Aller au contenu


Le monde de Mitralée - Le cinquième Fléau (Tome 1)


Cait Sith
 Share

Messages recommandés

Bonsoir tout le monde ^^ Me revoilà pour une nouvelle fiction, totalement inédite. Le scénario est simple : un jeune Terrien, Thibaut, se retrouve impliqué dans des histoires qui vont rapidement le dépasser... Je ne vous en dis pas plus, et je vous laisse lire le prologue :

 

 

 

Gédéon A. Parent

 

« Ici s’achève l’œuvre de toute ma vie. J’ai passé tellement d’années de mon existence à la recherche d’éléments et j’ai sacrifié tellement de choses qui m’étaient chères que je ne désire plus continuer. Tous mes écrits seront publiés, même si personne ne les lira probablement jamais. De toutes les façons, je ne souhaite pas que quelqu’un poursuive mes travaux, cela ne serait qu’une perte de temps. Mais je ne pouvais malgré tout pas me résoudre à tout abandonner sans rien laisser derrière moi. En guise de préambule, laissez-moi simplement vous dire que les Dieux existent.

Ils ont créé la planète que nous appelons aujourd’hui Terre, mais l’ont abandonnée il y a bien longtemps. Ils ont forgé un nouveau monde qui correspondait davantage à leurs idéaux. Quelque part, très loin de notre foyer, se trouve un univers très semblable à la Terre. J’en suis certain. J’exposerai dans mon ouvrage toutes les preuves qui m’ont permis de parvenir à cette conclusion. Sachez cependant qu’il subsiste encore des parts d’ombre que je ne suis pas en mesure de totalement éclaircir. Pourquoi les Dieux ont-ils abandonné la Terre ? Où sont-ils à présent ? Sont-ils bons, tyranniques, justes ou cruels ?

Si jamais quelqu’un trouve les réponses à ces questions…

Je ne veux même pas le savoir. »

 

Thibaut tourna et retourna le livre qu’il tenait entre les mains. C’était un petit ouvrage entièrement blanc, confectionné dans un cuir lisse au toucher. Des reliures d’or s’étiraient en forme de vagues et de lignes qui venaient encadrer le résumé sur le dos du manuel, lui-même écrit en fines lettres dorées. Mollement, le jeune homme relut le titre :

 

- « Prémices d’un monde », par Gédéon A. Parent…

- Excusez-moi, jeune homme, claqua sèchement la voix de la bibliothécaire en arrivant sur lui à toute allure. La bibliothèque ferme bientôt. Si vous voulez emprunter ce livre, dépêchez-vous de choisir !

- Hein ? Euh, oui, oui, je le prends… balbutia Thibaut en faisant une brusque volte-face.

 

Il se présenta devant le comptoir, longeant sans bruit les allées pleines de livres et vides de monde, à cette heure-ci. La vieille chouette qui s’occupait de l’endroit le regarda avec des lèvres pincées, apparemment courroucée de se voir infliger du travail supplémentaire si près de la fermeture. Elle agrippa fermement le bouquin et le regarda quelques secondes sous tous ses angles.

 

- Le livre de Parent, remarqua-t-elle en faisant claquer sa langue en signe d’agacement.

- Un problème ? s’enquit Thibaut, soucieux.

- Absolument pas. Je pensais juste qu’il n’avait pas été ramené par le précédent emprunteur. Le retour n’a pas été enregistré dans le système, répondit simplement la secrétaire en cliquant frénétiquement sur sa souris. Voici pour vous, ajouta-t-elle en lui tendant l’ouvrage de nacre.

 

Thibaut remercia la vieille femme, prit le livre et quitta l’établissement en toute hâte. Il avait du travail à terminer. Sa thèse, « L’influence des Dieux sur le mode de vie des Grecs en Grèce antique », n’allait pas se faire toute seule. Il n’était pas sûr que les sources de ce Mr Parent soient vraiment historiques et dignes de confiance, mais la critique d’un internaute anonyme l’avait tellement intrigué qu’il s’était senti obligé de vérifier par lui-même.

 

« Gédéon n’est pas un auteur comme les autres. Il a su voir ce que personne avant lui n’avait même suspecté d’exister. Ses « Prémices d’un monde » ne sont pas de simples écrits documentaires. Il s’agirait plutôt d’un portail qui ouvre sur de nouvelles réflexions, sur un monde encore inédit et jamais exploré. Il bouscule les croyances et les certitudes de tous en employant un ton désabusé et un style très personnel. Ses textes sont capables de changer les hommes. »

 

Le commentaire, bien qu’apparemment anodin, l’avait fortement interpellé. Et maintenant qu’il relisait encore et encore le résumé écrit par Gédéon A. Parent, Thibaut se sentait encore plus curieux que jamais.

Quand il fut rentré chez lui, le jeune étudiant s’empressa de se rendre dans sa chambre et d’entamer la lecture. En quelques minutes, il se trouva complètement absorbé. Le livre commençait par la description du Dieu du Temps, Chronos : un titan violent et furieux, mais aussi ingénieux et terriblement puissant, tel qu’il était décrit dans de nombreux récits. Gédéon A. Parent affirmait qu’il était avant tout un tyran cruel passionné de carnage.

Alors que Thibaut s’attaquait à un chapitre consacré à une plaque d’argile récemment exhumée en Grèce, il remarqua un morceau de papier qui dépassait d’entre deux pages. Curieux, il le prit et lut :

 

Par la volonté du puissant Seigneur du Temps,

Pour racheter ce qu'il a payé de son propre sang,

Douze Fléaux s'abattront sur le monde de Mitralée

Et n'auront de cesse qu'une fois le courage prouvé.

 

La foi et la bravoure seront mises à l'épreuve,

Que Mitraléens et Mitraléennes s'en abreuvent.

Ces mots qui décident d'innombrables vies,

Sur la toile du futur sont pour toujours inscrits.

 

 

Le papier sur lequel le message était écrit semblait ancien : jaune, très fragile d’aspect, presque trop friable… L’encre donnait elle aussi l’impression de dater d’une époque antique, mais restait pourtant parfaitement lisible. Et surtout, elle arborait une lueur écarlate qui fit frissonner Thibaut. Délicatement, le jeune étudiant voulut poser le mystérieux message sur son bureau. Il poussa alors un grognement de surprise en regardant son pouce. Une goutte de sang s’échappait de l’entaille qu’il venait de se faire. Le liquide brillant glissa lentement le long de son doigt avant de tomber sur la feuille jaunie. En s’écrasant sur le papier séculaire, le sang sembla se mélanger avec l’encre des lignes prophétiques.

 

- Merde… grogna le jeune homme en suçant la plaie.

Les phrases s’étaient mises à baver alors qu’un sillon vermeil ternissait le parchemin antédiluvien. Thibaut ne le savait pas encore, mais il venait de changer le cours de son destin et de celui de plusieurs autres personnes à tout jamais…

Lien vers le commentaire
Partager sur d’autres sites

Salut Caith Sith !

 

Ça fait plaisir de te revoir.

 

Tu nous reviens avec une nouvelle que j'ai bien apprécié pour le prologue. À travers nous avons déjà l'enjeu et l'univers vers lequel se dirige notre héros.

 

Et plusieurs questions nous viennent en tête.

 

Bref c'est un très bon début, je ne peux qu'attendre la suite !

Lien vers le commentaire
Partager sur d’autres sites

j'ai un peu l'impression de lire: une histoire sans fin. pas forcément dans le détail mais dans la forme de l'oeuvre.

 

 

Bastien Balthazar Bux, un garçon de 10 ans, a une coupe au bol et plein de problèmes : de nature introvertie, solitaire, timide, faible et sans amis, il a du mal à communiquer avec son père depuis la mort de sa mère. Depuis le drame, le garçon s'est replié sur lui même et s'est bâti un monde imaginaire nourri de romans d'aventures.

 

Après avoir voulu échapper aux garçons de sa classe dont il est le souffre-douleur, qui le poursuivaient pour le racketter et le jeter une énième fois dans une benne à ordure alors qu'il allait à l'école, il s'abrite dans une librairie et vole un livre intitulé L'Histoire sans fin, après que le libraire lui a dit que ce livre était dangereux. S'étant caché discrètement dans son école, il commence à lire le livre. Au fur et à mesure qu'il avance dans sa lecture, il découvre qu'il fait lui-même partie de la quête dont le but est de sauver le monde et les habitants de Fantasia, le Pays Fantastique.

 

 

sous le theme de la mythologie Grecque .

 

c'est très bien écrit, cela donne envie, mais surtout parce que c'est bien écrit. parce que sinon j'ai une impression de déjà vu.

il va falloir nous en donner plus pour qu'on ai réellement un avis.

 

 

Lien vers le commentaire
Partager sur d’autres sites

Merci Kyojin ! Ça me fait plaisir de voir que tu es toujours fidèle au rendez-vous !

 

Swarl : Voilà un commentaire qui me plaît :) alors à titre informatif, je n'ai pas lu / vu l'Histoire sans fin :P en tout cas, la suite est bien évidemment plus fournie en détails, on en apprend davantage sur plusieurs personnages qui apparaîtront d'ici peu, et bien évidemment sur Thibaut. Si j'ai réussi à te donner envie, je vais tout faire pour que tu deviennes un lecteur assidu et que tu sois comblé ! Le prochain chapitre est déjà écrit, mais je ne sais pas encore si je poste tout d'un coup ou si je le fais en plusieurs fois (il fait une douzaine de pages Word, donc en deux parties, ça serait peut-être plus digeste). Bref, merci de ton avis !

 

Si jamais vous vous en sentez le courage, essayez de préparer un petit papier où vous noterez les dates et événements passés, vous verrez que c'est parfois pas de trop ^^ j'ai été obligé de me replonger dans mes notes plusieurs fois pour faire concorder les dates et les moments importants de l'histoire de mon monde !

 

Je vais réfléchir et poster au moins le début du premier chapitre ce soir !

Lien vers le commentaire
Partager sur d’autres sites

Après une première tentative, il s'est avéré que je ne pouvais pas poster tout mon chapitre d'un coup, donc je le fais en deux parties x)

 

 

 

Une aube nouvelle

 

- Alors, ta thèse ? Ça avance ? demanda la jeune femme en souriant, ses grands yeux bleus brillant juste en face de Thibaut.

 

Ce dernier répondit par un grognement évocateur. La voix de Cécilia était stridente, et plusieurs étudiants en train de réviser se tournèrent vers eux d’un air mécontent.

 

- C’est si terrible que ça ? s’enquit Cécilia sans prêter attention aux regards noirs qu’on leur adressait.

- Comment dire ? C’est pire que tout ce que tu peux imaginer ! J’ai cru que j’avais trouvé un bouquin qui pourrait me donner pas mal d’infos sur les dieux grecs, mais… hésita Thibaut en se grattant la tête.

- Mais il est nul, c’est ça ? questionna Cécilia.

- Non, il est plutôt pas mal, mais j’ai plus l’impression de lire un roman qu’autre chose, surtout que… commença le jeune étudiant.

- Bouclez-la un peu ! s’énerva un petit bonhomme asiatique à lunettes, assis trois chaises plus loin. J’essaie de réviser !

 

Cécilia le fusilla du regard, le faisant légèrement tressaillir.

 

- Tu veux pas aller faire un tour dehors, voir si on y est ? répliqua-t-elle sèchement.

- Je vous rappelle qu’on est dans une bibliothèque universitaire et que c’est à vous de sortir si vous empêchez les autres de travailler correctement, se défendit le binoclard en affichant un air indigné.

 

Cécilia se leva et s’approcha de lui. Thibaut soupira en voyant que l’asiatique s’affaissait sur sa chaise, essayant de paraître plus petit qu’il n’était en réalité. La jeune femme croisa les bras sous sa poitrine tout en se penchant en avant. Elle adorait faire ça avec les garçons timides qu’elle voulait embêter. Son décolleté était plus puissant que n’importe quelle claque au monde.

 

- J’ai pas tout entendu ! lâcha l’étudiante qui approchait agressivement son visage de celui de sa victime.

- Je… Je… Euh… Je … Rien… Rien du tout… bégaya maladroitement l’asiatique.

- AH-HA ! Je le savais ! fanfaronna Cécilia, triomphante. Elle se redressa et se détourna pour revenir s’installer en face de Thibaut. Tu disais ?

- Rien, grommela Thibaut en jetant ses affaires pêle-mêle dans son sac. Il est bientôt midi, je commence à crever de faim. On va manger un bout ?

 

Cécilia lui répondit par un large hochement de tête en bondissant de sa chaise, comme si elle montée sur des ressorts.

À l’extérieur, le soleil brillait dans l’azur du ciel, qu’aucun nuage ne venait entacher. Une brise printanière soufflait, portant avec elle les senteurs des fleurs qui bourgeonnaient et de l’herbe fraîchement tondue. Une bourrasque vint faire danser les mèches noires et rebelles de Thibaut alors que Cécilia tentait tant bien que mal de maintenir sa cascade de cheveux auburn en place.

 

- On va chez mes parents ? suggéra Cécilia en plissant sa jupe, elle aussi déformée par le vent.

- Encore ? Ton père va finir par me taper dessus, à forcer de me voir débarquer chez toi à l’improviste… maugréa Thibaut.

- T’en fais pas, va ! Mon vieux t’aime bien ! Enfin, il te déteste pas en tout cas, ce qui est assez rare, gloussa la jeune femme.

 

Loin de rassurer l’étudiant, cette petite blague lui arracha quand même un ricanement nerveux. Il aimait beaucoup Cécilia, il la trouvait même très attirante. C’était une belle jeune femme âgée de vingt ans qui faisait tourner beaucoup de têtes sur son passage, avec ses courbes avantageuses. Au-delà de ses cheveux couleur caramel aux reflets flamboyants et de son physique de rêve, ce qui plaisait le plus à Thibaut, c’était qu’elle souriait toujours. Un joli sourire qui lui donnait l’air d’un ange et qui avait le don de vous faire rire à votre tour, de vous apaiser l’âme. Elle avait des yeux vert forêt qui pétillaient en permanence et qui s’étiraient gracieusement en amande, surplombés par de grands cils naturels. Il était facile de se perdre dans ces étendues d’émeraude qui brillaient en permanence d’un éclat de malice. Oui, tout en Cécilia respirait la joie de vivre.

Mais, malgré tout, il savait aussi qu’elle était hors de portée. Pas seulement parce qu’elle était en dehors de sa ligue, mais aussi parce qu’ils étaient si proches qu’elle devait le considérer comme son grand frère. Et, avec le temps et les années d’université, il s’était fait une raison.

 

- Bon, ça marche, finit par céder Thibaut en souriant.

¬- Cool ! Et ma mère a fait une mousse au chocolat hier soir ! J’te connais bien, tu vas adorer !

 

***

Des étincelles jaillissaient des deux piliers rapiécés en crépitant avec force. Des arcs électriques passaient de l’un à l’autre à toute vitesse, décrivant des formes étranges dans le vide. Les membres du Concile étaient agglutinés autour de l’arche comme des mouches autour d’une cuillère de miel. Des spectateurs, venus de tous les quartiers d’Alestria, étaient également présents mais préféraient se maintenir à une distance respectable. Des chuchotements excités parcouraient la foule, et les rumeurs ronflaient comme jamais.

 

- La princesse va revenir de l’Ancien Monde ! affirmait une vieille femme dont la moitié du visage était caché par un foulard brun. Dans son dos, elle portait un sac en osier qui contenait du petit bois pour le feu du soir.

- Alors ça y est ? L’arche de voyage fonctionne enfin ? demandait-on, encore incrédule.

- Oui, ça fait dix ans depuis que tout est redevenu normal…

- Faites attention, c’est de la technomancie… bredouillaient plusieurs autres personnes. Si jamais ça prend feu…

- Heureusement qu’ils vont l’allumer près de la forêt et pas en ville…

- Reculez, les enfants !

- Mais maman ! Le Concile va l’allumer ! Je veux voir !

- Ça peut être dangereux, poussin. Tu veux monter sur les épaules de papa ?

- Alestria va retrouver sa reine ! Enfin !

- Vous croyez que le Concile organisera une fête ?

- On peut visiter l’Ancien Monde, papy ?

- Une charrette bloque le chemin, là-bas. À qui est le cheval ?

 

Rix secoua la tête d’un air dépité. Il était venu spécialement de Port-Nouvel pour voir l’arche être allumée. Son calepin et son crayon étaient sortis, il se tenait prêt à prendre des notes. À son poignet, sa montre en platine indiquait qu’il était 12h08. En rabaissant son bras et alors qu’il remontait sa manche, il vit un enfant qui le regardait avec de grands yeux admiratifs.

 

- Monsieur… C’est quoi, ça ? demanda le bambin en désignant le poignet de Rix.

- Rien du tout, petit. C’est un secret très important. Si tu ne le répètes pas à tes parents, je te donnerai quelque chose, d’accord ? proposa l’homme en souriant d’un air compatissant.

- D’accord, accepta le petit garçon.

 

Rix tira alors de sa poche une piécette d’argent toute fine. Sur l’une des faces était gravée la lettre S et, de l’autre, deux dagues entrecroisées.

 

- Avec ça, tu pourras t’acheter plein de bonbons, assura Rix en tapotant sur la tête du petit. Mais attention, tu ne dois dire à personne ce que tu m’as vu faire.

- Promis ! jubila le garçon en récupérant la pièce et en s’élançant dans la foule.

- Ah, ces enfants… Toujours trop curieux. Je déteste mon métier, parfois…

 

Il se tourna vers l’orée de la forêt toute proche et hocha la tête comme s’il adressait un signe à quelqu’un de dissimulé dans les ombres. Puis il reporta son attention sur l’arche de voyage. Les vieillards du Concile semblaient irrités, et des murmures déçus commencèrent à s’élever. Apparemment, l’arche ne fonctionnait pas et le portail ne s’ouvrait pas. Un mouvement sur sa droite attira son attention mais il ne broncha pas.

 

- Chef, spectre Arlam au rapport… chuchota un homme costaud aux allures de paysan.

- J’écoute, répondit Rix sans bouger d’un millimètre.

- À 12h09, le premier essai s’est révélé infructueux. L’arche n’a même pas démarré. Mais, d’après mes connaissances… commença Arlam.

- Stop, coupa le chef en se tournant vers lui. Montre-moi ton poignet.

 

L’autre s’exécuta aussitôt. Une montre en plastique souple s’y trouvait. 12h11, d’après elle.

 

- Un novice… commenta Rix en étudiant la montre. Écoute-moi bien, Arlam. Tu es ici pour dresser des rapports, pas pour donner ton avis sans qu’on te le demande. Compris ?

- O… Oui, chef ! s’excusa le spectre en déglutissant.

¬- Combien de temps pour allumer l’arche, d’après toi ? reprit Rix.

 

Arlam sembla hésiter quelques secondes. Il finit par répondre de la voix la plus solennelle possible :

 

- Si personne ne va aider le Concile, plusieurs jours. Mais… Il s’arrêta, inquiet.

- Continue, l’encouragea le chef.

- Je pense que… la panne n’est pas très importante. N’importe qui possédant des compétences dans le domaine de la technomancie devrait pouvoir régler le problème en quelques heures au grand maximum.

- Est-ce que tu possèdes ces compétences ?

 

Arlam opina fermement.

 

- Des compétences plus développées que l’utilisation de ta montre ? s’assura Rix. Le spectre mit quelques secondes à comprendre la question.

- Bien sûr ! Je me suis intéressé à la guerre anachronique et à ce que les technomanciens ont laissé sur notre monde ! affirma Arlam.

- Alors débrouille-toi pour que l’arche démarre avant la fin de la journée.. Si jamais tu échoues…

 

Rix détourna le regard de l’immense construction technomancienne pour fixer sévèrement le spectre. Ce dernier blêmit instantanément. Il avait beau dépasser son supérieur de plusieurs têtes, il avait entendu suffisamment d’histoires à son sujet pour être terrifié.

 

- Je ne vous décevrai pas, promit Arlam en s’éloignant dans la foule qui commençait à se clairsemer.

 

Rix regarda discrètement sa montre une nouvelle fois. 12h15.

 

***

 

- Tu vas retourner travailler sur ta thèse, je suppose ? demanda Cécilia d’une petite voix.

- J’ai pas le choix… Ça m’enchante pas plus que ça mais j’aurai jamais mon année si je m’y mets pas, répondit Thibaut en haussant les épaules, dépité.

- C’est dommage… Ils ont prévu un spectacle de danse à la patinoire ce soir. Tant pis ! Ça sera pour une autre fois ! reprit la jeune femme en souriant.

  Désolé, Cécilia. Promis, je me rattraperai ! assura Thibaut.

- Je te crois, se réjouit la demoiselle. Bon courage pour ta thèse. Je te raccompagne jusqu’à la porte.

- Cécilia ? intervint alors une voix masculine, rauque et puissante.

- Quoi, papa ? ¬fit l’interpellée.

- Va aider ta mère à faire la vaisselle, s’il te plaît, commanda le père de Cécilia.

¬- Hein ? Mais… se rebiffa cette dernière.

- Pas de mais, coupa net le paternel.

 

En grommelant à voix basse, elle s’excusa silencieusement auprès de Thibaut et disparut dans la cuisine. Le jeune homme, lui, n’avait même pas fait plus de trois pas que la voix du père de Cécilia s’adressa à lui.

 

- Une petite seconde, jeune homme…

 

Thibaut sentit des frissons parcourir son échine. Il se retourna lentement. La silhouette massive du père de Cécilia lui faisait face. Chacun de ses bras était aussi épais qu’un tronc d’arbre et un tatouage représentant une couronne de roses cerclait son avant-bras droit. On devinait sa musculature d’ancien baroudeur sous sa chemise déboutonnée, qui laissait apercevoir une pilosité entretenue sur ses pectoraux saillants. S’il avait pu, le jeune étudiant se serait jeté par une fenêtre. Il allait probablement se faire trucider parce qu’il passait trop de temps avec la fille du colosse en face de lui.

 

- J’ai une faveur très importante à te demander, lança subitement le géant.

 

Thibaut resta bouche bée.

 

- Une faveur ? répéta-t-il, hébété.

- Tu es le seul ami de Cécilia que je connaisse, alors je ne peux en parler qu’à toi. Mais quelque chose va très bientôt se passer, et j’ai peur pour ma fille, expliqua le père d’une voix grave. Sa voix tremblait faiblement.

- Quelque chose ? C'est-à-dire ? s’enquit Thibaut en fronçant les sourcils. Un sentiment de malaise s’empara rapidement de lui.

 

Son interlocuteur baissa presque honteusement la tête vers le sol. Il lui fallut quelques longues secondes avant de reprendre contenance. Puis il fouilla dans la poche de son jean et en tira une chaînette en argent. Au bout se trouvait une petite boule de cristal qui brillait, comme si une flammèche y était enfermée. L’homme montra le pendentif à Thibaut.

 

- Si tu répètes ce que je vais te dire à Cécilia… je te brise les os. Elle n’est pas… ma véritable fille.

 

Cette simple déclaration suffit à estomaquer Thibaut.

 

- Pardon ? s’exclama le jeune homme sans penser à contrôler le volume de sa voix.

¬- Moins fort ! ordonna le père en jetant un coup d’œil derrière lui avant de darder un regard assassin sur l’étudiant. Ma femme et moi l’avons trouvée une nuit dans un panier devant chez nous, et ce collier était avec elle. Depuis quelques jours, il brille en permanence. Je ne sais pas pourquoi et je ne sais pas ce que ça signifie mais… quelque chose… quelque chose va…

 

Il ne parvint pas à achever sa phrase, qui s’étouffa dans un sanglot étranglé.

 

- Je veux que tu la surveilles ! se ressaisit-il brusquement. Des rides parcouraient son faciès et Thibaut se rendit compte à quel point il était inquiet.

- D’accord… Je vais… Je vais essayer… acquiesça Thibaut.

- Non, tu ne vas pas essayer ! S’il lui arrive la moindre chose… avertit le père en retrouvant un air terrifiant.

- P… Promis ! Je vous jure que je ferai attention ! jura Thibaut, paniqué.

- Mh… T’as intérêt, gamin… Dépêche-toi de filer, maintenant.

 

Le jeune homme hocha une nouvelle fois la tête et quitta l’appartement. Il aurait juré avoir vu une larme apparaître au coin des yeux du père de Cécilia. Il ne parvenait pas à expliquer pourquoi, mais il avait peur. Par réflexe, il frotta le pouce qu’il s’était entaillé quelques jours plus tôt contre son index. Il remarqua avec étonnement que la plaie s’était rouverte sans qu’il s’en rende compte. Il soupira. Il n’avait plus le choix, maintenant. Si ?

 

***

 

- Spectre Arlam au rapport…

- Parle.

- J’ai réussi à identifier la panne et à la réparer. Un simple problème de branchements, les membres du Concile avaient mal…

- Suffit. Pour quand est prévu l’allumage ?

- Dix minutes, chef.

 

Rix consulta sa montre et gribouilla quelques mots sur son calepin.

 

- Bon boulot, spectre. Tu peux disposer.

 

***

 

Cécilia battait des mains dans le vide comme une gamine de dix ans. Des dizaines de chiots, chatons, lapereaux et autres bestioles mignonnes s’étalaient derrière la vitrine.

 

- Ouuuuuuh ! Ils sont trop chouuuux ! J’en veux ! piaillait la jeune femme depuis plusieurs minutes.

- Je croyais qu’on devait aller à la patinoire… rappela Thibaut en soufflant.

- Oui mais regarde le petit chien ! Il m’appelle ! répliqua Cécilia en s’appuyant sur la vitre. Le chiot sauta sur elle depuis l’autre côté de la devanture, provoquant un nouveau cri attendri de la part de la jeune demoiselle. Thibaut… Tu as déjà volé quelque chose dans un magasin ?

- Hein ? Oublie ça tout de suite ! On va pas voler des chiens et des chats ! s’alarma Thibaut.

- Et des lapins ? implora Cécilia en lui adressant un regard de chien battu.

- Non plus ! Allez, on y va ! intima Thibaut d’une voix ferme.

 

Il commençait à se demander s’il n’était pas tombé dans un piège de Cécilia, ou si son père ne s’était pas moqué de lui. Il enfonça les mains dans les poches de son pantalon et attendit que son amie se décolle enfin de la vitrine. Au bout de quelques secondes, il se rendit compte de quelque chose.

 

- Oh, c’est pas vrai… J’ai oublié mon argent chez moi… grogna le jeune homme en retroussant ses poches. Cécilia ! On doit repasser chez moi !

- Mais le lapin…

- Céciliaaaaaaaa ! tonna Thibaut.

¬- Bouh… C’est pas juste…

 

***

 

Rix griffonnait à présent avec ferveur dans son petit carnet. Les colonnes métalliques de l’arche de voyage étaient reliées par ce qui ressemblait à de fines chutes d’eau. Un bruit électrique continu résonnait, ponctué par des exclamations, des applaudissements et des murmures impressionnés. La foule s’était de nouveau amassée en apprenant que le portail était enfin apparu.

 

- 17h37, l’arche de voyage est allumée et semble opérationnelle. Le portail ressemble à un voile d’eau immobile. Le chef de la garde, Duncan, et ses meilleurs soldats s’apprêtent à entrer, résuma-t-il alors qu’il écrivait en même temps. Il scruta sa montre. 17h38, les citoyens d’Alestria les acclament à corps et à cris. Les membres du Concile expliquent à Duncan comment se déroulera sa mission.

 

Une ombre se faufila jusqu’à lui. Rix, d’un simple geste du doigt, la fit patienter.

 

- Duncan entre dans le portail, suivi de plusieurs de ses hommes. 17h39… Non, 40, tous les gardes royaux sont partis pour l’Ancien Monde. Le chef se tourna vers le spectre qui venait d’arriver. En un coup d’œil, il remarqua le bronze de sa montre qui dépassait de sa cape. Ta montre dépasse. Range la mieux que ça. Qu’est-ce que tu veux ?

 

Le spectre remonta sa manche et fit voltiger quelque chose jusqu’à Rix, que ce dernier attrapa en plein vol. Il observa le petit objet alors que la silhouette s’évanouissait dans la pénombre. Une petite piécette en argent, frappée d’un S d’un côté et de deux dagues croisées de l’autre.

 

- Je déteste vraiment mon métier… dit-il en essuyant une petite trace de sang qui salissait la pièce avec son pouce.

Lien vers le commentaire
Partager sur d’autres sites

Et voilà la deuxième partie, désolé si ça spam un peu le topic :/ Vous l'aurez remarqué, je n'ai pas mis en italique les parties narratives, mais ça en faisait trop, pour le coup... Si vous trouvez que c'est trop long, n'hésitez pas à m'en faire part. Pour ce premier chapitre, et pour le deuxième, je n'ai pas prévu de coupure au milieu mais je pourrai faire quelque chose pour les suivants !

 

 

***

 

Cécilia semblait bouder. Elle regardait par la fenêtre le paysage défiler sans rien dire. Le trajet durait vingt minutes seulement, mais Thibaut avait l’impression que le temps s’était ralenti. Il détestait voir Cécilia quand elle ne riait pas. La voir faire la grimace l’insupportait et, en l’occurrence, le faisait culpabiliser.

 

- Eh, Cécilia… Tu m’en veux vraiment pour les lapins ? s’inquiéta Thibaut en appréhendant la réponse.

 

La jeune femme ne répondit pas. Elle fit mine de n’avoir rien entendu.

 

- Je pensais pas que tu m’en voudrais autant pour ça… chercha à s’excuser le jeune étudiant. Mais dis-toi que si on avait attendu plus longtemps, tu aurais encore plus souffert de votre séparation ! ajouta-t-il en essayant de placer une petite pointe d’humour. En vain. Quelque chose n’allait pas.

 

Machinalement, il baissa le volume de la radio. Malgré lui, il écouta ce que le chanteur disait, et se demanda si ce n’était pas un signe du destin ? « Je sais que la valeur d’un homme se trouve dans la force de ses sentiments. » Il prit une profonde inspiration.

 

- Écoute, Cécilia…

- Ça va, c’est bon ! s’écria la jeune femme en se retournant brusquement. Lâche-moi avec tes lapins ! Tu comprends vraiment pas pourquoi je t’en veux ? Réfléchis trente secondes, bordel ! Juste trente secondes ! Pourquoi vous êtes tous comme ça, pas foutus de comprendre les trucs les plus simples ? Hein ? Pourquoi ?

 

Thibaut ne trouva pas quoi répondre tant il était sous le choc. Cécilia s’était de nouveau détournée et le jeune homme l’entendait renifler. Il mit le clignotant et tourna dans sa rue. Il trouva rapidement une place de parking et stoppa la voiture. Il posa une main sur son épaule et la secoua tout doucement.

 

¬- Cécilia… Cécilia… Je suis… désolé.

 

Contre toute attente, la jeune femme s’effondra dans ses bras et laissa aller. Elle éclata en sanglots et, maladroitement, Thibaut la serra contre lui. Il posa délicatement ses lèvres sur le front de son amie. Il s’en voulait plus que jamais. Lentement, il se recula pour prendre le menton de la jeune femme dans sa main. Fermement mais avec douceur, il lui fit redresser la tête. Elle pleurait. Même comme ça, avec des yeux et des joues rougis, avec des sillons de larmes qui marquaient son visage, elle était plus belle que tout. Et elle le fixait avec tellement d’intensité que le jeune homme se sentit rougir. Il faillit détourner les yeux tant il était gêné mais il se ravisa. Pas maintenant. Il ne devait pas craquer.

Son cœur battait la chamade. Il savait qu’il avait le pouvoir de lui rendre le sourire tout en devenant lui-même l’homme le plus heureux au monde. Comme dans les films, leurs lèvres se rapprochèrent, leurs regards se croisèrent. Celui de Cécilia démontrait une envie et une passion grandissantes, celui de Thibaut un amour qui éclatait enfin. Des étoiles peuplaient les iris verts de la jeune femme, des feux d’artifice animaient ceux, bruns, du jeune homme. Il sentait le souffle chaud de Cécilia se poser sur sa bouche. Il avait peur, il était en même temps si excité…

 

Un bruit de verre brisé retentit subitement alors que les éclats du pare-brise de la voiture de Thibaut se répandaient dans tout l’habitacle. Cécilia bondit sur son siège en hurlant de terreur tandis que le jeune étudiant lui protégeait le visage de ses bras.

 

- Éloignez-vous de la princesse sur le champ ! aboya une voix dure à l’attention de Thibaut. Adorateur de Chronos !

 

Thibaut sentit des mains l’attraper le col de sa chemise et le tirer en dehors de son véhicule. Il ressentit ensuite une vive douleur lui vriller le ventre et il se mit à suffoquer. La poigne de l’agresseur le clouait littéralement sur place et l’empêchait du moindre mouvement.

 

- Thibaut ! hurla Cécilia depuis la voiture.

- Tu vas mourir pour avoir voulu souiller la princesse Sombrelune, espèce de monstre ! beugla l’homme qui s’était emparé de Thibaut.

 

Il avait une dégaine de chevalier, avec sa tenue qui ressemblait à de la maille. Il était du même gabarit que le père de Cécilia et semblait lui aussi pourvu d’une force surhumaine. Thibaut donnait l’impression, entre ses mains, d’être aussi léger qu’une plume.

 

- Lâ… chez… moi ! articula difficilement Thibaut en attrapant les poignets qui le maintenaient captif, sans grand effet.

- Laissez-le tranquille ! J’appelle la police ! criait Cécilia.

- Ne vous inquiétez pas, princesse. Nous avons trouvé la prophétie maudite dans la chambre de cet individu. Le charme qu’il a dû vous jeter sera bientôt rompu, assura le chevalier.

- Mais de quoi vous parlez ? Pourquoi vous m’appelez « princesse » ? couina Cécilia.

- Faites-la sortir de cet engin et amenez-la au portail, commanda l’agresseur. Je m’occupe de l’adorateur de Chronos.

- Non ! s’égosilla Cécilia alors que d’autres chevaliers robustes la faisaient sortir de la voiture. Laissez-moi ! Ne me touchez pas ! Arrêtez ! THIBAUUUUT !

 

Du coin de l’œil, Thibaut vit la jeune femme se faire emmener de force chez lui par une troupe d’hommes à l’aspect redoutable. Puis il se sentit tomber avec lourdeur au sol. Il se releva aussitôt en faisant face au chevalier. Ce dernier avait dégainé une épée et la pointait sur Thibaut.

 

- Alors comme ça, adorateur de Chronos, tu as essayé de passer un pacte du sang avec lui ? demanda l’homme armé.

- Je comprends pas ce que vous dites… Je suis un adorateur de personne ! répliqua Thibaut en se massant la gorge. Il saignait au niveau du bassin. Il s’était coupé avec les débris de verre de son pare-brise quand il s’était fait extraire de sa voiture. Qu’est-ce que vous avez fait de Cécilia ?

- Tu oserais nier avoir mélangé ton sang avec celui de Chronos ? explosa le chevalier sans répondre à la question de Thibaut. Son visage était surmonté par une chevelure de boucles brunes, qui tressautaient à chaque fois qu’il ouvrait la bouche. On aurait dit qu’il voulait dévorer Thibaut tant il semblait furieux.

- Foutez-moi la paix avec votre Chronos ! Et dites-moi ce que vous comptez faire avec Cécilia ! Si vous lui faites le moindre mal, je vous jure que… commença Thibaut.

- SILENCE ! Tu ne m’auras pas avec tes mots remplis de venin ! postillonna l’homme courroucé.

 

Le chevalier extirpa de sous sa maille un morceau de papier que Thibaut reconnut aussitôt. C’était celui où la prophétie à propos du Seigneur du Temps était écrite, avec lequel il s’était coupé le pouce plusieurs jours auparavant.

 

- En voulant devenir un adepte de Chronos, tu nous as en réalité aidé. Ton dieu est mort depuis 197 ans et n’a pu t’offrir aucun pouvoir. En revanche, le pacte magique que tu as voulu passer avec lui a attiré notre portail ! expliqua l’homme en souriant d’un air mauvais.

- Capitaine Duncan ! intervint une voix qui provenait de chez Thibaut. N’oubliez pas les conseils du Concile. L’arche peut s’avérer instable et peut s’éteindre à n’importe quel moment !

- Hum… Tu as raison, Leroy. Duncan se tourna en direction de Thibaut. Sois heureux d’être si faible. Je n’ai pas de temps à perdre avec de la vermine telle que toi.

 

Et il se détourna avant de suivre le dénommé Leroy. Thibaut resta interdit quelques secondes avant de revenir à la réalité.

 

- Cécilia ! s’exclama-t-il en courant après les soldats.

 

Il se rua dans sa chambre et vit Duncan disparaître derrière ce qui ressemblait à un rideau aqueux, suspendu dans les airs. Thibaut déglutit. Son souffle se fit plus rauque, plus fort. Son ventre le lançait. Sa gorge lui faisait mal. Son cœur lui hurlait de foncer. Cécilia avait été kidnappée. Il avait fait une promesse à son père. Il n’avait pas envie de la perdre alors qu’il venait tout juste de la trouver. Il se mordit la lèvre inférieure, attrapa le livre de Parent sur sa table de nuit et bondit dans le portail. Il eut une petite pensée émue pour ses parents, mais le temps pressait.

 

***

 

- 18h21, le princesse Sombrelune vient d’arriver en compagnie de la garde royale. Duncan a l’air fier de lui, commenta Rix, toujours au cœur de la foule. Le Concile le félicite, la princesse se débat, elle a l’air de pleurer mais aucune blessure visible n’est à déplorer.

 

Les étoiles commençaient à illuminer le ciel tandis que le soleil perdait peu à peu de son éclat. Rix regarda sa montre.

 

- 18h22, la princesse est emmenée par la garde royale jusqu’à un carrosse tracté par deux chevaux de trait. Les membres du Concile s’en vont eux aussi et personne ne s’occupe de l’arche de voyage, qui est toujours…

 

Des cris effrayés coupèrent le chef des spectres dans son résumé. Tous les regards étaient tournés vers le portail. Un jeune homme venait d’en sortir, étrangement vêtu. Aussitôt, Duncan tira son épée de son fourreau et accourut en direction de l’intrus.

 

- 18h23, un natif de l’Ancien Monde vient de traverser le portail à son tour… marmonna Rix en fronçant les sourcils.

 

Duncan s’était posté devant le jeune homme, épée au clair, prêt à le pourfendre. Mais l’étranger ne bougeait pas. Il était agenouillé au sol et semblait éprouver des difficultés à respirer. Il fut pris d’une violente quinte de toux et tous les badauds reculèrent d’un même geste.

 

- Il a apporté une maladie de l’Ancien Monde avec lui ! éructa un homme pauvrement habillé.

- C’est le retour de la sanguistrelle ! Du Souffle ! paniqua la voix stridente d’une femme.

- Le cinquième Fléau ! Il est arrivé ! renchérit une autre femme qui fondit en larmes la seconde d’après.

- AAAAAAAAAAAAAAAAAAARGH ! RAAAAAAAAH ! AAAAAAAH !

 

Le jeune homme se relevait lentement tout en se tenant le crâne alors qu’il poussait des cris bestiaux. Rix s’empressait de noter tout ce qui était en train de se produire. Pris de terreur, Duncan leva sa lame et s’apprêta à l’abattre sur l’intrus. C’est alors que Rix laissa tomber son carnet et son crayon, complètement éberlué.

 

***

 

À peine avait-il posé le pied de l’autre côté du portail qu’un mal indescriptible le saisit par les tripes. Thibaut avait l’impression qu’une main invisible fouillait au plus profond de son corps. Il n’arrivait plus à respirer malgré tous ses efforts, et crut que sa dernière heure était arrivée. Il entendait des personnes parler devant lui, beaucoup de personnes, mais ne les voyait pas. Des larmes de douleur lui floutaient la vue et, de toute façon, il était recourbé sur lui-même, fixant l’herbe sur laquelle il était à genoux. Son esprit l’abandonnait petit à petit. Et, soudainement, comme un bouchon de champagne qui explose, le blocage disparut. Il prit une profonde inspiration, si profonde qu’il en toussa à cracher ses poumons.

Il sentit quelque chose remonter le long de sa gorge mais il s’empêcha de vomir et ravala tout, toujours en happant le plus d’air frais que possible. Il chercha à se relever mais une douleur sans précédent le riva au sol. De nouveau, il avait l’impression qu’une main déplaçait tout ce qu’il y avait à déplacer en lui. Il poussa des hurlements qui n’avaient plus rien d’humain. Il souffrait tellement qu’il était sur le point de s’évanouir. Et pourtant, à travers le brouillard qui l’emplissait peu à peu, il sut qu’il était en danger. Il sentait que Duncan se tenait à côté de lui et qu’il allait le tuer d’un coup d’épée.

 

- … !

 

Il avait beau ouvrir la bouche, aucun son n’en sortait. Il se sentait impuissant, et beaucoup trop faible pour se défendre.

La lame de Duncan fendit l’air.

 

***

 

Au moment où la tête de l’intrus aurait dû tomber au sol, une forme sombre se dressa devant Duncan et bloqua l’épée avec ce qui était sa main. Le chef de la garde bondit en arrière en abandonnant aussitôt son arme. L’ombre du jeune homme s’était interposée entre son propriétaire et la mort.

 

¬- Bon sang… souffla Rix. De la magie… ? C’est la première fois en dix ans… SPECTRES ! vociféra-t-il ensuite.

 

Plusieurs personnes sursautèrent et s’éloignèrent de lui en l’entendant appeler ainsi les spectres. Simultanément, cinq silhouettes encapuchonnées sortirent de la forêt pour s’agenouiller devant Rix. Tout le monde se mit aussitôt à courir le plus vite possible.

 

¬- Si ce natif de l’Ancien Monde meurt, vous le suivrez dans la tombe. Sauvez-le à tout prix.

 

Les cinq spectres hochèrent la tête en signe d’assentiment et s’élancèrent en direction de l’arche, encore allumée. Trois d’entre eux se jetèrent sur Duncan pour l’immobiliser et les deux autres attrapèrent l’intrus en le soulevant sans ménagement. Son ombre ne s’interposa pas, cette fois, et regagna sa place normale. Puis les spectres embarquèrent leur précieux prisonnier dans la forêt, sous les yeux satisfaits de Rix. Celui-ci ramassa calepin et crayon, consulta sa montre et écrivit :

 

- 18h33, une nouvelle aube se lève sur Mitralée.

 

Lien vers le commentaire
Partager sur d’autres sites

C'est un très bon chapitre !

 

Tout s'enchaine dans celui-ci ! Tu nous présente sa meilleure copine d'enfance qui aussitôt à pour rôle d'être la princesse d'un autre monde et qui plus est, se fait kidnapper par des hommes de ce monde inconnu.

 

Et voila que notre héros se retrouve embarqué dans un nouveau monde, et tout ça par sa faute indirectement. Beaucoup de choses s'y passent qu'on se pose beaucoup de questions ?

 

Qui sont les SPECTRES ? Quels sont leur projets ? Leur rôle ? Et Cécilia qu'adviendra t'elle ? Pourquoi a t'elle était abandonné par son monde ? Un coup d'état ?

 

Puis quand à Thibault, il semble être habité par une entité mystérieuse, Chronos ?

 

Bref je suis captivé et j'attends la suite !

Lien vers le commentaire
Partager sur d’autres sites

Salut Cait Sith !

 

J'aime beaucoup ton style d'écriture. C'est aéré. Les descriptions sont efficaces et ne sont pas lourdes. Elles nous mettent rapidement dans l'ambiance de ton univers. On rentre très vite dans l'histoire et on s'attache rapidement à Thibault et Cécilia. Le monde de Mitralée va nous réserver bien des surprises. L'organisation des Spectres est intrigante. En tout cas, vu leur façon d'agir, ils me font penser à un service de police secrète ou d'espionnage.

 

Une dernière chose que j'ai relevé cela dit (ça relève du détail et n'enlève rien à la qualité de l'ensemble), au début du premier chapitre, je crois que tu as oublié un mot. Tu as écrit:

"Cécilia lui répondit par un large hochement de tête en bondissant de sa chaise, comme si elle montée sur des ressorts."

 

Je pense que tu voulais dire "comme si elle était montée sur des ressorts."

 

Bref, tu l'auras compris, je suis très enjoué par ta fiction et,comme Kyojin, j'attends impatiemment la suite !

Lien vers le commentaire
Partager sur d’autres sites

Chapitre 2 que voici !  En deux parties également, toujours en raison de la longueur !

 

 

Destinées

 

Duncan n’eut pas le temps de voir arriver les spectres. En moins de deux secondes, ses deux bras et ses deux jambes étaient totalement bloqués et, malgré sa force supérieure à la normale, il n’était pas parvenu à se dégager de l’étreinte des trois hommes. Impuissant, il vit l’adorateur de Chronos être enlevé par deux autres spectres, qui l’emmenèrent dans la forêt.

 

- Bandits ! s’emporta le capitaine de la garde en gesticulant comme un forcené. Ses yeux lançaient des éclairs dans des directions aléatoires, sa bouche était tordue dans une expression de colère noire et ses bouclettes brunes sautillaient de mécontentement sur le sommet de son crâne rond. La princesse Sombrelune vous fera arrêter et exécuter !

- Silence, capitaine, lui ordonna un des spectres, celui qui, dans son dos, lui bloquait un bras tout en faisant pression sur sa gorge avec une dague. Notre mission n’est pas de te tuer alors ne me force pas à commettre d’impairs.

- Tu… Tu paieras ! affirma Duncan en se calmant néanmoins. Les spectres seront rayés de la carte !

- Dis à tes soldats de ne pas avancer davantage, reprit le spectre en regardant autour de lui. Des gardes se rapprochaient d’eux à pas lents, la main sur leur épée. Nous avons les moyens de disparaître en quelques secondes après t’avoir saigné comme un vulgaire porc.

 

Un simple signe de tête de Duncan suffit à stopper ses hommes. Ils reculèrent à reculons, la mine morne.

Cinq minutes plus tard, alors que la situation semblait figée, le trio d’ombres relâcha le prisonnier avant de s’enfuir à leur tour en direction des bois. Duncan se redressa en pestant. Si la magie n’avait pas disparu, les choses auraient été différentes. Alestria était jadis connue pour ses Archimages, ceux-là même qui avaient endormi Zeral’mut et qui avaient chassé technomanciens et Solaris de Mitralée. Même les spectres ne se risquaient pas dans les parages de la cité, à l’époque. Tout cela était si vieux, à présent…

 

Du haut de ses 36 ans, le capitaine de la garde royale avait vécu les deuxième, troisième et quatrième Fléaux, et il avait connu la toute-puissance des mages. Mais il avait été aussi terrifié que les autres durant la Nuit Éternelle. Il se souvenait de la sanguistrelle, et surtout… du Souffle de la Liche. Il se remémorait encore le déclin de la magie, la transformation des mages, des morts, des traques et des chasses, du sang, des cris… Comment oublier ?

Il s’ébroua. Ce n’était pas le moment de penser au passé. Il releva fièrement la tête et s’approcha de son régiment, qui attendait ses ordres.

 

- Mes braves compagnons… entama-t-il de sa voix forte, le torse bombé. Aujourd’hui est un jour historique. Nous avons ramené la princesse Sombrelune sur Mitralée. Dans quelques jours, nous allons être mobilisés par Sa Majesté pour redonner à la cité d’Alestria sa gloire d’antan. La garde royale sera de nouveau respectée à travers le monde entier. Mais pour l’heure, rentrons au château. Le Concile attend notre rapport.

- Capitaine, intervint timidement l’un des soldats en levant une main tremblotante.

- Karl ?

- Qu’est-ce qu’on doit faire pour… le portail ? Et pour l’étranger ? demanda Karl.

 

Duncan se frotta le menton. L’arche de voyage continuait de projeter son portail, et tous les membres du Concile étaient partis en compagnie de la princesse. En tant que simple soldat, il n’avait aucune idée de comment fonctionnait la technomancie.

 

- Pour le portail, laissons le Concile s’en charger. Mais par mesure de sécurité, nous allons faire surveiller l’arche de voyage. Je veux que trois hommes soient postés en permanence devant. Prenez avec vous des coursiers rapides pour délivrer les messages au château. En ce qui concerne l’adorateur de Chronos…

 

Le regard de Duncan se porta sur la forêt. Dans la région, c’était l’un des repaires les plus connus des spectres. Il était impensable de s’y aventurer sans préparation.

 

- Laissons-le tomber. Je crains que les spectres n’essaient de s’en prendre à la princesse Sombrelune. Concentrons nos efforts sur sa surveillance plutôt que de courir après des brigands, décida le capitaine. Et maintenant, ROMPEZ !

 

Dans un concert de raclements métalliques, tous les gardes lui adressèrent le salut alestrien - le poing droit sur le cœur, la main gauche posée par-dessus. Une façon de prouver que l’on était de tout cœur avec son supérieur et qu’on le resterait quoiqu’il advienne.

***

 

- Espèce de vieux dégoûtant ! Ne posez pas vos sales pattes ridées sur moi ! Quand mon père saura ce que vous m’avez fait, il vous fera avaler vos dentiers ! Même votre Duncan paraît tout petit à côté de lui !

- Princesse, calmez-vous, voyons… Nous ne vous vous voulons aucun mal.

 

Cécilia ne regardait même pas son interlocuteur. Elle savait juste qu’il était vieux, recroquevillé et chauve, qu’il portait une robe démodée jaune et rouge, et qu’il avait une voix chevrotante qui l’irritait.

 

- Laissez-moi au moins me présenter, princesse… Je suis Théodore, votre conseiller personnel. Je siège au Concile depuis 60 longues années. J’ai personnellement servi tous vos ancêtres, et j’ai fait partie de ceux qui ont le plus ardemment désiré vous envoyer dans l’Ancien Monde quand la Nuit Éternelle a démarré… expliqua le vieillard de sa faible voix éraillée.

- Je comprends rien à ce que vous dites, et en plus je m’en fous, répliqua Cécilia. Vous vous rendez coupable d’enlèvement ! Si vous me ramenez chez moi maintenant, peut-être que je ne porterai pas plainte.

- Vous êtes chez vous, princesse ! insista Théodore. Il se mit à tousser violemment.

 

Cécilia fit une grimace dégoûtée en entendant un mollard remonter le long de la gorge épuisée du grand-père. Une fois sa quinte de toux passée, il lutta pour reprendre son souffle en faisant un bruit d’aspirateur en fin de vie. Cécilia soupira, prise de pitié. Elle détestait son côté sensible.

 

- Vous m’appelez tout le temps princesse, vous parlez depuis tout à l’heure d’Alestria et de Concile… Qu’est-ce que c’est que tout ça ? demanda-t-elle d’une voix apaisante.

 

Le conseiller soupira d’aise. Il s’éclaircit la voix bruyamment avant de commencer.

 

- Permettez-moi de commencer par le commencement. Nous sommes actuellement dans le monde de Mitralée, un monde gouverné par Zeus et ses frères et sœurs. Mitralée est scindée en quatre régions : l’Occident à l’ouest, l’Orient à l’est, le Septentrion au nord et le Méridion au sud.

 

Cécilia haussa un sourcil. Elle n’avait jamais entendu parler de Mitralée. Théodore venait de dire qu’il s’agissait d’un monde, mais il devait parler d’un quartier ou d’un village. Et Zeus… Peu importe qui il était en réalité, il devait être prétentieux pour prendre le nom du roi des Dieux comme pseudonyme.

 

- Alestria est une cité majeure du Méridion qui appartient depuis toujours à la lignée des Sombrelune, dont vous faites partie, reprit le vieux conseiller.

- Mais je m’appelle pas Sombrelune ! Mon nom de famille c’est… voulut corriger Cécilia.

- Vos parents étaient Léopold et Grandia Sombrelune, nos précédents souverains, trancha Théodore sur un ton ferme. Il y a vingt ans de cela, à votre naissance en 1177, le quatrième Fléau a éclaté. Afin de vous en protéger, le roi et la reine ont utilisé la magie pour vous transporter dans l’Ancien Monde.

- L’Ancien Monde… Vous parlez de la Terre ? voulut s’assurer Cécilia. Elle se souvenait qu’elle était passée de chez Thibaut à un grand pré, où des centaines voire des milliers de personnes s’étaient réunies… Est-ce qu’elle avait vraiment changé de monde ?

 

Théodore, de son côté, acquiesçait avec lenteur. Les os de son cou craquèrent tous un par un.

 

- Et c’est quoi ce quatrième Fléau, exactement ? s’enquit la jeune femme. Elle se sentait presque intriguée.

- Ce sont des notions d’histoire qui vous seront enseignées le plus rapidement possible, affirma Théodore. Pour simplifier les choses, le quatrième Fléau fut baptisé la Nuit Éternelle car Solaris, notre soleil, fut détruit par ceux qui y vivaient.

 

Cécilia écarquilla les yeux. Ce vieillard sénile devait être complètement siphonné pour penser qu’elle puisse gober ce genre d’histoire. Elle venait de perdre le plus petit soupçon d’intérêt qu’elle avait failli ressentir, mais Théodore n’avait pas fini.

 

- Nous avons vécu pendant dix ans sans soleil, continua le vieil homme. Des maladies particulièrement dangereuses ont bénéficié de l’absence de lumière naturelle et se sont développées à une vitesse incroyable. La sanguistrelle en fait partie mais la plus importante fut le Souffle de la Liche. Je ne veux cependant pas vous encombrer trop tôt avec tout ceci. Vous aurez suffisamment de temps pour apprendre l’histoire de notre monde.

 

Cécilia restait dubitative mais elle ne pouvait de toute façon rien faire. Elle n’avait pas de réseau sur son téléphone, et des soldats armés encadraient le carrosse dans lequel elle se trouvait.

Alors qu’elle était perdue dans la contemplation du paysage qui défilait sous ses yeux, plongée dans ses pensées, elle entendit un grondement sourd dans le lointain. Tous les poils de son cou se hérissèrent et elle sentit un frisson la parcourir des pieds à la tête. Son cœur rata même un ou deux battements.

 

- C’était quoi, ça ? s’inquiéta-t-elle en pâlissant à vue d’œil.

- Le rugissement d’un dragon, répondit calmement Théodore. Vous n’en avez pas dans l’Ancien Monde… Enfin, sur Terre ?

 

***

 

Sa tête le lançait terriblement. Il avait l’impression qu’un troupeau d’éléphants avait décidé de s’installer entre ses deux oreilles pour organiser une petite sauterie.

 

- Chef, il se réveille, informa une voix étouffée.

- 22h01, précisa une seconde voix, beaucoup plus nette. Le natif de l’Ancien Monde reprend conscience. Apportez lui à boire et à manger. Est-ce qu’il est bien attaché ?

- Oui, j’ai vérifié plusieurs fois personnellement.

- Parfait. On n’est jamais trop prudents.

 

Thibaut ouvrit les yeux. Sa vision était trouble, il ne pouvait rien discerner de précis. Il savait simplement qu’il était allongé. Une lampe était allumée au-dessus de lui, mais la flamme était si puissante qu’un éclair de douleur lui vrilla instantanément le crâne. Il referma immédiatement les paupières en gémissant de douleur. Il voulait se redresser mais il ne savait même pas si son bras bougeait convenablement. Il ne le sentait pas.

 

- Où… dit-il d’une voix épuisée. Ce simple mot lui arracha une nouvelle grimace. Sa gorge était tellement sèche qu’il n’arrivait pas à parler.

- Inutile de presser les choses. Tu es en sécurité ici. Personne n’attentera à ta vie, le rassura la seconde voix qu’il avait entendu. Tu vas répondre à certaines de mes questions, maintenant. Tu peux grogner une fois pour oui, deux fois pour non. Compris ?

 

Thibaut hésita avant de répondre, mais il finit par pousser un grognement caverneux. Apparemment satisfait, l’autre commença son interrogatoire.

 

- Tu es natif de l’Ancien Monde ?

 

Cette fois, Thibaut ne pouvait pas répondre. L’Ancien Monde ? Il ne savait même pas ce dont il s’agissait.

 

- Arlam, appela l’homme sur un ton autoritaire en remarquant l’absence de réponse.

- Chef, répondit aussitôt une nouvelle voix.

- Tu es plus doué en histoire que moi. Comment s’appelle l’Ancien Monde, dans les légendes ?

- La Terre, chef.

- Très bien. Tu es natif de la Terre ?

 

Nouveau grognement de la part de Thibaut, même s’il ne comprenait pas le sens de la question.

 

- Excellent… Es-tu familier à la pratique de la magie ?

 

Thibaut essaya d’avaler sa salive, mais il n’en avait pas. Il voulait répondre par quelque chose qui ressemblait à « Quoi ? La magie ? Mais de quoi vous parlez ? » puis il se rappela très vite que le moindre son menaçait de lui déchirer la gorge.

Il tenta ensuite d’entrouvrir une nouvelle fois les yeux. Un mince filet de lumière traversa ses paupières mi-closes, et une douleur lancinante le reprit, à peine moins vive que précédemment. Il n’y voyait rien et était toujours réticent à l’idée de fixer directement la torche au-dessus de lui.

Craignant d’indisposer ses hôtes, le jeune homme ne se demanda pas plus longtemps si son interlocuteur était sérieux ou s’il blaguait. Il grogna donc deux fois.

 

- Intéressant… commenta l’inspecteur inconnu. Tu ne sais donc rien de la magie… Et que sais-tu à propos de Mitralée ?

- Chef… s’immisça le dénommé Arlam. Il ne peut pas répondre autrement que par oui ou non…

- C’est vrai, j’oubliais ! ricana le chef, un peu trop fort au goût de Thibaut. Les rires joviaux de l’homme se répercutèrent en écho dans ses oreilles, et une violente migraine le reprit aussitôt. Qu’on lui serve un verre d’eau.

 

Quelques secondes plus tard, le malade sentait qu’on le forçait à avaler un liquide frais. L’eau s’écoula dans sa gorge en le brûlant férocement. Mais la douleur s’apaisa très rapidement. Il était soulagé, et but plus avidement ce qu’on lui proposait. Après trois verres engloutis de plus en plus rapidement, il se sentit prêt à ouvrir davantage les yeux.

Des formes encore floues se mouvaient tout autour de lui, et la lumière éclatante de la torche était trop douloureuse à regarder directement. Le jeune homme chercha donc à trouver qui lui posait toutes ses questions. Il reconnut la silhouette élancée d’un homme blond, au teint mat, vêtu de tissu sombre.

 

- Bonjour. Je me présente, je suis Rix, le chef des spectres.

- S… pectres ? répéta Thibaut à mi-voix.

- Pour simplifier, c’est une guilde de voleurs, d’escrocs, d’espions, d’assassins, de saboteurs… lista Rix. La plus crainte et respectée de Mitralée. Elle existe depuis l’époque du premier Fléau.

 

Progressivement, les souvenirs affluaient dans la tête du convalescent. La prophétie et le livre de Gédéon A. Parent, les soldats armés, Cécilia… Quand il pensa à son amie, il chercha à sauter du lit mais chaque muscle de son corps lui rappela qu’il était dans un état lamentable. Et qu’il était attaché au lit.

 

- Aaaah… gémit-il piteusement en se calmant malgré lui.

- Le changement de monde a dû te chambouler, devina Rix en esquissant un sourire. Je pense qu’il s’est passé quelque chose au plus profond de toi. Arlam, va chercher les serviettes.

- Toutes ? s’exclama le spectre.

- Toutes, confirma son chef. Alors qu’Arlam s’éloignait, Rix se tourna vers Thibaut. Tu vas comprendre pourquoi je pense qu’il s’est passé quelque chose en toi. Prépare-toi, ce n’est pas beau à voir…

 

Quelques minutes plus tard, Arlam revint dans la salle, en traînant derrière lui un gros sac de tissu qui avait l’air d’être plutôt lourd. Une fois arrivé devant le lit de Thibaut, il attrapa le sac par le fond et le retourna. Une pluie de serviettes rouges en tomba. Rix en prit une au hasard et la déploya devant le Terrien.

 

- Toutes ces serviettes étaient blanches avant qu’on s’occupe de toi, fit Rix d’un ton parfaitement calme. Heureusement pour toi, la guilde des spectres utilise la technomancie et nous avons pu te stabiliser et te fournir du sang. Arlam, parle-lui de la magie, s’il te plaît.

 

Arlam se racla la gorge et fit un pas en avant.

 

- Mitralée est un monde béni des dieux où la magie a toujours existé. Malheureusement, après le troisième Fléau, que l’on a appelé la crise de Solaris, notre soleil a été détruit par ses habitants, qui portaient le même nom que l’astre : les Solaris. Pendant dix longues années, Mitralée a vécu sans lumière naturelle, et les bougies et les torches brûlaient en permanence dans les rues et dans les foyers. Plusieurs maladies inconnues jusqu’alors se sont développées. Des virus intolérants aux rayons solaires ont pu proliférer. Parmi ces maladies, une ressortit particulièrement : le Souffle de la Liche.

 

Arlam marqua une courte pause en regardant vers le plafond, comme s’il priait.

 

- Le Souffle transformait tous ceux qui pratiquaient la magie en nécromanciens. Si un mage lançait un sort alors qu’il était infecté, il se transformait. Dès lors, tout ce qui avait trait à la magie fut traqué et détruit, banni, tué. Des grimoires brûlèrent par milliers, des édifices entiers furent ravagés et pillés, et les pertes humaines furent beaucoup trop importantes pour être comptées. Tant et si bien que toutes les personnes capables d’apprendre ou d’enseigner la magie étaient soit mortes soit terrifiées… ou bien devenues nécromanciens. Et ce jusqu’à ce que les dieux Héphaïstos et Hélios forgent un nouveau soleil sous les ordres de Zeus, une décennie plus tard. Quand Solaris II brilla dans le ciel, les nécromanciens moururent tous. Ils se retrouvèrent calcinés par le soleil et furent réduits en cendres.

- La Poudre Noire, intervint Rix. Un produit très rare, très cher et… très illégal. Plus encore que nos engins technomanciens.

 

Arlam hocha la tête pour confirmer, en attendant de voir si son supérieur allait ajouter quelque chose. En constatant son silence, il s’apprêta à conclure.

 

- Autrement dit, depuis l’apparition de Solaris II et la mort de tous les nécromanciens… reprit Arlam.

- La mage n’existe plus, acheva Rix. Bien sûr, plusieurs grimoires ont survécu aux autodafés, et certains descendants de mages sont encore en vie aujourd’hui, mais il n’existe plus personne pour enseigner tout ça. Nous avions une déesse de la magie, jadis, mais elle a pour ainsi dire disparu de nos civilisations. Le nom d’Andromède est perdu.

 

Rix se leva et toisa Thibaut du regard en affichant un petit sourire satisfait.

 

- Il était perdu, tout du moins. Tu n’es pas ici par hasard. Je peux pressentir qu’un destin hors du commun t’attend, natif de la Terre.

- Thibaut… se présenta ce dernier. Vous pouvez m’appeler Thibaut.

 

***

 

Duncan se présenta devant les portes du château. Les deux gardes de faction lui ouvrirent immédiatement le passage. Il apprit auprès d’eux que la princesse était arrivée en compagnie des plus éminents membres du Concile une trentaine de minutes plus tôt et qu’elle avait été emmenée se préparer pour sa première soirée au château.

 

- Il paraît que le prince Timéon va venir en personne de Séralite pour rencontrer la princesse… l’informa l’un des deux gardes.

- Le prince Timéon ? C’est sans doute son père qui lui a demandé de venir fouiner chez nous ! s’insurgea Duncan en apprenant la nouvelle. Qu’en disent les membres du Concile ?

 

Pour toute réponse, le garde haussa les épaules en faisant la moue. Pourquoi un simple portier serait-il tenu au courant des rendez-vous des têtes royales de Mitralée ? Duncan non plus ne serait pas informé. On lui demanderait simplement de surveiller la salle du trône et la salle du Concile, guère plus. Il devait obéir, un point c’est tout.

 

- Non, se sermonna-t-il à voix basse. Maintenant que j’ai personnellement sauvé la princesse, je ne serai plus un simple soldat !

 

Il tira ensuite la prophétie maudite qu’il avait récupéré dans l’Ancien Monde de sous sa côte de mailles pour la relire. Chronos l’avait écrite lui-même, avec son propre sang, peu avant sa mort.

 

Par la volonté du puissant Seigneur du Temps,

Pour racheter ce qu'il a payé de son propre sang,

Douze Fléaux s'abattront sur le monde de Mitralée

Et n'auront de cesse qu'une fois le courage prouvé.

 

La foi et la bravoure seront mises à l'épreuve,

Que Mitraléens et Mitraléennes s'en abreuvent.

Ces mots qui décident d'innombrables vies,

Sur la toile du futur sont pour toujours inscrits.

 

Douze Fléaux… L’humanité en avait déjà traversé quatre. Mais à chaque fois, la magie avait aidé les habitants de Mitralée. Et maintenant, elle avait disparu… Est-ce que l’humanité s’en sortirait aussi bien sans elle ? Et surtout, est-ce que Duncan avait accéléré la venue du cinquième Fléau en laissant un adorateur de Chronos venir sur Mitralée ? Il se mordit la lèvre inférieure, soucieux.

 

Lien vers le commentaire
Partager sur d’autres sites

- Toutes vos histoires ont l’air complètement dingues, vous savez ? J’ai toujours un peu de mal à vous croire… Et la couleur de cette robe ne me plaît pas du tout.

 

Théodore, depuis l’autre côté du paravent, dut faire de gros efforts pour ne pas soupirer. Cécilia devina malgré tout son agacement et ne put s’empêcher de pouffer doucement de rire. Cela faisait plus de trente minutes que les robes somptueuses défilaient, en vue du banquet du soir. Elle était rentrée au château depuis près d’une heure, à présent et, même si elle doutait encore, elle avait décidé de se prendre au jeu. Comme pour se donner une meilleure conscience, elle n’arrêtait pas de se répéter que personne ne serait resté de marbre devant le château d’Alestria.

Après le cri du prétendu dragon, Théodore avait tenté de la calmer en lui décrivant sa future résidence. Il prétendait qu’il s’agissait du plus beau château de tout Mitralée. Il avait été construit grâce aux Archimages, deux siècles après la naissance du monde. Ils avaient utilisé toutes leurs ressources magiques et, jour après jour, avaient contribué à le rendre plus majestueux et plus imposant. Quand elle l’avait vu depuis le carrosse, elle n’avait pas trouvé de mots pour le décrire.

Le château était d’une blancheur parfaite, les rayons du soleil le faisaient étinceler de mille feux et ses murs reflétaient la lumière jusqu’aux tréfonds de la basse-ville. Il était si grand et si éblouissant qu’on racontait que même la plus petite ruelle de la ville ne connaissait pas l’obscurité.

Il avait été construit au sommet d’une petite colline, et la cité royale s’était progressivement bâtie à ses pieds. Les architectes avaient pris en compte la façon dont se répercutait la lumière du soleil sur ses murailles pour leurs plans de construction. Chaque artère de la ville devait jouir de la plus grande luminosité possible, et Théodore avait insisté sur le fait qu’Alestria, vue du ciel, ressemblait à un soleil dont le centre était la demeure royale. Toutes les rues suivaient ce principe, s’étirant ainsi en longues lignes droites, comme les rayons de Solaris II.

Même l’intérieur du château était irréel. Les vitres étaient faites de cristal et les lustres de diamant. Des spirales d’or rutilantes entouraient les colonnes de marbre immaculé qui ornaient les couloirs et de grands miroirs recouvraient les murs en de nombreux endroits. De lourds rideaux de velours pourpre encadraient les fenêtres mais n’étaient jamais tirés, l’en avait informé le vieux conseiller.

 

- La cité d’Alestria est appelée la Ville-Lumière depuis des temps immémoriaux. Les premiers souverains ont compris la puissance et la nécessité de la lumière que nous offre Solaris II et celle que nous offrait Solaris avant lui. Et plus encore depuis le quatrième Fléau… avait expliqué Théodore.

 

Il lui avait beaucoup parlé du passé d’Alestria et de son histoire, mais il n’avait pas évoqué plus avant l’histoire des Fléaux. Cécilia ne s’en était d’ailleurs pas préoccupée.

 

Pour l’heure, elle savait qu’un banquet allait être donné en son honneur et que les figures les plus éminentes d’Alestria seraient réunies. On lui avait dit qu’un prince en personne serait là. Il venait de Séralite, la ville la plus riche du Méridion, et même de Mitralée. En entendant cela, elle s’était subitement souvenu de Thibaut.

Elle ne pouvait s’empêcher de se demander si lui aussi avait été enlevé par les chevaliers. Le capitaine, Duncan, était celui qui avait voulu le tuer, sur Terre. Elle avait exigé un entretien avec lui pour lui demander ce qu’il en était exactement, mais Théodore lui avait répondu qu’il n’était pas encore rentré. Le conseiller lui avait certifié que Duncan viendrait cependant présenter son rapport directement auprès d’elle le plus tôt possible.

Mais la chose la plus importante restait de lui trouver des vêtements dignes de son nouveau rang. Et elle s’était retrouvée en sous-vêtements dans sa chambre - qui faisait accessoirement trois fois la taille de l’appartement de ses parents - à essayer des dizaines de tenues royales.

 

- Si cette robe ne vous convient pas, nous vous en proposerons une autre… fit Théodore, sur un ton déconfit en claquant des doigts.

 

Un serviteur lui en apporta une nouvelle. Celle-ci plut à la jeune femme dès qu’elle eut posé les yeux dessus : la couleur de la partie haute rappelait le feuillage des arbres en plein été, et la dentelle de la partie basse faisait penser à un champ fleuri de mille et une couleurs. Comme toutes celles qu’elle avait eu avant, elle avait été pailletée avec de la poussière de métal précieux, de l’or blanc en l’occurrence.

Elle était délicieusement échancrée et laissait deviner une partie de son décolleté sans pour autant être vulgaire. Le dos était nu, autorisant la chevelure de la jeune femme à lui caresser la peau. Le tissu ne l’étouffait pas et épousait au contraire ses courbes à la perfection. Cécilia se regarda dans une glace sous tous les angles, soufflée de se voir aussi belle. Ce qu’elle portait ne ressemblait en rien aux robes de gala qu’elle voyait dans les films ou les séries américaines. Elle avait un petit côté ancien, ce qui renforçait davantage son charme.

 

- Cette robe vous convient-elle, princesse ? demanda Théodore, toujours en exil derrière l’écran de protection.

 

Pour toute réponse, Cécilia se dévoila à lui, prenant soin de ne pas se prendre les pieds dans les plis de sa tenue. Elle était terrifiée à l’idée de déchirer un vêtement aussi magnifique.

 

- Comment vous sentez-vous ? s’enquit le vieil homme en souriant.

- Comme… Comme une princesse, répondit Cécilia d’une petite voix émue.

 

***

 

Thibaut était enfin parvenu à se mettre assis sur le bord de son lit. Rix l’avait finalement détaché, et Arlam avait été envoyé évacuer les serviettes imbibées de sang qui empuantissaient l’atmosphère. En revenant, il portait dans ses bras deux assiettes remplies de viande et de légumes, qu’il posa sur le meuble de nuit de Thibaut. Puis il s’installa au côté de son supérieur sans rien dire.

 

- Tu vas avoir besoin de rapidement récupérer des forces. Nous n’avons fait que limiter les dégâts en te prenant en charge. Tu as perdu énormément de sang, et je pense qu’une personne normale serait morte, confia Rix en regardant Thibaut se jeter sur la nourriture.

¬- C’est sans doute grâce à la magie que vous êtes encore en vie, supposa Arlam, impressionné.

- Je ne peux rien affirmer, mais je pense que c’est la magie qui a précisément failli te tuer, corrigea le chef des spectres.

 

Thibaut avala rapidement ce qu’il avait dans la bouche avant de regarder son hôte d’un air interdit.

 

- En quoi la magie m’aurait tué ? Enfin, si j’ai bien compris ce que vous m’avez expliqué, mon… mon ombre s’est relevée pour empêcher ce type de me décapiter. Dire cela comme ça paraissait ridicule. Le jeune homme avait encore un peu de mal à le croire, mais le visage de Rix ne semblait pas plaisanter.

- D’après mes dernières informations, l’arche de voyage est toujours active. Duncan a placé des hommes pour la surveiller, mais le Concile est trop occupé à préparer la princesse au repas de ce soir et personne n’a pensé à ce qu’il pourrait arriver si d’autres Terriens traversaient le portail, réfléchit Rix à haute voix.

- Les membres du Concile pensaient que le portail disparaîtrait de lui-même après quelques heures, précisa Arlam.

- Mais s’il persiste à fonctionner, ce n’est pas exclu que d’autres personnes le franchissent, renchérit le chef, pensif. Beaucoup d’Alestriens pensent que ton arrivée va provoquer le cinquième Fléau. Et avec l’avènement de la nouvelle reine et donc l’arrivée de délégations d’autres régions du monde, c’est bientôt tout Mitralée qui va vouloir te retrouver pour te tuer, au cas où.

 

Thibaut déglutit. Rix avait véritablement l’air préoccupé. Le jeune homme se demanda si le chef des spectres ne regrettait pas de l’avoir pris sous son aile, au final. Sa simple existence mettait la survie de la guilde en jeu.

 

- Est-ce qu’on peut détruire l’arche ? questionna finalement Rix en se tournant vers Arlam.

- On peut la détruire, mais le faire sans stopper le portail avant pourrait être dangereux, répondit le spectre.

- Je vois…

 

Rix regarda sa montre en se grattant le menton.

 

- 00h57, et le banquet n’a toujours pas commencé… Le problème ne sera même pas étudié par le Concile avant deux ou trois jours.

- J’ai deux ou trois petites questions, se manifesta Thibaut maintenant qu’il était rassasié.

- Tu veux en savoir plus sur les Fléaux ? demanda Rix.

- Non, non, pas du tout. J’ai pas tout compris à propos de ça, mais je crois que j’ai cerné le plus important. Non, ce que je voulais savoir, c’est comment va Cécilia ?

 

Rix sourit en relisant ses notes. Il feuilletait son calepin avec dextérité. Plusieurs spectres avaient défilé dans la chambre depuis le réveil de Thibaut pour dresser des rapports au chef.

 

- Elle est arrivée sur Mitralée deux minutes avant toi. Ces deux minutes ont suffi pour qu’elle se retrouve enfermée dans un carrosse qui l’a emmenée jusqu’au château. Et la réponse à la question que tu voulais vraiment me poser… Non, elle ne sait pas que tu es sur Mitralée.

 

Thibaut voulut se rebiffer alors que ses joues prenaient une teinte rouge lorsque la sonnerie d’un portable retentit. Par réflexe, le jeune homme voulut vérifier le sien, mais ce fut Rix qui décrocha son propre téléphone. Un vieux modèle, ceux en noir et blanc.

 

- Rix, j’écoute. Mh-mh. D’accord. Dans combien de temps ? Très bien. Méfiez-vous quand même du prince, son père doit avoir peur du retour de la princesse. Vérifiez l’identité de chacune des personnes de sa suite, et rappelez-moi si vous trouvez quelque chose de suspect.

 

Puis il raccrocha.

 

- Qu’est-ce que vous avez fait du mien ? demanda Thibaut en regardant Rix dans les yeux.

- Le tien ? répéta ce dernier.

- Bah, mon téléphone. Il est pas dans ma poche.

 

Rix et Arlam se regardèrent, incrédule.

 

- Tu connais la technomancie ? s’enquit le chef en fronçant les sourcils.

- Euh… Non… répondit Thibaut en regardant tour à tour les deux spectres.

- Comment est-ce que tu connais les téléphones, dans ce cas ? s’intéressa Rix.

- Je comprends pas… confessa Thibaut. Presque tout le monde a un portable…

- Pas sur Mitralée, rectifia Rix. Sur Terre, ces appareils sont courants ?

- Bien sûr, je vous dis que tout le monde en a un. Parfois plus. Mais attendez…

 

Le regard du jeune homme se porta sur la montre de Rix.

 

- Les portables et les montres, c’est les bidules technomanciens dont vous me parliez ? Les trucs chers et rares ?

-  On peut se procurer des montres et des téléphones en allant sur Terre ? interrogea Rix sans répondre à Thibaut.

- En théorie, oui. Votre montre doit coûter assez cher mais on peut en trouver un peu partout.

- Arlam, les technomanciens ne venaient pas de l’Ancien Monde, n’est-ce pas ? voulut s’assurer le chef en se tournant vers son subordonné.

- Non, ils sont arrivés ici avec une arche de voyage similaire à celle qu’ils avaient commencé à bâtir ici et que le Concile a achevé pour retrouver la princesse Sombrelune. Mais contrairement à Thibaut, les technomanciens sont arrivés ici de leur plein gré, et ils ne doivent rien au hasard ou à une autre civilisation. De plus, leurs vêtements étaient différents. Mais il est probable que des inventions terriennes ressemblent à celles des technomanciens. Peut-être que l’évolution des deux mondes est similaire et que … s’enflamma Arlam, passionné par ce qu’il racontait.

 

Rix leva la main pour le stopper.

 

- Je t’ai déjà dit que tu n’étais pas autorisé à donner ton avis sans qu’un supérieur te le demande, le stoppa-t-il d’un ton sec.

 

Arlam baissa la tête en s’excusant.

 

- Enlève ta montre, ordonna ensuite le chef.

- Je… hésita le spectre en regardant Rix d’un air terrorisé. Devant le regard implacable que son supérieur lui adressait, il abaissa la tête. T… Très bien, déglutit-il en obéissant finalement.

 

C’était une montre d’enfant, aux yeux de Thibaut. Rix la posa néanmoins avec précaution sur la table de chevet et interdit à tout le monde de quitter la chambre. Ordre inutile puisque Thibaut n’avait aucunement envie de bouger et qu’Arlam semblait amorphe, gardant la tête baissée, visiblement inquiet. Rix revint au bout de quelques minutes. Il se mit devant Arlam.

 

- Donne-moi ta main, spectre, intima-t-il avec toujours autant de fermeté.

 

Arlam s’exécuta, la main tremblant de frayeur. Une montre aux reflets cuivrés tomba au creux de sa paume. Le spectre la regarda en bredouillant des choses incompréhensibles.

 

- Une… Une montre en bronze… souffla-t-il, médusé.

- Félicitations. Grâce à ton dynamisme et aux initiatives que tu as su prendre, ainsi qu’aux bons conseils que tu m’as prodigué et aux différentes missions que tu as rempli avec succès, tu es désormais chef d’escouade, annonça Rix. Puis il se tourna vers Thibaut et lui donna son téléphone ainsi qu’une montre en plastique, identique à l’ancienne d’Arlam. Voilà ton téléphone et ton entrée officielle au sein de la guilde. Vérifie s’il fonctionne, ordonna-t-il en désignant le portable de Thibaut.

- Quoi ? Eh, une seconde, je veux pas rejoindre une guilde de tueurs ! s’alarma Thibaut en s’éloignant de la montre de plastique.

- Tu n’as pas le choix. Si tu ne nous rejoins pas, tu vas finir par te faire tuer par la garde royale, ou par quelqu’un d’autre. Tu ne sais rien de notre monde et tu ne pourras jamais survivre dehors dans ton état actuel. Même en pleine forme, tu mourrais en quelques minutes dans cette forêt. Les crocs-venins te tueraient sur le champ, l’interrompit Rix.

 

Son expression faisait peur, comme toujours. Thibaut n’avait aucune idée de ce qu’était un croc-venin, et il ne voulait pas le savoir. Contraint, il prit la montre et son téléphone. Il n’avait pas de réseau.

 

- Alors ? Est-ce que tu peux contacter quelqu’un sur Terre ?

- Non, j’ai pas de réseau…

- De combien d’heures d’autonomie ton téléphone dispose-t-il ?

- Pas beaucoup, la batterie est presque vide.

- Est-ce que tu peux la remplir ?

- Sans mon chargeur, j’aurai dû mal… Et il faut que je trouve où le brancher.

- Est-ce qu’un générateur technomancien ferait l’affaire ?

- Aucune idée. Je sais pas à quoi ça ressemble ni à quoi ça sert.

- Arlam, emmène le téléphone de ta nouvelle recrue chez les ingénieurs. Ils travailleront dessus pour qu’il soit utilisable ici.

- Oui, chef !

 

Et Arlam s’éclipsa en toute hâte avec le téléphone de Thibaut dans les mains.

 

- Vos ingénieurs vont pouvoir me trouver du réseau et un chargeur ? ironisa le jeune homme, qui n’y croyait pas.

- La guilde des spectres est l’organisation qui utilise le plus de technomancie au monde, à l’exception de la ville de First Bridge. Même les plus grands royaumes de Mitralée n’utilisent qu’un huitième de ce que nous utilisons quotidiennement. Toutes les inventions technomanciennes sont réalisables grâce à des plans ou des croquis que les technomanciens ont abandonné avant de quitter Mitralée à la fin de la guerre anachronique. Par exemple, nos montres nous permettent de noter avec précision tous les événements qui se produisent à la surface de notre monde. Elles sont aussi utilisées comme un système de hiérarchisation au sein de la guilde. La mienne, en platine, certifie que j’en suis le chef actuel. Elle sera transmise à mon successeur quand j’en aurai choisi un. Quant aux téléphones…

 

Rix s’interrompit. Il semblait se souvenir de quelque chose.

 

- Ton téléphone semble différent des nôtres, dit-il subitement.

- Ah, oui, normal. C’est pas vraiment un téléphone, c’est un smartphone, répondit Thibaut.

- Un smartphone ? Qu’est-ce que c’est ?

- Pour faire simple, c’est un téléphone qui prend des photos, des vidéos, qui permet de se connecter à Internet… expliqua Thibaut.

- Des photos et des vidéos… J’ai entendu parler d’un objet technomancien appelé « caméra » qui permettait de faire ça. Mais les plans et les seules caméras existantes sur Mitralée sont à First Bridge. Impossible d’en construire nous-mêmes, grogna Rix. Et Internet ? Qu’est-ce que c’est ? Je n’en ai jamais entendu parler.

- C’est un peu complexe à expliquer. Je vous raconterai tout plus tard, quand vous aurez fini, assura Thibaut. Vous étiez en train de me parler de vos téléphones.

 

Rix le regarda quelques secondes sans rien dire puis hocha la tête.

 

- Très bien, comme tu voudras. Je disais que nos téléphones ne sont accessibles qu’aux éléments les plus prometteurs de la guilde et sont utilisés pour relayer très rapidement des informations de haute importance. Les spectres qui surveillent les têtes couronnées de Mitralée en possèdent un, avec la possibilité de l’alimenter à l’aide de générateurs miniaturisés. Les téléphones sont reliés entre eux grâce à un réseau fourni par un satellite que mon prédécesseur a fait construire. Au prix de nombreuses vies, il est parvenu à voler un plan technomancien aux autorités de First Bridge. L’envoyer dans l’espace a été terriblement difficile, et de nombreux autres spectres ont également perdu la vie dans cette opération. Mais j’ai l’impression de t’en avoir déjà trop dit. C’est à ton tour de me donner des informations.

 

Thibaut soupira doucement.

 

- Ça va être long… Alors, on va commencer par Internet...

 

Lien vers le commentaire
Partager sur d’autres sites

C'est une très bonne suite !

 

Il y a beaucoup d'informations à se mettre en tête et retenir. Ton univers semble bien riche et cohérent, de plus les histoires sur les différents fléaux ayant touchés ce monde apporte plus de richesse.

 

En plus les fléaux viennent de Chronos lui même, mais il semble pas être un type méchant cet ancien Dieu.

 

Tu fais allusion à un Kel m'a, je suppose qu'on le verra par la suite !

 

Du côté des amoureux les deux semblent bien s'intégrer petit à petit chacun.

 

Thibault semble hors du commun avec sa magie, j'ai hâte de le voir à l'oeuvre et les Spectres cette organisation est vraiment mystérieuse avec leur technologie du monde de la terre, peut-être il y a plus de 10 ans.

 

Bref j'attends la suite !

Lien vers le commentaire
Partager sur d’autres sites

Kyojin :

 

C'est une très bonne suite !

 

Il y a beaucoup d'informations à se mettre en tête et retenir. Ton univers semble bien riche et cohérent, de plus les histoires sur les différents fléaux ayant touchés ce monde apporte plus de richesse.

 

Merci de ton soutien ! J'ai pas mal planché sur l'histoire du monde, en effet, et j'ai incorporé de nombreux petits détails, des légendes propres à l'univers, des coutumes relatives aux différentes villes, bref, j'ai essayé de faire ça de manière suffisamment complète tout en essayant de garder un côté assez simple pour ne pas noyer le lecteur dans trop de détails !

 

En plus les fléaux viennent de Chronos lui même, mais il semble pas être un type méchant cet ancien Dieu.

 

Il est de toute façon mort :P mais vous en apprendrez plus sur les dieux, faites moi confiance ^^

 

Tu fais allusion à un Kel m'a, je suppose qu'on le verra par la suite !

 

Moi par contre, je ne sais pas à quoi ou à qui tu fais allusion ? "Kel m'a" ? xD Soit j'ai mal écrit quelque chose mais je ne vois pas, soit tu as bafouillé avec tes doigts :P

 

Du côté des amoureux les deux semblent bien s'intégrer petit à petit chacun.

 

Ton "petit à petit" me fait plaisir, j'avais essayé d'intégrer une notion de gradualité dans leur intégration, je ne voulais pas qu'ils passent de parfaits inconnus à vétérans mitraléens d'un coup d'un seul.

 

Thibault semble hors du commun avec sa magie, j'ai hâte de le voir à l'oeuvre et les Spectres cette organisation est vraiment mystérieuse avec leur technologie du monde de la terre, peut-être il y a plus de 10 ans.

 

C'est pour ça que j'avais conseillé de prendre un papier, pour noter les différentes dates relatives à l'univers :P J'ai déjà donné plusieurs indications pour que vous vous y retrouviez, mais d'autres dates/périodes vont arriver d'ici le troisième chapitre, ce qui va encore alourdir certaines choses ! Je pense qu'Arlam va beaucoup te plaire ^^

 

Bref j'attends la suite !

 

Merci encore, en tout cas !

 

 

Lien vers le commentaire
Partager sur d’autres sites

Join the conversation

You can post now and register later. If you have an account, sign in now to post with your account.

Invité
Répondre à ce sujet…

×   Collé en tant que texte enrichi.   Coller en tant que texte brut à la place

  Seulement 75 émoticônes maximum sont autorisées.

×   Votre lien a été automatiquement intégré.   Afficher plutôt comme un lien

×   Votre contenu précédent a été rétabli.   Vider l’éditeur

×   Vous ne pouvez pas directement coller des images. Envoyez-les depuis votre ordinateur ou insérez-les depuis une URL.

 Share

×
×
  • Créer...