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Alestan - Chapitre 21 : Le Vagabond [FIN]


Alestan
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CHAPITRE 10 - L'ERREUR

 

 

Sorina tortillait nerveusement le pendentif autour de son cou, préoccupée par l'absence de sa sœur. L'atelier était fermé, et ses appels demeuraient sans réponse. Jin devait se trouver au manoir de Maëda, ignorante du danger qui la guettait. Elle hésita à se rendre elle-même chez le vieux forgeron, mais son départ prolongé risquait d'attirer les soupçons. Ayame avait la fâcheuse tendance de rapporter chaque faits et gestes des courtisanes au chef du clan, avilie par ses longues années de servitude. De plus, l'aînée jalousait l'attention accordée à Sorina, qui n'avait pourtant jamais cherché à figurer parmi les favorites de Yuzan Sonata.

 

Elle demeura plusieurs secondes devant l'entrée de la forge, angoissée par la situation délicate de sa sœur. Les choses auraient été beaucoup plus simple si elle avait laissé Alestan partir la nuit précédente. Sorina insista pour qu'il demeure en sa compagnie, et cette décision était avant tout égoïste. Elle se sentait seule et éprouvait le désir de se confier. Peu importait les crimes du jeune homme, il l'avait écouté. Réellement écouter. Ses doutes, ses regrets et ses espoirs. Il l'avait réconforté, avec une franchise à la fois douloureuse et rédemptrice.

 

« La Vérité blesse aussi bien qu'elle libère. »

 

Mais pour le bien de sœur, Sorina était prête à le trahir. Elle l'aurait fait si Jin ne risquait pas de subir la punition réservée aux complices, identique aux coupables. Elle songea à négocier avec son maître, comme elle le fit pour l'héritage de la forge de Naotsuna Kamo. Elle était prête à subir le châtiment à la place de sa sœur, si seulement elle avait la certitude que les choses se passeraient comme elle le prévoyait. Sorina devait prendre une décision, et elle choisit de laisser un message d'avertissement.

 

  Un double des clefs était dissimulé derrière l'enseigne de l'atelier. Elle monta à l'étage pour écrire fébrilement une mise en garde, qu'elle déposa sur la table du salon. Les affaires d'Alestan reposaient dans un coin de la pièce, sur le fauteuil rapiécé. Ils avaient prit des précautions, ce qui rassura légèrement Sorina. Elle retrouvait la sortie au rez-de-chaussée lorsque son cœur manqua un battement. Une figure terriblement familière l'attendait, adossée à l'encadrement de la porte. Son sourire doré luisait, carnassier, et il la salua d'une main mutilée de deux doigts.

 

- Yuzan, ce n'est pas...

- Tu me déçois Rin. La coupa-t-il. Vraiment.

 

Paralysée sur la dernière marche de l'escalier, Sorina fit un effort considérable pour ne pas fuir vers l'étage. Il y avait une faible chance que le malfrat ignore la raison de sa venue. Yuzan Sonata comprima les cheveux sur son crâne, inspirant bruyamment tandis qu'il approchait.

 

- Ai-je l'air d'un imbécile ? Demanda-t-il d'une voix traînante, sarcastique.

- Je rendais simplement visite à...

- Ferme-là !

 

Il frappa du poing l'un des piliers de l'atelier, avant de se ressaisir face à l'expression mortifiée de Sorina. Elle esquissa un geste de recul, jetant un œil aux armes exposées contre les murs de la forge. Des pensées désespérées traversaient son esprit, et elle peinait à maîtriser ses tremblements incontrôlables. Le ton du chef de clan s'adoucit, comme s'il regrettait de s'être emporté.

 

- Désolé ma belle, désolé... Mais tu vois, je déteste qu'on me prenne pour un idiot.

- Yuzan, je rendais juste visite à ma sœur. Jura Sorina.

- Je sais, ce n'est pas de ta faute. C'est normal de vouloir protéger les siens.

 

Il s'arrêta à un pas des escaliers, la dévisageant avec un mélange de pitié et de déception. Elle sût à cet instant qu'il avait deviné l'identité de la complice d'Alestan dès la visite du duc, lorsque Sorina manqua les cordes de sa harpe.

 

- Elle n'y ait pour rien... Supplia-t-elle. Je suis sûre qu'elle sera prête à coopérer.

- On est jamais sûr de rien. Susurra-t-il. Mais je te promets de la laisser en paix si tu fais comme je dis.

 

Des larmes perlèrent aux yeux de Sorina alors qu'elle acquiesçait, maudissant sa lâcheté devant le sourire satisfait de son tortionnaire.

 

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Je commence mieux à comprendre tes changements, particulièrement ceux de Jin et le personnage de Sorina. Bien que le rôle de ces deux derniers soient rester le même, cette complexité et leur lien familiaux nous permettent de découvrir plus sur ce qui se passe à l'intérieur du clan Sonata. Là où ce n'était pas possible avec Sora ( on remarqua que sans le « in » Sorina devient Sora, belle continuité, ça fait plaisir à relever ), car sa situation était plus compliquée. Jin ne pouvait pas s'approcher, alors on ne pouvait qu'avoir difficilement un point de vue de l'intérieur ( même si faisable, j'imagine ) et les prochaines scènes, comme celle du dernier chapitre. Et ce chapitre 7 nous permet justement de voir en partie la vie de la grande sœur de Jin et sa triste vie, apportant en plus son lot de tensions quant à la suite. La forgeronne se retrouve impliqué dans une histoire inimaginable, mais ce fut un pari qu'elle décida de jouer. Cependant... Sorina risque gros en essayant de la prévenir. Comment vont-elles s'en sortir ? J'y reviens juste après. 

 

Oh, alors le sénateur est passé chez Haruda ? Ayame parle-t-elle du seul et l'unique ? Si oui, pourquoi ? Tu y reviendras dessus, j'en suis sûr.

 

Comme à son habitude, Alestan prend vite ses habitudes chez les gens, et il détient cette aura, ce quelque chose de spécial, dont j'ai parlé lors de mon dernier commentaire qui charme les gens. Jin ne fut pas l’exception qui confirme la règle, ayant l'impression de vivre avec lui déjà depuis quelques jours. Un détail intéressant à noter, le vagabond cicatrise plutôt vite pour quelqu'un qui avait encore des blessures assez sérieuses... La veille. Je crois que c'est assez pour se poser beaucoup de questions à son sujet, mais j'ai déjà ma réponse. Il est de même avec d'autres informations ! En tout cas, la prime d'Alestan a de quoi donner l'eau à la bouche à n'importe qui. 150 000 x 100... On monte à 15 000 000 ! Et encore, selon ses dires, celle-ci a probablement augmenté. Avec une somme d'argent pour sa capturer, on comprend facilement pourquoi il siège dans le top 10 des criminels les plus recherchés de l'Union. Mais ça reste beaucoup. Il a quelque chose derrière.

 

Ceci, on l'apprend dans le chapitre qui suit, et ce n'est pas la seule chose. Riche en description, comme l'a commenté Kyojin, on peut constater que les légendes sur le légendaire Maëda ne sont pas du vent. Ce dernier semble carrément vivre dans un autre monde, au point que tout le monde de Jin soit remis en cause par la présence de toutes ces choses surnaturelles. Elle s'en retrouve dépaysée. Une réaction logique, et comme les lecteurs, elle se pose plein de questions sans réponses. Qu'est-ce qu'est l'instrument de la fin des temps ? Les Siècles Obscurs ? Que veut dire Alestan par « la Lame Morte, la Septième et dernière Clef du Cœur d'Hekaïm » ? Et surtout, qu'est qu'un Novaë ? Ce sont vraisemblablement des gardians, mais quand agissent-ils ? En quoi consistent-ils ? De quoi doivent-ils protéger Alesta ? Il y a de quoi réfléchir. C'est pour cela que couplé avec cette atmosphère mystique, à la fois intrigante et effrayante, je n'ai pas pu m'empêcher de me repasser mentalement l'OST que tu avais créé. Elle va encore mieux qu'avant à ce passage. La dernière scène, celle du miroir, est aussi très étrange concernant Alestan. Pour Jin, c'est très logique. Ses rêves d'enfance viennent de devenir réalité, et face à ce lot d'information, ses yeux et son esprit sont en train de tout redécouvrir, de tout voir, comme ceux d'un enfant. Mais concernant l'autre, je commence à croire, grâce à toutes les petites indications par-ci par-là, que cet œil ne lui appartenait pas. J'y crois de plus en plus au fil des chapitres. Aussi, quelle est cette ombre ?   

 

La fin du chapitre se conclut avec l'arrivée de Maëda qui les accueille pour le thé. Décidément, le monde de Jin n'a pas fini d'être chamboulé. Je plains le moment où elle devra quitter cet endroit pour faire face à la réalité de ses problèmes : Haruda. Je l'ai sous-estimé légèrement. À la fin du chapitre 7, il avait remarqué que quelque chose n'allait pas, mais je pensais que l'excuse de Sorina passerait sans problème. Peut-être se serait-il douté de rien si elle n'avait pas fait de fausse note au pire moment. Ça + la description du Duc, il ne faut pas plus pour quelqu'un comme lui qui connaît les deux sœurs pour faire le rapprochement. Désormais, le maître du clan Sonata détient une arme de taille. Ce dernier sera prêt à tout pour obtenir un rang de haute noblesse. Pas sûr qu'il tient parole. Au début, je pense, mais si tout ne se passe pas comme prévu, il n'hésitera pas à revenir sur ses mots. C'est l'impression qu'il me laisse. La situation se complique.

 

 

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Sora ( on remarqua que sans le « in » Sorina devient Sora, belle continuité, ça fait plaisir à relever )

 

Bien vu Arsène ! Plus le jeu de noms Rin/Jin  :) Et oui, en abordant la vision de Sorina je me suis rendu compte que le côté dramatique pouvait être décuplé, à la manière d'un GOT ou pour carrément prendre ma source d'inspi : Ginga Eiyuu Densetsu. Je pense que ça vaudra plus le coup de relire le premier arc une fois terminé (et corrigé car c'est un premier jet), vu que les différents personnages se croisent tout en donnant une idée de la timeline dans laquelle ils se trouvent.

 

La dernière scène, celle du miroir, est aussi très étrange concernant Alestan. Pour Jin, c'est très logique. Ses rêves d'enfance viennent de devenir réalité, et face à ce lot d'information, ses yeux et son esprit sont en train de tout redécouvrir, de tout voir, comme ceux d'un enfant. Mais concernant l'autre, je commence à croire, grâce à toutes les petites indications par-ci par-là, que cet œil ne lui appartenait pas. J'y crois de plus en plus au fil des chapitres. Aussi, quelle est cette ombre ?   

 

Excellente analyse pour Jin ! Le miroir agit comme un portail entre le réel et "l'imaginaire", mais je ne vais pas en dire plus car on va retrouver Maëda dans le chapitre 11, et des explications.

 

Qu'est-ce qu'est l'instrument de la fin des temps ? Les Siècles Obscurs ? Que veut dire Alestan par « la Lame Morte, la Septième et dernière Clef du Cœur d'Hekaïm » ? Et surtout, qu'est qu'un Novaë ? Ce sont vraisemblablement des gardians, mais quand agissent-ils ? En quoi consistent-ils ? De quoi doivent-ils protéger Alesta ? Il y a de quoi réfléchir.

 

Même chose ici, bien que normalement l'animation répond à la majorité de tes questions. Mais comme le montage actuel ne me satisfait pas encore, je crains que vous allez devoir patienter jusqu'à la semaine prochaine.

 

Haruda. Je l'ai sous-estimé légèrement.

 

Yuzan plutôt ? Comme Sorina, et comme tu l'as souligné, le retour à la réalité risque d'être douloureux.

 

 

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C'est confirmé Yuzan fut perspicace !

 

Il avait déjà bien cerné Sorina lors de son face à face avec Haruzan et il a feinté l'incrédulité pour mieux la piéger, bref voila Sorina dans la mouise et sa soeur qui va se faire du sang d'encre dans quelques temps.

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CHAPITRE 11 - LA LEGENDE

 

 

Le cœur emballé par la vision du sage, Jin s'inclina respectueusement. Maëda avait vieilli depuis sa dernière apparition en public, mais  son aura écrasante semblait décuplée, surtout après la découverte de son extraordinaire demeure. Lorsqu'elle leva les yeux, Alestan et l'illustre forgeron se donnaient une accolade affective. Le vagabond ne lui avait pas menti, comme le confirma le regard paternel du vieil homme et ses mots chargés d'émotions.

 

- Je suis heureux de te voir.

- Le voyage n'a pas été de tout repos.

- Tu n'es pas venu seul, ajouta chaleureusement Maëda, à qui ai-je l'honneur ?

- J-Jin. Balbutia-t-elle. Jin Kamo. L'honneur est pour moi.

- Kamo... Comme Naostuna Kamo ?

- J'étais son élève. Confirma-t-elle.

- Voilà une belle surprise. Sourit-il. Allez au jardin, je vais demander à Gaëlios de nous préparer la table.

 

Ils quittèrent l'étrange caverne pour retrouver la colline féerique, laissant le sage gravir les étages supérieurs du manoir. Alestan la guida jusqu'à la cour pavée de galets, où ils patientèrent jusqu'au retour de Maëda. La vision du miroir hantait encore Jin, qui ne pouvait s'empêcher de dévisager le vagabond, conduite que ce dernier remarqua avec amusement.

 

- Dis-moi.

- J'ai vu des choses... Bizarres.

- Le contraire aurait été surprenant.

- Je me suis vu petite, et toi... Ton reflet était... Enfin, il y avait cette ombre et ton œil...

- Ce n'était pas mon reflet, mais celui du sabre. Dévoila-t-il.

- Je ne comprend pas. Avoua Jin.

- Quand je disais que cette lame était vivante, ce n'était pas du second degré. Ce miroir montre l'envers de la réalité. Dans ton cas, tu devais te sentir comme une enfant, et dans le mien... Je préfère ne pas en parler.

- Et pour Maëda ?

- C'est une exception. Il est censé être mort depuis des siècles, ce qui lui permet d'exister au-dedans et en dehors de la réalité. Son reflet est plus réel que lui-même si tu préfères.

- Comme un fantôme ?

- Un fantôme vivant.

- Paradoxe. Conclu Jin.

- Poses-toi cette question : La mort est-elle une conséquence de la vie ? Ou bien la vie est une conséquence de la mort ?

- J'ai lu quelque part que la mort d'une étoile peut provoquer la naissance d'un système solaire.

- Paradoxe ? Reprit Alestan, tout sourire.

 

Il prenait un malin plaisir à la déstabiliser dans ses certitudes, et il le faisait en la poussant à réfléchir. Jin comprit qu'elle n'obtiendrait jamais une réponse claire du vagabond, car sa stratégie consistait à comprendre par soi-même. Alestan l'avait prise sous son aile, et ce fut sans doute sa manière de la remercier. Il lui ouvrait les yeux, montrant à quel point le monde regorgeait de mystères aussi fantastiques qu'effrayant.

 

« Le réel est-il le fruit de l'imaginaire ? Ou l'imaginaire est un produit du réel ? »

 

La plupart des créations humaines étant basée sur une simple idée, la réflexion sembla légitime dans l'esprit de Jin. Lorsqu'elle fit part de son raisonnement à Alestan, il se contenta de lui donner une pichenette affectueuse sur le front.

 

- Ta sœur a vu juste. Confia-t-il. On se souviendra de ton nom.

 

Elle se renfrogna, et pourtant le coin de ses lèvres s'étira timidement lorsqu'il cessa de la regarder. Leur hôte était de retour, le bras levé pour les saluer d'un air enjoué, sa veste dansant sous la brise. La vision aurait été agréable si un démon couvert de poils n'avait pas émergé à sa suite, un service à thé entre ses immondes griffes. Jin poussa un cri haut perché, et sa fuite fut interrompue par le bras d'Alestan tandis qu'il lui intimait de se calmer.

 

- Ne craint rien, ce n'est que le majordome.

- Un monstre ! Glapit-elle en désignant l'énorme silhouette.

 

Maëda laissa éclater un rire contagieux tout en prenant place autour de la table de marbre. Ignorant la réaction de Jin, la bête féroce disposa les tasses et un panier de biscuits avant de se diriger vers le vagabond, qu'il salua chaleureusement.

 

- C'est bon de te revoir Al.

- Gaël... Tu m'as manqué vieux loup.

 

La créature se tourna ensuite vers Jin pour s'incliner, et elle la dépassait toujours d'une tête dans cette posture. Elle fut incapable de faire le moindre geste, tétanisée par l'apparence monstrueuse et sauvage du dénommé Gaëlios. Cependant ses manières imitaient celles d'un homme éduqué, et son grand regard jaune était dépourvu d'animalité. Il avait conscience de la peur qu'il inspirait chez la jeune femme, car il prit congé une fois le thé servi. Jin l'observa jusqu'à ce qu'il disparaisse sous l'arche du hall, pour ensuite se frotter énergiquement les yeux, craignant d'avoir été sujette à une hallucination. La voix profonde et apaisante de Maëda les invita à s'installer, puis il s'adressa directement à Jin afin de dissiper ses doutes.

 

- Gaël a été victime d'une malédiction. As-tu déjà entendu parlé du Chat Errant et de son capitaine ?

- Ne l'embête pas avec cette histoire. Intervînt Alestan. On a des choses plus importantes à traiter.

- Je ne vais pas la laisser sans réponse. Contra le vieil homme.

- Je n'en ai jamais entendu parlé. L'encouragea Jin.

- Après la Guerre des Cent Jours, le capitaine Reis Wigbold entreprit d'explorer les Terres Extérieures à bord de son perce-nuage. Conta Maëda, les mains jointes sous sa barbe. Nul n'est jamais revenu d'un tel périple, en partie à cause de la brume qui entoure Alesta... Mais cela est aussi dû à la magie des Anciens Jours, qui affecte tout ceux qui entrent dans son champ d'action. Gaëlios était le second du capitaine Wigbold, et ses deux hommes sont les seuls survivants de cette exploration. J'ignore le ou les responsables de leur malédiction, mais Gaël m'a certifié avoir croisé de gigantesques reptiles volants, qui feraient passer un dragon pour un lézard insignifiant.

- Ta comparaison tombe à l'eau vu que nous avons jamais rencontré de dragons... Soupira Alestan avant de se tourner vers Jin. Retiens simplement que Gaël est devenu un lycan après une aventure qui a mal tourné.

- D'accord...

 

Elle ne préféra pas s'attarder sur le récit abracadabrantesque, mais elle avait déjà eût l'occasion d'apercevoir quelques perce-nuages survoler le ciel de Shura. Ses bateaux célestes voguaient avec leur cargaison dans l'océan des cumulus et des nimbus, attisant les rêves des plus jeunes. Le royaume d'Albieros, au Nord d'Alesta, était le seul à connaître le secret de leur conception. Du moins avant la célèbre Guerre des Cent Jours, qui opposa les créateurs du perce-nuage à leur voisin d'Ademar, au cour des batailles aériennes les plus meurtrières des temps modernes. Un silence gênant s'instaura, et Jin pensa en être la cause, se réfugiant dans la dégustation de son thé aux feuilles de menthe, avec une pointe de miel. Le maître du manoir l'imita, son regard gris jonglant entre ses deux invités avec intensité. Alestan fut le premier à relancer la conversation, révélant la raison de sa venue.

 

- Le coup d'état a échoué. Déclara-t-il avec gravité. Impossible de compter sur le soutien de Jelaka.

- Les Elnaë seront donc livrés à eux-même. Regretta Maëda. La reine aura besoin de nous dans la guerre à venir.

- Aucune nouvelle d'Albieros ?

- Aucune. Confirma le sage. Les messages sont certainement interceptés avant d'arriver à destination.

- Les frontières sont bouclées, des mercenaires pullulent dans les villages, et deux Novaë manquent à l'appel. Récapitula Alestan. Est-ce que Ren t'a contacté ?

- Ils a lancé les soldats sur tes traces. Si tout se passe bien l'armée du duc de Suo sera désorganisée. Mais je crains que sa couverture au sein de l'Union soit découverte... Ce garçon prend des risques inconsidérés.

- Sans oublier qu'il veut me tuer.

- Je t'en prie, le moment est mal choisi pour vos querelles.

- Je dis juste qu'il n'est pas digne de confiance. Insista le vagabond.

- Il ne sème pas la mort à tord et à travers contrairement à toi. Répliqua froidement Maëda.

- Qu'est-ce-que tu veux dire ? S'emporta Alestan. Tu crois que je le fais par plaisir ?

- Tu sais très bien ce que je veux dire.

- Comme si j'avais le choix... Pèses le poids de tes propres fautes avant d'en juger les miennes !

 

Jin sursauta lorsqu'il se leva brusquement, jetant son sabre avec fracas sur la table avant de s'enfoncer dans l'obscurité du manoir. Maëda lui ordonna à plusieurs reprises de revenir, puis il s'excusa, sans succès. Son âge avancé semblait le rattraper, comme en témoignaient les rides creusant son visage fatigué, emplit de regrets. Jin hésita à rejoindre Alestan, mais la détresse du vieil homme la poussa à rester. Elle n'avait pas entièrement comprit leur conversation, mais l'évocation d'une guerre impliquant son pays suffit à la convaincre de la gravité de leur situation.

 

- Un millénaire d'existence et je suis toujours incapable d'appréhender les relations humaines...

- C'est peut-être... Ce qui fait leur charme.

 

Elle avait prononcé ses mots d'une petite voix, dans une tentative d'alléger la tension embarrassante. Songeur, Maëda la dévisagea avant de reporter son attention sur le sabre noir. Il écarta la porcelaine brisée pour éponger le fourreau d'ébène, maniant l'arme avec un soin particulier. Ses doigts rongés par l'arthrose caressèrent la poignée, remontant jusqu'au pommeau en croissant de lune. Prenant son courage à deux mains, Jin tenta une autre approche, qui lui tenait particulièrement à cœur.

 

- J'admire votre travail. Vous m'avez donné envie d'étudier.

- C'est ce que j'ai toujours souhaité... Rien de plus. Confia-t-il avec mélancolie. Shura a perdu un grand forgeron après le décès de maître Kamo. Tu as appris chez l'un des meilleurs.

- Je lui dois beaucoup.

- Est-ce-que... Alestan t'a parlé de ce sabre ?

- Il... Vaguement. J'ai vu tant de choses incroyables que j'ignore encore si tout ça est... Réel.

- C'est parce que nous avons fait de notre mieux pour cacher au monde la vérité. Mais aujourd'hui, j'ai l'impression que notre serment s'est transformé en malédiction.

- Votre serment ?

 

Pour toute réponse, Maëda retira le fourreau de l'arme d'un mouvement vif, révélant une lame sombre. Jin ne trouvait aucun mot pour décrire la matière dans laquelle elle avait été forgée, mais celle-ci ne brillait pas. Comme si le vide séparant les étoiles avait été précipité à l'intérieur du métal. Un fragment de pierre écarlate, semblable à un rubis, apparaissait discrètement au dessus de la garde. Il dégageait une faible lueur, de plus en plus intense tandis que ciel commençait à s'assombrir. L’admiration de Jin s'estompa pour laisser place à un malaise grandissant. Une brise légère, si discrète qu’elle semblait être le fruit de son imagination, la fit frissonner. Il lui sembla même que, dans le silence étouffant qui s'était installé, un murmure s'échappait du sabre. Une odeur putride remontait du sol lorsque Maëda rengaina la lame ténébreuse, et l'inquiétante atmosphère disparut aussitôt. Jin demeura un moment nauséeuse, s'obligeant à détourner les yeux du sabre. Les images des tableaux repoussant et de l'ombre du miroir lui revenaient en mémoire, tout comme les paroles d'Alestan.

 

« Héritier de la Lame Morte, la Septième et dernière Clef du Cœur d'Hekaïm. »

 

Une fresque cyclopéenne apparut l'espace d'un éclair dans l'esprit de Jin. Un monde oublié, une catastrophe, un forgeron immortel, sept gardiens, une guerre à venir. Le regard cendré de Maëda la fixait intensément, et sa voix rocailleuse s'éleva avec gravité.

 

- Il y a longtemps, une cité en ruine fut découverte sous les montagnes des Terres Gelées. La technologie qu'elle renfermait dépassait de loin nos connaissances, mais l'objet qui attisa le plus la curiosité des explorateurs fut une gemme pourpre, enfouie au plus profond de l’abîme. Hélas... Aucun n'arriva à décrypter les symboles qui couvraient le tombeau de cet artefact. Nous aurions alors évité l'un des pires drames de notre histoire.

 

Jin buvait les paroles du vieil homme avec un mélange de fascination et de terreur. Ses doigts tremblaient légèrement autour de sa tasse, tandis que les mains de Maëda étaient crispées sur la poignée du sabre. Il poursuivit son récit sur un ton plus faible, comme si ses paroles risquaient d'invoquer une calamité.

 

- Quelque chose dormait dans cette pierre. Une chose qui ne devait pas être réveillée... Un esprit ancien, qui répondait au nom d'Hekaïm. Son éveil fut suivit par de nombreux autres, et rapidement Alesta sombra dans un âge ténébreux. Les Siècles Obscurs, lorsque la cité noire planait dans le ciel, étendant son ombre sur les terres des hommes. Du haut de sa forteresse, Hekaïm terrassa ceux qui osaient s'opposer à lui. La gemme nourrissait son pouvoir, et celui-ici était suffisamment destructeur pour anéantir un royaume. Tout semblait perdu... Jusqu'à notre ultime offensive. Elle nécessita l'alliance des dernières forces de l'humanité, dans la vallée de l'Argos, où se trouve aujourd'hui la Mer Intérieure.

 

Il fit une pause, un rictus d'affliction gravé sur son visage. Jin avait déjà entendu parlé d'un grand royaume désormais enfouit sous les eaux. L'un des détails concernant le peuple qui y vivait lui échappait, mais sa réflexion s'interrompit à la reprise du récit.

 

- Tous ces hommes et ces femmes se sont sacrifiés pour créer une simple diversion... C'est grâce à eux que sept guerriers ont réussi à s'introduire dans la cité noire pour assassiner Hekaïm.

- Les Novaë. Devina Jin. Les Gardiens d'Alesta.

- Ephaïr du Rocher de l'Aigle, Lëome aux cheveux ardents, Halfael des Rivages Blancs, Agata du Croissant de Lune, Gildaë des Landes du Tigre, pour finir par moi-même et mon frère Apolys, chevaliers d'Aënor.

- Le royaume des Yeux d'Argents...

 

La légende prenait vie sous le regard de Jin, émue de se trouver en présence d'un tel personnage. Les fables de son enfance prenaient une toute autre dimension, et elle remercia le ciel d'avoir croisé la route d'Alestan.

 

- Hekaïm fut vaincu, et sa cité alla s'écraser dans les Gorges d'Elaris, au-delà de la Baie des Sirènes.

- C'est étrange, mais le nom me dit quelque chose...

- Le siège de l'Union des Cinq Royaumes se trouve désormais à cet endroit, qu'ils ont rebaptisé la Terre Neutre. L'informa Maëda. Ils n'ont pas souhaité prendre en compte mon avis sur le sujet.

- Vous voulez dire... La pierre se trouve toujours...

- Non. La rassura-t-il. Le Cœur d'Hekaïm fut brisé en sept fragments. Tu as aperçu l'un d'eux tout à l'heure.

 

Jin jeta un œil craintif au sabre d'Alestan, et le souvenir de l'ombre du miroir lui procura un frisson désagréable. La réputation du forgeron trouvait une tout autre explication, et elle était encore loin d'imaginer les conséquences qu'impliquaient les actions de Maëda.

 

- Le pouvoir de la pierre, même une fois divisée, eût de lourdes répercussions sur mes camarades et moi-même. Notre temps s'était figé. Sans cesse, elle cherche à se recomposer, car l'esprit d'Hekaïm subsiste au sein de chaque fragment. Afin de le contenir, j'ai forgé les sept sabres avec l'aide des autres gardiens. Nous avons fait le serment de les garder éloignés les uns des autres. Au fil des siècles, l'humanité s'est reconstruite, et l'histoire est devenue une légende, jusqu'à être oubliée par la majorité des gens.

- J'ai l'impression qu'il manque des éléments, ou vous avez peut-être oublié consciemment de les évoquer.

- Il y a certaines choses qu'il vaut mieux découvrir par soi-même.

- Donc Alestan...

- Il a hérité de mon fardeau. Termina Maëda. Tout comme ma fille en hérita avant lui. D'ailleurs... Si je peux te demander une faveur, dis-lui de me retrouver près de l'Arbre aux Corbeaux lorsqu'il sera calmé. Il est certainement dans la bibliothèque du deuxième étage.

 

Bien qu'il ne fit pas sa requête sous la forme d'un ordre, Jin comprit que le vieux maître souhaitait être seul. Son récit avait sans doute ravivé des souvenirs douloureux, et elle n'était de toute manière pas prête à entendre d'autres révélations. L'après-midi touchait à sa fin tandis qu'elle passait sous l'arche du manoir. Jin était épuisée, mais le phylactère gravé lui parut cette fois-ci plus clair, tout en étant encore plus menaçant.

 

« Du feu de l'Eau Céleste naquit l'instrument de la fin des temps. »

 

Elle se demanda si la pierre de la légende n'était pas en réalité une larme tombée du ciel. Une larme brûlante, écrin de la tristesse des étoiles.

 

 

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Super chapitre et super les dessins 8) !

 

Ce chapitre ci fut encore une fois riche en informations, histoires et légendes de toutes sortes, il y a de quoi faire pas mal de spin-off, mais je te comprends sur le fait de donner beaucoup de richesse à un univers, je m'amuse à en faire tout autant pour Last Heart ;D. Bref le survivant du capitaine et ce monde jamais encore foulé à de quoi nous réserver une saga avec d'autres héros qui sait.

 

On a pas mal de révélations sur l'affrontement légendaire face à Helkaïm, lui il provient d'où ? et aussi comment se fait il qu'étant jeune Jin n'est jamais croisé Al même par pur hasard ?

 

Bref on plonge de plus en plus dans ton monde et ce n'est pas pour me déplaire ! :)

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Yo Kyo !

 

J'avoue que les aventures de Reis Wigbold et du Chat Errant depuis la guerre des 100 jours jusqu'à la découverte des Iles Brumeuses feraient une histoire de corsaire du ciel assez sympa ^^.

 

Pour Alestan, il n'a pas vécu à Shura. C'est comme rendre visite à un membre de sa famille qui vit en ville dans un pays étranger, on ne connait pas forcément les autres enfants de cette ville. Et comme il le dit lui-même au chapitre 8 : "Si je te disais que j'ai passé de longues années dans le palais de la reine d'Elnath, tu me croirais ?"

 

Pour ce qui est d'Hekaïm... On a encore six autres arcs pour le découvrir  ;D

 

 

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  • 2 weeks later...

CHAPITRE 12 : La Bibliothèque

 

 

Lorsque Jin trouva finalement le couloir de la bibliothèque, au deuxième étage, elle ne put s'empêcher de contempler le plafond à caisson qui la surplombait. Les gravures sur bois dévoilaient des fleurs et des visages si réalistes que certains provoquaient une gêne inexplicable. Elle se sentait observée tandis qu'elle traversa doucement l'étonnante galerie, jusqu'à faire face à une porte légèrement entrouverte. Jin la poussa pour découvrir l'une des plus grande collection d'ouvrages du royaume. L'aile Est du deuxième et du troisième étage, en mezzanine, était entièrement consacrée à ce lieu d'étude et de méditation. Des rangées de livres anciens et de parchemins encadraient une fresque centrale d'Alesta, sur laquelle étaient disposés plusieurs fauteuils rembourrés. Outre quelques cristaux aux teintes orangés, un rayon de lumière éclairait le cœur de la bibliothèque, prenant sa source du soleil depuis une cheminée vitrée. Affalé sur l'un des sièges, une longue pipe à la main, Alestan expirait un nuage de fumée, les yeux levés vers le ciel.

 

- Tu boudes ?

 

Jin regretta presque immédiatement la frivolité de sa question, et elle s'apprêta à ajouter une remarque plus sérieuse lorsque le vagabond fut prit d'une violente quinte de toux. La surprise qu'elle provoqua l'avait fait sursauté et inspiré brusquement.

 

- Tu m'as eût... Avoua-t-il, la gorge éraillée. C'est pas sympa de m'effrayer comme ça. Je n'aime pas ce genre de jeu.

- Ce... N'était pas mon attention.

- Prend un fauteuil, l'invita-t-il.

 

Elle acquiesça pour prendre place à quelques pas de lui, et après un court silence, Alestan rapprocha bruyamment son siège pour lui faire face. Il avait écarté sa frange pour libérer son front, ce qui faisait ressortir son mystérieux regard. La cicatrice de son œil argenté était plus prononcé qu'elle imaginait, comme si la lame avait pénétré la chair depuis le haut du sourcil.

 

- Je risque de me faire des idées si tu me fixes comme ça. La taquina-t-il.

- Tu te surestimes. Contra Jin, embarrassée. Maëda aimerait...

- Ne parlons pas de ce vieux singe. L'interrompit-il d'une voix ennuyée.

- Mais...

- Que cherches-tu Jin ? La coupa-t-il.

 

Elle écarta les lèvres sans qu'aucun son ne s'en échappe. La question lui fit l'effet d'une gifle tant le ton de la voix d'Alestan s'était refroidi. Son masque d'ordinaire amical venait de se fissurer.

 

- Tu m'as demandé de t'accompagner, je ne cherchais...

- Pourquoi as-tu accepté ? Enchaîna-t-il.

- Pourquoi je devrais....

- Aider un inconnu ? Penser qu'il me sera redevable ?

- Tu peux arrêter s'il-te-plaît.

 

Il cessa de la questionner, souriant face à sa voix malaisée. Jin avait l'impression de parler à un autre homme, bien plus déplaisant. En vérité, la gestuelle habituellement expressive du vagabond était plus rigide, presque tendu. Il porta alors le bec de la pipe à ses lèvres pour pousser un soupir, l'air satisfait.

 

- Je suis allé trop loin je crois. S'excusa-t-il en détournant le regard.

- Je ne comprends pas... Marmonna Jin, confuse.

- On est à égalité comme ça, un partout.

 

Elle repensa à sa première réaction, lorsqu'elle l'avait fait sursauté. Venait-il sérieusement de lui rendre la pareille ? Cette pensée était si inconcevable qu'elle s'efforça de ne pas sourire avec soulagement.

 

- Tu m'as fais peur sombre idiot.

- Et pourquoi ma façon de te faire peur était bien plus efficace que la tienne ?

- J'avais l'impression d'être agressé.

- Car l'image que tu avais de moi s'est retrouvée trahie. Ce que tu pensais connaître s'est révélé inconnu. Tu vois, il y a des peurs encore plus pénétrantes que l'effet de surprise.

- Tu es fou en fait.

 

Alestan sembla réfléchir à l'affirmation, un sourire aux lèvres. Jin n'arrivait pas à saisir sa personnalité. Il donnait l'impression de l'avoir menée jusqu'au manoir par simple caprice. Pourtant elle avait vu et entendu tant de choses incroyables, comme si elle appartenait désormais à un cercle de privilégiés, qu'elle nomma en son for intérieur « Ceux qui Savent ».

 

- Tu comptes faire quoi maintenant ? Demanda-t-il.

- J'imagine que je vais rentrer chez moi, et je passerais les prochains jours à travailler dans ma forge. Et toi ?

- Je vais certainement devoir assassiner le duc de Suo.

- Tu ne peux pas faire ça.

 

Il se renfrogna légèrement, presque déçu par son objection. Jin ne voulait pas s'attirer plus d'ennui, et encore moins à Sorina. Si Alestan venait à être capturé et que les soldats le forçaient à parler, les conséquences seraient désastreuses.

 

- C'est pourtant la meilleure alternative. Insista-t-il. Je parlerais à Maëda pour qu'il assure ta protection et qu'il rachète la liberté de ta sœur. Il acceptera sans problème.

- Tu ne devrais pas dire des choses comme ça...

 

Jin venait d'entendre ce qu'elle désirait le plus, mais la faveur était trop belle pour être vrai. Le regard d'Alestan devînt plus tendre, ses doigts ébouriffant ses cheveux d'encre pour les plaquer contre son front.

 

- On est quitte désormais. Ajouta-t-il.

- Ce n'était qu'une excuse tu sais. Je voulais simplement voir...

 

Elle resta silencieuse, cherchant ses mots avec difficultés. En cet instant, Jin ne souhaitait pas retourner devant sa forge. Elle voulait en savoir plus, connaître les mystères de cette demeure et de ses occupants.

 

- Voir ? Répéta Alestan.

- Voir si notre rencontre avait un sens.

- Et ?

- Je crois que c'est le cas.

- Je le sais.

 

Il avait rapproché son visage, beaucoup trop près selon les critères de Jin. Ses paupières se fermèrent et il avança ses lèvres. Elle pouvait sentir la caresse de son souffle sur les siennes, ce qui provoqua un réflexe douloureusement naturel. La gifle résonna dans la grande bibliothèque, suivit du rire franc et chaleureux d'Alestan.

 

- Me voilà prévenu.

- Pas sans ma permission. Rétorqua Jin, autant gênée qu'amusée.

- Je vais voir ce que me veut l'ancien. Annonça-t-il en se levant de son siège. Tu restes dîner avec nous ? En fait tu n'as pas le choix. Gaëlios t'a également préparé une chambre, ce serait... Dangereux, de le contrarier.

- Alestan... L'appela-t-elle d'une voix hésitante. Tu nous protégeras pas vrai ? Ma sœur et moi ?

- Des autres, oui... Mais pas de vous-même.

 

Il s'éloigna sur ces mots en demi-teinte, esquissant une fausse courbette avant de disparaître par la porte de la bibliothèque. Jin se trouva seule dans la vaste salle aux milliers de reliures. Le calme paisible lui rappela à quel point elle était épuisée, rendant la proposition du vagabond difficile à refuser. Les paupières lourdes, elle repensa aux événements de la journée, du pont brisé au jardin féerique, du criminel au Gardien légendaire. Lorsqu'elle se réveilla, Jin se trouvait sur un matelas de plumes. Elle avait l'impression d'avoir dormi dans un nuage. Son lit à baldaquin était drapé de soie blanche, dont les motifs brillaient à la lumière du soleil. Sa tenue elle-même avait changé, une nuisette richement décorée, dont elle n'avait pas le souvenir de posséder. Jin écarta les rideaux pour trouver ses vêtements sur un tabouret, agrémentés par une lettre sur laquelle était raturée ces mots :

 

J'aime la lingerie.

Je n'ai rien vu.

Nous sommes dans le jardin.

 

Sans prêter attention au luxe de sa chambre, Jin s'empressa de se changer pour retrouver le vagabond et son hôte. Elle descendit jusqu'au rez-de-chaussé par l'escalier à double hélice, traversant le hall de l'étrange musée pour embrasser du regard les milles espèces de fleurs et de plantes conservés entre les murs du manoir. Une chaise en paille l'attendait autour de la table de marbre, près d'Alestan, juste en face du maître des lieux. Gaëlios, le serviteur à l'apparence féroce, partageait également le petit déjeuner en bout de table. Remarquant son geste pour se lever, Jin s'adressa au lycan avec douceur, pardonnant ainsi son manque de politesse à leur première rencontre.

 

- Restez, je vous en prie.

 

Le loup au comportement d'homme montra ses canines, ce qu'elle interpréta pour un sourire bienveillant. Maëda la salua tandis qu'Alestan tapotait le siège vide pour l'inviter à s’installer. Son ventre grogna de plaisir en découvrant les paniers de pains briochés, de crêpes et d'orange givrées. Il y avait des fruits et un assortiments de confitures, du café et du thé, tout pour parfaitement commencer une journée.

 

- Alestan m'a parlé de sa dette. Annonça Maëda d'une voix neutre. Sa réputation peut parfois être un danger, il serait donc plus sage que toi et ta sœur restiez au manoir pour un temps. Nous pourrons régler sa situation lorsque les événements se seront tassés.

- Tu oublies le plus important. Ajouta le vagabond.

- Oui, disons... J'allais y venir. En échange, j'aimerais que tu m'assistes au manoir.

 

Jin éprouva beaucoup de difficulté à contenir ses émotions. Ses vœux se réalisaient au-delà de ses espérances. Non seulement elle pouvait libérer sa sœur, mais elle devenait par la même occasion membre permanent du cercle de « Ceux-qui-Savent ».

 

- Désolé... S'excusa-t-elle, fébrile. Je n'ai pas les mots pour vous remercier.

- Nous rejoindre dans ta robe de nuit aurait été suffisant. Lui révéla Alestan.

- Idiot.

 

Il lui fit un clin d’œil en guise de réplique avant de questionner Gaëlios sur les activités d'un groupe de mercenaires. Le vagabond avait récupéré son sabre ténébreux, troquant la tenue qu'elle lui avait prêter avec de sombres vêtements de voyage. Il semblait sur le départ, et cette pensée attrista Jin. Elle préféra ne pas songer à cette idée, bien que la discussion entre l'homme et la bête allait en ce sens.

Ils se regroupent autour d'Hekario, un grand village Elnaë à l'orée de la forêt. Expliqua la puissante créature, dont le langage soigné tranchait avec son apparence. On dirait que le capitaine Raigin avait vu juste.

 

- Tu devrais rester ici Alestan. Recommanda Maëda. Plus le duc de Suo sera obnubilé par ta recherche, plus nous gagnerons du temps.

- On devrait le faire à ma façon.

- Celle où tu prends tous les risques ?

 

Le vieil homme et le vagabond se défièrent un court instant du regard, mais le débat semblait être clôt depuis le sommeil de Jin.  Alestan se résigna, ennuyé par ces prochains jours d'inaction. La matinée était chaleureuse, et ils terminèrent leur repas dans la bonne humeur. Maëda décrivit la région avant l'avènement des Cinq Royaumes, autrefois intégrée à l'immense forêt de Wanda. Le trône d'une grande reine se trouvait alors à l'emplacement de la colline, et c'est sur lui qu'elle passa son dernier printemps. Depuis, la saison ne s'en était jamais allée.

 

- Si une guerre embrase Alesta, je suis sûre que cette colline survivra. Affirma Jin, surprise par sa propre confiance.

- Nous verrons. Murmura le vieux sage.

- On devrait aller chercher ta sœur. Proposa soudainement le vagabond. Notre priorité est de la mettre en sécurité.

- Je m'en occupe.

- Je t'accompagne.

- Non.

- Si tu... Veux.

 

L'objection de Maëda demeura en suspend, mais le vagabond l'attendait déjà en haut du chemin, trépignant d'impatience. Si Jin avait refusé, les événements auraient sans doute prit une autre tournure, mais la matinée avait si bien commencé qu'elle n'imaginait pas voir le vent tourner. Aussi, fut-elle surprise lorsque Gaëlios leur tendit à chacun une veste de pluie. Elle s'inclina à grand renfort d'excuses et de remerciements avant de rejoindre Alestan, qui enfilait le vêtement.

 

- Couvre-toi.

- Pourquoi ? Le temps est...

 

Lorsque les imposantes portes du domaine s'écartèrent, ils firent face à une place du marché déserté par la chute d'une averse. Une brise fraîche la fit frisonner, et Jin ne put s'empêcher de se tourner vers Maëda, qui la salua d'un geste de la main sous le soleil printanier.

 

- On fait vite. Souffla Alestan près d'elle.

 

 

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Un chapitre calme et posé !

 

Al et Jin se rapprochent un peu plus intiment entre eux, enfin surtout le tombeur qui prend les devants...futur amourette pour les deux ? ;D. Jin semble se faire peu à peu à cette nouvelle destinée qui lui fait face, cependant tu n'hésites pas à nous faire comprendre qu'un drame se prépare enfin c'était obligatoire, mais Sorina va t'elle mourir ou pas ? C'est la question !

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Chapitre 11, nous revoilà en présence de Maëda, là où tu nous avais laissés. Jin est sous le choque, c'est compréhensible, tout le monde le serait à sa place. Qui aurait pu imaginer que ce manoir puisse renfermer autant de mystère ? Il était là depuis sa tendre enfance, mais elle n'a jamais soupçonné de telles choses à l'intérieur.

 

Le miroir du chapitre précédent montre donc l'envers de la réalité, ce qui confirme mes propos sur Jin, mais Alestan ? Cette ombre reflète le sabre ou plutôt la volonté qui s'y cache profondément... Dans ce cas, comment peut-elle communiquer avec son créateur ? Le vagabond lui a clairement adressé la parole pour qu'elle aille prévenir Maëda de leur arrivée. Serait-ce justement à cause de ce fait, qu'il soit son créateur, ou y a-t-il une autre explication ? 

 

Enfin, tu introduis ensuite un personnage victime d'une malédiction ; Gaëlios, au passé très intéressant. L'exploration des Terres Extérieures, de gigantesques reptiles volants ? Les dinosaures ? C'est là une grande référence à notre monde. Non, les Terres Extérieures sont notre monde à l'époque de la préhistoire... Ce qui veut dire qu'Alesta, le continent oublié, date d'une très lointaine époque. J'ai beaucoup aimé ce détail. Ça nous permet de mieux cerner l'univers, et malheureusement de comprendre son triste destin. Une légende, des contes, voire l'oubli. Une brume entourerait Alesta ? La magie des Anciens Jours ? C'est mystérieux, mais je ne peux pas en demander plus à l'heure actuelle. Tu en reparleras certainement plus tard. Le capitaine Reis Wigbold, j'ai hâte de le revoir et le voir en action pour ainsi apprendre à le connaître ! La guerre des Cent Jours au contexte intrigant est aussi un bon moyen de nous donner des informations sur la relation et les tensions qu'entretiennent ( ou ont entretenu ? ) le royaume d'Albieros et d'Ademar. 

 

Il y a un aussi un début de réponse sur le coup d'état qu'à tenter Alestan à Jelaka. Si coup d'État il y a eu là-bas, ce fut évidemment pour renverser le régime actuel de la région. Comment se débrouillent-ils d'ailleurs ? Si je me souviens bien, et si c'est toujours d'actualité, le peuple est divisé en sorte de « clan ». Il n'y a pas de roi ou de reine pour les diriger, personne au pouvoir. Ça semble difficile de s'allier avec eux dans de telles conditions. Le royaume est livré à lui-même. L’étendard sanglant de la guerre se trouve au-dessus de la tête du royaume d'Elnaë, et en plus du ton de la discussion, on sent que la situation est critique.

   

Et de ce que je comprends, Ren est avec eux, obliger le duc à partir à la recherche d'Alestan fait partie d'un plan. Mais en quoi consiste-t-il ? Diviser ses forces, mais pourquoi ? De plus, le capitaine Raigin souhaite la mort d'Alestan. Ils semblent avoir un passé qui se croisa à un moment de leur vie. Que s'est-il passé entre eux ? Savoir que sa cible soit le petit-fils adoptif de Maëda ne semble pas l'empêcher de vouloir le tuer.

 

Hekaïm, la légende du royaume des Yeux d'Argents, Ephaïr du Rocher de l'Aigle, Lëome aux cheveux ardents, Halfael des Rivages Blancs, Agata du Croissant de Lune, Gildaë des Landes du Tigre,Maëda et son frère Apolys, chevaliers d'Aënor. Ces guerriers légendaires ont existé et ont laissé derrière eux un énorme fardeau, ces sept sabres, fragment du cœur d'un esprit d'antan qui ne faudrait absolument pas réveiller, lui et les autres monstres encore endormis. La victoire sur ce dernier ne fut absolument pas sans difficulté, au contraire, et non sans d'énormes pertes. Je suis impatient de voir leur héritage au fil de l'histoire et d'en apprendre plus sur chacun d'entre eux. Et qui sait ? Peut-être qu'à l'instar de Maëda, certains sont encore vivants, quelque part en Alesta. Mais le parallèle avec la première image et la seconde me fait penser le contraire. Je reconnais l'illustre forgeron dans sa jeunesse ( ça se voit grâce aux vêtements et ses sourcils ), accompagné de ses compagnons. L'autre, il est seul, plus vieux et serrant dans sa main gauche leur fardeau. Aussi, Alestan l'a décrit comme le dernier Novaë avant d'entrer au manoir. On ne les verra donc pas physiquement, mais durant un flashback ou en tant que fantôme, pourquoi pas ?

 

Petit détail qui me chiffonne et qui m'avait déjà chiffonné lorsque j'ai lu le premier arc, Maëda peut retirer de son fourreau le sabre d'Alestan. Ça m'intrigue, serait-ce parce qu'il aurait déjà dû quitter ce monde ? Parce qu'il n'est qu'un « fantôme vivant » ? Ou tout simplement parce qu'il fut son ancien porteur, son créateur ?

 

Le douzième chapitre fait souffler autant le lecteur que Jin qui ne peut que subir les événements. Après avoir enregistré toutes ces informations et y avoir réfléchi, son échange avec Alestan fut rafraîchissant et bien choisi. Plus d'informations nous auraient surchargé plus qu'autre chose, sans nous laisser le temps de les apprécier convenablement. Son côté taquin toujours aussi appréciable ressort ici, durant tout le chapitre, mais son côté effrayant s'affirme de plus en plus également comme on peut le constater à la bibliothèque. En tant que l'un des Sept, il possède un côté sauvage et « monstrueux » qu'il cache au plus profond de lui. Comme son irritation l'a montré durant son échange avec son grand-père adoptif, porter ce fardeau n'est pas de tout repos. En fait, lorsqu'elle surnomme de fou, elle n'est pas si loin de la vérité. J'imagine qu'il doit faire beaucoup d'efforts pour rester sain d'esprit auprès de ce sabre. Bref, il est temps d'aller retrouver Sorina. Comme le temps qui tombe sur Shura, les deux derniers chapitres furent le calme avant la tempête. Désormais, c'est l'heure de la tempête. Jin et Alestan quitte le manoir, abandonnant avec eux les songes pour récupérer la réalité.

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CHAPITRE 13 - LE RETOUR

 

 

 

Les gouttelettes ruisselaient sur la veste prêtée par Gaëlios. La matière lisse qui la composait était huileuse au touché, et sa particularité hydrophobe gardait Jin au sec malgré le temps épouvantable. Les portes du manoir étaient à peine fermées qu'elle souhaitait y retourner, avec sa sœur cette fois. Elle imaginait déjà l'expression admirative de Sorina, et sa joie aussi. Alestan prit la tête, décidé à accomplir rapidement leur tâche. Ils traversèrent le marché en évitant les flaques d'eau, s'engageant dans la grande avenue pour atteindre directement la maison close du clan Sonata.

 

- Les rues sont vides. Commenta Jin, le son de sa voix étouffée par une bourrasque.

- Pour l'instant.

 

Il pressa le pas, la forçant à l'imiter. Elle observa les lumières filtrées à travers des volets clos, un chat filer sous un porche, près d'un commerce de soie. Les maisons se touchaient toutes, ne s'écartant que pour laisser place à la cheminée multicolore d'une forge. Ils changèrent de trottoir pour s'abriter sous une arcade, et le vagabond lui indiqua la ruelle qu'ils devaient emprunter au prochain carrefour.

 

- Ils nous attendent ici. Murmura-t-il avec le plus grand calme.

- Tu en es sûr ? Je ne vois rien.

- C'est comme ça que fonctionne les pièges.

- Très drôle.

- Merci.

- On fait quoi ? L'interrogea-t-elle.

- J'attire leur attention et tu vas chercher ta sœur.

- Je ne sais pas si... On devrait y réfléchir.

- Tu as un meilleur plan ?

- Pas pour l'instant.

- Restes ici.

 

Jin n'aimait pas l'idée de se dévoiler au grand jour, mais le vagabond s'éloignait déjà vers le croisement d'un pas confiant. Elle rasa les murs pour le garder dans son champ de vision, mais l'arrivé de quatre gaillards l'immobilisèrent aussitôt. Alestan s'était stoppé au centre du carrefour, les bras levés en signe de paix. L'un des assaillants, ses vêtements ruisselants, esquissa alors un geste pour l'entailler de son sabre. Le vagabond évita avec fluidité, attrapant le bras de son agresseur pour y enfoncer son genou au milieu du coude. Le membre craqua comme une branche sèche, et son propriétaire lâcha son arme pour se lamenter bruyamment.

 

- Allons, allons... Tenta de l'apaiser Alestan. On peut parler, non ?

- Crève !

 

Les trois autres se jetèrent sur lui, et à leur plus grande surprise, il prit la fuite. Un coup de sifflet retentit, et trois autres hommes émergèrent d'une taverne pour se lancer à la poursuite du vagabond. Jin profita du chaos ambiant pour se précipité dans la ruelle qui contournait l'avenue, incapable de ralentir sa course jusqu'à l'arrière-cour de la maison close. Elle reprenait son souffle tandis que des sifflements retentissaient au loin, quadrillant le quartier où s'enfuyait Alestan. Il se fichait des risques qu'il prenait en s'exposant ainsi, et elle savait qu'il s'en sortirait.

 

Jin ramassa quelques gravillons pour les lancer sur les volets du premier balcon. Elle se retenait d'appeler à sa sœur à haute voix tant elle souhaitait la ramener au plus vite. Après une attente interminable, le battant glissa pour révéler le visage d'un homme dont il manquait une oreille. Un sourire brillant l’accueillit, et la voix de Yuzan Sonata l'invita à monter.

 

- Je t’envoie la corde.

 

L'estomac atrocement crispé, Jin voulu s'enfuir mais ses jambes refusèrent d'obéir. Elle pensa à sa sœur, et son sang se glaça. Elle souhaita la voir, elle devait l'entendre.

 

- Où est Sorina ?

 

Sa voix tremblait, et elle hésita à saisir le nœud qui tomba à ses pieds. Le regard perçant de Yuzan la répugnait, mais elle le supporta avec sa colère. Il remarqua qu'elle ne ferait rien avant de s'être assurer la présence de sa sœur, saine et sauve. Le chef de clan s'écarta pour laisser place à Sorina, les yeux rougis et les traits tirés de fatigue.

 

- Je suis là Jin. La salua-t-elle machinalement.

- Tu n'as rien ?

- On doit parler.

 

Ses mots l'effrayèrent, mais elle accepta de les rejoindre. Jin devait éloigner Yuzan d'une manière ou d'une autre pour fuir avec sa sœur. Lorsqu'elle arriva dans la chambre, l'ambiance glaciale la garda près de la fenêtre. La dernière fois qu'elle était entré Alestan se tenait près du lit, à la place du bandit, une bouteille à la main. Elle aurait tant souhaité qu'il soit là. Dans sa robe de chambre, Sorina s'élança vers elle pour la serrer dans ses bras. Elle lui souffla un simple mot à l'oreille avant de relâcher son étreinte, les yeux embués de larmes.

 

- Désolé.

 

Yuzan eût l'élégance de leur laisser cet instant d'affection, les bras croisés sans les lâcher du regard. Jin pensa que le moment était choisi pour qu'il leur accorde de l'intimité.

 

- Pourrions-nous être seules ?

- Ne me prend pas pour un con petite. La menaça-t-il.

- Qu'est-ce-que vous voulez ?

 

Elle ne se laissa pas démonter, cherchant un moyen de se confectionner une arme improvisée. La chambre contenait peu de mobilier, et le tabouret était trop proche de l'homme pour être utiliser. Il semblait la sous-estimée, ce qui pouvait jouer en sa faveur.

 

- Si tu tentes quoi-que-ce soit, je tue l'une d'entre vous pour forcer l'autre à regarder. Je ne veux pas en arriver là.

 

Jin se rapprocha instinctivement de Sorina, troublée par la gravité et le regard froid du chef de clan. Ce n'était pas la première fois que Yuzan Sonata l'effrayait, mais elle ne douta pas qu'elle serait la cible de son avertissement.

 

- Maintenant que j'ai ton attention, poursuivit-il, je sais que tu fricotes avec ma proie. Je sais aussi qu'il est venu ici, et je sais où il compte se cacher et là... J'ai un problème.

- Je ne sais pas de qui vous parlez...

 

Un couteau passa à quelques centimètres de son visage pour se figer bruyamment contre la cloison en bois, près de son oreille. Yuzan replia sa veste rouge, où d'autres projectiles attendaient leur prochaine victime. Sorina avait saisit la main de sa sœur et la serrait nerveusement, tout en la priant de rester silencieuse.

 

- Voilà ce qu'on va faire, exposa l'homme comme si rien ne l'avait interrompu. Soit tu nous fais entrer dans ce manoir, soit tu attires le renard dans ma tanière. Je ne sais pas s'il te fera confiance, donc la première solution devrait être la meilleure.

 

Aucune des options ne sembla acceptable aux yeux de Jin. Elle préférait mourir plutôt que laisser des criminels saccager les trésors du manoir. Ces rustres n'avaient pas la moindre idée de ce que renfermait les murs de ce domaine. Yuzan observait son visage crispé avec fascination, comme s'il attendait de saisir l'instant où elle abandonnerait. Faute de trouver un échappatoire, Jin décida de gagner du temps.

 

- Qu'aurais-je en échange ?

- J'aime les marchés ! La félicita-t-il. En échange, tu éviteras que ta sœur trouve la mort dans des conditions particulièrement désagréables. Tu as trois jours pour ne pas la décevoir.

- Rendez-lui sa liberté... Siffla Jin avec une haine palpable. Si jamais je vous ramène celui que vous cherchez, laissez ma sœur en paix.

- Si elle me le demande en personne, j'accepterai.

 

Elle se tourna alors vers Sorina, qui fixait tristement le sol. L'averse grondait dehors, et elle lui semblait si fragile, si épuisée. Ses bras maigres étaient repliés sur eux-même lorsqu'elle récita, sans émotion.

 

- On ne peut pas revenir en arrière...

- Bien sûr que si ! L'interrompit Jin, les larmes aux yeux.

- Yuzan sera anobli, je n'aurais plus à servir comme courtisane.

- Ne restes pas avec cet homme ! Lui ordonna-t-elle, le cœur serré. J'ai trouvé un endroit... Un endroit où nous serons heureuses.

 

Elle se tût pour retenir un sanglot, blessée par la résignation de sa sœur. Ce fut sans doute la raison pour laquelle Sorina s'était excusée. Jin devait piégé Alestan. Cette simple pensée lui brisa le cœur. Elle se sentait incapable de l'induire en erreur, et si par miracle elle y arrivait, le livrer à la mort trahirait toutes ses valeurs. Elle sentit la main de sa sœur desserrer la sienne, mettant fin à la discussion. Satisfait, Yuzan désigna la fenêtre de sa main en partie amputée.

 

- Trois jours. Préviens Rin quand ta décision sera prise.

 

Jin jeta un dernier regard suppliant à Sorina, mais celle-ci prenait soin de ne pas croiser ses yeux. Elle se trouva forcer à la laisser derrière elle, le cœur lourd, des larmes baignant ses joues tandis qu'elle courait en direction de son atelier. La porte était ouverte à son arrivé, et sa première réaction fut de vérifier son coffre dans le placard de sa chambre. Elle traversa son salon sans jeter un coup d’œil à la trousse de soin et aux vêtements du vagabond, ignorant le mot d'avertissement posé sur la table pour découvrir son armoire et son contenu fracturé. Toutes ses économies avaient été dérobées. Cent trente cinq mille Jougen de durs labeurs, envolés. Jin aurait souhaité hurler, mais elle ne parvînt qu'à pleurer en silence. Elle ne réagit pas lorsqu'une silhouette sombre s'adossa contre la porte de sa chambre, pas plus lorsqu'elle l'interrogea.

 

- Où est ta sœur ?

 

Elle tourna ses yeux rougis vers Alestan après avoir essuyer ses larmes. Il donna l'impression de comprendre exactement ce qu'il venait d'arriver. Jin sentit sa main lui effleurer l'épaule, puis il s'accroupit près d'elle, contemplant à son tour le coffre brisé.

 

- Rentrons. Murmura-t-il avec douceur.

- Alestan...

 

Il l'aida à se redresser, l'invitant à le suivre à l'extérieur. La pluie était moins forte, mais le vent plus froid et mordant. Il s'était échappé sans difficulté, comme elle s'y attendait. Tandis qu'il réajustait la capuche de Jin, elle se demanda pourquoi elle comptait autant sur lui. Il dégageait une telle confiance, presque orgueilleuse, qu'elle en était insupportable. Il ne lutta pas lorsqu'elle le repoussa, demeurant impassible face à sa colère désespérée.

 

- C'est de ta faute ! L'accusa-t-elle. J'ai fais une erreur en t'accompagnant...

- Ne restons pas ici. La pressa-t-il.

- Je rentre chez moi.

 

Il lui attrapa brusquement le bras lorsqu'elle tourna les talons, la forçant à lui emboîter le pas. Alestan ignora ses objections, tout comme les coups qu'elle lui donnait. Jin protesta jusqu'à laisser son cœur parler à sa place.

 

- Je ne veux pas te trahir !

- Mais tu le dois.

 

Il s'était arrêté près d'un luminaire, ses yeux vairons luisant sauvagement sous le ciel orageux. Le vagabond ne montrait aucun signe de peur ou de colère. Il pensait déjà à la suite des événements, à la façon dont il pouvait tourner la situation à son avantage. Ses vêtements sombres étaient couverts de perles de pluie, son sabre endormi à la hanche. Avec lui, elle se sentait en sécurité.

 

- J'ai besoin de ton aide. Avoua Jin, la voix tremblante.

 

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La tension commence à se faire !

 

Nous avons à faire à une Sorina complètement désespérée, tout le contraire de sa soeur qui malgré la douleur et la tristesse reste forte. Ce Yuzan se la pète un peu, Al va bien lui refaire le portrait avant de lui prendre son dernier souffle, mais il faut qu'il prévoit une stratégie pour bien avoir ce con à son jeu. J'attends la suite des péripéties !

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CHAPITRE 14 - LA MISSIVE

 

 

 

Si ce satané Yuzan savait qu'il accomplirait sa tâche aussi rapidement, le duc Haruda serait resté dans une taverne de Shura. Trois jours à peine après leur entretien, ce brave lieutenant Sannan lui annonçait que le chef du clan Sonata avait capturé sa cible, dans la salle de spectacle de son bordel. Les détails lui importaient peu, car il pouvait désormais clouer le bec à cet orgueilleux capitaine de L'Union.

 

- Envoyez-lui donc un message lieutenant.

- Pardonnez-moi Excellence, mais ne préféreriez-vous pas vérifier l'identité du prisonnier avant d'agir ?

 

Ce Sannan en avait dans le crâne, et c'est la raison pour laquelle le duc tenait à l'avoir près de lui. La missive de Yuzan était courte et n'indiquait pas si leur proie était vivante ou morte. Le commandant de la tour d'Agashita se lamenta d'avoir à tout faire lui-même, avant d'ordonner à Sannan d'emmener une douzaine d'hommes à Shura.

 

- Je crois que votre présence est requise, Excellence.

- Le roi a besoin de moi ici lieutenant, trancha Haruda.

- L'attaque n'aura pas lieu avant...

- Deux semaines Sannan, insista le duc. On pourrait même être obligé d'agir dans les prochains jours. Hekario est une position stratégique.

- Selon vos désirs Excellence.

- Partez pour Shura. Maintenant.

 

Le soldat s'inclina avant de lui tourner les talons, le laissant seul dans la salle circulaire de la tour. Haruda retira son casque pour le poser sur la table de conférence, près d'une carte de la région. Il jeta un œil aux positions des différents pions, qui encerclaient le territoire voisin. Puis le duc repensa au message de Yuzan Sonata, et aux conséquences de sa réussite. Sa fille allait devoir épouser un violent roturier, et si par malheur elle lui donnait un fils, son nom serait accolé à sa lignée. Il s'occuperait du cas de ce chef de clan avant qu'une telle chose arrive. Le duc attrapa un morceau de tissu sous sa cotte de maille pour éponger son front. Le temps lourd et humide laissait présager un orage, chose assez rare en cette période de l'année.

 

Haruda décida d'observer le ciel depuis le sommet de sa tour, avant que la nuit ne recouvre la forêt d'obscurité. Il posta un garde en bas de l'escalier en colimaçon pour ensuite grimper les marches jusqu'au dernière étage. Deux sentinelles l'accueillirent après lui avoir tendu une échelle, et le commandant se trouva rapidement aux quatre vents. Il contempla le Nord et son océan d'arbres, la gigantesque forêt de Wanda. Là commençait le royaume des Elnaë, et il s'étendait jusqu'aux Plaines Éventées, au-delà des montagnes d'Urkab. De l'autre côté se trouvait la puissante Ademar, nation alliée à son roi. S'ils entraient en guerre avec Elnath, le duc devait mener ses hommes à travers la forêt, jusqu'aux villages frontaliers. Sale besogne.

 

- On dirait que la nuit a avalé la ville.

 

Le commandant Haruda s'approcha du soldat à l'origine de la remarque. Appuyé contre le muret il regardait au Sud, en direction de Shura. Une vague noire submergeait la cité des forgerons, comme si un orage avait muté en cyclone monstrueux. Les nuages sombres s'étaient amassés dans le creux de la colline, et le spectacle paru aussi sublime que terrible. La sentinelle qui ne s'était pas encore exprimée ajouta une information qui retentit désagréablement aux oreilles du duc.

 

- L'orage est venu d'un coup, je n'ai jamais vu ça.

- Ne dites pas de sottises soldat, le recadra Haruda.

- Regardez !

 

Il aurait aimé les rappeler à l'ordre, mais son regard pointait malgré lui vers la masse sombre qui se dissipait à vue d’œil. Les nuages ténébreux s'évaporaient dans une brume grise, parfois étincelante. Elle dessina une spirale vers le ciel avant de s'effiler, comme déchirer par le vent, pour finalement disparaître. Il ne resta que les formes lointaines de la ville de Shura sous un soleil couchant. Haruda n'aimait pas ce qu'il venait de voir. Il ne partageait pas les impressions admiratives des deux sentinelles, qui prenaient ce présage pour un miracle. Sannan devait déjà être en route pour la cité avec une section d'infanterie, et son lieutenant partageait certainement son anxiété à cet instant.

 

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Super chapitre, court mais super !

 

On revoit le fameux Haruda qui reçoit une bonne nouvelle, enfin c'est relatif car il n'est pas encore sûr que la capture de Al soit réel et envoie son Lieutenant sur place, mais j'avoue que ce qu'il voit au loin en haut de sa tour est assez intriguant...Al a t'il usé du pouvoir de sa lame ? Je ne vois que ça, mais qu'est ce qu'il l'aurait forcé à en arriver la  :o

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  • 2 weeks later...

CHAPITRE 15 - LE DOUTE

 

 

Cette journée, qui avait si bien commencé, fut pourtant l'une des plus angoissantes jamais vécue par Jin. Depuis son atelier, elle avait suivit sans un mot Alestan jusqu'au manoir de Maëda, se laissant guider jusqu'aux bains de la demeure. Elle ne s'émerveilla pas à la vue du large bassin en pierre remplit d'eau chaude et parfumé. Ses remerciements furent à peine audibles aux oreilles du vagabond, et il la laissa seule dans ses pensées. La situation dans laquelle elle se trouvait la dépassait. Alestan avait beau lui répéter qu'il improviserait, l'idée de le livrer sans arme au clan Sonata revenait à organiser un suicide. Elle préférait réfléchir à une meilleure solution.

 

Le vagabond avait déposé des vêtements propres près de la porte, un ensemble de robes multicolores, soigneusement pliées. La collection appartenait certainement à une femme qui avait voyagé, car certains tissus ne venaient pas de Daërda. Elles étaient toutes trop grandes ou trop voyantes pour Jin, et elle choisit ce qu'elle considéra comme étant la plus modeste, d'un bleu sombre. Elle ignorait que les fibres qui composaient le vêtement avait été trempées dans les sources d'Alsvior, réputées magiques, avant de passer entre les mains des tisserands d'Iryi, sous l'ombre des Chaînes d'Helka. Il en résultait que la couleur d'outremer de la robe se parsemait de constellations argentées au clair de lune. Jin dîna avec les trois hommes du manoir, dans une salle à manger de l'aile Ouest. Elle n'arrivait pas à se concentrer sur les discussions, et son avis fut rarement demandé. Maëda, dans une longue toge blanche,  sembla incarner la sagesse à chaque fois qu'il prenait la parole.

 

- Les événements se sont précipités plus vite que nous le pensions. Ren agira en fonction de toi Alestan. Si ce chef de clan arrive à te piéger...

- J'en doute. Intervînt le vagabond.

- S'il-te-plaît, reprit le vieil homme, laisse moi terminer. Si jamais tu te retrouves dans une impasse, tous ceux que nous avons sacrifié jusqu'ici l'auront été en vain. Suis-je clair ?

- Regarde moi l'ancien. Demanda Alestan, confiant. J'ai une dette envers ces deux sœurs, et j'ai le sentiment que ce Yuzan aime jouer. Son délai est généreux... Crois-moi, Shura ne regrettera pas la disparition du clan Sonata.

 

Jin le trouva à cet instant agité. Les cernes sous les yeux du jeune homme dénotaient pourtant un grave manque de sommeil. Avait-il seulement dormi depuis l'incident du pont ? Le vagabond passait régulièrement la main dans ses sombres cheveux, et le regard de Maëda se fit plus perçant à son égard. Le vieil hôte donnait l'impression de deviner quelque chose, et ses yeux se tournèrent immédiatement vers la silhouette bestiale de Gaëlios.

 

- Je vais vous raccompagner à votre chambre. Annonça poliment ce dernier.

- Quelque chose ne va pas ? Bredouilla Jin, confuse.

- Tout va bien, la rassura Alestan, le vieil homme veut me dire quelque chose en privé. En sachant pertinemment que je t'expliquerais plus tard.

- J'ai l'impression d'entendre Elya. Commenta Maëda à voix basse.

 

L'évocation de ce nom révéla une facette inattendue du vagabond. Gêné, il détourna le regard, ignorant la remarque pour s'adresser directement à Jin.

 

- On se retrouve à la bibliothèque.

 

Elle hocha la tête, laissant Gaëlios la raccompagner jusqu'à la même chambre que la veille. Elle reconnue le lit à bastingage et ses rideaux blancs, les peintures et les meubles raffinés. L'homme à l'apparence de loup s’apprêtait à partir lorsque Jin l'interpella.

 

- Est-ce que cette chambre était occupée ? Je veux dire... Est-ce que Maëda...

 

Le monstrueux majordome la contempla de ses grands yeux jaunâtres, son cou recroquevillé, comme si l'ancien marin tentait tant bien que mal de garder une posture humaine. Dans quel monde était-elle entraînée ? Que des choses aussi extraordinaires soient ignorées de tous dépassait l'entendement. La réalité lui semblait si lointaine. Dans ce manoir elle pouvait la fuir, mais pas l'empêcher de s'accomplir. Gaëlios sembla longuement hésiter à lui répondre, mais l'anxiété et la mine déconfite de Jin sembla le convaincre à bavarder.

 

- Une femme étonnante vivait ici. D'une très grande beauté. On ne la voyait pas souvent car elle voyageait sans cesse, et elle rentrait toujours avec des histoires extraordinaires. C'était une fière guerrière, et on la considérait comme la meilleure sabreuse de sa génération. Un fort caractère, et pourtant elle semblait si fragile. Elle peignait et aimait la poésie. Après une longue absence, elle rentra un jour avec un nourrisson, une petite fille. Ce fut la plus longue période où je la vit au manoir. Puis, lorsque l'enfant fut assez grande pour courir sans tomber, elle l'emmena aux quatre coins d'Alesta. Quelques années plus tard, la mère et la fille rentrèrent avec un jeune garçon. Un esclave trouvé dans le désert, caché sous une pile de cadavres. Le gamin ne parlait pas, mais il hurlait dès qu'on s'approchait de lui. Seule Elya et sa fille, Nëa, pouvaient le toucher. Elles l'éduquèrent ensemble, et ils voyagèrent à nouveau dans le vaste monde.

- Où sont-elles à présent ? L'encouragea Jin, qui avait reconnue l'identité du garçon.

- La fille du maître a été assassinée, et sa petite fille enlevée. Le garçon est le seul à s'en être réchappé. Révéla-t-il avec gravité avant d'ajouter, hésitant. Je préfère ne pas m'étendre d'avantage, car j'en ai déjà trop dit. Alestan n'a jamais évoqué ce sujet avec quiconque hormis, peut-être, Maëda. Quoi qu'il en soit, je sais que je ne dois pas vous dire cela, mais... Alestan prends parfois des risques insensés, et certains de ses choix ont entraîné...

- Je vais le convaincre de trouver un autre plan. Comprit Jin.

- Je veux dire... Soyez prudente, quoi que vous fassiez.

 

Elle le remercia chaleureusement pour l'avoir renseigné, puis Gaëlios la laissa seule. Jin se demanda pourquoi Maëda lui assigna cette chambre en particulier. La demeure devait en contenir de nombreuses autres. Ainsi elle dormait dans le lit d'Elya. La manière dont le lycan lui avait décrit la femme était élogieuse, et sa voix exprima un grand regret lorsqu'il révéla son triste destin. Jin tenta d'imaginer Alestan enfant, avec une crinière de cheveux noirs ébouriffés. Un garçon sans nom, ni âge, retrouvé dans un charnier au milieu des dunes de sable. D'où venait-il ? Le savait-il seulement ? Un vagabond sans argent, ni foyer. Qu'avaient contemplé ses yeux au cour de ces innombrables voyages ? Combien de vies, volées par ce sabre terrifiant ? Elle souhaitait connaître les réponses de la bouche du concerné, une fois que sa sœur serait en sécurité.

 

Jin préféra ne pas trop réfléchir avant de revoir le jeune homme, profitant de sa solitude pour vagabonder dans le manoir. Il devait la rejoindre à la bibliothèque, et c'est en ce lieu qu'elle termina sa timide exploration. La présence de Gaëlios dans la cuisine avait calmé ses ardeurs aventurières. Elle s'était habitué à son apparence impressionnante, mais Jin ne voulait pas qu'il l'imagine en train de fouiner dans la demeure. Elle retrouva ainsi la vaste salle sur deux niveaux,  avec ses rangées de livres reposant dans la pénombre. Son regard passa du cœur de la bibliothèque, éclairé par la lune, à un bureau solitaire. Une lampe à huile diffusait sa lumière chatoyante sur un énorme ouvrage, comme pour l'inviter à le consulter.

 

Il était ouvert sur une double page présentant le croquis d'un sabre et des annotations techniques. L'écriture était dans sa langue, mais certaines expressions avaient cessées d'être utilisées depuis le siècle dernier. Jin comprit cependant le sens des phrases, et sa lecture lui révéla l'existence d'une autre lame semblable à celle d'Alestan, avec la même pierre incrustée près de la garde. Ce sabre était toutefois plus élégant, et apparemment forgé dans un alliage d'or blanc. Une fine chaîne reliait le pommeau de la poignée, retenant trois médaillons ornés d'un cristal. L'arme se nommait « Aomë », et elle appartenait à un certain Halfaël de Dûrkador. En tournant les pages, Jin réalisa qu'elle contemplait les sabres des Novaë, les compagnons de Maëda et héros légendaires d'Alesta. Sur l'une des notes, elle remarqua qu'un élément était associé à chaque lame. Ainsi Aomë se trouvait lié à la lumière, Teoma à la terre, Atëa au feu, ou encore Nëmihel, la lame de ténèbres, qui passa de Maëda à sa fille, pour finalement arriver entre les mains d'Alestan.

 

La suite du livre présenta de nombreuses observations sur les effets secondaires de la pierre écarlate, ce fameux Cœur d'Hekaïm autrefois brisé en sept fragments. Jin apprit ainsi que les propriétaires de ces sabres étaient soumis à des visions et des cauchemars récurrents. Leurs réflexes se voyaient décuplés, tout comme leur résistance à la fatigue et aux blessures les plus graves. Il y avait également un chapitre sur les particularités propres à chaque lame, en fonction de la manière dont Maëda les avait conçue. Atëa, le sabre du feu, apportait des déformations physiques chez son propriétaire. Jin observa le dessin d'un bras couvert d'écailles, comme si l'homme s'était changé en reptile. Miwanë générait quand à lui des plumes métalliques au dos de son utilisateur. Puis enfin la sombre lame du vagabond, qui ne mentionnait que « l'autre ».

 

Jin découvrit des arbres généalogiques retraçant les différents héritiers des sept sabres, et certains restèrent au cœur d'une famille royale durant des siècles. Ce fut le cas pour la lignée des Huan, jusqu'au grand-père de l'actuel roi de Daërda. Puis le sabre passa à un nom inconnu, avant de disparaître en l'année mille cent, soit dix ans plus tôt. Jin remarqua qu'une des lames avait été perdue à la même période, tandis que deux changèrent de propriétaires. L'un fut un certain Valdir de Keïb, l'autre était Alestan. Cette date correspondait certainement au décès d'Elya, la fille de Maëda. Un certain Icare Alkadia avait acquis le sien vingt-deux ans plus tôt, et le possédait toujours à l'heure actuel. Jin identifia une partie de la dernière génération des Novaë. Aux trois connus, elle ajouta les noms de William Dovarôn et Ren Raigin.

 

- Il n'est pas encore terminé.

 

Elle sursauta, effrayée par la proximité de la voix qui semblait surgir de nul part. Dans la lueur d'une flamme, la silhouette nonchalante d'Alestan se dévoila pour refermer avec précaution l'ouvrage.

 

- Même si sa conclusion est proche. Ajouta-t-il, pensif.

- Je crois qu'on devrait trouver un autre moyen d'aider ma sœur. Déclara-t-elle, espérant l'encourager à la prudence.

- Mon idée est la plus efficace. Contra-t-il.

- Si les choses tournent mal tu pourrais mourir.

- Jin, savais-tu que les personnes qui entreprennent un projet sans y croire ont aucune chance de réussir quoi que ce soit ?

- Tu me chantes quoi là ? Je te parle de vie ou de mort. Protesta-t-elle.

- Je ne serais pas là sans ton aide. Lui rappela-t-il en cherchant son regard. Je te dois une vie. Si tu me fais confiance, ta sœur sera libre dans deux jours.

 

Il semblait plus calme que lors du dîner, et sa voix exprimait aucun doute. Alestan n'imaginait pas échouer. Il parlait comme si l'avenir était déjà tracé. Jin repensa aux informations de l'ouvrage, au chapitre sur les dons des sabreurs. Quel était celui du vagabond ? Cet œil aux reflets d'argent l'avait toujours intrigué.

 

- Comment pourrais-je croire un homme que je viens à peine de rencontrer ? Le questionna-t-elle.

- Demande aux étoiles.

- Pardon ?

 

Il lui indiqua le centre de la bibliothèque, où la lune diffusait sa douce lumière. Jin se dirigea vers les fauteuils, levant son visage vers le plafond vitré avant de remarquer un étrange phénomène vestimentaire. Sa robe aux teintes d'outremer se couvrit de cristaux scintillants, brodés aux formes des constellations de la nuit. Alestan devait connaître cette particularité, car il s'empressa de faire la révérence avant de lui adresser un sourire affectueux.

 

- Je ferais selon tes désirs Jin.

- Tu es fou, tu le sais ?

- Oui. Reconnu-t-il. Mais c'est déjà un premier pas vers la guérison.

- Dis moi ton plan. Finit-elle par céder. 

 

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Super chapitre !

 

On apprend beaucoup de choses dans ce dernier, tu laches encore pas mal d'informations via l'histoire de la fille de Maeda et sa petite fille, alors que dans ta première édition c'est bien après qu'on apprend son existence. Tu dévoiles déjà pas mal aussi sur les noms des différents possesseurs des lames et je me dis que l'allusion à "L'autre" ça doit être Hekaïm :P.

 

Enfin j'attends de connaitre le plan d'Al !

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Tout commence enfin à se mettre en place, petit à petit, et j'ai l'impression que nous approchons grandement du climax de l'arc ! De ce fait, je n'ai pas grand-chose à dire, je me laisse porter par le flot de l'histoire, impatient d'assister au final.

 

Le chapitre 13 installe de la tension en montrant la menace qu'est Yuzan. Il possède une grande emprise sur Sorina, et par extension sa sœur, jouant là-dessus pour mener la danse. C'est normal que la grande soeur finisse par se retrouver dans un tel état, surtout après tant d'années d'asservissement. Les liens unissant les membres de la même famille, de sang ou non, sont très forts. Connaissant ces deux femmes et de ce qu'il était capable de faire à travers leurs actes ( Sorina qui se sacrifia pour le futur de Jin, et cette dernière qui tente tant bien que de mal de racheter sa liberté ), il croit savoir sur quels pieds danser. Pour l'instant, dans sa façon de bouger, d'agir, Yuzan déborde de confiance. L'affaire semble presque pliée, et cela n'aurait pas été faux si... Il aurait pris en compte l'avertissement ( plus sérieusement ?) dans ses plans : « Les hommes n'ont pas été les seuls à fouler les terres d'Alesta. Il y a une sorte... Comme une sombre magie à l’œuvre. Notre cible est liée à ces choses-là. ». Je pense qu'il a dû prendre en compte le fait que Jin puisse demander de l'aide à Alestan. Cette dernière soutenait son regard et n'avait pas capitulé devant lui. Elle ne donnait pas l'air d'être désespérée contrairement à Sorina, qui était brisée. Ce fut une épreuve difficile pour la forgeronne.

 

Le chapitre suivant se déroule plus loin dans le futur et intrigue ( ce qui bien évidemment le but ). Alestan a été capturé. Haruda en est même étonné, car ce fut une chose que lui-même ne réussit pas malgré ses ressources. Pensant déjà à l'avenir et de ce qui l'attendait, un nuage sombre enveloppa Shura. Tout cela ne fait penser qu'à une chose, notre vagabond favori a usé de son sabre, mais dans quelles circonstances ? Combien de vies furent arrachés durant ce face à face ? Et surtout, que se passe-t-il ? L'affrontement semble avoir été court, car ce sombre présage se dissipa bien assez vite, signe que le responsable de tout ceci en avait terminé avec le clan Sonata. Sannan risque de tomber sur une vision inoubliable, troublante, et effrayante.

 

Le quinzième chapitre apporta un bon lot d'informations. Il confirme une fois de plus que l'univers est dense. « Les sources d'Alsvior », « Les tisserands d'Iryi »,  « l'ombre des Chaînes d'Helka ». Des noms de lieux ou de personnes, ce genre de chose que j'aime mémoriser pour plus tard, le jour où ça sera mentionné ! C'est toujours intéressant de lire diverses informations, ça montre que le monde est vivant et ça donne une identité aux objets ( comme ici avec le vêtement ). Outre cela, Gaëlios se montra un peu bavard et parla de la mère adoptive du héros se nommant Elya. Alestan fut un esclave, mais les circonstances de sa rencontre avec cette dernière restent emplies de mystère, tout comme son meurtre. La meilleure sabreuse de sa génération, porteuse de la lame noir, assassinée ? Cela cache quelque chose. Enfin, un Alestan parcourant le monde avec Elya et Nëa en flashback, ça doit être très sympa à lire. En plus, ça permettrait de voir des lieux que tu n'aurais pas pu dévoiler durant le parcours du vagabond qu'on sera amené à suivre. Et comme l'a fait remarquer Kyojin, nous l'avions appris par le passé bien plus tard, lors du quatrième arc, même s'il y avait quelques informations par-ci par-là subtilement cachées. De même pour les sabres et ses possesseurs. Mais pourtant, ça n'enlève en rien le mystère. J'ai plutôt envie de dire que ça l'épaissit. Il y a beaucoup d'éléments, mais compléter le puzzle est impossible avec seulement quelques pièces. Toutes ces pièces se rejoindront en temps et en heure, il ne faut pas juste pas les perdre de vue ! D'ailleurs, je suis heureux de constater le changement de nom des sabres. « Aomë », « Teoma » , « Atëa », « Nëmihel ». Pas que les anciens étaient nuls, peu original. Au contraire, ils faisaient référence à plusieurs éléments de notre monde. C'était sympa. Mais là, c'est encore mieux, car comme je l'ai souligné plus tôt, ça renforce encore plus l'identité de ton univers, de ton appartenance à ce dernier.

 

Je n'ai qu'une chose à dire pour la fin : Alestan.  ;D

 

Al est confiant, très confiant. Le doute ne se sent pas, et il ne semble pas du tout contrarié par l'issue. Quel est donc son plan ? 

 

PS : Tu es revenu deux fois sur les effets secondaires que Nëmihel procure sur Alestan : l'insistance sur son œil argenté puis ce « autre ». L'autre ferait-elle allusion à cette voix ? Ou bien... à l'âme d'Hekaïm que seul le maître de la lame ténébreuse pourrait entendre ? Mystère, mystère.

 

 

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Comme toujours, merci pour votre soutien Arsène et Kyojin  :) Vous êtes les piliers de cette histoire ! J'espère ne pas trop vous déprimer avec ce chapitre décisif, le dernier avant le grand dénouement.

 

 

CHAPITRE 16 - L'ECHANGE

 

 

 

Sorina n'avait pas fermé l’œil de la nuit. L'expression de sa sœur lui serrait encore le cœur. Yuzan avait brisé les espoirs de Jin. C'était d'ailleurs l'une des spécialités de cet homme. Le clan Sonata trônait au sommet de la pègre de Shura grâce à l'influence de son chef. Nobles, marchands et mercenaires lui mangeaient dans la main, certains avec crainte, d'autres par intérêt. Seul ses hommes de mains et la vieille Ayame le suivaient par admiration. Sorina savait qu'il était l'un des plus gros donateurs de l'orphelinat de Shura, en parti pour ses affaires, mais aussi par charité. Il récompensait la fidélité, tout en respectant ceux qui osaient l'affronter. Peu importait l'ennemi ou l'obstacle, Yuzan Sonata arrivait toujours à ses fins.

 

Un homme de pouvoir, terrible et pragmatique, parfaitement adapté à la société de ces jours crépusculaires. Sorina en était consciente, ce qui l'obligeait à lui obéir. La seule manière de protéger Jin consistait à se plier aux exigences de Yuzan. La soumission était le prix à payer pour sa sécurité. Sorina se haïssait de penser ainsi, mais elle ne voyait pas comment un vagabond et un vieux bourgeois pouvaient les sortir de cette situation. Confinée dans sa chambre, elle passa la journée à remuer ses sombres pensées. Elle entendait parfois un raclement de gorge derrière la porte, pour lui rappeler l'étroite surveillance dont elle était l'objet. Une jeune courtisane lui apporta un plateau à l'heure du déjeuner, mais Sorina n'éprouva aucun désir de manger. Vers la fin de l'après-midi, ce fut le chef de clan en personne qui lui rendit visite. Yuzan revêtait l'une de ses plus belles tuniques, visiblement prêt à accueillir de prestigieux invités dans la soirée. Son regard se renfrogna en remarquant le repas qu'elle n'avait pas touché et il s'installa à son chevet, tel un proche rendant visite à une malade alitée.

 

- Ne me blâme pas, se défendit-il. C'est ce type qui a entraîné ta sœur dans cette affaire, pas moi.

 

Sorina demeura silencieuse. Elle doutait que Yuzan lui rendait visite uniquement pour alléger sa conscience. Il montra cependant quelques signes de tendresse, l'invitant à s'asseoir sur le lit pour l'encourager à se nourrir. Elle saisit les baguettes qu'il tendait pour avaler une bouchée de riz, mais le goût l’écœura presque immédiatement. Il remarqua son appréhension et préféra ne pas insister.

 

- Je ne peux pas supporter de te voir dans cet état, ajouta-t-il. N'ai-je pas promis de laisser Jin tranquille quand tout sera terminé ? Ai-je déjà brisé une promesse ?

- Ce n'est pas la question, souffla-t-elle sombrement.

- Est-ce à cause du marché passé avec ce noble ? Le mariage avec sa fille ne m'empêchera pas d'être fidèle à mon rôle d'amant.

 

Il approcha sa main vers la joue de Sorina, qui esquissa un mouvement de recul. Un éclair de colère passa brièvement dans le regard de Yuzan, mais il eût l'élégance de ne pas insister. Elle s'était donnée à l'homme à plus d'une occasion, bien souvent pour obtenir des faveurs mais aussi, quelques fois, par simple désir. Malgré son attitude cynique, le chef de clan éprouvait des sentiments envers elle. Même la pire des crapules pouvait connaître l'amour.

 

- Tu ne réalises pas à quel point j'ai hâte de laisser cette vie de roturier derrière moi, confia Yuzan. Je n'aurais plus à supporter les regards méprisants de ses aristocrates prétentieux... Leur seul mérite réside dans leur naissance. Ils ignorent la misère. Ils n'ont jamais vu le cadavre décharné d'un gosse pourrir dans la crasse des rues qu'ils gouvernent... Ils ne sont pas digne de leurs privilèges.

- Si tu n'as pas besoin de moi, j'aimerais être seule.

 

Sorina ne souhaitait pas froisser l'homme bien qu'une note de répulsion se fit sentir dans sa voix. Elle savait ce qu'il essayait de faire, prétextant l'injustice pour justifier son ambition démesurée. Yuzan s'assurait de sa collaboration avant de passer à l'action. Comme elle l'avait deviné, son ultimatum de la veille porta rapidement ses fruits.

 

- Nous avons reçu un message, dévoila-t-il. Ta sœur va nous rendre visite demain. Elle a fait le bon choix.

 

Il se retira après l'avoir dispensé de divertir des clients, ce qu'il considéra comme une faveur bienveillante. Sorina se laissa alors emporter par la fatigue, et ses préoccupations furent oubliées le temps d'un sommeil réparateur. Le lendemain, son estomac la réveilla bruyamment. Lorsque la vieille Ayame vînt lui apporter le déjeuner son moral remonta légèrement, même si elle appréhendait la confrontation entre Yuzan et sa jeune sœur. Son repas terminé, Sorina fit sa toilette avant d'enfiler un yukata orné de fleurs de cerisier. Elle terminait d'appliquer son maquillage quand la servante du clan fit de nouveau irruption dans sa chambre.

 

- Le maître vous attend, annonça-t-elle d'une voix chevrotante.

 

Sorina suivit Ayame à travers les somptueux couloirs pour se rendre dans l'une des nombreuses pièces de la demeure. Elles s'arrêtèrent devant une cloison représentant une forêt de bambous, au deuxième étage, et l'un des panneaux glissa pour l'inviter à entrer. Le cœur de Sorina se serra en apercevant Jin, et elle résista à l'envie de l'enlacer. Sa sœur devait certainement la haïr en cet instant, comme pouvait en témoigner sa manière de fuir son regard. Yuzan et l'un de ses robustes hommes de mains étaient également présent, mais le chef du clan Sonata congédia son sbire pour les laisser seuls.

 

- Parlons affaire, se réjouit-il en l'invitant  à les rejoindre.

 

Tandis qu'elle s'installait timidement au bout de la table basse, Sorina remarqua un long objet enroulé dans une étoffe noire. Jin le tenait fermement, et elle nota par la même occasion que sa sœur ne dissimulait plus sa condition de femme. Elle portait une robe d'un pays étranger qui dévoilait ses longues jambes, et un trait noir soulignait ses yeux en amandes. Un changement semblait s'être opéré chez Jin, comme en témoignait la confiance dans sa voix.

 

- Alestan refuse catégoriquement de se rendre, déclara-t-elle. Il m'a demandé de vous faire part de sa déception concernant votre manque d'imagination.

 

Sorina frémit en guettant la réaction de Yuzan. L'homme sembla un instant déstabilisé par l'aplomb de la sœur, mais un sourire remplaça rapidement son incrédulité.

 

- Que propose-t-il ? Devina le chef de clan.

- Un défi, rétorqua Jin.

- Penses-tu réellement être en position de négocier ? Menaça-t-il.

- Il savait que vous diriez cela, et sa réponse est la suivante : « De quoi avez vous peur ? ».

 

Réagissant au quart de tour, Yuzan fracassa son poing sur la table avant d'esquisser un geste vers la jeune femme. Sorina s'apprêtait à intervenir mais sa sœur choisit cet instant pour révéler ce que contenait l'étoffe. La vision d'un sabre ténébreux mit aussitôt fin à l'accès de violence du chef de clan. Les doigts tremblants de Jin trahissait cependant une inquiétude mal contenue.

 

- Il viendra la récupérer quel qu'en soit le prix, poursuivit-elle. La valeur de cette lame est telle qu'un roi serait prêt à dilapider son royaume pour l'acquérir.

 

Yuzan s'était figé dans son élan, son regard noir envoûté par la vision de l'objet. Sorina avait du mal à croire qu'un simple sabre puisse détenir autant d'importance, mais le changement d'attitude chez l'homme lui prouva le contraire. Ce fut la première fois qu'elle dénota une forme de crainte chez son maître, doublée cependant d'un intense désir.

 

- Je me doutais bien qu'une telle récompense cachait quelque chose... murmura-t-il. Ce noble sournois voulait garder le meilleur pour lui.

 

Les deux sœurs sursautèrent lorsqu'il éclata d'un rire sans joie, pour ensuite arracher la lame des mains de Jin. Pourtant Yuzan fut incapable de retirer le sombre fourreau de l'arme, et ce malgré ses vigoureuses tentatives.

 

- Qu'est-ce-que ça veut dire ? Finit-il par aboyé d'impatience.

- Elle ne répond qu'à son maître, l'informa Jin, et il n'y a qu'une façon d'en devenir le propriétaire.

- Parle, ordonna Yuzan.

- Alestan acceptera de se rendre sans arme dans votre cabaret à deux conditions. La première requiert votre présence et celle de son sabre demain soir, au cour d'un spectacle en son honneur. La deuxième...

 

Jin fit une pause pour plonger son regard dans celui de sa sœur. Parmi le torrent d'émotions qui bouillonnaient en elle, ce fut son amour inconditionnel à son égard qui embua de larmes les yeux de Sorina.

 

- Je servirais d'otage à la place de ma sœur, reprit-elle. Elle est désormais libre de rejoindre Alestan au manoir de Maëda. La dernière chose qu'il m'a demandé de vous transmettre est la suivante : Si le moindre mal est fait à l'une de nous deux, la fureur d'une vengeance exemplaire s'abattra sur vous et toutes les personnes mêlées de près ou de loin à vos affaires. Le supplice qui vous sera réservé restera à jamais mémorable dans l'histoire de Shura.

 

Si la menace aurait pu paraître puéril et sans fondement, le cri que poussa Yuzan en lâchant le sabre ténébreux emplit Sorina d'effrois. Le chef de clan donna l'impression d'avoir reçu une décharge, et ses yeux contemplèrent avec horreur la main qui tenait la poignée se couvrir de cloques purulentes. Jin pâlit également devant ce spectacle surnaturel, et seul l'irruption de l'homme de main dans la pièce parvînt à rétablir le calme.

 

- Va me chercher Ayame ! Ordonna Yuzan en tenant sa main à distance, comme s'il craignait une propagation du phénomène.

 

Le guerrier sortit en trombe, et chacun contempla l'arme dans un silence de mort. Une présence malfaisante émanait de l'objet, et Jin s'empressa de le recouvrir avec l'étoffe, dissipant le malaise grandissant. L'effarement et la peur de Yuzan laissèrent place à une excitation frénétique. Jamais Sorina ne l'avait vu dans un tel état de folie.

 

- Merveilleux... Ce gars commence à me plaire, jubila-t-il. Il veut du spectacle ? Il en aura. je ne vais pas le décevoir. Sorina tu es libre désormais. Tu sais ce qu'il te reste à faire.

 

Elle souhaita protestée, mais la détermination de Jin était telle qu'aucun argument ne pouvait la convaincre à changer d'avis. L'influence de cet Alestan s'était ressenti dans chacune des paroles qu'elle avait prononcé. En vérité, elle n'arrivait plus à discerner lequel des deux hommes était le plus dangereux. Contrairement à ce que pouvait penser Yuzan, Sorina ne savait pas ce qui lui restait à accomplir. Elle n'avait qu'une certitude. Jin se trouvait désormais en grand danger, au milieu d'un conflit qui la dépassait. Dans une tentative de la rassurer, sa sœur cligna lentement des yeux, l'encourageant à quitter les lieux. Elle lui intimait de faire confiance à Alestan, un inconnu qu'elle venait à peine de rencontrer. L'arrivée d'Ayame, avec une trousse de soin, lui donna l'occasion de prendre sa décision. Yuzan ordonna de conduire Jin dans les caves de la bâtisse, avec une surveillance rapprochée. Tout dépendait désormais du choix de Sorina. On lui proposait de rejoindre le manoir du vieux forgeron, ou demeurer fidèle à son maître. Elle choisit de fuir pour se réfugier dans l'atelier de sa sœur.

 

Au terme d'une longue réflexion, allongée sur le lit de Jin, Sorina pesa les conséquences des deux options qui s'offraient à elle. Plus de vingt ans d'asservissement pesèrent alors de manière dramatique sur sa décision. C'est ainsi que la nuit de cette journée décisive, elle se résolut à retrouver le sourire satisfait de Yuzan Sonata, qui l'attendait dans le cabaret du Vermeil.

 

- Tu as fais le bon choix, approuva-t-il.

 

L'illusion de la sécurité, au prix de la soumission, scella les destins de Jin et Sorina. Elle n'avait désormais plus qu'un seul et unique espoir. Obtenir un jour le pardon de sa jeune sœur pour cette trahison désespérée.

 

 

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Très bon chapitre !

 

Ce chapitre enclenche un évènement clé et majeur dans cet arc, par le choix de Sorina, mais difficile de lui en vouloir elle ne connait pas assez Al et elle a vécu dans un confort soumis avec Yuzan depuis des années maintenant, son âme est déjà en cage chez son chef...Néanmoins on à faire à Al qui a quand même vu et vécu bien plus de choses que toutes les personnes vivant dans cette ville sauf Maede, donc je pense qu'il s'en sortira, mais il y aura bien un mort du coté des soeurs.

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CHAPITRE 17 – LE VERMEIL

 

 

Un froid humide et une odeur de moisissure régnaient dans la remise. Accroupie dans un coin de la pièce, convertit en cellule, Jin observait la flamme vacillante d'un cierge. Elle ne savait pas depuis combien de temps les hommes de Yuzan l'avait enfermée en ce lieu. La nuit était sans doute tombée sur la ville, et elle pria pour que Sorina soit saine et sauve.

 

Jin avait accompli sa part du plan. Elle n'avait pas laissé transparaître son angoisse face au chef de clan, un point sur lequel Alestan avait particulièrement insisté. L'objectif était de déstabiliser Yuzan pour ensuite lui faire accepter les termes du marché. Par chance, tout s'était passé selon les prévisions du vagabond. Ils avaient répété l'échange la journée précédente, et le jeune homme avait mimé à la perfection les réactions du truand. Il était essentiel que Jin échange sa place avec Sorina, car l'otage devait joué un rôle clef au cour de l'affrontement : trouver un moyen de rendre le sabre à Alestan. Pour se faire, Maëda lui avait confié un anneau translucide qu'elle dissimulait dans ses sous-vêtements. Le vagabond ne s'était pas privé d'avouer qu'il enviait l'objet, toujours enclin à la mettre dans l'embarras.

 

Profitant de sa solitude, Jin saisit la bague pour la passer au doigt. Si ses mains se trouvaient liées, le sage lui avait aussuré que le bijou viendrait à bout de n'importe quelle entrave. La parole du vieil homme avait suffit à la rassurer. Ces gens se donnaient tant de mal pour l'aider qu'elle songea à trouver une manière de les remercier. Elle se demanda quel genre de présent conviendrait à Maëda et Gaëlios. Elle pourrait avoir l'audace de leur forger un souvenir, même si l'idée d'offrir une sculpture en métal lui sembla inconvenante. Personne ne songerait à donner des fleurs au meilleur des fleuristes.

 

Concernant Alestan, elle se surprit à rougir en imaginant ce qui pourrait lui faire plaisir. Son cœur s'emballait lorsqu'il était trop proche d'elle, et bien qu'elle luttait pour ne pas céder à son charme, Jin devait se rendre à l'évidence. Elle éprouvait des sentiments envers le vagabond. Sa récompense pouvait être une chose qu'il avait déjà tenté de faire, sans succès. La prochaine fois, elle risquait même d'être celle qui essayerait de l'embrasser.

 

- Concentre-toi, murmura-t-elle.

 

Jin se mordit la lèvre inférieure, chassant ses pensées insouciantes pour revenir à la réalité. Ce qui lui sembla être plusieurs heures s'écoulèrent dans un silence morne, jusqu'à ce que le cliquetis du verrou la pousse à se redresser. La porte de la remise s'ouvrit en grinçant, révélant le visage sévère de Yuzan Sonata. Sa main meurtrie par le sabre était désormais enveloppée dans un bandage, et Jin frémit lorsque le battant se referma derrière lui.

 

- Je me demande... susurra-t-il d'un ton suave, faussement hésitant. Je me demande ce qui se passerait si je décidais de t'égorger... Là, tout de suite.

- Vous seriez moins qu'un lâche, répliqua-t-elle avec courage.

 

L'homme réagit en une fraction de seconde, saisissant brusquement les cheveux courts de Jin pour lui tirer la tête en arrière. Le visage buriné de Yuzan, autrefois séduisant, se trouvait à un pouce du sien. Le mépris déformait ses traits, et l'intimidation qu'il lui inspira à cet instant manqua de la faire défaillir.

 

- Où sont passées tes belles paroles ? l'interrogea-t-il, sarcastique. Où est passée ton audace ? Aurait-elle disparu sous une simple menace ?

 

Jin sentit un frisson parcourir son corps, tel un venin embrasant ses veines. Une émotion beaucoup plus forte que la peur l'envahit subitement. Elle qui était autrefois si raisonnable laissa son instinct dicter son comportement, et pour toute réponse elle cracha au visage du chef de clan.

 

- Vous êtes ridicule ! le railla-t-elle, sa voix emplit de haine.

- Petite garce... siffla-t-il.

 

Yuzan resserra douloureusement sa prise, et Jin tenta de se débattre. Elle crût qu'il finirait par lui arracher les cheveux, mais l'homme lâcha prise pour tirer violemment sur sa robe. Le tissu se fendit au niveau de sa poitrine, pour finalement se déchirer jusqu'au ventre. Il la projeta alors contre le mur où elle demeura prostrée et tremblante, tout en cachant son corps honteusement dévoilé. Humiliée, Jin ne put réprimer un sanglot.

 

- Tu comprends maintenant, reprit-il en essuyant son visage. C'est ça la réalité ! Peu importe l'époque ou les belles paroles des soi-disant sages... La plupart des êtres humains vivent dans un état d'incohérence. Nous ne sommes que des paquets d'organes engourdis par l'habitude, emportés par nos convoitises... Ballottés par les événements. Vous me faites tous rire à vous débattre au nom de la liberté, au nom de l'amour ou pire encore... Au nom de la justice... La justice n'est qu'une putain au service du plus offrant. Rentre-toi ça dans le crâne gamine, ça t'évitera les pires déceptions.

 

Un goût amer enduisait chacun des mots prononcés par Yuzan. Il ne s'exprimait plus en tant que chef du clan Sonata, mais comme l'homme qu'il était réellement. Un homme qui côtoyait au quotidien ce qui se faisait de pire dans cette société soi-disant civilisée. Jin garda le silence, recroquevillée sur les dalles glacées de la remise. Elle fut soulagée lorsque Yuzan la laissa seule, et après avoir séché ses larmes, elle finit par sombrer dans un sommeil troublé.

 

Elle trouva à son réveil un verre d'eau et plusieurs boulettes de riz, qu'elle hésita à manger de peur que la nourriture soit empoisonnée. Mais lorsque la soif et les protestations de son ventre se firent de plus en plus virulentes, Jin encourut le risque tout en maudissant sa faible volonté. Par chance rien n'indiqua la présence d'un quelconque poison, et elle entreprit de déchirer le haut de sa robe pour la nouer autour de sa poitrine. Elle avait hâte de sortir de cette sinistre pièce, désormais plongée dans l'obscurité. La bougie s'était entièrement consumée, et seule un mince rayon de lumière filtrait par les interstices de la porte.

 

Son souhait s'exauça au terme d'une longue attente, lorsqu'une vieille femme au chignon serré entra dans la remise en compagnie d'un molosse lourdement armé. Jin crût reconnaître la servante acariâtre que lui décrivait parfois Sorina, une certaine Ayame. Cette dernière présenta un kimono blanc aux motifs argentés tout en lui ordonnant de se déshabiller. Par pudeur, l'aînée demanda au guerrier de détourner le regard avant d'examiner le corps dénudé de Jin. L'anneau transparent attira son attention mais elle se garda de le confisquer, ses ordres devant être limités à vérifier la présence d'objets tranchants.

 

Après l'avoir aidé à enfiler l'ample vêtement Ayame laissa sa place à l'homme, qui noua solidement les poignets de Jin. La corde comprimait cruellement sa chair, et il la poussa sans ménagement hors de la remise pour l'escorter au rez-de-chaussée. Les jambes lourdes, Jin traversa plusieurs couloirs sans prêter la moindre attention aux somptueux décors. Elle regretta bientôt d'avoir avalé son repas, car sa nausée grandissait un peu plus à chacun de ses pas. Il faisait encore jour lorsqu'ils arrivèrent en face d'une porte capitonnée, qu'un écriteau présentait comme étant « réservé au personnel ». La vieille Ayame ne les accompagna pas au-delà du seuil, laissant Jin seule avec le guerrier maussade pour pénétrer dans les loges du Vermeil.

 

Ils traversèrent une première pièce meublée de coiffeuses et couvertes de miroirs. Bien que l'endroit était désert, il y régnait une forte odeur de parfum. Jin imagina aisément les courtisanes se préparer avant de monter sur scène, mais l'image se brouilla lorsque son garde du corps l'entraîna vers la salle principale du cabaret. Elle sentit son cœur battre de plus en plus fort dans sa poitrine. Sa respiration s’accéléra et un brouhaha confus s'amplifiait à mesure qu'ils approchaient de leur destination. Jin souhaita brusquement faire demi-tour, regrettant presque sa misérable cellule. Des pensées absurdes et terrifiantes se bousculaient dans son esprit. Que ferait-elle si Alestan décidait de l'abandonner ? Cette simple idée manqua de la faire vomir. Sans s'en rendre compte elle avait cessé d'avancer, ce qui irrita son guide.

 

- C'pas l'moment s'dégonfler, grogna-t-il. S'attendent plus qu'toi.

 

L'empoignant par le col de son kimono, il la traîna alors dans une longue salle au plafond voûté. Une multitude de lampions écarlates plongeaient le lieu dans une ambiance sensuelle, tout en dissimulant certaines loges dans la pénombre. Jin se trouvait sur l'estrade, où des danseuses se déhanchaient au rythme d'une mélodie lancinante, jouée par deux shamisens. Les femmes ne lui prêtèrent aucune attention, et elle réalisa que le cabaret fourmillait de clients. Le guerrier la tira hors de la scène pour rejoindre une table ronde au premier rang. Entre l'atmosphère étouffante, l'écho discordant de la musique mêlée aux conversations et l'odeur du tabac, Jin était prise de vertiges. Elle se sentait fiévreuse et désorientée, sans compter l'angoisse qui lui glaçait le sang. La silhouette de Yuzan Sonata se découpa alors dans un nuage de fumée.

 

- Parfait, il ne manque plus qu'un invité, annonça-t-il avant de s'adresser à son sbire. Tu peux rejoindre les autres.

 

L'homme qui l'avait guidé jusqu'ici se dirigea vers le comptoir, et Jin prit soudain conscience de l'effroyable situation. Un simple regard vers les tables environnantes confirmèrent ses pires craintes. L'intégralité des clients étaient armés, comme si le chef de clan avait convié l'ensemble des crapules de Shura dans son cabaret. Le visage de Jin se décomposa tandis que Yuzan l'invitait à s'installer près de lui. Un coffre en bois et le sabre ténébreux d'Alestan reposaient sur la table ronde, mais en cet instant le plan du vagabond lui sembla affreusement futile.

 

- Et si on commandait à boire ? proposa-t-il. C'est la maison qui offre.

 

Jin ne prêta aucune attention aux paroles de l'homme, fermant les yeux avec le vain espoir de les ouvrir dans un autre lieu. Elle entendit Yuzan claquer des doigts, suivit d'un grincement de bois. La curiosité la poussa à observer ce qu'il manigançait, portant ainsi son attention sur le coffre.

 

- Dès que j'en ai entendu parler je n'ai pas pu résister, commenta-t-il. Comme ils ne sont pas encore fabriqués en série il m'a coûté une fortune.

 

Il souleva délicatement un objet en forme de canon, sur lequel était greffé une crosse et un silex. Bien qu'elle en ignorait la fonction, Jin éprouva à son égard une vive aversion.

 

- Importé du royaume d'Albieros, poursuivit Yuzan. Une véritable révolution. Ils l'ont baptisé Gavaer, mais je préfère crache-flamme. On n'arrête pas le progrès... Ah ! Voici nos rafraîchissements !

 

Il employa un ton sournois, et le premier détail qui attira l'attention de Jin fut le kimono de la serveuse, identique au sien. Puis vînt son parfum, affreusement familier. Elle n'osa pas lever les yeux vers le visage, car ses mains engourdies s'étaient déjà mises à trembler dangereusement.

 

- Je t'en prie, rejoins nous ma belle, l'invita-t-il avec un large sourire.

 

Jin mordait désormais l'intérieure de ses joues jusqu'au sang. Quelque chose venait de se briser en elle. La voix qui tenta maladroitement de prononcer son nom créa un vide insupportable, là où se trouvait autrefois son cœur. L'expression qu'elle affichait en cet instant devait être épouvantable à en juger le regard de l'hôtesse. Sa sœur. Sorina.

 

- Non...

- C'était le meilleur choix, se justifia-t-elle. Je...

- Tais-toi ! la coupa Jin. Ne me parle pas... Je ne veux plus te parler...

 

Il n'y avait pas de colère dans sa voix, ni de chagrin. En vérité, elle ne ressentait plus rien. Sorina esquissa un geste pour la toucher, sous les yeux inquisiteurs de Yuzan, dont la perfidie ne connaissait aucune limite. Tout était perdu. Elle avait été naïve. Une sombre idiote, rien de plus. Levant son visage vers le ciel, Jin prononça alors le seul souhait qu'elle pouvait encore réaliser.

 

- Je veux mourir.

 

A peine avait-elle prononcé ces mots qu'un énorme fracas interrompit la musique et les conversations. La salle se tourna d'un seul mouvement vers l'entrée principale du cabaret, qui venait de voler en éclat après qu'un garde l'eût brusquement traversé. La lumière du jour dissipa l'atmosphère voluptueuse du Vermeil, tandis qu'une silhouette franchissait ses portes brisées, traînant nonchalamment le corps d'un soldat derrière lui.

 

Dans une longue tunique noire, sur laquelle était brodée le blason du sage Maëda, Alestan passa devant l'armée personnelle du clan Sonata sans leur accorder la moindre attention. La plupart s'étaient redressés l'arme à la main, mais aucun n'osa attaquer sans en avoir reçu l'ordre. Lorsqu'il arriva au milieu de la salle, le vagabond lâcha le cadavre qu'il transportait pour s'adresser directement à Yuzan.

 

- C'est encore possible de réserver une table ?

 

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Super chapitre !

 

Jin a vécu l'enfer durant ces quelques heures dans sa prison et sa volonté a pris un sacré coup, il faut la comprendre après tout, c'est la première fois qu'elle fait une chose pareille et son esprit est torturé par des pensées négatives.

 

Tu nous dévoiles aussi, l'arme Gavaer venant d'Alberios, cet arme sera celle qui mettra fin à la vie de Sorine j'en suis sûr, elle voudra se racheter au près de sa petite soeur.

 

En tout cas l'entrée d'Al est juste énorme et classe, un très bon cliffhanger 8)

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CHAPITRE 18 - L'INDICIBLE

 

 

 

Jamais Jin n'avait ressenti un tel élan de reconnaissance. Ce qui différenciait Alestan du reste de l'humanité était son aura surnaturelle, ce calme imperturbable quel que soit l'obstacle qui se dressait devant lui. Un appel d'espérance dans l’abîme du désespoir. Elle aurait aimé l’interpeller, lui dire qu'il était en retard et qu'elle avait songé à tout abandonner. Jin chercha le regard de Sorina pour lui prouver qu'elle avait eu tord, pour partager son sentiment de délivrance, mais sa sœur était sous le choc, comme l'ensemble des guerriers du cabaret. Ils ne comprenaient pas. Ils ignoraient les secrets du manoir sur la colline du printemps éternel. Ils n'avaient pas vu le jardin féerique, ni la gigantesque bibliothèque, pas plus que la mystérieuse cave et son étrange miroir. Ils n'étaient pas membre du cercle de « Ceux qui savent ».

 

Dans le silence hébété qui avait suivi l'entrée fracassante du vagabond, seul Yuzan demeura impassible. Il se leva pour avancer vers l'estrade, faisant face à Alestan tout en maintenant une distance raisonnable. Il avait gardé l'objet en forme de canon dans une main, frottant son menton avec celle amputée de deux doigts. Ils se défièrent du regard plusieurs secondes, jusqu'à ce que le chef de clan se décide à engager le dialogue.

 

- Il est rare qu'un homme soit à la hauteur de sa réputation, lança-t-il d'une voix théâtrale. Mais je dois admettre que seul un monstre, ou un fou, puisse se jeter ainsi dans la gueule du loup.

- J'allais dire la même chose, rétorqua Alestan. Donc si tu pouvais me remettre les deux sœurs et mon sabre sans faire d'histoire, nous éviterons un bain de sang inutile.

 

Yuzan éclata d'un rire forcé, rapidement suivi par ceux de ses hommes de mains. Profitant de cette courte distraction, le vagabond jeta un coup d’œil vers la table de Jin pour cligner lentement des paupières. Elle comprit immédiatement ce qui lui restait à faire. Contorsionnant ses mains, elle tenta d'approcher l'anneau de Maëda des cordes qui la maintenait prisonnière. La manœuvre s'annonça extrêmement lente et laborieuse, au point où elle envisagea de demander l'aide à Sorina. Ce fut malheureusement à cet instant que trois guerriers se postèrent près d'elles, prêt à agir au moindre signe de leur chef.

 

- Tu n'as rien ! se gaussa Yuzan. Rien qui soit en mesure de me menacer ! Regarde autour de toi... Tu n'as que deux options : te rendre ou mourir.

- Deux options ? répéta Alestan avec un sourire. Chaque instant de notre existence se détermine par une infinité de choix et ces mêmes choix entraînent une infinité de conséquences. Tu te fous le doigt dans l’œil si tu imagines avoir le contrôle de la situation. Tu penses être en position de négocier avec tes trois douzaines de mercenaires ? Sombre crétin... siffla-t-il. Les hommes de pouvoir sont tous les mêmes. Si prévisibles... Si ignorants de l'essence primordiale de leur triste existence. Vous autres persécuteurs n'existez que par la faiblesse des persécutés. Vous voyez le monde comme une terre de jouissance où se cultivent des biens matériels et éphémères. Quel est l'intérêt d'amasser des choses que vous n'emporterez pas dans votre tombe ? Tout n'est que pourriture temporelle condamnée à disparaître dans l'oubli général. Les types dans ton genre Yuzan... Je les démembre depuis que j'ai l'âge de manier une arme. Et seul le Créateur connaît l'envergure des abominations que j'ai infligées à ceux de ton espèce. Ce sera mon dernier avertissement avant l'irréparable : rend aux femmes qui le désirent leur liberté, et que je ne revois plus jamais ta face dans cette ville.

 

Au fil de son discours, l'attitude d'Alestan avait changé drastiquement. Sa posture décontractée était désormais figée dans une pose de prédateur. La tête légèrement penchée sur le côté, son regard si particulier semblait luire de malveillance. Le plus inquiétant était le sourire qu'il avait conservé, déformant son visage dans une expression bestiale. Un masque venait de tomber. Une chose venait de s'éveiller au fond de son âme, et Jin pouvait sentir l'air de la salle s'alourdir de façon anormale. Devant elle, l'espace d'une seconde, le sabre se mit à vibrer. Yuzan quant à lui ne riait plus. Il avait sentit la menace.

 

- Nous ne sommes pas si différents toi et moi, confia le chef du clan Sonata. Je tenais les mêmes propos à ton âge. Mais vois-tu j'ai mûri, alors que toi... Tu n'en auras pas l'occasion.

 

Il ponctua sa phrase en levant la main, ce qui provoqua un tumulte assourdissant. Une dizaine de guerriers se jetèrent sur Alestan avec la ferme intention de le mettre en pièce. Le premier assaillant abattit sa machette, mais son bras fut stoppé dans sa course avec une facilitée déconcertante. L'instant suivant il se trouva projeté contre l'un de ses compères par un violent coup de pied. Deux autres se virent embrochés par leurs propres alliés, car Alestan se précipitait volontairement sur les assauts frontaux, déviant la trajectoire des lames après les avoir évitées de justesse. Son agilité face à la mêlée désorganisée des attaquants jouait en sa faveur, et il fit plus de dégâts à mains nues que ses adversaires avec leurs armes. Un cri pitoyable résonna dans le cabaret lorsque l'un des guerriers eût l'œil arraché de son orbite. Ses doigts couverts de sang, le vagabond enfonça ensuite avec tant de force ses articulations dans une tempe qu'un autre tomba raide mort, sous les regards apeurés de ses compagnons. Très vite, ils réalisèrent qu'ils ne viendraient pas à bout du jeune homme sans stratégie. Alestan donnait l'impression de danser au milieu d'une meute de manchots. Une danse gracieuse et mortelle.

 

Pourtant l'issue du combat changea lorsque l'un des agresseurs lança son poignard, qui vînt se loger dans la jambe du vagabond. Il trébucha sous la douleur après avoir retirer la lame, qu'il retourna à l'envoyeur. Cette seconde de flottement lui coûta chère, car l'un des guerriers en profita pour lui lacérer le dos de son sabre. Alestan serra les dents, et il cessa son offensive pour se concentrer sur la défense. Le voyant ainsi acculé, Jin lutta nerveusement pour dégager la corde de ses poignets meurtries, sans se préoccuper des sbires de Yuzan. Ces derniers étaient trop absorbés par le combat pour la remarquer, et seule Sorina l'observait désormais, son visage reflétant la lutte qui s'opérait en elle.

 

- Tout est de ma faute, balbutia-t-elle avec remord. Je n'ai jamais voulu tout ça...

- C'est Yuzan le responsable ! rectifia Jin.

- Je n'ai rien fait pour l'en empêcher, regretta-t-elle. Je n'ai rien fait pour me sortir de son emprise. Ma vie entière...

- Sorina ! Ton seul tord est d'avoir essayé de me protéger !

- J'ai trahi ta confiance...

- Tu as toujours été là pour moi, et encore maintenant j'ai besoin de toi ! la pressa Jin. J'ai besoin de ma grande sœur.

 

Prononçant ses mots, elle la pria de prendre la bague à son doigt pour l'apposer au nœud qui l'emprisonnait. Sorina s’exécuta maladroitement, sursautant lorsqu'un corps s'écrasa lourdement à quelques pas de leur position. Ce dernier avait été projeté par Alestan qui bondissait dorénavant d'une table à l'autre, pourchassé par une foule de guerriers enragés. Jin s'arracha à sa contemplation pour exhorter sa sœur de se dépêcher, mais l'anneau ne produisait aucun effet notable.

 

- Ça ne marche pas ! s'affola Sorina, qui appuyait l'objet de toutes ses forces sur la corde.

- Frotte-le ! Essaye de le frotter !

 

Un étrange phénomène se produisit dès lors, et l'aspect translucide de la bague se colora d'une teinte flamboyante, comme si elle fut emplie de lave. Ses liens se noircirent instantanément avant de se rompre sous l'effet de la chaleur. Libérée, Jin résista à l'envie d'enlacer sa sœur pour attraper le sabre ténébreux, mais le contact de la poignée manqua de la faire chanceler. Une décharge la glaça jusqu'aux os, brouillant sa vision. Le cabaret disparut dans un brouillard opaque, peuplé de formes vaporeuses. Des murmures indéchiffrables s'élevèrent, résonnant à l'intérieur de son crâne. Jin lutta pour sortir de cette emprise lorsque retentit un son guttural, dont l'écho semblait venir des profondeurs de la terre.

 

« Sauve-le. »

 

L'illusion s'évanouit brusquement, et Jin réalisa que le temps s'était figé au cour de celle-ci. Sorina n'avait rien remarqué, et le vagabond naviguait toujours sur les tables du Vermeil. Elle se redressa pour se précipiter vers lui, ignorée par les combattants qui se ruaient vers la même direction.

 

- Alestan ! s'écria-t-elle.

 

Il réagit instantanément, se propulsant dans les airs pour tendre les mains devant sa poitrine. Jin lança le sabre, et la lame étincela dans un éclair funeste. Lorsque le vagabond se réceptionna au milieu de ses adversaires, trois guerriers s'écroulèrent dans une gerbe de sang. Le haut de leur corps avait été sectionné d'un seul geste, provoquant la panique au sein des rangs. La voix puissante de Yuzan claqua comme un fouet pour rétablir l'ordre.

 

- Plus un geste !

 

Ses hommes s'écartèrent avant de s'immobiliser, créant un couloir entre Alestan et leur chef. Celui-ci braquait désormais son canon vers le vagabond, déterminé à mettre fin au combat.

 

- On m'avait prévenu de ne pas te sous-estimer, enchaîna-t-il. Tu ne me laisses pas le choix.

- Tire, l'encouragea Alestan en indiquant son cœur. Ne rate pas ton coup.

 

Il ne montra aucun signe d'affolement, réajustant sa lame en une garde défensive. Il fixait le chef de clan sans ciller, l'expression calme. L'idée même de la défaite semblait lui être étrangère, ce qui perturba grandement Yuzan.

 

- Tu n'as pas l'air de comprendre, gronda-t-il. Nous entrons dans une nouvelle ère. Cette arme signe la fin de l'honneur du guerrier.

- Ne parle pas de choses que tu ne connais pas, le railla Alestan.

- C'est vrai, approuva Yuzan avec un sourire sinistre. Et si je te le prouvais ?

 

Alors qu'il prononçait ses mots, il changea subitement de cible pour viser Jin. Le vagabond se rua vers elle, et ce fut la première fois qu'elle vit son visage exprimer de la peur. Elle avait été idiote de penser qu'Alestan ignorait ce sentiment. Malgré ses dons hors du commun, il n'en demeurait pas moins un homme. Il avait parcouru la moitié de la distance qui les séparait lorsque retentit la déflagration. Jin ferma ses paupières en songeant aux extraordinaires aventures qu'ils auraient partagés. Elle s'était préparée à mourir, mais le projectile n'atteignit pas sa cible. Lorsqu'elle ouvrit les yeux Sorina se tenait devant elle, les bras écartés. Sa sœur s'était interposée, et Jin s'écroula sous son poids en tentant de la rattraper. Une sensation insupportable lui coupa le souffle en réalisant ce qui venait d'arriver. C'était elle que Yuzan avait cherché à tuer, alors pourquoi ? Pourquoi se sentait-elle aussi coupable ? Un filet de sang s'échappait des lèvres de Sorina, son kimono blanc teinté de pourpre. Elle chercha le regard de sa petite sœur, la respiration saccadée.

 

- Jin...

- Non... Pitié non...

 

Elle compressa la plaie béante de sa poitrine en la suppliant de garder ses forces. Sorina articula plusieurs fois sans pouvoir émettre un son. Ses doigts fébriles vinrent cueillir une larme sur la joue de Jin, puis sa main tomba, inanimée. Elle l'appela plusieurs fois, jusqu'à ce que l'horrible réalité la frappe comme un poignard en plein cœur.

 

- Ne me laisse pas... Je t'en supplie... SORINA !

 

Son cri se perdit dans l'extraordinaire onde de choc qui suivit. Un grondement semblable au tonnerre ébranla le bâtiment tout entier, alors qu'une brume épaisse et ténébreuse tourbillonna sous les cris apeurés des sbires de Yuzan. Une force défiant l'imagination venait d'être libérée, propulsant des débris aux quatre coins du cabaret. Au centre de ce chaos se tenait Alestan, son sabre à la main. Jin fut cependant incapable de le reconnaître. Le sombre brouillard qui l'enveloppait ne se différenciait plus de sa personne. Ses cheveux étaient prolongés par une cascade d'ombres tumultueuses, et ses vêtements flottaient dans une brise impalpable. Ses yeux vairons étaient désormais uniformes, d'un gris pâle, et luisants comme deux étoiles dans la nuit. Yuzan s'empressa de recharger son arme, mais le vagabond l'ignora pour s'adresser à Jin d'une voix insensible, aussi tranchante qu'une lame.

 

- Prends-la et sors d'ici.

 

Ce n'était plus Alestan. L'étranger qui se tenait à sa place lui transmettait simplement un message, presque à contrecœur. Malgré le chagrin qui torturait son âme, Jin agrippa sa sœur pour la tirer vers la sortie du cabaret. Un nouveau coup de feu se répercuta dans la salle, auquel répondit une incantation lugubre.

 

- Nemihel, drevas ûm urkaëth !

 

Il y eût un silence, irréel. Puis le sol se mit à trembler, accompagné d'une puanteur intolérable. Des relents de décomposition, comme si la terre exhalait le parfum de ses innombrables cadavres. L'air devînt glacial, et les lampions rouges du Vermeil prirent une teinte verdâtre, nauséeuse. Jin s'affaissa avec le corps de Sorina, étouffant sous la pression phénoménale qui émanait d'Alestan. Alors le jeune homme se mit en mouvement dans un sifflement strident, si haut perché qu'il en vrillait les tympans. Des hurlements s'élevèrent, à moitié couverts par les gargouillis répugnants de la chair déchiquetée.

 

Dans ce chaos indescriptible, Jin se dirigea maladroitement vers l'extérieur. Elle supporta les râles hideux et les supplications misérables des pauvres guerriers, qui se faisaient réduire en charpie par le démon déchaîné. Les tables lévitaient autour d'elle, comme si les lois de la physique ne répondaient plus à l'appel de la raison. Yuzan hurlait des ordres inintelligibles, incapable de stopper le massacre impitoyable qui se déroulait sous ses yeux. Il braillait à plein poumons face à l’indicible, transi d'horreur face à l'abomination qu'il avait lui-même libérée. La Lame Morte fauchait tout sur son passage. Les Siècles Obscurs faisaient à nouveau surface dans ce monde prosaïque, rappelant aux mortels leur insignifiance face aux mystères de l'ancien temps.

 

Les yeux embués de larmes, Jin parvînt à s'extirper hors du cabaret, le cadavre de sa sœur entre les mains. Les badauds fuyaient dans les rues de Shura, tandis que d'autres pointaient le ciel d'un doigt tremblant. La brume ténébreuse du cabaret formait un immense amas opaque au-dessus de la ville, et Jin songea à l'existence des six autres sabres au pouvoir équivalent. Elle saisit pleinement le sens de l'inscription du manoir de Maëda, celle qui évoquait l'instrument de la fin des temps.

 

Mais toutes ces élucubrations n'avaient plus aucune importance. Seul comptait sa sœur, que la vie avait injustement abandonné. Jin enfouit son visage dans sa chevelure, l'implorant de revenir. Alors que la maison close du clan Sonata vomissait des ténèbres par chacune de ses ouvertures, les silhouettes d'un vieil homme et d'une bête accoururent dans sa direction. En l'apercevant, Gaëlios se mit à quatre pattes pour la rejoindre au plus vite.

 

- Tu es blessée ? grogna-t-il avec inquiétude.

 

Secouée de sanglots, Jin fut incapable de répondre. Le lycan se tourna vers la bâtisse, qui menaçait de s'écrouler à tout instant.

 

- Maître ! s'écria-t-il. Le sceau...

- Cet idiot a perdu le contrôle ! le coupa Maëda en les rejoignant.

 

L'inquiétude déformait les traits du sage, et il s'empressa d'ôter sa veste. Jin ne put détacher son regard de ce vieux corps musclé, dont la peau était couverte de runes. Six pierres couvraient chacun de ses bras, incrustées dans la chair. Maëda ôta l'une d'elle, d'un noir de jais, pour la serrer dans sa main. Il psalmodia alors une étrange mélodie en s'avançant vers l'entrée du cabaret. Les cris épouvantés avaient cessé, et Jin tressaillit lorsqu'Alestan émergea des portes brisées, la tête ensanglantée de Yuzan dans la main.

 

- Ne te mets pas en travers de mon chemin, avertit-il.

 

Maëda s'accroupit soudainement pour enfoncée la pierre dans le sol, et une multitude de chaînes émergèrent des pavés de la rue pour entraver le vagabond, qui se mit à rire avec cynisme.

 

- Vieux fou ! jubila-t-il. Ce n'est qu'une question de temps ! Ils seront réunis ! Mon heure...

 

Ses paroles s'évanouirent à l'instant où Maëda apposa l'objet contre le bras droit d'Alestan, à l'emplacement du tatouage que Jin avait observé quelques jours plus tôt, lorsqu'elle avait bandé les plaies du jeune homme.

 

- Rends-moi mon garçon, ordonna le vieux maître.

 

Il y eût une intense lumière, puis les yeux du vagabond reprirent leurs teintes naturelles. Les chaînes s'évaporèrent, tout comme les nuages ténébreux, redonnant au ciel ses véritables couleurs. Une larme roula sur la joue d'Alestan, et Jin put entendre ces tristes mots avant de perdre connaissance.

 

- Pardonne-moi...

 

 

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Un excellent chapitre !

 

Le meilleur chapitre que tu as écrit, baston, tragédie, scène mythique et badassitude.

 

J'ai tout aimé, les dialogues qui faisaient mouche, tout autant que les descriptions.

 

Al a fait une grosse et vraie boucherie, bien plus sanglant que la première fois, bref j'ai kiffé surtout la fin.

 

Sorina s'est sacrifié pr sa petite soeur, elle est restée fidèle.

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