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Saga Guardian / Tome 1 : Plus qu'une légende


.::Pervert Mood::.
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Voilà, je remets en ligne le début de mon roman. Je l'ai réécrit mais j'espère toujours des critiques constructives pour m'améliorer.

 

Le synopsis :

 

June a 16 ans, une vie normale en première année de lycée. Mais en ce jour d'anniversaire, tout bascule lorsqu'une jeune fille prétend être sa jumelle et tente de l'assassiner. Elle bascule alors dans un autre monde où la magie tend à s'éteindre.

Orca.

L'homme qui visitait souvent ses rêves lui apprend qu'elle est le Maître Guardian, dotée de pouvoirs quasi divins, elle devra mettre fin à la guerre et restaurer l'équilibre entre le bien et le mal.

Pour ce faire elle doit retrouver les autres Guardians qui la soutiendront. Mais comment s'y prendre lorsque tout dans ce monde lui est inconnu et hostile, lorsque les Guardians sont considérés comme des héros de légende et que quelqu'un dans l'ombre fera tout pour la basculer dans les Ténèbres.

L'aventure commence pour son amie et elle afin qu'un jour elles puissent rentrer chez elles.

 

Et maintenant place à l'histoire :D

 

 

Prologue

 

Doucement, le rêve se retira de l’esprit du prêtre, laissant place à une fatigue plus accablante que la veille. Pourtant il ne s’en soucia guère. Ses recherches avaient été longues et pénibles, mais après deux mois de voyages spirituels à travers d’autres mondes il avait enfin trouvé une piste sérieuse. Sa patience avait été récompensée cette nuit.

Il sourit à cette pensée.

Le prêtre s’assit, écartant les chaudes couvertures de coton, et resta dans cette position quelques instants. Il se dit qu’il ne serait bientôt plus capable d’accumuler autant de fatigue et de stress. Il frotta machinalement ses yeux avec le dos de ses mains – une habitude enfantine qui ne l’avait jamais quitté – et sortit ses jambes du lit, posant ses pieds nus sur les lattes de parquet. Il frissonna à leur contact glacé et se leva pour approcher de la cheminée dans laquelle un feu se mourait. Il attrapa trois grosses bûches qu’il déposa dans l’âtre et attendit qu’elles s’enflamment dans un crépitement joyeux.

La lumière des flammes baigna la pièce d’une lueur rouge et or, découvrant un mobilier modeste. Le seul meuble qui en détonnait était un bureau en bois de châtaigner, un cadeau somptueux que ses camarades lui avaient offert lors de son dernier anniversaire. Le meuble se trouvait sous une fenêtre cachée par des rideaux écrus que le prêtre écarta pour admirer une immense plaine encore endormie.

Au loin, une haute chaîne de montagnes formait un anneau protecteur pour les plaines d’Haréiral. Les cimes de neige éternelle se tintaient d’airain, précédant un crépuscule paresseux. Le cercle montagneux n’était pas parfait, une brèche creusée par le lit du fleuve Lengfah ayant créée une porte à l’Est, seul passage possible pour entrer dans le plateau. Le soleil y apparut, faisant scintiller l’eau de mille couleurs et la clarté du nouveau jour réveilla l’enclave. La nuit avait elle aussi apporté son lot de magie en déposant silencieusement un manteau de neige et de givre.

La forêt entourant le temple était elle même touchée par la grâce hivernale. Les branches nues et glacées s’affaissaient sous leur propre poids, accablées par cette charge trop lourde.

Le prêtre se dit qu’il devait certainement ressembler à cette forêt avec son teint cireux et ses traits tirés par le chagrin, l’inquiétude et l’épuisement. Mais il chassa ses sombres pensées et détourna les yeux de la fenêtre pour s’asseoir à son bureau. Il passa une main sur le tablier poli et en apprécia la douceur avant de sortir un journal relié de cuir, de l’un des tiroirs. Il attrapa ensuite une bouteille d’encre noire et une longue plume qu’il posa avec une étrange révérence. Il regarda la couverture du recueil de longues minutes, hésitant à l’ouvrir.

Il prit une profonde inspiration et tourna rapidement les pages mais resta, tremblant, au-dessus de la dernière page manuscrite. Cette page datait de plus de quatre mois, de la veille d’une attaque qui coûta la vie à tous ses camarades. Des images de ce jour atroce se ravivèrent, aussi nettes qu’il les avait vécues.

 

 

Une troupe de deux cent démons avait profité des ombres de la nuit pour traverser les grandes plaines et, à l’aube, passait l’arche principale. Une vingtaine des meilleurs archers du temple était montée sur les toits de tuiles rouges et annihilèrent leurs premières lignes. Mais cette attaque n’avait été qu’un subterfuge.

Une escouade de cinq mille démons guerriers, vêtus d’armures de fer bruni, avait passé l’arche sud et brûlait les granges ou faisait fuir les chevaux et autres montures. Seule une centaine de prêtres vivait à Haréiral et tous savaient qu’ils n’y survivraient pas.

Ils lancèrent une contre-offensive aussi puissante que désespérée et près de cinq cent démons succombèrent, versant un sang noir sur les pavés blancs de la cité sacrée. Dans cette attaque, le jeune prêtre vit mourir ses amis et ses mentors les uns après les autres.

Lorsqu’un prêtre tuait un démon isolé, dix autres se ruaient sur lui pour le massacrer, prenant plaisir à le démembrer et jeter les moignons sanglants pour déstabiliser les autres prêtres. Et cette tactique fut payante.

Après que le prêtre eut décapité un démon, deux autres l’assaillirent et tranchèrent sa jugulaire. Il lâcha son épée, mettant ses mains sur sa gorge, empêchant le flot écarlate de se répandre autour de lui et tomba au sol tandis qu’un autre prêtre tentait de venir à son secours. Mais les démons s’en débarrassèrent d’un simple coup d’estoc. Le jeune prêtre sombra dans les ténèbres, ses oreilles bourdonnant du bruit des lames qui s’entrechoquaient et des plaintes de ses amis agonisants.

Mais le calme s’installa bientôt et les minutes qui s’écoulaient lui semblaient être des heures, quand au loin, et se rapprochant de plus en plus vite, s’éleva un rire rauque et monstrueux.

Les démons riaient de leur victoire.

Tout, autour de lui, réapparut clairement. Les derniers représentants du Peuple des Prophéties – son peuple – venaient d’être massacrés.

Il était seul au milieu des corps de leurs guerriers morts quand ils se mirent à piller le temple. Ils quittèrent le champ de cadavres au coucher du soleil, le laissant pour mort, baignant dans son sang, happé par les ombres de la nuit tombante.

Il ne put se résoudre à fermer les yeux. Toute la nuit il observa les étoiles briller à travers ses larmes. Elles moururent dans la pâle lumière du matin et il sentit une nouvelle force l’envahir. Une infime bribe d’espoir, fugace comme un souvenir.

Il se mit sur son séant et porta une main à son cou pour palper une chair vierge de toute blessure. D’une main fébrile, il attrapa le petit poignard encore attaché à sa ceinture et contempla avec des yeux stupéfaits, le reflet de son cou indemne. Rien ne laissait deviner que quelques heures plus tôt, son sang avait formé la flaque dans laquelle il était assis.

Après plusieurs minutes d’hébètement, il se releva, errant parmi les amas de cadavres pour constater qu’il était le seul survivant. La bataille avait fait rage dans tout le temple et les démons, ne se contentant pas de massacrer prêtres et animaux avaient ravagé et incendié beaucoup de bâtiments. La désolation était désormais seule maîtresse des lieux où il avait grandi.

Il rejoignit le centre de la cité et s’effondra en voyant les corps nus des Trois Sages, doyens et maîtres du temple, pendus par les pieds au portail d’ébène qui faisait face à la paroi abrupte d’une falaise. De chaudes larmes coulèrent le long de ses joues tandis qu’il chuchotait des prières pour les esprits de tous les prêtres qui étaient morts, à mesure que leurs noms lui revenaient.

Un léger tintement métallique le sortit de son recueillement.

Il leva les yeux, mais la vue des corps lui fit de nouveau baisser le regard. Au pied des escaliers menant au portail, le prêtre aperçut la longue canne encore intacte de l’un des Sages.

Il se releva et la ramassa avec respect. Ses yeux s’écarquillèrent et il regarda la paroi rocheuse avec surprise. Il courut dans les escaliers, grimpant les marches quatre à quatre. Il passa le portail en se baissant suffisamment pour ne pas frôler les corps et s’arrêta net face à la roche, la canne toujours fermement tenue dans sa main.

Il éleva l’une de ses extrémités et regarda le large cercle d’argent qui avait été monté dessus et sur lequel étaient attachées quatre longues bandes de tissu émeraude et de petites clochettes. Il avait déjà vu le plus vieux des Trois Sages exécuter ce cérémonial et se souvenait parfaitement des gestes à faire.

Il posa le large cercle d’argent contre son front et murmura une prière. Il se tourna ensuite vers le portail et frappa le sol par trois fois. Les bandes de tissu se mirent à irradier et se détachèrent de leurs anneaux pour tourner aux pieds du prêtre. Celui-ci se tourna de nouveau face à la paroi, empoigna le bâton à deux mains tout en continuant de chuchoter sa prière.

Il frappa alors le sol de toutes ses forces et le tintement des clochettes résonna sur tout le plateau de longues secondes durant.

Le silence qui s’en suivit se fit pesant et le prêtre déglutit avec peine en imaginant les regards vides des Trois Sages fixer sa nuque. Les bandes de tissu cessèrent de tourner et retombèrent au sol avec douceur. Dans tout le temple, des portails brillèrent d’une aura diaphane, telle une nappe de brume. Le prêtre posa le cercle d’argent contre la paroi et prit une grande inspiration. Alors il poussa le bâton qui s’enfonça dans la pierre comme dans de la boue.

Lorsqu’il l’y eut enfoncé à la moitié de sa longueur il le tourna d’un quart de tour et un cliquetis se fit entendre. Les auras brumeuses disparurent et la paroi rocheuse se transforma en une poussière scintillante, laissant place à une immense porte de bois sombre renforcée d’acier, le bâton du Sage enfoncé dans sa serrure. Le prêtre pleura de soulagement en voyant les portes du sanctuaire s’ouvrir sur un lieu épargné par la sauvagerie des démons.

Après plusieurs jours à charrier les cadavres et élever des tertres, il découvrit dans l’un des livres du sanctuaire la raison de sa survie. Les mots qu’il y avait lus seraient à jamais gravés dans son esprit.

 

 

 

Machinalement, il trempa sa plume dans la fiole d’encre et les inscrivit sur une feuille vierge de son journal :

 

Lorsqu’à nouveau une étoile brillera,

Tel un espoir guidant les cœurs blessés,

Tel le renouveau d’un monde brisé,

Le Maître Guardian nous apparaîtra.

 

 

De peuples antiques ils sont les derniers,

Des peuples des Muses et des Prophéties,

L’un d’eux combat, le second initie,

Pour que de l’Ombre, Orca soit préservée.

 

 

 

Ces quelques vers constituaient une partie de sa traduction de l’Ultime Prophétie – texte vieux de plusieurs millénaires – enfanté et protégé par son peuple pour qu’il lui revienne aujourd’hui.

Dès lors il avait chaque nuit utilisé l’aptitude de son peuple à faire voyager son esprit dans un autre monde et y sonder l’aura de tous ses habitants. Un mois plus tôt, il avait réussi à trouver une aura d’une beauté sans pareille – l’aura des Muses – l’aura du Maître Guardian.

Cette nuit le contact avait été fait avec lui.

Ou plutôt elle.

Car contre tout attente, le fabuleux guerrier annoncé par la prophétie était une jeune fille qui devrait bientôt le rejoindre pour être préparée à affronter son destin.

Il retrempa sa plume dans l’encre et inscrit sur son journal :

 

Après plusieurs nuits à l’approcher dans ses rêves, j’ai pu lui parler. Désormais elle sait que je l’attends…

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Ayant laissé passer assez de temps entre les deux posts, je vous propose enfin la suite.

Enjoy !

 

 

Chapitre 1

 

La nuit était calme au-dehors, seule une légère brise faisant frémir les feuilles des arbres du parc. Un fin croissant de lune cassait la pesante atmosphère de cette nuit d’été sans étoiles. Toute la ville était endormie et pas un animal n’osait sortir des ombres.

June se réveilla en sursaut, tremblant de tous ses membres. Elle se mit rapidement debout, chaussa des pantoufles et courut jusque dans la salle de bain qu’elle alluma d’un geste rapide. Elle fit couler de l’eau et s’aspergea plusieurs fois le visage, se délectant de son contact rafraîchissant. Elle resta ainsi quelques instants, les mains sur son visage, laissant l’eau goutter entre ses doigts. Elle recommença trois fois puis tendit sa main pour attraper une serviette et s’essuyer. Elle reposa le linge et s’appuya sur le lavabo, regardant son reflet dans le grand miroir qui lui faisait face.

Légèrement plus grande que la moyenne, avec son visage et son nez fins, de hautes pommettes et une peau mordorée par le soleil des îles, elle ne faisait pas son âge. Aujourd’hui elle fêtait ses dix-huit ans et ce qui aurait du être le passage d’un cap important de sa vie, lui paraissait être une journée comme les autres. Seul un vide dans son cœur – avec lequel elle avait appris à grandir – venait de se transformer en un véritable gouffre et le sentir au fond d’elle fit couler des larmes de ses yeux verts. Alors son rêve lui revint et elle se mit à sourire. Elle essuya ses larmes et se détourna du reflet consolé.

Car cette nuit, on l’avait persuadée que tout allait changer.

Elle retourna dans sa chambre et s’assit sur son lit, ramenant les draps encore tièdes sur ses genoux repliés. Elle jeta un coup d’œil à son réveil qui indiquait six heures dix. Elle soupira en pensant qu’il lui fallait attendre une quinzaine de minutes avant que le cuisinier ne prépare le petit déjeuner. Elles resta quelques minutes, les yeux dans le vague, laissant vagabonder son esprit avant de prendre une profonde inspiration et de sortir de sa chambre.

Elle se trouvait au premier étage, marchant dans une pénombre qui disparaîtrait bientôt avec le lever du soleil. Les épais tapis du couloir absorbaient le bruit de ses pas, ne laissant entendre que le doux chuintement de sa respiration.

Elle s’arrêta devant la porte opposée à la sienne, près des escaliers et la regarda d’un air absent. Elle attrapa la poignée mais hésita quelques secondes avant de secouer la tête et pousser la porte pour entrer à pas de loups.

Cette chambre était aussi grande que la sienne. A sa droite trônait une vieille coiffeuse sur laquelle se trouvait une boite à bijoux en bois de cerisier verni. June s’en approcha et l’admira. Depuis toute petite déjà, cette boite provoquait en elle une véritable fascination. Un châle posé négligemment sur une chaise attira son attention. Elle le prit délicatement et en apprécia le parfum dont il était encore imprégné. Alors elle s’avança jusqu’au lit et s’accroupit pour se mettre à la hauteur de la dormeuse.

Elle et sa mère partageaient la même couleur de cheveux, bruns aux reflets auburn, qui ne se retrouvait chez aucun autre membre de leur famille.

La jeune fille dégagea l’une des mèches tombées sur le visage de sa mère pour mieux la regarder. Malgré sa quarantaine passée, les années n’avaient laissées que peu de traces sur elle et elle restait très séduisante. Son père était mort alors qu’elle était très jeune, d’un accident d’avion, et même si elle l’aimait toujours, elle souhaitait que sa mère refasse sa vie. Quelques années plus tôt elle s’était enfermée dans son chagrin et n’avait plus eu que de très rares rapports avec sa fille. Elle était devenue fuyante, fragile et sa fille s’inquiétait de plus en plus pour elle.

June caressa la joue de sa mère et déposa un baiser sur son front avant de repartir aussi silencieusement qu’elle était entrée. Elle descendit les escaliers en baillant et se dirigea vers la cuisine d’un pas machinal. A peine entrée, Paolo le cuisinier la prit dans ses bras et la souleva de terre, lui arrachant un cri de surprise.

« - Joyeux anniversaire June ! Alors dix-huit ans qu’est-ce que ça te fait ? »

Il la déposa le plus doucement possible et June massa ses côtes endolories avant de répondre :

« - Rien de plus qu’hier. Mais pour fêter çà aujourd’hui on je vais avoir droit à une évaluation de sport. La vie n’est-elle pas bien faite ? »

Le cuisinier rit de bon cœur et la jeune fille frissonna de le voir ainsi secouer sa carrure d’ancien rugbyman.

« - Hé bien moi je me suis dit que tu préfèrerais manger des crêpes pour le petit déjeuner ! »

Elle se passa la langue sur les lèvres avec gourmandise en le voyant déposer une assiette pleine de crêpes fumantes devant elle. Il lui servit également un grand verre de jus de fruit et s’assit face à elle pour la regarder manger.

Lorsqu’elle eut fini, elle l’embrassa sur la joue pour le remercier et courut dans les escaliers pour retourner dans sa chambre. Elle passa de longues minutes sous le jet d’eau brûlante de sa douche avant de se rendre compte qu’elle allait se mettre en retard. Elle enfila son uniforme et rassembla ses affaires le plus rapidement qu’elle put avant de marcher vers sa table de chevet. Mais elle n’y trouva pas ce qu’elle cherchait.

Hébétée, elle passa toute sa chambre en revue, sans plus de résultats.

Elle sortit dans le couloir et aperçut la porte de la chambre de sa mère entrouverte. Elle y passa la tête mais ne vit personne. Les larmes aux yeux, elle dévala les escaliers et sortit de chez elle en claquant la porte.

 

Comment avait-elle pu oublier l’anniversaire de sa fille ?

Chaque année, une enveloppe l’attendait près de son réveil ainsi qu’un cadeau caché quelque part dans sa chambre mais cette année, l’une des plus importante de sa vie, elle l’avait oubliée.

Sa poitrine la brûlait à chacune de ses respirations et elle se rendit compte qu’elle avait déjà traversé deux quartiers. Son lycée ne se trouvait plus très loin aussi elle décida de s’arrêter pour reprendre sa respiration. Elle s’adossa à un mur et souffla en comprimant un point de côté lorsqu’elle entendit quelqu’un hurler son nom.

Une jeune fille à forte stature courait vers elle à en perdre haleine. Elle avait de longs cheveux châtains ramenés en queue de cheval et des yeux pétillants de gaieté. Elle était à peine plus jeune que June mais savait faire montre d’une maturité exemplaire, parfois exaspérante. Elle s’appelait Sylviana Valléra mais seule son amie la surnommait Syl.

Toutes les deux avaient sympathisé au collège, six ans plus tôt, et la fraîcheur de la jeune fille avait permis à June de se défaire de la lourde coquille d’amertume qu’elle s’était créée à la mort de son père. Syl n’appartenait pas à une famille aisée mais suivait les même cours que son amie dans le lycée de Stenton grâce à une bourse.

Elle sauta dans les bras de June et s’écria :

« - Joyeux anniversaire Junie ! J’ai quelque chose pour toi ! »

Elle desserra son étreinte et posa son sac par terre pour fouiller à l’intérieur. Elle en sortit un paquet en forme de bonbon, fait de papier crépon blanc et refermé par deux rubans bleu nuit. June y trouva un ours en peluche de couleur crème qu’elle avait remarqué dans la vitrine d’un grand magasin quelques semaines plus tôt. À la surprise de Sylviana, elle fondit en larmes et se jeta dans ses bras.

« - Junie, s’il te plait, dis moi ce qui ne va pas. »

« - Je suis juste contente que tu ais pensé à mon anniversaire… »

« - Comme tous les ans. Pour rien au monde je n’aurai oublié l’anniversaire de ma meilleure amie. »

« - Pourtant ma mère l’a fait ! »

June rangea l’ourson dans son sac et ravala ses sanglots avant de reprendre la marche au côté de son amie. Elle essaya de paraître plus calme et reprit :

« - Elle est encore partie sans un mot ce matin… Je ne pensais pas qu’elle pourrait me faire çà aujourd’hui… »

Elle ravala une nouvelle fois la boule qui s’était formée dans sa gorge et se força à sourire.

« - Mais parlons d’autre chose, tu as révisé ton enchaînement pour l’épreuve de sport ? » demanda-t-elle subitement.

« - Je ne m’inquiète pas, ce ne sera pas trop difficile » dit-elle sans grande conviction.

« - Seulement le prof ne peut pas me voir, je suis certaine qu’il va essayer de me faire un coup tordu. »

« - Ne dis pas de bêtises, c’est un professeur, il n’a pas le droit de faire ce genre de choses. Par contre on va être en retard et le prof de sciences aura le droit de nous coller ! »

Sur ces mots, les deux amies se mirent à courir, passèrent devant l’immense grille en fer forgé et entrèrent en trombe dans le hall vide. Elles grimacèrent en entendant l’écho de leurs pas précipités mais continuèrent sur leur lancée et grimpèrent les marches de l’escalier quatre à quatre. Arrivées devant la classe, elles se retrouvèrent face à Alexandra Belleville, une de leurs camarades de classe entourée de ses deux amies.

« - Tiens voilà notre chère sans famille et son amie le rat des bas quartier » dit-elle avec son habituel sourire dédaigneux.

June ne dit rien, mais Sylviana baissa les yeux, blessée. Elle essaya d’atteindre la porte de la classe mais Alexandra s’interposa et la toisa.

« - Retourne dans ta fange, tu n’as rien à faire ici ! »

Sylviana devint cramoisie et Alexandra se mit à rire avec force, imitée par ses deux comparses. Ravie, elle ouvrit la porte de la salle de classe mais June la referma violemment. La paume de sa main gauche appuyée dessus elle tendit un index sous le menton de la jeune fille et lui jeta un regard noir.

« - Avant de t’en prendre aux autres vérifie que ta famille soit un exemple car entre ta mère qui se fait le chirurgien afin de ne pas payer les ravalements de façade qu’elle se fait tous les six mois et ton père qui croit toujours qu’il a un fils et pas une fille, je crois que tu es la plus mal placée de nous trois ! »

« - Mais au moins moi je peux vivre décemment, pas comme cette chose que tu balades avec toi ! » murmura-t-elle.

June serra le poing, plantant profondément ses ongles dans sa chair pour rester calme. Elle aurait voulu lui envoyer une réplique cinglante à la figure mais elle entendit des bruits de pas se rapprocher.

« - On en reparlera plus tard espèce de garce ! »

Elle ouvrit enfin la porte pour faire passer Sylviana qui avait séché ses larmes et la suivit avant de refermer derrière elle.

Au détour du couloir, le professeur de sciences apparut et sourit en voyant les trois jeunes filles devant sa porte.

« - Allons mes belles demoiselles, la sonnerie est passée depuis cinq bonnes minutes, entrez avant que je vous mette une retenue. A moins que vous souhaitiez rester avec moi après les cours… »

Le vieil homme enleva ses petites lunettes et les essuya avec son gilet gris les déshabillant du regard.

Alexandra sourit poliment mais détourna le regard, s’empressant d’entrer en classe pour fuir ses yeux perçants.

 

La matinée était passée trop lentement au goût de June. Onze heures allaient bientôt sonner et elle était impatiente de sortir de la salle empestant les extraits de lavande, sans compter la chaleur étouffante qu’il y faisait. Lorsque la sonnerie retentit, tous les élèves empressés de manger, jetèrent livres et cahiers dans leurs sacs avant de courir hors de la classe.

« - Il fait encore très beau aujourd’hui, on va sur le toit ? » proposa June.

Sylviana acquiesça d’un signe de tête et toutes deux prirent la direction des escaliers.

Le toit était plat, entouré de grilles pour prévenir tout accident, et accessible aux élèves qui y passaient le plus clair de leur temps libre. Aujourd’hui pourtant, personne ne s’y trouvait, les élèves lui préférant l’air climatisé de la cafétéria. Mais Sylviana et June trouvaient dommage de ne pas profiter d’un aussi beau temps alors chaque matin elles se préparaient des déjeuners qu’elles mangeaient au calme sous ce ciel sans nuages.

« - Essaie de penser à autre chose ! » s’exclama subitement Sylviana.

June tourna vers elle des yeux perplexes. Elle avala le bout de pomme qu’elle avait dans la bouche et lui demanda :

« - Mais de quoi tu parles ? Je n’ai absolument rien dit ! »

« - Justement ! C’est le repas le plus ennuyeux qu’on a jamais eu. En plus je connais cet air par cœur : d’abord tu fronces les sourcils en regardant dans le vide, ensuite tu te mords les lèvres avant de tourner en rond. J’ai du mal à imaginer ce que tu peux ressentir en ce moment mais arrêtes d’y penser pour le moment, tu te fais du mal. Tu appelleras ta mère en rentrant et vous vous expliquerez … »

June leva de nouveau les yeux vers l’azur et croqua la pomme qu’elle avait dans la main.

Sylviana se remit debout et se plaça devant son amie en la montrant du doigt, mais cette dernière lui coupa la parole.

« - Ce n’était pas à mère que je pensais – et comme Sylviana la regardait avec un air entendu elle continua – j’ai encore fait un de ces rêves bizarres cette nuit. En fait celui-là était peut-être le pire de tous. Avant je n’entendais que sa voix, mais cette nuit je l’ai vu en chair et en os… »

« - Il est venu chez toi ? » s’offusqua la jeune fille.

« - Mais non, je t’ai dit que c’était dans mon rêve. Mais ça me semblait si réel. Il s’est agenouillé devant moi en prenant mes poignets et m’a encore supplié de le rejoindre. J’ai encore la sensation d’avoir ses mains sur ma peau » chuchota-t-elle en regardant ses avant-bras.

Son amie s’accroupit et prit un air de réflexion intense.

« - Je me demande ce qu’en penserait Freud… »

June roula des yeux et se releva pour approcher des grilles. Le lycée se trouvant au sommet d’une colline, depuis le toit elles avaient une vue imprenable sur la ville, jusqu’à l’océan.

« - Moi je me demande surtout ce qu’il penserait de cette impression que j’ai depuis ce matin, d’être observée. »

« - C’est peut-être Alexandra qui attend le bon moment pour nous faire une vacherie ! » proposa Sylviana.

« - Qu’elle essaye tiens ! Elle sera bien reçue ! »

A ces mots, elle retira vivement sa main de la grille en gémissant de douleur.

« - Qu’est-ce qui t’arrive ? »

« - Je viens de me prendre un coup de jus. »

« - Si tu es statique, je t’interdis de t’approcher de moi » lui dit Sylviana en ramassant ses affaires.

June secoua sa main encore endolorie avant d’imiter Sylviana qui se dirigeait déjà vers les escaliers pour se rendre au gymnase.

*

Depuis le toit d’un petit bâtiment voisin, un homme sourit en regardant les deux jeunes filles disparaître dans les escaliers. Il sortit alors une montre à gousset de la poche de son gilet. L’une des aiguilles semblait affolée et effectuait plusieurs tours de cadran en une seconde tandis qu’une deuxième restait immobile et qu’une troisième tournait lentement dans le sens inverse. Son cadran était noir et seulement décoré d’étoiles formant une constellation. L’une d’elles brillait et une seconde commençait lentement à scintiller.

« - Il sera bientôt l’heure… »

L’homme referma la montre et la rangea avant de prendre le monocle teinté qui pendait sur sa poitrine pour le mettre à son œil gauche. Il plaqua ses cheveux d’un blanc argenté et se coiffa d’un élégant chapeau haut-de-forme. Il garda ses doigts sur le bord et sauta dans le vide pour se réceptionner avec grâce au pied de la bâtisse. Il épousseta alors sa redingote noire et son pantalon étroit de même couleur avant de se tourner vers le parc du lycée où il aperçut les deux amies courir.

« - Ah, cher ange… Je t’en prie, divertis moi du mieux que tu pourras avant que je n’arrache tes ailes. »

Il sourit avec une avidité malsaine et son bras droit se mit à trembler. Il regarda son membre dépourvu de main et soupira. Un nouveau sourire de gourmandise illumina son visage, mais de manière plus contrôlée et il se mit en marche vers les quartiers riches.

 

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