond qui, perché dans le vide, tirait de tout son poids le côté droit du pont. Les ondulations qui menaçaient Jin n'étaient rien comparé aux vagues éprouvées par les trois soldats, qui leur éjectaient parfois des morceaux de bois pourris au visage.  Les archers eux-même se trouvaient incapable de viser tant leur cible se balançait inlassablement à bout de corde, au point ou le pont agissait comme un élastique, en le renvoyant plus haut à chaque poussée. L'un des guerriers ne put tenir, et dans un dernier mouvement de lame il lâcha prise. Son cri résonna contre les parois de l’entonnoir avant de s'éteindre dans le courant du fleuve. 

 

Une liane se rompit dans un coup de fouet, mais l'homme au regard mystérieux s'était déjà laissé projeter dans les airs au terme d'une dernière poussée. Son corps effectua plusieurs rotations, telle une flèche tourbillonnant dans le vent. Son fourreau ténébreux en main, le vagabond désarma le dénommé Keiro avant de se réceptionner difficilement contre les planches éparses du pont. Plusieurs se brisèrent sous son poids, le forçant dans sa chute à se cramponner à l'armure du brave soldat. Entre les cris de protestations et le tir incertain d'un archer, le guerrier restant entreprit de rejoindre ses camarades malgré les ordres répétés de son supérieur.

 

- Capturez-le ! Ne m'obligez pas... Soldats !

 

Même en réitérant sa menace de trancher les liens du pont, son sous-fifre refusa de périr inutilement pour continuer sa progression vers la rive. Jin l'imitait de son côté, progressant pas à pas sans que personne ne lui prête attention. Son salut était proche quand un nouvel éclat l'immobilisa. Après avoir escaladé le corps de Keiro, le vagabond progressait désormais avec agilité dans sa direction, évitant miraculeusement les flèches qui sifflaient autour de lui.

 

- Cours ! Cours !

 

Il lui adressait ses mots sans se préoccuper de l'officier qui abattait son sabre contre les poutres soutenant l'armature du pont. Dans un effort ultime Jin se projeta vers la rive, mais sans parvenir à atteindre le rebord rocailleux. L'une des cordes se coupa net sous la lame du gradé, et le choc propulsa les deux soldats restants dans le vide. Alors que Jin s'accrochait de toutes ses forces au lien restant, ses yeux passèrent de l'officier enragé au vagabond qui progressait inlassablement de liane en liane, sans faiblir. Cette vision l'encouragea à faire de même malgré la fatigue qui se faisait ressentir dans ses membres, alourdissant son corps à chaque secondes.

 

- Accroches-toi !

 

Sans cet avertissement, Jin aurait été entraîné de tout son corps dans la faille. La dernière corde fut tranchée dans un sifflement sinistre, puis la carcasse du pont s'écrasa contre la parois du précipice dans un terrible fracas. Les planches éclatèrent de toutes parts tandis qu'ils heurtaient douloureusement le roc. Jin, ses mains solidement resserrées sur la liane, sentit son front percuter la pierre dans un éclair aveuglant. Le temps se figea, et le chaos des sons se réduit à un bourdonnement sourd, presque agréable. Un ronronnement dans lequel son chapeau de paille s'envolait au gré du vent tandis que son corps chutait dans le vide, et que son secret se dévoilait aux yeux du monde.

 

Le visage de celui qui se prétendait jeune forgeron arborait une grâce et une finesse n'ayant rien de masculin. Et sous ses vêtements amples de marchand itinérant, se cachait des formes qui n'échappèrent pas au regard du vagabond. Jin perdait conscience lorsqu'une poigne puissante se referma sur son bras. Elle sentit sa chute se stopper brusquement, et l'homme qui était à l'origine de tout ce chaos lui sauva une nouvelle fois la vie. Ils n'étaient qu'à quelques mètres sous le bord de la rive, et derrière eux, des soldats bandaient leurs arcs sous les dernières lueurs de l'astre du jour. Jin entendit un juron, et tandis que son regard se voilait d'obscurité, son corps sembla soudainement être tirer vers le ciel.

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Alors quel revirement !

 

Jin est maintenant une femme Oo, que s'est il passé pour ce nouveau choix ;D. M'enfin je suppose que c'est pour une raison que tu connais, néanmoins encore une fois un super chapitre, les actions toujours bien décrit et accrocheur. Franchement j'ai hâte de voir tout ça sous format dessin ^^

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Merci pour vos remarques Kyojin et Atsuki ! Voici le chapitre 2 :

 

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CHAPITRE 2 : L'HESITATION

 

Jin flottait dans une mer d'étoiles, enveloppée de brume et naufragée dans le silence de l'espace, elle réfléchissait à la façon dont sa vie venait de prendre un tournant décisif, autant qu'improbable. Son esprit voyageait, mais elle gardait une image de son corps matériel. Le jour s'était retiré et un homme la portait, ses vêtements couverts de terre et de sang. L'un de ses bras formait un angle inquiétant, et sous des mèches sombres trempées de sueur, son visage se crispait d'épuisement. Il marchait hors des sentiers, longeant un ruisseau et de hauts peupliers, lorsqu'il trébucha près d'un champ de blé. Jin ressentit la secousse, et le ciel embuée de son rêve laissa place à la véritable voie lactée.

 

Elle se trouvait allongée près du paysage qu'elle venait d'imaginer, et tandis qu'elle touchait une bosse énorme et douloureuse sur son front, un regard inquisiteur apparu dans son champ de vision. Un œil gris de félin et un autre dont les teintes variaient du vert au bleu sombre. De la transpiration perlait sur un nez légèrement busqué, alors que le timbre amusé de sa voix ramenait Jin à la réalité.

 

- Vivant... Ou vivante ?

 

Pour toute réponse, elle abaissa instinctivement son chapeau de paille, mais celui-ci voyageait désormais au gré du fleuve. Embarrassée, elle se redressa pour forcer le vagabond à s'écarter, et formula la première question qui lui venait à l'esprit.

 

- Où sommes-nous ?

- Tu le sais mieux que moi.

- Qui êtes-vous ?

- Je le sais mieux que toi.

 

Jin perçu de la légèreté dans le ton qu'il avait employé, comme si la situation lui convenait telle qu'elle était. En vérité, celle qui avait le plus perdu dans la folie des derniers événements c'était elle. Le fruit de son travail, sa réputation auprès de l'armée, car après tout, elle pouvait être considéré comme complice d'un criminel. Le pire demeurait la perte d'argent, car elle sacrifiait ses journées et parfois ses nuits à produire des pièces de qualité pour les vendre une misère comparé à ses concurrents. La colère s'emparait irraisonnablement de Jin, et elle s’apprêta à la déverser sur le responsable de ses déboires lorsqu'elle se trouva face à une main tendue et meurtrie. Le jeune homme esquissait un sourire triste, et son état faisait peine à voir.

 

- Alestan.

 

Cet inconnu avait un nom. Un nom étrange et rare, la version masculine des terres l'ayant vu naître. L'imprévisible qui lui évita la mort, tout en étant la cause. Sans pouvoir l'expliquer, Jin le perçu à cet instant comme un messager. Elle lui serra la main pour se présenter d'une voix ferme, contrairement aux émotions qui naissaient en elle.

 

- Jin.

- Je vois...

 

Il fit mine de comprendre quelque chose puis, sans avertissement, Alestan s'écroula dans l'herbe. Il saisit dans un geste mécanique la poignée de son sabre, avant de s'immobiliser pour sombrer dans l'inconscience. Jin ne sût combien de secondes, voir même de minutes elle demeura silencieuse et contemplative.

 

- N'y songe pas.

 

Elle contredisait à voix haute les pensées qui luttaient dans son crâne douloureux. Passant plusieurs fois les mains dans ses cheveux courts, Jin jetait parfois un regard hésitant sur le corps du vagabond.

 

- Tu lui dois rien... Je te dois rien ! Ajouta-t-elle en le désignant du doigt.

 

Il ne broncha pas, et les secondes s'écoulèrent au rythme des clapotements du ruisseau. Des grenouilles croassaient, et au loin des clameurs étaient portées par le vent. Les nuits étaient encore fraîche et Jin frissonna. Elle crût entendre la voix de sa sœur, dont la compassion frisait parfois la naïveté, mais qui agissait toujours selon la raison de son cœur.

 

« C'est souvent quand nous avons le moins que nous donnons le plus. »

 

Une partie d'elle souhaitait aider le vagabond, tandis que l'autre la pressait de rentrer au plus vite. Au terme d'un long débat intérieur, elle tira difficilement le corps jusqu'à une ferme en se faisant passer pour la compagne du jeune homme blessé. Un cultivateur au visage buriné par le soleil et aux muscles saillants interrompit son dîner pour les guider jusqu'à la grange, sans s'attarder sur les nombreuses incohérences du récit de Jin. Une partie des blessures d'Alestan ne s'expliquait pas par l'accident du pont suspendu, et le sabre qu'il serrait aussi fermement qu'un étau sur le fer éveilla un regard suspicieux chez le fermier.

 

- Vous êtes sûr qu'il est vivant ?

- Oui. Affirma Jin, presque suppliante. Je dois l'emmener chez un soigneur au plus vite.

- Oui, oui je vous comprends... Je veux bien vous louer un âne, mais pas d'entourloupe.

 

Tremblante, Jin fouilla dans ses poches en quête de quelques pièces. Par chance, elle avait prévue des réserves pour les échanges qu'elle aurait normalement conclu sans la tournure des évènements.

 

- Trente-deux Jougen ? C'est suffisant ?

- Je peux vous en prêter un vieux à ce prix là.

 

Jin lui fourra dans la main une dizaine de pièces en alliage de cuivre argent et de tailles diverses. L'homme d'une quarantaine d'années les compta rapidement avant de s'éclipser une longue minute. A son retour, il tirait une bête aux poils presque blancs et aux sabots trop long, signe d'un certain désintérêt du cultivateur envers l'animal. Ignorant la petite voix qui critiquait cette dépense inutile, Jin se pressa d'installer le corps inerte d'Alestan sur l'âne avant de remercier d'innombrables fois le fermier, qui affichait une expression satisfaite après cette affaire plus que rentable. 

 

- Tu as intérêt à être un noble ou je ne sais quoi de fortuné...

 

Elle s'autorisait parfois une remarque à l'encontre de son fardeau inconscient, tandis que ses mains guidaient doucement l'animal le long d'un sentier qu'elle connaissait bien. Le croissant de lune projetait une lumière douce, presque irréelle, sur la ville qui apparaissait à l'horizon. De hautes cheminées se dressaient au milieu d'une couronne de pierre et leurs tuiles, baignées dans un rayon d'argent, scintillaient comme des fers de lances gardant le flanc des collines. Il s'agissait de Shura, dernière cité majeure du royaume de Daërda avant l'immense forêt des Elnaë, et principale  carrefour économique des exportations vers les pays du Nord. Une ville indépendante et indispensable, dont le cœur industriel voyait défilé les minerais les plus précieux et les plus résistants des mines du Chemin d'Or. Certains trouvaient leur bonheur dans les marchés sauvages autour de l'ancien palais, où se glissait parfois un marchand du royaume voisin, sous une allure d'apothicaire, vantant les mérites d'un remède de fée.

 

Mais l'attraction principale demeurait ces grandes cheminées aux tuiles colorées, tradition millénaire des forgerons Daër, dont la réputation s'apparentait à une légende au sein des peuples d'Alesta. Jin était bien placée pour le savoir, et les gens disaient vrai en chuchotant que les forges de Shura abritait un mystère. Celui-ci n'était pas dans la conception des lames réputées indestructibles, ou la transmutation des métaux en or, mais il concernait le propriétaire d'un vieux manoir sur une colline.

 

Jin avait entendu des choses incroyables sur le vieillard qui y vivait seul, coupé du monde par un grand mur supplanté de piques, par delà lesquels on pouvait apercevoir une cheminée et la cime d'un immense arbre aux feuilles noires. Le vieux Maëda, dont le nom rappelait des souvenirs d'enfances aux plus anciens de la ville. C'est de lui que venait le secret d'un alliage métallique inaltérable, et la classification de toutes les gemmes avec leurs propriétés alchimiques. Les plus audacieux le désignait même comme étant le concepteur des Forgeciels, même si cela impliquait un âge extrêmement avancé pour l'inventeur, frôlant les dix siècles.

 

Jin pouvait apercevoir la flèche qui surplombait la cheminée du domaine impénétrable, encore tremblante après l'interrogatoire des gardes de la porte Nord. Leurs questions, sur la présence d'un homme armé et blessée gisant sur un âne en fin de vie, l'obligèrent à inventer une histoire de duel lié à une querelle amoureuse à grand renfort de larmes, qui venaient presque trop naturellement. Alors que la demeure sur la colline disparaissait derrière les toits sombres des bâtisses, Jin engagea l'animal et son fardeau vers les rues plus étroites et plus proches du cœur de la ville. Des lampions d'un rouge émaillé diffusaient une lueur tamisée, alternant parfois avec une ruelle aux lanternes colorées. Les toits courbés s'allongeaient à mesure que les routes pavés rétrécissaient, et un tumulte s'élevait depuis un quartier proche, où l'on devinait une brasserie et d'autres divertissements pour les âmes vagabondes de la nuit.

 

L'âne se stoppa à l'arrière d'un bâtiment qui donnait sur l'avenue festive, haut de trois étage et parmi les plus grands de cette partie de la ville. Ramassant un petit gravier sur le sol, Jin le fit ricoché sur un volet du premier balcon, qui s'incrustait dans l'enchevêtrement de poutres et de piliers de l'édifice. Plusieurs secondes passèrent dans une attente anxieuse, puis le volet glissa pour révéler un visage partiellement maquillé, sous une coiffure aussi complexe qu’élégante.

 

- Jin ? Qu'est-ce-que... Ce n'est pas un cadavre sur cet âne ?

- Je t'en prie Sorina, fais-moi confiance.

 

Elle jeta à sa sœur un regard implorant, espérant qu'elle percevrait la détresse dans sa voix, à peine plus haute qu'un chuchotement.

 

- Je ne ferais jamais une demande pareil si ce n'était pas une urgence absolue, poursuivit Jin avec ferveur, j'ai besoin que tu caches cet homme pour une nuit.

- Attends une seconde...

 

Sans la questionner d'avantages, Sorina disparut de son champ de vision pour réapparaître avec un cordage enroulé, qu'elle passa par une poulie suspendu à la poutre du balcon supérieur. Ce mécanisme, qui était ordinairement utilisé pour emménager des meubles plus facilement aux étages, servit à hisser le vagabond jusqu'à la chambre de Sorina à l'aide de l'âne. Jin ne savait pas si elle devait se réjouir ou s'alarmer de la vitesse avec laquelle sa sœur s'était laissée convaincre.

 

- Tu me sauves la vie... La remercia-t-elle en joignant ses mains en signe de prière. Je viens le récupérer avant l'aube.

- Où comptes-tu aller au milieu de la nuit ?

- Je vais rendre cet âne, prendre un bain, et réfléchir.

 

Sa sœur la fixait intensément depuis son lieu de vie et de travail, mordant ses lèvres pour ne pas la noyer de questions. Jin s'en voulait de lui causer autant d'inquiétudes alors qu'elle s’apprêtait à divertir des hommes esseulés et des amants infidèles, jusqu'à une heure avancée de la nuit. Elle se sentait honteuse d'importuner Sorina, de se reposer sur celle qui lui avait éviter de finir esclave dans une maison close.

 

- Jures-moi que tu n'es pas en danger.

- Promis. La rassura Jin. Je serais vite de retour.

 

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Un chapitre plus calme mais néanmoins enrichissant !

 

Ce coup ci c'est la ville de départ qui est changé directement par un royaume qui n'est pas n'importe lequel. On entend même parler du légendaire et mythique forgeron et Jin ne semble pas le connaitre véritablement dans cette réédition. Bref ça avance petit à petit avec des changements assez percutants et j'attends de voir les autres surprises que tu nous réserves ! 

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CHAPITRE 3 - LE DUC

 

Avec son acabit de noble guerrier,  seul dans une salle de réception pierreuse et circulaire, le duc de la province de Suo versa une grande portion de liqueur dans sa tasse de thé. Massif dans son armure de plates sombres, les cheveux longs et légèrement dégarnis, son visage inspirait le respect plus que l'admiration, la faute à une large brûlure qui défigurait l'un de ses profils. Son devoir de noblesse l'avait tiré hors de sa retraite rurale pour désormais commander la tour d'Agashita, poste frontière le plus au Nord du royaume de Daërda. Cette particularité avait son petit effet auprès du peuple, et Haruda, duc de Suo, pouvait prétendre à peser dans les décisions politiques de sa patrie. Du moins, avant l'incident.

 

Le commandant Haruda avait reçu une missive au début de l'après-midi, un avertissement du capitaine de la Troisième Division de ce qu'il nommait « l'armée des armées ». L'Union des Cinq Royaumes. Depuis la rupture des relations diplomatiques entre son pays et leur voisin Elnaë, cette organisation de paix avait envoyé ses forces assurer la sécurité des frontières. Haruda ne les aimait pas, mais la décision des représentants des cinq puissances était irrévocable. Il devait coopérer. Ainsi, le message qui l'appelait à intercepter un homme suspect, de préférence en vie, fuyant vers son secteur lui paru au premier abord comme une requête simple, une occasion pour le duc de faire ses preuves. Grave erreur.

 

Le fuyard en question, un gamin aux yeux d'Haruda, s'avéra être aussi insaisissable qu'un démon des vieilles histoires. Le premier groupe que le commandant envoya ne donna plus de nouvelles, et le deuxième, plus imposant, était rentré la queue entre les jambes, jurant qu'une brume d'ombre les empêchait de voir et d'avancer.

 

Excédé, Haruda organisa une battue qu'il dirigea en personne, et tout se passa selon sa stratégie jusqu'à l'incident du pont. Le duc voyait encore cet homme appuyé contre les rocs de la faille, enroulant une corde autour d'un bras, l'autre retenant le corps inerte d'un civil, évitant les traits de ses archers pour toujours progresser hors du précipice. Le commandant Haruda avait laissé filer un homme en causant la perte de huit valeureux soldats. Sa réputation était fichue, à moins de rejeter la faute sur ce fameux capitaine de l'Union. Le duc réfléchissait à cette éventualité quand deux coups discrets retentirent à la porte de la salle, trônant au centre de la tour de guet d'Agashita. Un soldat entra pour s'incliner rapidement devant son commandant, qui s'était levé en lui faisant signe de parler.

 

- Excellence, tout porte à croire que notre homme se cache dans la ville de Shura.

- Et ? Gronda Haruda, dont le mécontentement semblait le faire enfler secondes après secondes. Je suppose que vous l'avez pisté, lieutenant Sannan ?

 

Le guerrier semblait hésiter, ce qui irrita davantage le duc. Il réitéra cependant sa question d'un ton calme et paternel, dans l'espoir d'encourager le soldat à confesser ses fautes. Rassuré, le lieutenant Sannan Keisuke, trentenaire à la fois sérieux et ambitieux, se mit alors à conter une histoire d'âne, de paysan aidant un jeune couple, et encore d'un duel pour une querelle amoureuse, jusqu'à ce que le commandant abatte son poing sur la table ronde meublant le cœur de la pièce.

 

- Bordel Sannan ! On ne vous paye pas pour raconter des conneries mais pour agir !

- Pardonnez-moi Excellence, mais... Ce sont les témoins qui...

- Foutez moi le camp !

 

Le guerrier tressaillit en demeurant solennellement au garde-à-vous, visiblement habitué aux excès colériques de son supérieur. Voyant que le lieutenant ne bougeait pas, Haruda se prépara mentalement à une mauvaise nouvelle supplémentaire.

 

- Autre chose ?

- Oui Excellence. S'excusa le soldat. Le capitaine Raigin de l'Union souhaite s'entretenir personnellement avec vous.

- Quand ça ? S'exclama le commandant, prit au dépourvu.

- Tout de suite, si possible.

 

Inimaginable. Sous l'effet de l'alcool sans doute, Haruda perdit son sang froid, écartant les bras pour ensuite frapper ses hanches à plusieurs reprises. Le métal de son armure résonna contre les pierres de la salle circulaire, alors qu'il insultait le pauvre Sannan, ce dernier embarrassé par le comportement de son supérieur.

 

- Mais oui lieutenant ! Scanda le duc avec ironie. Laissez donc passer n'importe qui dans ma tour ! Demeuré ! J'emmerde ces bandits de l'Union !

- Excellence...

 

Le commandant s’apprêtait à lancer une nouvelle salve de remontrances lorsque la porte de la salle s'écarta vigoureusement, obligeant le soldat à s'écarter. Une grande silhouette, effilée comme une lame, se dessina dans l'encadrement de l'entrée, et une brise s'engouffra en même temps qu'elle dans la pièce, où se tenait ordinairement les réunions stratégiques. Haruda faisait désormais face à un homme beaucoup plus jeune que lui, drapé d'un long manteau noir sur lequel était tressé, à l'emplacement du cœur, trois rayons dans un cercle blanc. Son regard d'aigle, d'un bleu d'azur, était difficilement soutenable.

 

- Pardonnez ma venue soudaine commandant Haruda.

 

Le ton était stricte, comme le visage du capitaine Raigin, dont l'allure dégageait pourtant une forme de douceur. Ses longs cheveux sombres noués en une tresse guerrière, et l’absence d'une armure donnait l'impression que le jeune soldat de l'Union appartenait à une classe presque religieuse. Outre le silence qui avait suivit les paroles du capitaine, le duc se surpris à ressentir une légère inquiétude. Il semblait qu'un courant d'air continuait d'entrer dans la salle même après que Sannan eût fermé la porte. Cette impression se portait étrangement sur le sabre à la hanche du capitaine Raigin, dont la poignée était faite d'un cuir bleu électrisant.

 

- Je ne m'y attendais pas. Parvint à articuler le commandant Haruda, après avoir retrouvé son calme au terme d'un effort considérable. Capitaine Raigin, c'est bien ça ? Enchaîna-t-il, sans laisser le temps à son interlocuteur de répondre. Du thé peut-être ?

- Je dois vous parler commandant.

- J'en prendrais aussi. Sannan, allez nous faire du thé.

 

Le lieutenant saisit l'occasion avec soulagement, ravi de ne pas assister à la discussion qui allait suivre. Haruda se demandait pourquoi il se sentait gêné, comme si le capitaine était son supérieur. Son aura et sa voix autoritaire avait peut-être impressionné le duc, mais n'était-il pas, de par sa naissance, un seigneur de Daërda ? Ce Raigin possédait les traits de son peuple, et son grade lui était nettement inférieur. Après tout, l'Union des Cinq Royaumes ne représentait aucune menace au plan militaire, ce qui ramena Haruda à son idée de rejeter l'incident sur l'inexpérience du jeune Raigin.

 

- Toute cette histoire trouve son origine dans votre lettre capitaine. Nous devrions clarifier la situation sur...

- Je n'ai pas le temps de bavarder commandant, je vous prie de vous asseoir et de m'écouter.

 

Sans la moindre protestation, le duc prit place autour de la table ronde, alors que le capitaine demeurait debout, tel un maître éduquant son élève. Haruda comprit alors pourquoi il se sentait aussi étrangement impressionné. L'homme devant lui dégageait la solide impression qu'il pouvait à tout instant le tuer, et s'il était parvenu à pénétrer au cœur du camp sans se faire repérer par la garde, il pouvait très bien en sortir de la même manière.

 

- Je vous écoute. Obtempéra Haruda.

- Le suspect que vous avez laissé échappé est classé parmi les dix criminels les plus recherché de l'Union. Récita le capitaine Raigin. Il est coupable notamment de complicité dans un coup d'état sur le territoire de Jelaka, de crime envers des représentants de la royauté d'Ademar, et a été objet d'un exil prononcé par la reine d'Elnath. Seïmu, roi de votre nation, a signé un décret en accord avec l'Union engageant la coopération de son armée dans l'arrestation des individus les plus dangereux d'Alesta. Si vous ne faites rien pour l'arrêter commandant, vous êtes passible de voir votre titre de noblesse dégradé.

- Gardez vos menaces capitaine. Se défendit courageusement le duc. C'est vous qui n'avez pas sût le retenir hors du pays, et la responsabilité vous en incombe !

- Je ne dépends d'aucun royaume commandant.

 

Le jeune guerrier avait effectué un pas en avant, et l'air semblait s'être densifier, au point d'en devenir étouffant. Confus, Haruda cligna des yeux, se demandant si l'alcool n'était pas à l'origine de son malaise grandissant.

 

- Et je dispose d'aucune autorisation me permettant de chasser sur vos terres. Reprit le capitaine.

- Vous n'avez pas le droit d'être là ! Réalisa Haruda en le pointant du doigt. Je peux vous mettre aux arrêts si je le désire capitaine !

- Et j'aurais pour ma part eût maintes occasions de vous trancher la tête commandant, tout en éliminant les potentiels témoins lors de ma fuite.

 

Il avait prononcé ces mots sur un ton calme, presque pédagogique.  Haruda croisa brièvement les iris du guerrier, qui étaient passé d'un ciel d'azur au sombre bleu d'orage. Quelque chose dans ce regard aiguisé déclenchait une peur irrationnelle,  comme si une ancienne magie était à l’œuvre.

 

- Je préférais vous avertir en personne des conséquences de votre échec. L'apaisa le capitaine Raigin, dans l'espoir d'atténuer légèrement la tension.  Je tiens personnellement à rencontrer ce criminel, et j'aurais aimé l'intercepter plus tôt, mais je dois reconnaître ses talents à fuir.

- Vous voulez me faire croire que vous êtes ici uniquement pour me conseiller ? Ricana Haruda, qui s'attendait à devoir débourser de l'or pour acheter le silence du capitaine.

- Cet homme qui vous a échappé appartient à un monde depuis longtemps oublié. Lui rétorqua le sombre sabreur. Si vous voulez éviter une catastrophe, je vous conseil de le trouver dans les plus bref délais.

- Qu'est-ce-que ça veut dire ?

- Vous avez trois semaines. Conclu le capitaine. Passé ce délai, je me verrai obligé de dénoncer votre refus de coopérer avec les forces de l'Union, ce qui est passible de lourdes sanctions, vous en êtes conscient.

 

La porte s'ouvrit une nouvelle fois pour laisser entrer le lieutenant Sannan avec un plateau de thé. Le capitaine Raigin en profita pour saluer le commandant Haruda, et après avoir jeter un regard compatissant envers le soldat, il s'en alla comme une brise dans la nuit. Le duc demeura de longues secondes dans un état léthargique, jusqu'à ce que son lieutenant ose finalement lui servir une tasse de thé. Il devait agir vite, quitte à employer les grands moyens pour trouver son homme dans Shura. Bien que le commandant répugnait à passer un marché avec les riches réseaux contrôlant la cité des forgerons dans l'ombre, il devait admettre que leur aide s'avérait souvent efficace. De plus, le duc devait veiller à ce que son erreur ne s'ébruite pas.

 

- Sannan, allez porter un message au chef du clan Sonata. Je souhaiterais le rencontrer au plus vite.

- Bien Excellence.

- Immédiatement, son bordel ne restera pas ouvert toute la nuit.

 

Le commandant Haruda attendit que le lieutenant soit hors de la pièce pour ajouter une bonne dose de liqueur dans sa tasse, qu'il but d'une seule traite. Dans son désarrois et sa colère, il maudissait le capitaine Raigin tout en se demandant ce que voulait dire celui-ci, lorsqu'il parlait d'éviter une « catastrophe ».

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Bon chapitre !

 

On découvre deux nouveaux personnages, le commandant derrière la recherche d'Al qui est une mission confié par les 5 grandes puissances et de plus on découvre le manieur de l'épée du vent, hmm son nom a changé si je me trompe pas ? En tout cas il dégage du charisme et beaucoup de crainte en le regardant, j'ai déjà hâte de le voir face à Al et me pose la même question sur le mot "Catastrophe".

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Eh bien, il y a une chose que je dois souligner avant de commenter les petits changements... C'est toujours aussi propre ! Vraiment, ton style se lit toujours tranquillement, sans qu'on ait forcément besoin de se relire pour comprendre. On ressent ce qui se passe, et je trouve toujours tes dialogues très naturels. En plus, il y a une très bonne harmonie avec la description. Je note aussi de l'amélioration au niveau de ton coup de crayon ! Alestan dont le regard est toujours aussi perçant, on sent bien ton style, surtout au niveau des couleurs. Et ce paysage avec la brume noire au loin du vagabond, avec ce coucher de soleil, dégageait un certain charme. Une image de Shura pour le prochain chapitre puisqu'on s'y dirige ?

 

Maintenant, passons à l'histoire. Je reconnais Alestan, avec son humour et ses répliques qui marchent à chaque fois, la ville de Shura et sa notoriété pour ses sabres, mais aussi le fait qu'elle abrite le légendaire Masamune, le prénom de Jin, etc... Pourtant, je ne lis pas la même chose. La légende reste inchangée, seuls les détails la parsemant le sont. C'est fou ! Pour être honnête, c'est un peu excitant de se demander : « Mais qu'est qu'il me réserve encore ? ». Tout est en mouvement, et pendant que moi je vis ma vie, je réalise pleinement maintenant que ton histoire continue de s’enrichir, encore et encore ! J'ai l'impression de tout savoir, mais aussi de rien connaître. Je ne sais pas ce qui peut se passer, et j'ai vraiment hâte de connaître la suite. Le fait que Jin ne soit plus un homme mais une femme, ça change vraiment beaucoup de choses. À moins que tu sois en train de nous prendre tous à revers, et que le personnage de Jin existe encore, quelque part. Je te vois venir, là ! Cependant, le destin fait que ces deux personnages se croisent encore, sur un pont, dans des circonstances liées au hasard. Il était là quand Jin passait par là, ni plus ni moins. C'est ainsi que commence cette histoire.

 

Je ne pensais pas revoir le capitaine Ren Raigin aussi rapidement. Son arrivée introduit plus rapidement l'union des Cinq Royaumes et son influence, nous livrant avec lui des informations géopolitique sur le monde d'Alesta qui auront leur importance. Avec toi, il faut toujours prendre conscience des détails, parfois flagrant, d'autres beaucoup moins, à relier tôt ou tard à un moment de l'histoire. Là, il y a deux nouvelles informations qui m'ont particulièrement retenu l'esprit. Premièrement, Alestan appartiendrait à un monde depuis longtemps oublié ? Que cela veut-il dire ? Fait-il référence au fait qu'il soit l'un des Sept, et par conséquent, de la légende longtemps oublié et de sa destinée ? Deuxièmement, il souhaiterait aussi le rencontrer, mais pourquoi ? Je n'ai pas de réponse, bien que j'aie ma petite idée. J'attendrai plus d'informations. 

 

Donc, il existe dix criminels très recherchés par l'Union... Je me demande si nous croiserons l'un d'eux au fil de l'aventure.

 

Ah, j'ai aussi appris quelque chose d'intéressant sur mon vagabond favori ! Son coup d'état sur le territoire de Jelaka. C'est la première fois que je lis ceci, et ça m'intéresse beaucoup, tout comme son crime envers la royauté d'Ademar dont tu n'en as pas dévoilé plus auparavant. Je ne peux qu'attendre de recevoir des informations, mais comme c'est le passé du personnage principal, je peux encore patienter un bout de temps. Enfin, je sais que ça viendra en temps et en heure, et l'importance d'y revenir avec. Pour l'instant, nous sommes à Shura, concentrons sur ce qui va suivre. 

 

En tout cas, ça fait plaisir de le revoir Ren. Un personnage que j'ai beaucoup aimé suivre durant le deuxième arc, et même plus tard, de par son charisme, son sang-froid, de son caractère qui donne de drôle de situation face à des personnages qui lui sont totalement opposés, et de ses interactions. Les Sept font toujours ressentir toujours autant de crainte et de mystère dès lors qu'on croise leur route. Ils sont à l'image de leur sabre, ils semblent faire partie d'un grand tout qui dépasse l'entendement. En attente du prochain chapitre !   

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Atsuki et Kyojin, c'est un plaisir de vous lire. Vos remarques m'encouragent et surtout me motive à toujours améliorer ma mythologie. J'aime particulièrement la façon dont tu arrives à décrypter l'univers Atsuki ! J'ai décidé d'aller plus loin dans la crédibilité d'Alesta, et l'ancien premier Arc manquait de "background" comparé à ceux qui suivaient. Comme je n'écris presque jamais dans la peau d'Alestan, je peux conserver ma ligne directrice dans l'histoire principale tout en changeant le cour des événements. Mais cette fois, je veux tenter de rassembler les destinées des personnages comme un puzzle, et chaque fois que les pièces s'imbriqueront on entrera dans une plus grande vision de ce monde.

 

Egalement, je travail depuis quelques mois sur une vidéo d'animation de 4 minutes, avec une longue partie sur la légende des sept sabres et l'autre sur la première minute de l'histoire. Les images que j'ai intégré sont des screenshot du métrage, et j'espère mettre un projet d'anime français en place dans l'avenir. Je vous tiendrais au courant de l'avancé !

 

CHAPITRE 4 - LES SOEURS

 

Sorina actionna le verrou de sa porte. Son service était terminé, et le reste de la cité dormait déjà profondément. Sa chambre était éclairé par de minces faisceaux lunaire qui s’immisçait dans les interstices des volets, et un silence pesant régnait dans les deux pièces constituées d'une part de son matelas, d'une commode et d'un bureau, puis d'autre part un espace réservé à son hygiène séparé par un long paravent minutieusement décoré. Sorina se dirigea vers un grand miroir surplombant une vasque en pierre pour retirer son maquillage, réalisant trop tard qu'une chose importante manquait à l'appel. Réajustant son kimono délicat sous une large ceinture de soie, elle effectua prudemment un pas en arrière avant de s'immobiliser dans un frisson d'effroi. Son cœur fit un bond vertigineux dans sa poitrine et elle aurait hurlé si une main ne s'était pas plaqué sur ses lèvres, tandis que l'autre l'enserrait solidement par la taille.

 

- Ne criez pas. Lui murmura une voix grave à l'oreille, d'un ton qui se voulait rassurant.

 

Il écarta délicatement sa paume de la bouche de Sorina, qui garda le silence tout en maîtrisant rigoureusement ses nerfs. Elle avait déjà assisté à des règlements de comptes, car son propriétaire l'utilisait parfois à des fins politiques pour régler des affaires du clan Sonata. La violence du pouvoir et le sang versé en son nom ne lui était malheureusement pas étranger. Mais elle devina facilement l'identité de l'homme qui commençait à relâcher son étreinte, et à la pensée que sa sœur lui en avait confié la garde, Sorina eût la certitude que sa vie n'était pas en danger.

 

- Je meurs de faim.

- Je vous croyais mourant. Avoua-t-elle.

 

Le vagabond la dépassa pour lui faire face, et la manière dont les ombres de la chambre jouaient sur sa silhouette donnaient l'étrange impression qu'elles lui obéissaient. Sorina ne voyait qu'un profil de son visage, l'autre couvert par les ténèbres. Sous des mèches de cheveux noires, un œil argenté la dévisageait avec curiosité.

 

- Mort, je le suis. Déclara-t-il. Mais si vous n'avez rien à grignoter vous avez peut-être de la monnaie à me prêter ?

- L'argent ne se mange pas. Contra-t-elle.

- Non, il nourrit.

- Vous seriez prêt à abuser de ma gentillesse ?

- Je vous en prie mademoiselle, croyez-moi.

 

Le jeune homme s'avança d'un pas, et son visage apparut pleinement dans la clarté lunaire. Il sembla beau aux yeux de Sorina, moins âgé qu'elle, mais comme marqué par des épreuves qu'elle ne pouvait imaginer. Malgré ses blessures, il adoptait une posture décontractée et presque taquine, comme s'il testait la répartie de son interlocutrice.

 

- Que devrais-je croire ? L'interrogea-t-elle, sans le lâcher du regard.

- La vérité, c'est que je dois me rendre chez Maëda, le vieux forgeron de Shura. Des soldats m'ont confondus avec un autre alors que je traversais la frontière, et dans ma fuite j'ai croisé cet homme qui s'est avéré être une femme. Comment s'était déjà... Réfléchit-il en triturant les quatre boucles qui lui perçaient l'oreille. Un truc en... Jin ! C'est ça, Jin m'a certainement amené ici. Et donc vous êtes...

- Sorina, la sœur de Jin.

 

Le malaise et la gêne qui sévissaient jusqu'ici s'étaient entièrement dissipés. La courbette qu'effectua le vagabond, une main sur le cœur, et le ton amusé de sa voix, en était en partie la cause.

 

- Alestan, désormais redevable à deux sœurs. Se présenta-t-il.

- Tu as toujours faim ?

 

Il acquiesça vigoureusement, et Sorina s’absenta plusieurs minutes pour revenir avec plusieurs boulettes de riz, du pain, ainsi qu'une bouteille de liqueur de prune. Elle l'observait manger à grandes bouchées à travers le miroir, tandis qu'elle retirait son maquillage et libérait ses longs cheveux bruns, qui retombèrent en cascade bouclée sur ses épaules. La poudre et les teintes dévoilèrent son petit nez et ses hautes pommettes, un grand regard de jade tendre et innocent. Un visage d'une grande beauté que son maître réservait à la crème de ses clients. Alestan lui jetait parfois un coup d’œil furtif, adossé contre l'extrémité du paravent, les jambes croisées sur le sol matelassé. Il fut le premier à briser le silence qui s'était installé.

 

- Tu le fais par choix ou sous la contrainte ?

 

Sorina se retourna pour fixer l'homme de ses propres yeux, surprise par la gravité soudaine de sa voix. Elle n'était pas certaine de savoir s'il parlait de son activité ou du fait de l'aider.

 

- C'est plus un choix sous la contrainte. Dans les deux cas. Précisa-t-elle.

- C'est plutôt limité, mais après tout, choisir est souvent la conséquence d'un problème. Reste à savoir si la décision était la bonne.

- Pour le bien d'un être cher, la question ne se pose pas.

- Tu as donc tout fait pour que ta sœur ne soit pas enchaîné à ce lieu.   

 

Sorina marqua une pause dans ses réponses, à la fois gênée par la franchise des paroles d'Alestan et impressionnée par sa perspicacité. Elle pensait effectivement à Jin lorsqu'elle parlait d'un être cher. L'une des sœurs devait rester pour que l'autre puisse partir, et un tel choix s'imposait souvent aux orphelines achetées par les clans. La jeune femme servit un verre de liqueur au vagabond avant d'en faire de même pour elle. Elle allait vers ses trente ans, esclave d'un homme depuis son adolescence, et même si son corps était en cage, l'âme de Sorina elle, rêvait parfois d'un avenir meilleur. 

 

- Lorsque l'on naît sans nom dans une société gouvernée par une caste d'héritiers, on se fait passer pour quelqu'un d'autre dans l'espoir de survivre. Jin et moi sommes pareilles au fond, mais elle... Je sais que son nom ne tombera pas dans l'oubli.

- Pardon, je ne voulais pas...

 

Sorina réalisa seulement qu'une larme perlait sur sa joue, bien qu'elle continuait de sourire aimablement. En réalité, elle vivait à travers Jin. Mais ce constat lui convenait, car il résultait de sa décision. Sa conviction. Sorina se sentit légèrement confuse, comme si l'homme dégustant son verre perçait ses défenses trop facilement.

 

- En tant que captif, c'est à toi de répondre à mes questions. Se reprit-elle. Pourquoi ton chemin a croisé celui de ma sœur ? Pourquoi ses blessures ? Pourquoi un âne ?

- Je ne me savais pas prisonnier... Ce serait trop long a expliqué, et je dois me rendre à Shura, chez le vieux Maëda.

 

Elle nota la manière dont il esquiva ses questions pour lui rappeler son objectif improbable. Nul entrait dans la demeure fortifiée de l'ancien maître, hormis quelques illustres princes et parfois même, pour les plus imaginatif, d'une visite des fées de la Forêt des Cèdres, au-delà des portes du Désert. Sorina ne l'avait jamais vu de ses propres yeux, mais Jin lui assura avoir écouté le vieux Maëda donner un cour lors d'une chaude après-midi, près de la place du marché. Ce que sa soeur entendit ce jour la changea, car elle développa une obsession pour les pierres, les gemmes, les minerais et leurs secrets dans le royaume incandescent des métaux.

 

- Nous sommes à Shura. L'informa Sorina. Au cœur de la vieille ville.

- Parfait. Se félicita Alestan. Je ne vais pas te déranger davantage...

- Attends.

 

Il immobilisa son geste alors qu'il posait son verre, et Sorina ne sût dire ce qui l'empêcha de le laisser partir. Elle avait la sensation qu'il n'était pas entré aussi abruptement dans sa vie et celle de sa sœur par le fruit du hasard.

 

- Le jour va bientôt se lever et ma sœur souhaitait te parler. Tu lui es redevable non ?

- Je le suis. Confirma-t-il.

- J'ai besoin de savoir autre chose.

 

Elle s'approcha pour lui servir un autre verre d'alcool sucré, éprouvant une certaine satisfaction à le voir reprendre une position confortable. Cela faisait longtemps qu'un homme ne l'avait pas regardé sans d'obscènes arrière pensées, mais elle devait encore s'ôter d'un doute important.

 

- Tu n'as rien fait de mal ?

- Tout dépend de ta vision du bien.

 

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Un chapitre posé !

 

Tu as gardé l'enjeux et la situation dramatique que vit Sorina c'est à dire, se trouvé dans le monde de la prostitution pour le bien de sa chère soeur.

 

Comme d'habitude Al avec son tchat et son charisme fait toujours mouche, on apprend encore pas mal de chose sur l'univers avec les fées et le désert non loin.

 

En parlant de hasard sur Al qui rencontre Jin et Sorina, Je me dis aussi que la passion de Jin qui est né lors de la venue de l'illustre forgeron ne l'ait pas nn plus.

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CHAPITRE 5 - LE CRIMINEL

 

 

- Il s'agit d'un bandit de la pire espèce.

 

Dissimulée derrière la grange du fermier, Jin écoutait à bout de souffle l'échange entre un soldat de l'armée et le fermier lui ayant loué le vieil âne. Par chance, elle avait aperçu au loin la silhouette d'un cavalier sur le sentier, et l'heure tardive lui permit de trouver une cachette sous un abri à foin. L'animal broutait silencieusement près d'elle, et l'immobilisme lui paru être la meilleure stratégie à adopter. Plusieurs minutes s'écoulèrent avant que le cultivateur, visiblement dérangé dans son sommeil, daigne ouvrir au soldat pour répondre sommairement à son interrogatoire. Entre la lourde respiration des bêtes et la symphonie des batraciens, Jin percevait par instant la conversation des deux hommes, et ce qu'elle comprit ne la rassurait pas.

 

- J'vous l'ai déjà dis. S'irrita le fermier. Un jeune couple avec une drôle d'allure m'a loué un âne, et c'est tout ce que je sais. Ils sont parti vers Shura.

- Seriez-vous capable de me les décrire précisément ?

 

Jin écouta le paysan dresser un tableau assez fidèle de son apparence : Une jeune femme de taille moyenne, vêtu comme un ouvrier, avec de courts cheveux noirs et de grands yeux couleur de sève. Étrangement, il eût beaucoup plus de difficulté à trouver ses mots pour élaborer le portrait d'Alestan, comme si sa mémoire lui faisait défaut.

 

- Bref... Un genre de loup solitaire quoi. Conclu le cultivateur, avant d'ajouter, habilement. Je serais remboursé pour l'âne ?

- J'en toucherais un mot au Duc. Rétorqua distraitement le soldat.

 

S'en suivit un dialogue inaudible pour Jin, puis le cavalier et sa monture chevauchèrent vers la cité de Shura. Elle attendit que le fermier regagne sa demeure pour à son tour retrouver les cheminées colorées de la ville des forgerons. Cette fois-ci, Jin s'était mise dans de beaux draps. Non seulement elle risquait d'être accusée de complicité, mais elle avait de surplus laissé un criminel avec sa sœur. Son cœur battait la chamade tandis qu'elle contournait les murs de Shura pour atteindre l'entrée Est, où non loin de la porte se trouvait une grille menant aux égouts de la cité. De là, Jin parvint à regagner le vieux centre sans passer devant les gardes, avec en prime une odeur fort désagréable incrustée dans ses amples vêtements. Elle espérait que le vagabond ne s'était pas réveillé alors qu'elle approchait de l'arrière cour du vieux et prestigieux cabaret du clan Sonata. Jin était dans un état épouvantable, épuisée par cette interminable journée. Elle jeta un gravier sur le volet de sa sœur au premier étage, puis attendit anxieusement une réponse, qui tardait à arriver. Finalement, le bois glissa pour laisser apparaître le visage radieux de Sorina, un verre à la main.

 

- Jin ! L'appela-t-elle.

- Moins fort !

- Mince... S'excusa sa sœur en cachant son sourire. Montes.

- Tu as bu ? Comprit Jin.

 

Pour toute réponse, une corde tomba à ses pieds et elle se laissa tirer par une force largement supérieure à ce qu'elle imaginait. Ses craintes se confirmèrent en reconnaissant l'homme qui tenait une bouteille de liqueur, affalé sur le sol après l'avoir hissé dans la chambre. Près de la commode, un jeu de cartes et une autre bouteille vide laissaient présager le pire.

 

- Qu'est-ce-que vous faites... Murmura-t-elle, confuse.

- On s'amuse. Lui révéla Sorina avant de l'embrasser sur la joue.

- Et le jour n'est pas levé.

 

Le vagabond était assis en tailleur près du lit, secouant la liqueur dans son contenant, comme pour l'inciter à se joindre à la fête. Ses blessures ne semblaient pas le déranger, et il paraissait au contraire revigoré, comme si l'alcool l'avait réanimé. Jin songea à tout ce qu'elle venait de traverser, et lorsqu'il prononça la phrase de trop, elle ne put réprimer les sentiments qui bouillonnaient en elle.

 

- On peut s'estimer heureux d'être encore en vie.

 

Les paroles d'Alestan se ponctuèrent par la charge de Jin, frêle comparé au jeune homme, mais qui parvînt néanmoins à le plaquer sur le tapis rembourré. Elle projeta tout son poids sur les bras du vagabond, qui ne lutta pas. Son visage était désormais à un pouce de celui de Jin, et il semblait impatient de découvrir ce qu'elle lui réservait.

 

- Je sais qui tu es et tu me dois un paquet d'argent. Le menaça-t-elle, consciente qu'il pouvait à tout instant retourner la situation à son avantage.

- Qui suis-je ? Souffla-t-il, à la manière d'un amnésique.

 

Jin se tourna vers Sorina, qui ne savait comment réagir en pareil situation. Si sa sœur apprenait que l'homme était un dangereux criminel, sa réaction pouvait alerter les gros bras du clan Sonata, et cette simple pensée la terrifiait.

 

- Un homme qui m'est redevable. Grommela-t-elle en relâchant sa prise.

- Je te rembourserais. Assura-t-il, un sourire aux lèvres.

- Jin...

 

Sorina s'était rapprochée pour lui presser gentiment l'épaule, ce qui eût pour effet de légèrement l'apaiser. L'un des côtés positif de cette altercation demeurait l'attitude calme et réfléchit du vagabond. Pour un criminel de son envergure, Jin le trouvait étonnement détendu. Des dizaines de questions se formulaient dans l'esprit de la jeune femme, mais sa priorité était d'éloigner Alestan de sa sœur, par précaution.

 

- On va te laisser frangine, tu dois te reposer.

- Tu pars déjà ? Regretta Sorina.

- Oui, et lui aussi. Ajouta-t-elle.

- Je doute que Maëda accepte de le recevoir à cette heure.

 

Craignant d'avoir mal comprit, Jin se tourna vers sa sœur, avant de porter son attention sur Alestan, qui se contenta de hausser les épaules.

 

- Qu'est-ce-que Maëda vient faire dans cette histoire ?

- Je dois le voir. Soupira-t-il, comme s'il s'agissait d'un rendez-vous ennuyeux.

- Pourquoi il voudrait te voir ? Insista Jin, à deux doigts de se moquer d'un tel mensonge.

- On a certaines... Disons certaines « affaires » en commun.

- Des affaires. Ironisa-t-elle. Rien que ça. L'un des hommes les plus célèbres du royaume et un vagabond louche font des affaires.

- Il est vraiment si connu ? Intervînt Sorina, perplexe.

- On en a déjà parlé. Rétorqua Jin, un brin agacé par l'ignorance de sa sœur. Je crois plutôt qu'il t'a raconté des salades pour profiter de ta gentillesse. La liqueur peut en témoigner...

- Je suis son petit-fils, par adoption.

 

Un silence de mort s’abattit dans la chambre après la déclaration du jeune homme.  Ses mots, prononcés sérieusement et avec un naturel épatant, étaient si ridicules qu'ils ne pouvaient avoir été inventé. Mais le coup de grâce survint lorsqu'Alestan dégrafa le sabre ténébreux à sa ceinture pour en présenter le Kashira, la décoration au bout du pommeau. Jin observa la finesse du laçage de tresse en soie, où tout du moins de la matière noire et brillante qui enlaçait la poignée de l'arme, remontant jusqu'au croissant de lune sculpté, dans lequel dormait un œil de jais, toujours ouvert. Pour l'avoir longuement contempler sans en saisir le sens, Jin savait que ce symbole figurait sur les portes du manoir de Maëda.

 

- C'est... Je pense que ça reste à prouver. Finit-elle par articuler, malgré le doute qui la saisissait.

- Tu seras fixée dans quelques heures. Lui assura Alestan.

- Comment ?

- Tu vas m'accompagner. Annonça-t-il en rangeant son sabre.

- Tu parles comme si tout se passait selon ton bon vouloir. Lui reprocha Jin.

- C'est souvent le cas. Affirma-t-il avec un sourire énigmatique.

 

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Bon chapitre comme d'hab !

 

Jin en apprend un peu plus sur Al via la conversation entre le soldat et le fermier. Sa réaction primaire est tout à fait normal ne connaissant pas du tout Al, cependant reste néanmoins un peu précipité, mais sa tension retombe peu à peu en voyant à quel point sa soeur à eu un bon feeling avec lui et surtout la surprise qu'elles ont eu en apprenant qu'il est le fils adoptif du légendaire forgeron.

 

J'ai bien envie de comment ça se passera tout ça.

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CHAPITRE 6 - SOUVENIRS

 

 

Les premières lueurs de l'aube dissipaient la voûte céleste, révélant peu à peu un autre visage de la cité des forgerons. L'aspect métallique et industriel de Shura devenait moins évident à mesure que les cheminées des multiples forges et autres fonderies affichaient des couleurs vives et chaleureuses. Ces tuiles plates et vernissées, enduites d'un émail à base de sel et d'étain, prenaient leurs couleurs grâce à une double cuisson au four. Il s'agissait d'une méthode empruntée à une civilisation disparue, qui selon la rumeur, fut importée dans le royaume Daër par Maëda en personne. Jin, alors qu'elle guidait à contrecœur Alestan vers son humble demeure, contemplait ces toits colorés avec un émerveillement sans cesse renouvelé. Les gens aimaient attribuer toutes sortes de prodiges au forgeron le plus célèbre de Shura, mais la plupart oubliait que le vieil homme, bien qu'extrêmement âgé, pouvait difficilement prétendre avoir plus de mille ans. Sa renommée et le voile de mystères qu'il entretenait autour de sa personne avaient donné naissance à toutes sortes de légendes. Jin admirait Maëda, même si elle l'avait rencontré en tout et pour tout une seule fois.

 

C'était avant son adoption, quand elle vivait encore à l'orphelinat avec sa sœur. Elle avait huit ans, et profitant de l’inattention de ces tuteurs, Jin s'échappa jusqu'à la place du marché, où les étals multicolores et les odeurs exotiques faisaient travailler son imagination, des épices du grand désert aux cristaux lumineux d'Albieros. Ce jour-là, un vieil homme étonnement vigoureux s'exprimait avec passion devant une foule. Jin l'écoutait de loin, mais elle garda le souvenir d'un beau vieillard, avec de longs cheveux coiffées en catogan et une courte barbe grise. Il parlait d'une voix claire et forte, sans toutefois crier pour se faire entendre. Un silence religieux régnait dans l'assemblée.

 

« Les souterrains de notre monde sont comme une gigantesque forge, et les merveilles qu'ils renferment feraient rougir de honte les orfèvres de la couronne. L'homme se vante d'être maître de la terre, alors qu'il est en réalité un simple locataire sur sa surface. Sous nos pieds, la poussière des étoiles cuit lentement pour former des veines de charbons, de fer, d'étain, d'argent, et d'une infinités de minerais et de cristaux tous plus extraordinaire les uns que les autres... Il n'en demeure pas moins que ces merveilles étaient à la base une seule et même matière, qui dans le sein de la terre, au fil de sa lente cuisson, se purifie jusqu'à atteindre l'avant-dernier stade de la perfection : L'or. »

 

Dans la pause qui suivit, un homme demanda quel était le dernier stade de cette évolution, imaginant difficilement ce qui pouvait être plus parfait que ce précieux métal tant convoité.

 

« C'est une bonne question. Elle montre que notre vision de la Création est limitée par nos sens, par le concret. Il se trouve que j'ai eût la chance d'assister à la transmutation de dix onces d'or vers un stade supérieur, et je dois avouer que le résultat laissa perplexe le propriétaire de ce petit trésor. Pourquoi ? Car l'or disparu subitement. Il se changea en lumière. Le stade ultime de la perfection est ni plus, ni moins que la lumière. Comme il s'agit d'un transport d'énergie sans transport de matière, il est facile de comprendre comment les dix onces d'or se sont envolées. Et autre chose, si la lumière est de l'énergie en mouvement, qu'est-ce que de l'énergie immobile ? Personne ? Il y a un grand secret caché dans cette réponse... Je vous le donne : Des ténèbres. Oui... La lumière naît lorsque les ténèbres se mettent en mouvement et sans l'un, l'autre serait incapable d'exister. »

 

Évidemment, le fond de ce discours paru extrêmement compliqué pour l'enfant qu'était Jin. Mais les démonstrations qui suivirent, où Maëda versa une étrange poudre sur de l'étain en fusion, le changeant en or, bouleversèrent la jeune fille. Pour pallier aux risques de créer une émeute, le vieil homme saupoudra à nouveau le métal précieux qui, dans un éclair aveuglant, devînt invisible aux yeux de la foule. Puis il présenta différentes pierres, qu'il fit vibrer dans une symphonie harmonieuse tout en expliquant le rôle des ondes sonores et leurs pouvoirs de guérison. Enfin, Maëda présenta un objet que Jin n'arrivait pas à se remémorer. Elle se souvenait uniquement de la peur qui s'empara de l'assemblée, tandis qu'une brume d'encre enveloppait le vieux forgeron, et la surprise de chacun en découvrant qu'il avait à son tour disparu, pour ne jamais réapparaître aux yeux du public.

 

Depuis, Jin avait lu tous les ouvrages qu'elle pouvait trouver sur les travaux de ce fameux personnage. Cependant, les secrets qu'il dévoila sur la place du marché de Shura étaient si incroyablement complexes qu'aucun homme de sciences n'arrivaient à déchiffrer les explications obscures du vieux maître. De plus, il citait parfois des noms et des lieux si reculés dans le temps qu'on le soupçonna de supercheries, le traitant même de mystificateur en mélangeant des faits historiques avec des faits mythologiques. Pour Maëda, l'un comme l'autre comportait autant de vérités que de mensonges, et ses prises de positions politiques  dérangeaient beaucoup de monde, particulièrement lorsqu'il persistait à dénoncer dans ses livres la menace que représentait l'Union des Cinq Royaumes, bâtit selon lui sur « les ruines d'un monde oublié, hostile aux hommes et à l'origine d'une terrible catastrophe. » Le nom d'Hekaïm, Prince de la Cité d'Ombres, revenait souvent, tout comme celui des Novaë, les Sept Gardiens ayant sauvé Alesta d'après une vieille légende.

 

Si certains méprisaient Maëda à cause de ces sources invérifiables, Jin admirait au contraire son indépendance d'opinion et la façon dont il continuait de la faire rêver. De plus, après avoir observé de ses propres yeux les miracles du maître, elle restait persuadée qu'il détenait un savoir depuis longtemps perdu. Ces souvenirs emplissaient la mémoire de Jin avec une clarté renouvelée, comme si la déclaration farfelue d'Alestan, un peu plus tôt, avait ravivé une flamme déclinante. Le vagabond marchait silencieusement à ses côtés, sirotant distraitement les dernières gorgées de sa liqueur de prune. Elle leur faisait emprunter les ruelles peu fréquentées des vieux quartiers, craignant de voir apparaître une patrouille au coin de chaque carrefour. Jin était certaine que des soldats fouillaient la ville, et malgré l'insistance d'Alestan, qui souhaitait se rendre directement chez son soi-disant grand-père adoptif, elle l'obligea à l'accompagner dans son atelier pour changer leur apparence. En vérité, si le jeune homme n'avait pas évoqué le nom de Maëda chez sa sœur, elle l'aurait semé pour ensuite le dénoncer à la garde de Shura. Ils arrivaient au bout d'une impasse, encerclés par d'anciennes bâtisses en bois peu reluisantes, lorsque Jin s'arrêta en face d'une petite maison sur deux étages, à laquelle était accolée une cheminée de pierre. Surplombant une double cloison coulissante, une pancarte indiquait « Naotsuna Kamo », révélant le nom de son défunt maître d'apprentissage.

 

- Je crois que je viens de comprendre. Marmonna Alestan, la voix rauque après un long silence.

- Comprendre ? Répéta Jin pour l'inciter à développer.

- Dans une cité qui tient en aussi haute estime l'art de la forge, un métier traditionnellement d'hommes, je doute qu'une femme soit capable d'hériter d'un atelier sans faire de concession... J'étais curieux de connaître la raison qui te pousse à te travestir, et je pense avoir la réponse.

 

Jin ne savait pas si elle devait se sentir offensée ou fascinée par la réflexion du vagabond. Soit Sorina lui en avait trop dit sous l'effet de l'alcool, soit il possédait un don pour percer le secret des autres. Une mèche sombre couvrait l'un de ses yeux, et seul celui barré par une cicatrice la détaillait avec attention, alors que l'aurore se reflétait à travers lui dans un éclat presque surnaturel.

 

- Tu devrais réfléchir à comment me dédommager au lieu d'éplucher ma vie privée.

- C'est difficile de faire confiance à quelqu'un qui ne fait pas confiance aux autres.  Se défendit-il.

- Et c'est un criminel en fuite qui me dis ça ? S'offusqua Jin, avant de se justifier face à l'expression dubitative du vagabond. Ne fais pas l'innocent, j'ai entendu un soldat en parler. Je risque d'avoir mon portrait placardé en ville à cause de toi.

- Ce doit être mon cas dans les trois quarts des bourgades d'Alesta et ça ne m'a pas empêché de vivre. Relativisa-t-il.

 

Jin, qui s'apprêtait à ouvrir le cadenas de sa demeure, stoppa son geste. Elle se retourna pour lui faire face, une boule à l'estomac. Alestan semblait se rendre compte qu'il venait d'en dévoiler plus qu'elle ne pouvait en accepter, et il s'agissait pourtant que de la partie visible de l'iceberg. Jin l'ignorait encore, mais l'homme était impliqué dans un dessein qui dépassait ses hypothèses les plus folles.

 

- Qu'est-ce-que tu as fais ? L'interrogea-t-elle, la voix légèrement tremblante.

- J'ai hérité d'une mission. Répondit-il avec gravité. Et comme elle implique des intérêts chez les plus puissants de ce monde, ma tête a été mise à prix.

- Quelle mission ?

- Tu auras la réponse en temps voulu. L'apaisa-t-il. En fait, tu comprendras beaucoup de choses lorsque nous serons chez l'ancien, au point de remettre en cause tout ce que tu pensais savoir.

- Entres. L'invita Jin, sa curiosité l'emportant sur sa raison.

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Toujours prenant à chaque chapitre !

 

On en revient à une brique du passé de Jin au moment où elle a rencontré Maëda pour la première fois et le lieu où il fit par d'une partie de son savoir mais qui chamboula la vie de Jin ce jour là. Et comme à chaque fois, dès qu'un homme parle d'histoires dépassant la compréhension de l'homme on le traitre de fou, mais Maëda c'est bien de quoi il parle et cette catastrophe risque de nouveau de se répéter.

 

Bref j'attends la suite  ;D !

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Tu es donc sur un projet d'animation ? Mais c'est cool ! Bon courage ! C'est avec enthousiasme que j'attendrai et regarderai le fruit de ton travail. Attends, une vidéo d'animation sur la légende des sept sabres et une autre sur la première minute de l'histoire ? Ça veut dire... Qu'Alestan aura une voix ! Alors, là, je dis « oui » ! Je veux l'entendre.  ;D

 

Concernant les chapitres, On reste dans la continuité des trois autres dans laquelle tu installes parfaitement le décor où se déroule l'arc, la ville de Shura, distillant deux trois informations sur l'univers qui peuvent parfois passer à la trappe si on n'est pas habitué à porter la moindre attention au détail. Des informations très importantes. Je pense notamment au dernier chapitre où nous suivons un souvenir de Jin, le jour où elle assista à un maigre cours du grand Maëda. Une personne aux connaissances innombrables qui n'ont d'égales que sa sagesse, et dont le voile mystérieux l'entourant semble difficilement perméable. Un tel personnage ne pouvait que susciter l'intérêt aux yeux d'un enfant tel qu'elle, tout comme il suscite encore et toujours le mien. J'aime beaucoup ce passage parce qu'il présente une certaine innocence qui avait commencé à disparaître petit à petit, exactement comme un adulte qui perçoit les simples faits de la vie d'une manière « blasée », ce qu'elle a fini par devenir, avant de revenir à l'idée de rencontrer la personne qu'elle admire le plus. Mais je m'égare, là ! Je veux venir aux faits les plus importants : cette démonstration sur le stade ultime de la perfection. L'or, la lumière et les ténèbres. Connaissant la légende avant de potentiels nouveaux lecteurs de cette aventure, je ne peux que dire qu'une chose. Il faut retenir les paroles de Maëda, car comme sous-entendu, elles détiennent un lourd sens. Quoi qu'il en soit, de ses grandes connaissances, de ses prises de positions politiques, ou des légendes autour de lui, personne ne reste indifférent face à lui.

 

Ah, on y est bientôt ! C'est un personnage très important qui m'avait manqué, qui est la clé même de cette histoire, et pour tout te dire, je ne suis pas toujours rassasié au niveau des révélations et de son rôle dans l'histoire qui n'avait pas encore atteint son point culminant dans la précédente « interprétation ». Il restait encore beaucoup de choses, j'en suis sûr, et je sais qu'il en reste beaucoup plus à cause de tes ajouts. J'ai hâte de tous les découvrir. 

 

N'oublierai-je pas quelque chose, moi ? Ah... Bien sûr... Je n'ai pas parlé de ce cher Alestan. Un personnage, encore une fois, empli de mystère à l'image des griffes du destin qu'il semble prisonnier. Cependant, n'est-ce pas logique pour un être comme lui ? Le doute et la suspicion attendent les vagabonds, une chose que notre héros ne peut se défaire en rencontrant un inconnu. Seulement, il a toujours quelque chose de spécial en lui, un courant qui finit toujours par généralement passer, et ceux qui l'ont rencontré et côtoyé se surprennent à chaque fois de beaucoup l'apprécier alors qu'ils n'ont rien vécu avec lui, seulement échanger quelques paroles ou passer plusieurs jours à ses côtés tout au plus. Et ça ne se limite pas là ! Cette façon de n'être jamais dans la peau d'Alestan, de découvrir à chaque fois de nouvelles choses au moment où on croit commencer à le cerner. Je ne peux parler au nom de ceux qui te lisent et de ceux qui te liront, mais Alestan charme tout autant le monde que lecteur. Ou bien... J'aime juste un peu trop les personnages décalés aux actions imprédictibles, accompagné d'une grande courbe d'évolution. Le genre incontrôlable même auprès de l'auteur qui est pourtant l'inévitable « imprévisible », destinée, abattant lourdement sa plume sans état d'âme, peu importe les circonstances. En tout cas, c'est mon ressenti, peut-être exagéré à cause de ma trop grande affection envers lui, mais je le pense.

 

Puisqu'on est dans le sujet, j'aimerais terminer en basculant sur un détail que j'ai vu revenir. Jin et Sorina ont remarqué toutes les deux qu'Alestan possédait un genre de don pour facilement mettre à nu les gens, ou du moins percer leurs défenses jusqu'au point qu'ils se confient souvent naturellement, se surprenant eux-même. J'avoue que dans le cas de Sorina, l'ambiance s'y prêtait drôlement bien. Il y avait plusieurs facteurs, comme l'alcool. Toutefois, ça recommence dans le chapitre 6, avec une légère insistance sur son regard argenté. Une description qui revient également dans le quatrième chapitre. J'avais déjà soupçonné cette particularité, terriblement bien caché, mais j'ai toujours assimilé cela grâce à sa sociabilité. Mais en y réfléchissant, quelque chose se cache derrière tout ça. C'était comme s'il arrivait à sonder leurs âmes, de voir directement ce que les gens peuvent cacher au plus profond de leurs cœurs. Alestan n'est pas de ce monde, et ça ne me surprendrait pas si cela était possible. D'autant plus que tu m'as déjà dévoilé que cet oeil n'est pas anodin et détient son importance. 

 

 

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CHAPITRE 7 - L'OFFRE

 

 

Sorina sursauta, éveillée par des coups frappés à la porte. Elle s'était endormie après le départ de sa sœur et Alestan, sans même s'être changée. La voix vacillante qui s'éleva lui était familière, il s'agissait d'Ayame, une servante âgée du clan Sonata.

 

- Mademoiselle, vous êtes réveillée ?

- J'arrive !

 

Le soleil filtrait à travers les volets de sa chambre, et Sorina se demanda si elle avait dormi jusqu'à l'heure du déjeuner. Elle cacha la bouteille vide qu'elle avait partagé la veille avec le vagabond avant d'ouvrir à son aîné. Bien que son dos commençait à se courber, Ayame gardait une certaine rigidité dans son attitude envers les plus jeunes femmes. Elle appartenait à ses filles de joies d'une autre génération, où l'art de séduire et de distraire s'enseignait avec une rigueur militaire. Sous sa coiffure tirée à quatre épingles, son visage ridé se renfrogna en découvrant la tenue froissée et le visage endormi de Sorina.

 

- Il est midi passé mademoiselle... Déplora-t-elle.

- Mon service ne commence qu'à la nuit tombée.

- Le maître vous requiert pour divertir un invité de marque.

 

La nouvelle fit l'effet d'une douche froide, et Sorina s'empressa de se préparer dans le court délai qui lui était imparti. Après un bain rapide, Ayame l'aida à enfiler un kimono que la servante avait eût la sagesse de fournir. Sa couleur sombre et la broderie des blasons du clan informèrent Sorina du rang noble de l'invité. Elle suivait son aîné sans vraiment écouter ses consignes.

 

- … Ne veut pas de shamisen mais préférerait de la harpe... Kiyoka sera avec toi, ne répandez pas la honte sur le nom des Sonata comme pour la venue du Sénateur...

- Qui est notre invité ?

- Le duc Haruda de la province de Suo. 

 

Sorina sentit sa gorge légèrement se nouer. L'individu était de la haute noblesse, l'un des seigneurs des douze provinces de Daërda, sous l'autorité du roi. Elle trouva étrange que le gouverneur de la région voisine s'invite chez un malfrat de Shura, bien que celui-ici demeurait le plus influent de la ville. Kiyoka attendait près du panneau de la salle de réception, au deuxième étage de la luxueuse maison close. Le bâtiment en lui-même était parmi les plus anciens de la cité des forgerons, et à la connaissance de Sorina, seul le manoir de Maëda et la citadelle pouvait se vanter de le dépasser en âge. Les panneaux des différentes pièces avaient tous été peint par des artistes talentueux,  avec parfois une richesse étourdissante, à l'égale des boiseries sculptées au plafond des différentes salles. Kiyoka, la jeune hôtesse qui devait accompagner Sorina semblait anxieuse, comme si elle hésitait à lui demander une faveur.

 

- Ne t'en fait pas, c'est un client comme un autre. La rassura-t-elle.

- Je suis mauvaise à la harpe... Murmura sa cadette.

- Je m'en occuperais.

 

Kiyoka lui adressa un sourire, qui s'effaça à l'arriver du chef de clan. Yuzan Sonata était un homme avec une forte carrure, à l'apparence toujours soigné et deux fois plus âgé que Sorina. Ses cheveux noirs plaqués sur son crâne, il se plaisait à sourire afin d'exposer fièrement ses dents en or, remplaçant celles qu'il avait perdu lors de ses nombreuses bagarres. Trois tentatives d'assassinats lui laissèrent également des cicatrices, dont l'une lui ôta l'oreille droite et une autre deux doigts de la main gauche. Malgré ces blessures, dont le chef de clan se vantait, il gardait un visage charismatique et le charme d'un homme qui fut séduisant, mais dont l'ambition changea le regard en celui d'un dangereux prédateur.

 

- Je vais chercher notre invité personnellement. Les informa-t-il sans préambule. Que tout soit prêt à notre arrivé. Ayame ?

- Oui maître ? Répondit respectueusement la vieille servante, qui considérait l'homme comme son propre fils.

- C'est qui celle-là ? Demanda-t-il en désignant Kiyoka.

- J'ai pensé que vous auriez besoin d'au moins deux hôtesses afin de distraire un homme aussi prestigieux que...

- Non, non. Non. La rabroua Yuzan, irrité. Je veux seulement Sorina. Ne prenez pas d'initiatives si je ne vous en demande pas.

 

Le chef du clan s'éloigna sur cette remontrance, et lorsque les trois femmes terminèrent les préparatifs, Ayame et Kiyoka laissèrent Sorina seule. Le thé était prêt à être servi lorsque Yuzan Sonata et le duc de Suo entrèrent dans la pièce sobre et confortable, baignée dans une douce lumière dorée. Sorina s'inclina respectueusement pour ensuite saluer le noble invité, qui la détailla avec un certain plaisir. Dans sa sombre armure, l'homme était imposant, et elle parvînt à ne pas tressaillir en découvrant la brûlure qui déformait partiellement son visage. Elle remarqua deux guerriers se placer derrière le panneau coulissant avant que celui-ci se referme sur eux. Le duc et son maître échangèrent quelques banalités tandis qu'elle leur servait le thé, puis la conversation prit une teinte beaucoup plus sérieuse lorsque Sorina commença à jouer une mélodie mélancolique.

 

- Il y a de quoi faire un scandale avec cette histoire... J'imagine que vous avez déjà songé à ma rétribution Excellence. Insinua habilement le chef de clan. Même si l'argent a de plus en plus de mal à assouvir mes ambitions...

- Je ne vous propose pas de l'or. Contra le duc Haruda avec gravité. Si vous me le remettez vivant Yuzan, je suis prêt à vous donner la main de ma fille.

 

Un silence pesant s'imposa entre les deux hommes de pouvoir, et le premier à troubler le son de la harpe fut le maître de Sorina. Son timbre laissait percevoir une excitation mal contenue.

 

- Pardonnez mon manque de politesse Excellence, mais vous seriez prêt à accorder un tel honneur pour la capture d'un seul homme ? Vos soldats se sont-ils révélés inefficaces ?

- Si je requiert vos services Yuzan, ce n'est pas par choix. Rétorqua froidement le duc de Suo. Doutez-vous bien qu'anoblir un coupe-jarret de votre genre me fait l'effet d'un coup de pied dans les couilles. Si mes hommes commencent à fouiller la ville les rumeurs vont circuler... Cette affaire ne doit pas s'ébruiter.

 

L'hôte ignora les insultes de son invité pour savourer sa future promotion. Un mariage avec la fille d'un duc lui ouvrait les portes sur une plus grande ambition. Son patrimoine était déjà aussi élevé que celui d'un marquis, et s'il obtenait un titre son influence pouvait s'étendre à d'autres villes, voir même toute une province. Yuzan Sonata souriait, et Sorina écoutait désormais avec attention leur conversation, ignorant les coups d’œils méfiant que lui lançait parfois le commandant Haruda.

 

- Excellence, mes lèvres sont scellées. Jura le chef de clan. Mes gars vont ratisser la ville, et votre fuyard ne pourra plus se cacher. Vous aviez parler d'une femme également ?

- Un témoin a affirmé que ce criminel était accompagné par une jeune femme aux cheveux courts, vêtu comme un homme. Rapporta le Duc. Ils auraient loué un âne, fait confirmé par deux gardes de la porte Nord.

 

Sorina manqua une corde, et le rythme de son cœur devînt chaotique. Fort heureusement, les deux hommes ne semblaient plus lui accorder d'attention, et son maquillage masquait son teint devenu livide. Jin était en danger. Elle devait la prévenir d'une manière ou d'une autre. Mais le plus grand risque demeurait la réaction de Yuzan Sonata, qui n'accorda qu'une seule faveur à Sorina tout au long de ces années de servitudes. Ce fut cet homme qui fournit les faux papiers permettant à Jin d'hériter de la forge de son maître. Il était un des rares à savoir que la jeune femme exerçait son métier sous un déguisement. Au grand soulagement de Sorina, le chef de clan ne prêta guère attention à la complice, préférant aborder le coupable.

 

- Votre lieutenant m'a confié que votre proie était insaisissable.

- Je me suis renseigné... Révéla le commandant Haruda, joignant ses mains pour prendre un air grave. Ne le sous-estimé surtout pas Yuzan, et ne songez à aucun assaut frontal si vous n'y êtes pas préparé.

- Mes hommes savent se battre. Le rassura-t-il.

- Ils n'ont jamais combattu au-delà de la Grande Forêt. Souffla sombrement le duc, le regard pensif. Vous non plus j'imagine, donc vous ignorez ce que cache encore de nos jours les cavernes des montagnes d'Ürkaeb... Vous n'avez jamais contemplez la cité d'Elaris, ni parcouru en Perce-Nuage la plaine morte de Karn Caëdros ?

- Excellence, je crois que nous nous éloignons du sujet...

- Yuzan ! Le coupa Haruda, les yeux exorbités. Les hommes n'ont pas été les seuls à fouler les terres d'Alesta. Il y a une sorte... Comme une sombre magie à l’œuvre. Notre cible est liée à ces choses-là. Si vous n'êtes pas à la hauteur je peux vous assurez que vous tomberez avec moi.

 

Sur ces mots le duc se leva, sans même avoir touché à sa tasse de thé. Tremblante, Sorina fit tout son possible pour ne pas laisser paraître son inquiétude, terminant sa mélodie sur un accord pour ensuite faire ses adieux au prestigieux invité. Le maître de maison l'accompagna jusqu'à la sortie de la pièce, traînant le pas pour pouvoir s'adresser discrètement à son hôtesse.

 

- Ce n'est pas dans tes habitudes de faire de fausses notes.

- Excusez-moi, je manque encore de pratique.

 

Il fronça légèrement les sourcils avant de disparaître avec le duc, la laissant seule pour nettoyer la pièce. Sorina se demanda si elle avait le temps de retrouver Jin avant le début de son service, regrettant de l'avoir laissé en compagnie du vagabond. La manière dont le soldat avait décrit Alestan lui semblait exagéré, et elle trouvait malheureux qu'un jeune homme aussi charmant soit coupable d'un crime. Sans compter que l'affaire impliquait désormais l'un des clans les plus dangereux de la province. Jin devait s'éloigner au plus vite d'Alestan et rester discrète jusqu'à ce que la situation se calme. Sa décision prise, Sorina parvînt à convaincre Ayame de la laisser sortir pour faire une course, priant de trouver sa sœur chez elle, saine et sauve.

 

 

 

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Un chapitre où la tension fut maître.

 

On découvre un peu plus le monde de Sorina par le biais de la venu de Haruda et outre le décor qui semble bien saisissant, j'ai bien aimé le dialogue entre les deux hommes, surtout lorsque que le Duc fait allusion au terre mystique abritant des hommes et de la magie, ça donne envie d'en voir plus.

 

J'attends la suite qui monte en flèche

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CHAPITRE 8 - LE MANOIR

 

 

Lorsque Jin ouvrit les yeux, elle se trouvait dans son bain. L'eau froide et ses doigts fripés lui apprirent qu'elle s'était endormie sans s'en rendre compte. Il faisait encore jour, et une odeur de viande grillée lui rappela à quel point elle avait faim. Son corps frissonna lorsqu'elle quitta le bassin en bois, et elle s'empressa de s'emmitoufler dans une serviette pour sortir de la salle de bain. La main de Jin s'immobilisa sur la poignée quand elle reconnu la voix qui fredonnait de l'autre côté de la porte. C'était un air chantonné dans une langue inconnue, imprégné d'une douce nostalgie. Alestan en était l'auteur tandis qu'il cuisinait tranquillement chez elle, sans son autorisation, et pourtant Jin resta silencieuse pour l'écouter.

 

- Changes-toi c'est bientôt prêt !

 

Elle sursauta comme si le vagabond venait de défoncer l'entrée de sa salle de bain. Il n'avait aucun moyen de savoir qu'elle ne dormait plus, et pourtant ce fut comme s'il pouvait la voir à travers les cloisons. Cette pensée la fit rougir jusqu'aux deux oreilles, la poussant même à plaquer les mains sur sa poitrine. Jin enfila sa robe de nuit, faute de ne pas avoir des vêtements sous la main, pour rejoindre Alestan. Elle vivait au-dessus de son atelier et disposait de trois pièces pour vivre, à savoir une salle d'hygiène, sa chambre et un salon où elle avait aménagé une petite cuisine. Elle faisait son possible pour garder l'endroit propre et agréable, réduisant son mobilier au minimum dans le but de gagner de l'espace. Jin prenait soin de cet héritage légué par son défunt maître d'apprentissage, et sa colère était justifiée lorsqu'elle constata le nuage de fumée, au parfum gras, qui emplissait le lieu.

 

- Tu veux nous étouffer ? Ouvres les fenêtres !

 

Sans laisser le temps au vagabond d'agir, elle aéra la pièce en toute hâte avant de se précipiter vers le poêle, détaillant avec effrois la mixture que préparait le jeune homme, torse nu. Il avait vraisemblablement fouillé dans tous ces placards afin de remplir une énorme casserole, où un mélange de viande hachée, d'épices, de tomates, de riz, de fromage, et d'un tas d'autres ingrédients mijotaient à feu vif. Jin lui jeta un regard noir, essayant de le pousser pour prendre la relève.

 

- T'embêtes pas ça devrait être assez cuit. L'informa Alestan, tout sourire.

- On ne t'a jamais appris à demander avant de te servir ?

- Je l'ai fait, mais tu ne répondait pas. La taquina-t-il. Tu peux mettre la table si tu veux.

- Tu as intérêt à tout nettoyer. Gronda-t-elle. J'ajoute à ta dette la nourriture que tu as utilisé... Et habilles-toi !

 

Elle regrettait de s'être assoupie, mais sa mauvaise humeur s'estompa en contemplant les cicatrices qui sillonnaient le corps du vagabond. La vision des blessures récentes, en particulier celles de la veille avec leurs chairs boursouflées et encore suintantes d'hémoglobine, lui nouèrent la gorge. Jin comprit  pourquoi Alestan avait ôté sa veste sombre et ses protections de cuirs. Un coup d’œil vers la corbeille, où dépassaient des tissus imbibés de sang, lui confirmèrent que l'homme tenta tant bien que mal de nettoyer ses plaies.

 

- Lâches ce que tu es en train de faire et vas t'asseoir. Ordonna-t-elle.

- Je n'ai...

- S'il-te-plaît, écoutes-moi.

 

Elle prononça ces mots avec douceur, et ce fut sans doute la raison pour laquelle Alestan obtempéra. Il se dirigea vers la petite table du salon pour s'installer sur l'un des tabourets, patientant jusqu'au retour de Jin et de sa trousse de soins. Dans un coin de la pièce, sur un fauteuil usé mais confortable, les vêtements du vagabond étaient roulés en boule. Il y avait quelque chose d'étonnant dans la façon dont il s'était approprié l'espace en si peu de temps, au point qu'on aurait cru assez facilement qu'il vivait avec Jin depuis plusieurs jours. Chassant cette pensée embarrassante, elle prit place derrière Alestan pour désinfecter les plaies lui parsemant le dos. Par chance, la plus grosse des balafres n'était pas aussi profonde qu'elle le craignait, et une lésion sous sa clavicule entamait déjà sa cicatrisation. Il était plus musclé qu'elle le pensait, et d'étranges tatouages encerclaient son bras droit. Jin compta quatre bandes noires, entre lesquelles étaient calligraphiées des runes inconnues. Elle reconnaissait toutefois l’œil dans un croissant de lune, ce symbole qui ornait la poignée de son sabre ainsi que les portes du manoir de Maëda.

 

- Je ne te fais pas mal ? Le questionna-t-elle en appliquant une bande de gaze sur ses blessures.

- Si, mais rien d'insurmontable.

- Tu devrais faire plus attention à ton corps. On a qu'une vie tu sais.

- C'est ce qu'on dit... Souffla-t-il, pensif. N'empêche, je suis un peu surpris.

- Surpris ? Par quoi ?

- Tu es particulièrement mignonne avec cette robe.

 

Jin sentit la chaleur lui monter aux joues et elle préféra garder le silence. En raison de sa situation, personne ne lui faisait ce genre de compliments, exceptée Sorina.

 

- Je suis certain que les clients se bousculeraient à ta porte si tu travaillais ainsi. Ajouta-t-il, espiègle.

- Très drôle. Trancha Jin, qui ne souhaitait pas poursuivre sur ce sujet.

 

Une fois les blessures d'Alestan nettoyées et pansées, elle lui prêta un haut de kimono appartenant à l'ancien propriétaire de la forge. Le tissu vert sale n'était pas très reluisant, mais le vagabond ne protesta pas. Le soleil était à son point le plus haut lorsqu'ils terminèrent leur déjeuner, et Jin mangea avec appétit le ragoût épicé. Le vagabond n'était pas dénué de talents culinaires,  tout en maîtrisant l'art de la conversation. Elle répondit à ses questions sur son métier, allant jusqu'à évoquer sa rencontre avec le sage du manoir. Alestan semblait intéressé par les moindres détails de son parcours, demandant parfois des précisions qui la faisait lentement dériver sur le sujet de sa sœur. Il amenait Jin sur un terrain qu'elle gardait habituellement secret, avec douceur et honnêteté. Un manipulateur né, mais sans mauvaises intentions.

 

- Je voulais vendre mes pièces chez les Elnaë. Avoua-t-elle. Depuis que les frontières sont gardés, ils ne viennent quasiment plus à Shura. La valeur de leur Couronne est dix fois supérieure à l'alliage de notre Jougen, ce qui est très avantageux à la fois pour nous et pour eux.

- Vous leur vendez à prix réduit tout en gardant un bénéfice grâce au taux de change. Comprit Alestan.

- C'est avec cet avantage que je peux faire des économies.

- Et racheter la liberté de ta sœur. Termina-t-il.

- Bientôt... Murmura Jin, confiante. Encore quelques ventes et j'aurais réunie cent cinquante milles Jougen.

- C'est une belle somme.

- Le prix d'une Forgeciel. Rêva-t-elle.

- Tu pourrais t'en acheter cent avec ma prime... Du moins l'ancienne, elle a certainement augmenter depuis.

- Dommage que je risque d'être considérée comme une complice, je t'aurais bien dénoncé.

- J'en doute.

 

Le coin de ses lèvres s'étira, et la façon dont il la dévisagea emballait le rythme de son cœur. Jin ne pouvait pas dire qu'elle le trouvait séduisant, mais il dégageait parfois un charisme irrésistible. Elle n'était pas loin d'imaginer avoir affaire à un prince exilé, errant sans destination dans les vastes contrées d'Alesta.

 

- D'où viens-tu ? Demanda-t-elle, curieuse de connaître ses origines.

- Si je te disais que j'ai passé de longues années dans le palais de la reine d'Elnath, tu me croirais ?

- Tu m'aurais donc menti en affirmant être lié à Maëda ? Lui retourna Jin, sceptique.

- L'un n'empêche pas l'autre. C'est même l'inverse.

 

Sur ces paroles, il l'invita à ce rendre chez le forgeron le plus célèbre de Daërda. Quelques préparatifs s'imposèrent étant donné leur situation, et Jin prit soin de dissimuler une partie de leurs visages à l'aide de larges chapeaux coniques. Elle revêtit sa tenue de travail et conseilla à Alestan de laisser son sabre dans son atelier, ce qu'il refusa catégoriquement.

 

- C'est impossible.

- Il ne risque rien ici. Le rassura-t-elle.

- Ce n'est pas une lame ordinaire. Contra-t-il.

- C'est-à-dire ?

- Elle est vivante.

 

Jin se demanda ce qu'il insinuait, mais le vagabond ne lui laissa pas le temps de l'interroger davantage, la poussant à se mettre en route vers leur destination. Elle ressentait un étrange malaise en contemplant l'arme ténébreuse car, malgré son expérience de forgeronne, elle se trouvait incapable de définir le métal qui le composait. Jin espérait en apprendre plus sur Alestan, et s'il disait la vérité concernant le sage Maëda, l'occasion se présenterait rapidement. Après avoir nettoyé le désordre de la cuisine, ils se mirent en marche vers le manoir du vieux maître.

 

L'après-midi s'annonçait chaleureuse, et dans d'autres circonstances Jin se serait autorisée une balade aux jardins de la cité. Les cheminées des toits multicolores expiraient leurs vapeurs dans le ciel azuré, et la chaleur qu'elles produisaient nuançaient subtilement la couleur des tuiles, si bien que l'on pouvait estimer l'âge d'une forge grâce à cette particularité. Alestan ne tenait pas en place, attiré par les articles des différentes échoppes tout en se remémorant les commerces qu'il avait autrefois connu à Shura. Jin apprit ainsi que le vagabond connaissait bien la ville dans sa jeunesse, des quartiers les plus pauvres aux plus riches.

 

- On devrait faire un tour à la confiserie Huan. Proposa-t-il.

- Dois-je te rappeler que nous sommes activement recherchés ?

 

Ils arrivaient au croisement de l'une des avenues principales de la cité, reliant la place du marché à l'ancienne forteresse, désormais convertie en théâtre. Sans avertissement, Alestan la poussa dans une ruelle étroite, lui intimant le silence alors qu'elle s'apprêtait à protester. Jin comprit son geste quelques secondes plus tard, lorsque cinq cavaliers passèrent à proximité de leur position.

 

- C'est...

- L'officier qui nous a précipité dans le vide. Termina-t-il.

 

En effet, un homme de haute stature et revêtu de l'armure sombre des guerriers Daër menait la petite compagnie, son visage en partie défiguré ravivant les mauvais souvenirs de la veille. Jin frissonna en apercevant clairement l'insigne sur la selle des montures, de motif chrysanthème, appartenant au duché de la province de Suo.

 

- Ils n'ont pas l'air de nous traquer. Constata Alestan.

- Les soldats des autres régions ont besoin d'une autorisation pour agir ici. L'informa-t-elle. Shura est sous l'autorité de la famille Huan, des nobles de sang royal.

- Ne traînons pas ici.

 

Les cavaliers étaient hors de vue lorsqu'ils émergèrent de leur cachette pour se mélanger à la foule du marché. Jin avait un mauvais pressentiment quand à la venue du duc Haruda, car il n'était pas rare de voir une personnalité de haute noblesse conclure un pacte avec les clans les plus influents de la cité. Elle était bien placée pour le savoir, ayant entendue des anecdotes terrifiantes de la bouche de Sorina. Contrairement aux soldats de l'armée, les sbires des organisations criminelles se fondaient sans problème dans la masse, et les règlements de comptes en pleine rue étaient monnaie courante. Alestan sembla partager son raisonnement, car son attitude décontractée avait laissé place à une tension presque palpable.

 

- Si jamais les choses tournent mal, je te prendrais comme otage. Lui souffla-t-il. Tu devras jouer la victime pour être lavée de tout soupçon.

- Je préférerais éviter ce genre de mesures...

- Retiens ce que je viens de dire, insista-t-il, au cas où.

 

Leurs inquiétudes n'étaient pas infondées, mais la traversée du marché de Shura s'effectua sans le moindre problème, au grand soulagement de Jin. Ils faisaient désormais face aux imposantes portes de bronze du manoir de Maëda, et hormis quelques illustres personnalités d'Alesta, rare étaient ceux sachant ce qui se cachait derrière leurs lourds battants gravés. Un œil dans un croissant de lune. Alestan contemplait l'entrée avec un regard indéfinissable, et Jin se sentit soudainement insignifiante. Une curieuse émotion s'empara d'elle, emplit à la fois d’excitation et de peur. Elle avait le sentiment que sa vie ne serait jamais plus la même après avoir franchit l'arche de pierre noire, et son instinct lui commanda de rebrousser chemin. Elle souhaitait de tout son cœur revoir le vieil homme qui l'avait tant fait rêver, mais une petite voix dans sa tête la mettait en garde.

 

« Une fois de l'autre côté, il n'y a plus de marche arrière. »

 

Les yeux vairons d'Alestan l'observaient, difficilement soutenables, et pourtant si intrigant qu'ils laissaient un souvenir impérissable à ceux qui les croisaient. Le genre de regard à hanter un rêve, appartenant à une autre réalité. Une autre vérité. Jin tremblait sans pouvoir se contrôler, comme si une force invisible était à l’œuvre. Elle oublia le danger de leur traque, sa quête d'argent et même sa propre sœur. Il y avait une barrière dans son esprit, inexplicable. Elle se sentait ensorcelée. Alestan claqua des doigts à un pouce de son visage, l'expulsant de ses pensées. Jin eût l'impression de s'être brusquement réveillé, au point d'être surprise en constatant qu'ils se trouvaient toujours devant les portes de la demeure du vieux maître.

 

- Je me sens... Bizarre. Murmura-t-elle, confuse.

- Tu le ressens aussi n'est-ce-pas ?

- De quoi ? L'interrogea Jin sans comprendre.

- L'aura du dernier Novaë. Lui révéla Alestan. L'âme d'un homme ayant connu les jours sombres et la cité noire... Maëda l'Immortel.

 

Il termina sa phrase en posant sa main sur le bronze verdâtre, et dans un grondement sourd, l'immense porte s'ouvrit.

 

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Super chapitre !

 

Alestan comme d'habitude s'adapte à toute situation et bien que la durée chez Jin fut courte, c'est comme si ils vivaient ensemble depuis un bout de temps et cette dernière commence à tomber sous son charme. Al donne un détail important avec la reine d'Elnath, on en saura plus bientôt et les voila parti chez Maeda où les ennuis vont se poursuivre avec pas mal de petites révélations avant tout ça.

 

Jin se retrouve embarqué par la force du destin, dans une aventure qui l'a dépassera !

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CHAPITRE 9 - LA COLLINE DU PRINTEMPS ÉTERNEL

 

 

Les battants s'écartaient lourdement, animés par un mécanisme invisible. Ce fut comme si les portes de la muraille répondaient au contact de la main d'Alestan. Jin sentait son estomac se contracter tant le mystère lui faisant face dépassait son imagination. Elle aperçut dans un premier temps un magnifique jardin peuplé d'arbres et de plantes étonnement variés. La végétation était en fleur, en avance sur la saison, et provenaient des quatre coins d'Alesta. Des roses multicolores côtoyaient des orchidées, des ochnas lunaire, encerclées de tulipes et de lilas, de lys et de lavandes gardant les fragiles clochettes du muguet, jusqu'aux coquelicots et aux mystérieuses fleurs des proteas du désert. Certaines espèces étaient inconnues, et donnaient l'impression d'appartenir au règne minéral plutôt que végétal. Il y avait également des arbres à l'intérieur du domaine, beaucoup étaient de la famille des rosacées, comme les différents pruniers, poiriers, cerisiers, amandiers, pêchers et tant d'autres. Mais Jin distingua également un olivier et un tilleul, plusieurs conifères ou encore un chêne, un ginkgo, ainsi que le célèbre Korino Karasu, le plus grand de tous, avec son tronc à l'écorce charbonnée et ses feuilles noires, abritant des dizaines de corbeaux sur ses branches. Enfin, au centre de ce musée naturel et unique, trônait sur une petite colline le manoir de Maëda. Alestan lui donna une petite tape dans le dos afin de l'inviter à avancer, et les portes de bronze se refermèrent sur leur passage. Jin ne pouvait plus parler, ni même penser. Elle suivait le vagabond le long d'un chemin aux pavés blancs, découvrant parfois une fontaine sculptée ou des statues étranges, humaines et animales, voir monstrueuses.

 

- Isdori Bruna Caël... La Colline du Printemps Éternel. L'informa Alestan, amusé par son expression abasourdie.

 

Jin ne fit aucun commentaire, car aucun mot ne pouvait décrire ce qu'elle ressentait à cet instant. Elle qui avait vécu toute sa vie à Shura ignorait qu'un tel décor se cachait derrière les hauts murs de l'antique demeure. Elle reconnaissait néanmoins la flèche d'or qui surplombait l'une des cheminées du manoir, un bâtiment de quatre étages aux toits incurvés et identiques à ceux des forges de la cité. Le chemin blanc s'arrêtait devant une cour en galets de rivière, où une longue table de marbre laissait imaginer des réceptions somptueuses à l'orée du jardin féerique. La demeure en elle-même se composait d'un rez-de-chaussé en pierre, orné d'une corniche et percée d'une arche qui donnait accès à un hall plongé dans l'obscurité. Les étages étaient quand à eux en bois hormis deux tours à chaque extrémité du manoir, ainsi que les différentes cheminées. Sur le portique de l'entrée, un phylactère gravé dans un alphabet runique se trouvait entouré par deux symboles. L'un était le blason de l'illustre forgeron, l'autre un cercle enflammé renfermant trois vagues. Remarquant le regard interrogateur de Jin, Alestan lui révéla à nouveau la traduction de cette langue inconnue.

 

- Du feu de l'Eau Céleste naquit l'instrument de la fin des temps.

- Qu'est-ce-que ça signifie ? L'interrogea-t-elle, effrayée par l'implacable message.

- Tout ce que je peux te dire, c'est que l'homme tenta par le passé de maîtriser des forces qui le dépassait. Sans l'intervention de Maëda et six autres de ses compagnons, Alesta serait désormais de l'histoire ancienne.

- Quand ? De quelle époque parles-tu ?

- Il y a mille cent onze ans.

- C'est impossible, ça n'a aucun sens...

 

Jin fut forcée malgré elle de prendre appui sur la table de marbre, sans quoi ses jambes auraient été incapable de la soutenir davantage. Elle ne parvenait pas à croire les paroles d'Alestan, car celles-ci impliquaient l'existence d'un monde digne des contes de fées. Une réalité à la fois enchanteresse et terrifiante, qui prenait vie sous ses yeux, derrière les murs du domaine de Maëda. Même si Jin avait peine à croire en l'existence d'un immortel, elle se trouvait pourtant sur la Colline du Printemps Éternel, et le paysage qui l'entourait était parfaitement tangible.

 

- Comment... Balbutia-t-elle. Qui es-tu ? Pourquoi moi ? Pourquoi suis-je ici ?

- Tu as accepté de me suivre. Lui rappela-t-il en se plaçant devant elle. Alestan est mon nom, héritier de la Lame Morte, la Septième et dernière Clef du Cœur d'Hekaïm. Tu m'as sauvé, donc ton destin est lié au mien.

 

En ce moment précis, le vagabond lui apparut comme une figure des vieilles légendes. Jin ne pouvait fuir son regard digne et imperturbable, saisissant véritablement la signification de cet œil aux reflets d'argent, dont la nature surnaturelle prenait tout son sens. Elle faisait face à un Novaë, l'un des sept gardiens légendaires d'Alesta. Le sabre ténébreux à sa hanche devait par conséquent renfermé un pouvoir si extraordinaire qu'il pouvait anéantir à lui seul une armée. Jin comprenait pourquoi il était recherché aussi activement au sein des Cinq Royaumes.

 

- Mais ce n'est pas aussi simple. Souffla-t-il, comme s'il venait de lire dans ses pensées. Je ne veux pas t'obliger à aller plus loin. Tu peux rentrer chez toi si tu veux.

- Et faire une croix sur l'argent que tu me dois ? Bien essayé mais je suis loin d'être idiote.

 

Jin c'était brusquement ragaillardie, et sa stupeur laissa place à une ébullition qu'elle n'avait jamais ressenti. Ses rêves d'enfances devenaient réalités. Son quotidien monotone, promit à un avenir fade et sans surprise, venait de trouver une alternative dépassant de loin ses espérances les plus folles. En réponse à sa remarque, Alestan afficha un large sourire.

 

- Entrons.

 

De nombreuses questions demeuraient en suspends, mais Jin ne souhaitait pas précipiter l'heure des révélations, encore fébrile après avoir soulevée une infime partie du voile. Ils passèrent sous l'arche et son sinistre avertissement, pénétrant dans l'étonnant manoir du sage immortel. La première salle paraissait vaste, et cette impression fut confirmée lorsqu'ils posèrent un pied sur les larges dalles de l'entrée. Une pâle lueur bleutée illumina la voûte couronnant le lieu, alimentée par des cristaux soudés dans son architecture. Jin distingua tout d'abord des colonnes, puis des sculptures disposées entre elles, formant de longs couloirs aux allures de labyrinthes. Cette sensation fut renforcée par la présence d'innombrables étagères, qui débordaient d'échantillons fascinants. Il s'agissait d'une gigantesque collection d'herbes, d'épices, de minerais vulgaires et précieux, de poudres multicolores, d'ossements et d'organes aussi bien humains qu'animales, ainsi que des substances dont elle ignorait le nom. Certaines étaient scellées derrière une vitre, d'autres cachées dans des coffres solides, parfois étiquetés d'un avertissement. Jin sursauta au détour d'un rayonnage, se trouvant face à une épouvantable armure couverte de cornes et d'excroissances répugnantes, que seul un géant difforme aurait été capable d'arborer. Un silence pesant régnait dans le hall, presque morbide. Alestan semblait savoir où se diriger, et elle s'en trouva grandement rassurée. Jin avait le sentiment de se balader dans le repère d'un mage noir, bien loin de l'image qu'elle s'était forgée du maître de Shura. Ce sentiment se trouvait renforcé par des peintures dérangeantes, dépeignant des scènes d'une monstruosité obscène. Un folklore de créatures horrifiques dévorant hommes, femmes et enfants avec un réalisme insoutenable.

 

- Les Siècles Obscurs. Renseigna Alestan, dont la voix se réverbérait contre les parois du hall. Lorsque l'espèce dominante sur le globe n'avait rien d'humain.

- Ces... Choses, ont vraiment existé ?

- Elles n'ont jamais réellement disparue.

 

Le frisson qui s'empara de Jin la glaça jusqu'au sang, et elle préféra oublier la réponse du jeune homme. Cette réaction était plus que naturelle, car ceux qui étudiaient de trop près le sujet finissaient généralement fous. Même Alestan, dont le ton laissait deviner un contact avec ces créatures cauchemardesques, évitait de les évoquer. Il s'agissait pourtant d'un élément essentiel à la compréhension de notre monde et de la place qu'occupait l'homme à cette époque oubliée de tous. Seul Maëda connaissait l'histoire complète de notre espèce et les faits héroïques accomplis en cette ère de tourments, mais il ne les dévoila jamais à ses semblables. Jin poursuivit sa visite dans le silence, et ils laissèrent derrière eux le mystérieux musée pour s'engager dans une salle circulaire, au cœur du manoir. L'endroit baignait dans une lumière blanche, si intense qu'elle en était aveuglante après la douce clarté du hall. Les yeux de Jin s'habituèrent à ce nouvel environnement, et elle contempla avec admiration un escalier à double hélice, en marbre blanc. Celui-ci permettait de rejoindre les étages supérieurs de la demeure, mais il s'enfonçait également vers un sous-sol, qui se trouva être leur destination. Tandis qu'Alestan l’entraînait toujours plus profondément dans la demeure, il lui expliqua qu'une personne pouvait monter et une autre descendre l'escalier sans jamais se croiser. Jin l'écoutait cependant qu'à moitié, car ils atteignaient une caverne plus spacieuse que le domaine tout entier.

 

Le lieu était cette fois-ci plongé dans un chatoiement familier aux forgerons. Les ombres dansaient sur les parois rocheuses au rythme lancinant des flambeaux et des chandeliers, accentuant la chaleur étouffante qui poussa Jin et Alestan à retirer leur chapeau. Ils s'engagèrent sur un chemin tracé aux milieux des bassins et des stalagmites, contournant parfois des puits ténébreux, dont certains expiraient une étrange vapeur noire, inodore. Une atmosphère indescriptible régnait dans le souterrain, comme si une pression anormale alourdissait les membres, au point de rendre les mouvements de Jin lents et maladroits. L'écoulement du temps lui-même donnait l'impression d'être perturbé, et à mesure qu'ils arrivaient au bout du chemin, un détail attira son attention. Elle retînt une exclamation en apercevant son reflet dans un miroir colossal, dont la matière translucide était aussi instable que la surface d'un lac sous un ciel orageux. Des ondes déformaient son image, et Jin fit un bond en se voyant enfant l'espace d'un éclair. De son côté Alestan faisait face à une ombre indéfinissable, à laquelle il s'adressa d'une voix dénuée d'émotions.

 

- Dis-lui que je suis arrivé.

 

La chose s'évapora pour laisser place à son reflet, et Jin remarqua que l’œil argenté du vagabond n'apparaissait pas dans le déconcertant miroir. Il y avait à la place une cavité, comme une vieille blessure de guerre. Elle aurait aimé l'interroger, mais son effarement l'empêchait de formuler le moindre mot. Alestan continuait de fixer son double, lorsqu'un mouvement attira son regard. Une silhouette se dessina dans le mur translucide, approchant avec une démarche ferme bien que légèrement courbée. Jin reconnu le visage qui transpirait l’intelligence et la sagesse, de sa barbe blanche tressée aux rides qui parcouraient son front dégarni. De ses longs sourcils enneigés à son regard gris et insondable. Il portait un pantalon large et une veste d’un bleu d’opale, sur laquelle était brodée l’œil dans un croissant de lune. Sa voix rocailleuse retentit dans leur dos, les forçant à se retourner.

 

- Vous êtes à l'heure pour le thé.

 

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Un très bon chapitre !

 

J'ai beaucoup aimé ce dernier qui était fort riche en description qui d'ailleurs est bien géré. Le manoir, son extérieur et tout ce qu'il contient ne laisse pas indifférent. Alestan en rajoute encore plus en parlant d'époques oubliés pour lequel j'aurai bien aimé en savoir plus ;D.

 

Jin la pauvre n'en a pas fini d'en voir de toutes les couleurs. La suite en sera que plus intéressante ! 8)

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