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Darius nous regarde...


rhavin
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Petite histoire sans prétention. J'avais envie d'écrire et voir si j'avais pas perdu la main. Amusez-vous bien.

 

_______________________________________________________________

 

 

La pluie tambourinait sur les velux dans un vacarme retentissant. Trois jours qu'il pleuvait sans discontinuer ou presque. Un temps maussade mais pas inhabituel en ce mois de janvier.

A travers les velux, on voyait poindre un lumière chaude et un peu tamisée à travers les stores tirés. Inutile de les laisser ouverts quand tout ce qu'il y a à voir n'est que grisaille et morosité.

A l'intérieur, l'ambiance tamisée correspondait à une forme d'autarcie mentale. Une odeur de cendre froide empestait les tissus des vêtements oubliés sur le séchoir, les draps inchangés du lit défait et du vieux clic-clac grinçant. Avec une pointe épicée du dernier repas en date dont les restes refroidissaient déjà dans leur assiette. Le sol jonché de mouchoirs usagés, de peau de banane, de boîtes de conserves, de briques de lait et de canettes de bière en disait long sur le laissé-allé de l'occupant. Quand on attend personne, quand on ne reçoit personne et qu'on ne veut voir personne, inutile de donner une apparence d'ordre.

Parfois, les échos d'un visiteur diplômé en psychologie de comptoir raisonnait. « Un chez-soit en désordre reflète le désordre intérieur ». En même temps, seuls les fous prétendent qu'ils sont sain d'esprit, paraît-il.

Mais il faisait bon chaud, et dans sa tête, Marcus se sentait aussi sain d'esprit que possible. Le cigarillos entre ses doigts n'était pas encore allumé, mais il appréciait déjà le plaisir de le fumer. Après une fournée de pâtes noyée dans le ketchup et le gruyère rapé, il adorait entamer la digestion devant un bon livre, le cigarillos aux lèvres. Plaisir sain d'un homme sain ? C'est la ligue anti-tabac qui hurlerait à l'hérésie...

Un rire à gorge déployé retentit à travers la pauvre isolation phonique des murs en placo.

« Tu sais ce que je dis toujours, Darius, commençait Marcus, les larmes aux bords des yeux. « Sers ton bonheur, va vers ton risque, à te regarder, ils s'habitueront... » Et de se moucher bruyamment avant d'attaquer son bouquin.

Œuvres complète de Lucrèce. Une traduction des élucubrations du poète romain de l'Antiquité. Si les premières pages l'avait laissé sceptique, Marcus avait fini par s'habituer au style de l'époque et à l'arrogance du « je-sais-tout-mieux-que-tout-le-monde » de l'auteur. Après tout, quand on a que sa tête pour réfléchir et qu'on est à deux millénaires de toutes forme de technologie digne de ce nom, on peut bien dire tout ce qu'on veut sur les atomes, particules et le vide en général. Sans parler du reste.

« Mais puisque je te dis que ça peut pas faire de mal à ma culture ! » La réponse, pour intranscriptible qu'elle fut, n'en restait pas moins vulgaire. Ce qui ne manqua pas de déclencher un autre rire.

« T'as toujours les mots, hein Darius ? T'en as eu du temps pour cogiter et trouver ce vocabulaire châtié quand tu boudais dans ton coin. Ca t'as pris quoi ? Trois ans ? Ah pardon, quatre. Y en avait de la poussière quand tu t'es décidé à te secouer, pas vrai ?

Un silence pour toute réponse.

« Quoi tu boudes encore ? »

Darius lorgnait sur le cigarillos.

« Ah je vois, tu es jaloux. Tu en voudrais bien un, toi aussi c'est ça ? Et bien tu fais comme tout le monde, tu vas au bureau de tabac et tu t'achètes un paquet. Si moi j'y arrives, n'importe qui peut le faire. Et arrête de me regarder comme ça, on va croire que tu as une idée derrière la tête.

Grand sourire de Darius.

« Ah, je savais bien qu'un jeu de mots te dériderait. »

A peine eut-il finit sa phrase qu'il se mit à hurler de rire.

« Excellent, celui-là, Darius, excellent. Attends je le note »

Mais pour ce faire, il lui fallut faire partir ses mains à l'aventure dans la jungle littéraire jonchant son bureau. Ce qui autrefois avait été un bureau. Une main traquant le carnet de note, l'autre le stylo plume.

« Et merde, s'exclama-t-il en faisant tomber pile de feuilles volantes et presse papier en plomb.

Le bruit du fatras sur le parquet sembla résonner interminablement à travers l'appartement. Avant que les bruits de frottements à la recherche du carnet perdu ne reprennent.

« C'est fou quand même, ce bazard. Faudra que je me décide à mettre un un peu d'ordre dans tout ça. Ahh. Attends, je crois que je l'ai. »

Effectivement, Marcus finit par ressortir un petit carnet de notes à reliure en cuir de sous les décombres de poste de travail. Il l'ouvrit au marque page et commença à écrire.

« Alors, tu as dit : « Moi, au moins, je me plâtre pas la cervelle. Pas mal, pas mal. Tu en as d'autres ? Non, rien qui te viens ? Bah peu importe, tu as tout le temps de réfléchir. Bon, puisqu'on est bien parti, tu pourrais me dire ce que tu fais de tes journées, en ce moment. Ah. D'accord, tu regardes l'écran d'ordinateur, en quête de ton moi profond.

Pour l'heure, l'écran était éteint et reflétait l'image de l'étagère installée contre le mur jaunissant.

« Et à part ça ? J'espère que tu passes pas tes heures sur des sites cochons, ou sur des sites des chats de discussion. Oui, ho ça va, hein je t'entends déjà me dire que je devrais passer moins de temps sur mes bouquins et que je devrais sortir plus. Mais t'es bien placé pour savoir que j'aime pas les gens. On peut pas discuter avec eux sans entendre parler de la misère du monde ou du dernier match de foot. Ah ! Je suis sûr que ça te plairait, toi, de jouer au foot. Tu seras un vrai boulet.

Darius ne répondit pas.

« Dis donc, tu te vexes très vite je trouve. Je sais que tu adores jouer  au roi du silence, mais pour une fois qu'on peut avoir une vraie discussion...

...

« Bon d'accord, je nuance. Pour une fois que je peux m'écouter parler. Ca y est tu es content ? Bien, alors reprenons. Je n'aime pas les gens. Mais ça tu le comprends pas vrai ? Non ? Ca se voit que c'est pas toi qui doit faire semblant de t'intéresser à eux. Tout à fait entre nous, il n'y a qu'avec toi que je peux avoir une discussion intéressante. Tiens, ça me fait penser à mes derniers colocataires. Si tu les avais vu... complètement à la masse, dans leurs délires à longueur de journée.

Marcus fit mine de se plonger quelques instants dans ses pensées. Puis répondit à Darius avec un éclat de rire : « Aussi oui. Ils étaient pas piqués des vers eux. Toujours à te sauter dessus pour un oui ou pour un non. Ils me manquent pas, ça c'est clair. T'aurais vu leur tête, le jour de mon départ.... »

Et la conversation dura jusque tard dans la nuit, entrecoupée d'éclats de rires.

 

« Il faut être CONSCIENT du moment présent.

_Putain, merde, Darius, je dormais, là !

 

Au petit matin, la douce chaleur planait dans l'appartement baigné d'obscurité. C'était un dimanche silencieux, exempt du bruit de la circulation.

« Salut Darius. Tu vois, c'est pour ça que j'aime l'hiver. Parce que le matin, tu n'as pas un idiot de piaf qui vient chanter à tue-tête à coté de la fenêtre. Oui bon, il pleut toujours à verse, mais c'est tout de même bien plus tranquille. Et je sais pas toi, mais moi, la pluie qui tape comme ça, ça m'a toujours calmé.

Encore béatement étendu sous les draps, Marcus profitait d'un autre de ses plaisirs. Traîner dans le lit.

« Attends, j'ai vraiment besoin de t'expliquer pourquoi j'aime pas me lever ? Je rêve. Depuis le temps qu'on se connaît, je comprends pas pourquoi tu me demandes ça. Bon ça va. C'est tout simple. Tant que je suis encore dans le lit, je suis encore dans la période de la journée la plus agréable. Seul avec soit-même, pas d'occupations terre à terre, pas de tracas quotidien, avec pour seul horizon une journée magnifique, pleine de promesses. Mais sitôt que tu sors le pied, tu l'as pas encore posé sur le parquet que déjà tu as une liste interminable de choses à faire, de trucs à régler, de détails à penser. Et tu n'as même pas encore prit ta douche que tu sais que ta journée va être pourrie par les obligations.

« Ho, ne grommelle pas comme ça, hein, on dirait ma mère. Oui, je suis pessimiste et alors ? C'est mon droit non ? Si j'ai même pas le plaisir de râler, mes journées seraient pas exécrables, elles seraient infernales ! Parfaitement oui !

« D'accord, j'aime râler. Je râle donc je suis. Bon, tu vas pas me prendre la tête de bon matin, hein !?

Un silence lourd envahit l'espace. La mauvaise humeur d'un côté et les reproches non formulés de l'autre.

« Voilà t'es content, j'ai même pas eu besoin de sortir le pied du plumard que ma journée est déjà mal commencée. C'est super. Merci.

On entendit toquer à la porte.

« Quoi ?! hurla Marcus d'un ton rageur. C'est pas possible ça, on peut jamais être tranquille. Bon sang, c'est dimanche. On fout la paix aux gens le dimanche. C'est si dur que ça d'avoir la paix ?!

Il sortit du lit avec un mouvement de colère pour repousser les draps. Se grattant l'entrejambe, il s'avança à tâton à travers les détritus jonchant le sol, se cognant régulièrement les doigts de pied contre des objets trop malpoli pour s'écarter de son chemin. Grognant et pestant, il alluma la lumière et alla ouvrir la porte.

« Quoi qu'est-ce que c'est ?! demanda-t-il sans ménagement. Non, Darius, tu restes où tu es tu ne t'en mêles pas.

Devant sa porte, deux hommes en bleu flanqués de deux armoires à glaces en blouses blanches attendaient.

« Monsieur Enig ? Vos voisins ont appellé à propos du tapage que vous avez fait hier soir. A qui parlez-vous ?

_A personne, je vis seul.

_On peut entrer ?

_Je préfèrerais que non, mais vous êtes quatre et je suis que moi. Et vous avez pas l'air commodes.

Marcus s'écarta, grommelant pour laisser passer les quatre hommes.

« Darius, sois pas impoli, dis « bonjour », fit-il.

_Ok, fit l'un des hommes en blouse. On va vous ramener à la maison.

_Tiens, je vous avais pas reconnu, les gars. C'est bizarre mais pas plus tard qu'hier soir, je disais à Darius que vous me manquiez pas.

_A qui il parle, demanda l'un des hommes en bleu.

_Au crâne en plâtre, sur l'étagère, répondit le deuxième homme en blouse.

_Et dites-donc, les gars, vous pourriez être poli et répondre à Darius quand il vous dit bonjour !

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Je m'en doutais de la fin,en même temps vu ton avatar et le texte du dessous. :)

Une bonne petit nouvelle,Marcus le protagoniste principal est bien misanthrope et pessimiste,il ne fait que grogner et se plaindre à tout bout de champ,j'aime bien ce genre de personnage même si je préfère les héros au grand cœur,même si là le contexte n'aurait pas bien joué,quoique un perso' touché d'une douce folie et pas d'un mal être aussi important aurait pu être intéressant.

M'enfin je vais pas jouer les psys non plus,pour l'appartement il est bien décrit mais dommage qu'on a pas plus de description de Marcus.

Petite question,si il s'est échappé de l'asile,dans quel appart' il vit? Son ancien peut être,ou tout simplement t'y a pas pensé.^^

Quelques petites fautes et erreurs par ci par là,pas trop grave,ça n'empêche pas la lecture.

En tout cas,bien plaisant à lire,au plaisir de peut être lire une autre de tes histoires. ;)

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Merci.

 

Pour les fautes, faut que je change Open office par word. Ca m'aidera déjà pas mal.

 

Au niveau de l'intrigue, j'aurai du virer mon avatar avant de poster. Grossière erreur de ma part.

 

Pour le perso, si je l'ai pas décrit, c'est précisément pour qu'on reste centré sur sa façon de percevoir le monde.

En ce qui concerne l'asile et son appartement, j'ai répondu implicitement à ces questions dans le texte. Suffit de bien regarder ^^

 

Je vais réfléchir à une préquelle ou à une suite. Je sais pas encore, doit bien y avoir moyen de faire d'autres histoires dans le même style et avec mes deux protagonistes...

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Pas mal du tout à lire^^

 

On s'immerge assez rapidement et sans difficulté dans la tête de Marcus. Le monologue du "fou" est franchement bien traduit.

 

J'aime aussi beaucoup le parallèle entre son esprit et l'état de son "lieu de vie"!

Un chantier sans nom, mais qui, curieusement attire le regard, donne envie de soulever les briques de lait et autres cochonneries pour voir réellement ce qui se cache derrière tout ça....

 

Merci pour ce bon moment ;)

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  • 1 month later...

Konbanwa Sensei Rhavin !

 

Pour tromper mon ennui, je suis venue sur ces eaux peu propices pour moi.

 

Voyant que vous aviez déjà attiré deux jeunes demoiselles… j'ai eu la curiosité de venir vous mater … euh  9_9 je veux dire vous lire.   ;D

 

J'ai un vague souvenir dans mon cortex (bruit de souris) animale de votre qualité de Sensei…. malgré ce statut d'archange déchu.   

 

Et là je suis sensée de dire quelques choses d'intéressant sur votre texte ?

 

….. Euh il n'y pas beaucoup d'images !? ….  :P

 

Je peux tenter une expérience …. Et si je ….  9_9

 

 

 

 

La pluie tambourinait sur les velux dans un vacarme assourdissant. Ça faisait plus de trois jours qu'il pleuvait sans discontinuer ou presque. Un temps maussade, mais pas inhabituel pour la saison.

 

A travers les lamelles des stores tirés, on voyait poindre une lumière morne et insipide. Il était inutile de les laisser ouverts quand tout ce qu'il y avait à voir n'était que grisaille et morosité.

 

A l'intérieur, l'ambiance tamisée correspondait à une forme d'autarcie mentale. L' odeur de cigarette froide mêlée à des effluves épicées du dernier repas régnaient dans l'atmosphère et imprégnaient les tissus des vêtements oubliés sur le séchoir, les draps plus que douteux du lit défait et jusqu'au vieux clic-clac au fond de la pièce.

 

Des piles d'assiettes sales qui s'entassaient dans l'évier, le sol jonché de mouchoirs usagés, de peau de banane, de boîtes de conserves, de briques de lait et de canettes de bière en disait long sur le laissé allé de l'occupant des lieux.

 

"Mais lorsque l'on attend personne et que l'on ne reçoit personne et quand on ne veut voir personne, Il est inutile de donner une apparence d'ordre !"

 

Parfois, les échos d'un visiteur diplômé en psychologie de comptoir raisonnaient. « Un chez-soi en désordre reflète le désordre intérieur »…. En même temps, seuls les fous prétendent qu'ils sont sain d'esprit, paraît-il.

 

Mais il faisait bon chaud, et dans sa tête, Marcus se sentait aussi sain d'esprit que possible. Le cigarillo entre ses doigts n'était pas encore allumé, mais il en appréciait déjà le plaisir de le fumer.

 

Après avoir manger sa soupe instantanée aux nouilles piquantes, il adorait entamer la digestion devant un bon livre, le cigarillo aux lèvres. Plaisir sain d'un homme sain ? C'est la ligue anti-tabac qui hurlerait à l'hérésie...

Un fou rire de sa gorge retentit et traversa la pauvre isolation phonique des murs en placo.

 

« Tu sais ce que je dis toujours, Darius, commençait Marcus, les larmes aux bords des yeux. « pas compris , à te regarder, ils s'habitueront... » Et de se moucher bruyamment avant d'attaquer son bouquin. (fin 1ère page)

 

 

Voilà …Je ne prêtant pas que "ma version" est meilleures que la vôtre …. Et j'espère ne pas avoir commis pas mégarde un acte discourtois en recopiant votre histoire.  :-\

 

Je n'ai pas compétence ou instruction dans le littéraire, par conséquence mes retouches sont sous angle d'un amateur…  ;)

 

C'est plus une interprétation en tant que lectrice d'un auteur….

 

Bonne soirée Sensei Rhavin que vos rêves soient agité par une mer douce et calme.

 

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J'ai un vague souvenir dans mon cortex (bruit de souris) animale de votre qualité de Sensei…. malgré ce statut d'archange déchu.   

 

 

Moi, sensei ?

Point n'est-ce un épisode mais bien une saison que j'aurai raté.

Statut d'archange déchu ? tout au plus celui d'anathème déçu...

Quant à l'expérience, rouge est le ton de ma honte,

à n'avoir de vos propos point saisi la subtilité,

aussi, m'est avis qu'hasardeuse serait toute critique

et nullement ne m'y risquerait donc.

 

Nulle offense, nulle offense, dans la retouche

et si vous fîtes preuve d'humilité à l'égard de votre propre littéraire acuité

je me dois d'y répondre de même, en avouant que point ne sont au plus haut

les fourmillements de mes lobes frontaux.

Comprenez "Cerf-volant" et de ma prose jugez

en retour de compliment à votre essais marqué

mais point n'allez vous faire de moi de fausses idées

car c'est un piètre locuteur, que celui qui trop de temps prend à formuler sa pensée...

 

(en même temps, Darius a pas de mérite. Lui il pense, moi j'écris. Je ne pense pas aussi bien que lui, mais lui ne sait sûrement pas écrire. Et tient, dans les dents, Darius !)

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