Au_rayon_mangas Posted October 13, 2016 Share Posted October 13, 2016 L'Homme sans talent est un manga en un volume de Yoshiharu Tsuge publié au Japon entre 1985 et 1986. En France il fut publié en 2004 par Ego comme X. Nous allons suivre le quotidien d'un ancien dessinateur de mangas qui, par orgueil mal placé, refuse de dessiner des mangas de commande. Et alors qu'il était assez talentueux il ne trouvera donc plus aucun travail dans le milieu. À tel point que cela entraînera sa famille composée de sa femme et de son jeune fils dans une misère extrême. Et au lieu d'admettre son erreur et donc de chercher un travail alternatif, il ira de lubie en lubie et idée idiote en entreprise infructueuse, ce qui ne fera qu'empirer leur situation. Par exemple il se mettra en tête de devenir vendeur de cailloux. Il est persuadé qu'il peut trouver des roches rares et se fabriquent un étal de fortune au bord de la route dans l'espoir de les vendre. Ou encore se lancera-t-il dans la réparation de vieux appareils photo que personne ne veut acheter. Et au lecteur d'assister donc aux suppliques de sa femme pour qu'il cesse avec ses idées excentriques, mais lui ne semble pas vouloir en démordre. Ce manga prend le contre-pied de nombreuses oeuvres du genre. En effet, loin de nous proposer un héros, ou encore tout simplement un protagoniste sympathique auquel le lecteur pourrait aisément s'identifier, ici le personnage principal sera relativement antipathique voire stupide et égoïste. Cette oeuvre décidément très originale et inhabituelle nous propose donc de suivre un excentrique qui lui-même croisera le chemin d'autres individus de son espèce. Le manga n'est pas pour autant dénué d'un certain humour, surtout dans la représentation de la malchance qui s'abat sur notre protagoniste. On peut également trouver assez amusant le fait qu'il s'entête dans ses entreprises plus infructueuses les unes que les autres. Pour montrer l'impact négatif que notre personnage a sur sa famille, l'auteur a su utiliser quelques idées intéressantes. Par exemple pendant une longue partie du manga, nous ne verrons jamais le visage de sa femme. Elle sera toujours tournée pour ne pas montrer son faciès ou encore plongée dans l'obscurité. Il faudra attendre presque la moitié du livre pour enfin la découvrir de face. Également, le jeune fils est dépeint comme étant pleurnichard avec ce que l'on pourrait qualifier de tête de victime. Mais paradoxalement il se révèle être beaucoup plus responsable que son père et semble à certains moments peut-être déjà plus intelligent. Enfin, au-delà de ces personnages, l'auteur décrit et montre au travers des pages une certaine image d'un Japon en pleine mutation sociale et économique. Les personnages excentriques qui y sont présents tels qu'un vendeur d'oiseaux ou un collectionneur de pierres semblent échouer dans leur vie professionnelle et sociale parce qu'ils s'accrochent à des valeurs d'un Japon révolu. Ils veulent rester ancrés dans une certaine manière de vivre qui n'est plus compatible avec la modernité. On pourrait peut-être voir notre protagoniste comme étant en fait assez courageux, puisqu'il décide de s'impliquer corps et âme dans ses tentatives de gagner de l'argent, si ce n'était le fait qu'il ne semble pas prendre en compte les conditions de vie misérables qu'il impose à sa famille. En conclusion, ce manga aurait pu très bien s'intituler l'homme égoïste ou encore l'excentrique. Ce sera au lecteur de choisir s'il peut trouver ce conte amusant du fait des échecs successifs de cet homme sans talent ou plutôt s'il doit s'apitoyer sur le sort de cette famille. Cette oeuvre nous offre une représentation rare du ridicule et de l'entêtement jusqu'au-boutiste. Une lecture des plus fascinantes qui saura laisser sa marque, à n'en pas douter. Edit de goon : pas de liens vers les chaines Youtube (Cf la Charte). Dernier avertissement. Quote Link to comment Share on other sites More sharing options...
Andrea Posted October 19, 2016 Share Posted October 19, 2016 C'est un roman graphique à lire absolument. Aussi bon que du gekiga, mais dans un courant dont Yoshiharu Tsuge est l'instigateur, le Watakushi manga (le manga du moi, l'autofiction). Merci de l'avoir présenté. D'autant que Ego comme X (qui porte bien son nom) a fait un magnifique travail de postface. Et qu'au pire, le lire n'est pas un souci, car on le trouve dans toute bonne médiathèque digne de ce nom. Il y a tellement d'essais au Japon sur le travail de Tsuge, et ses apports dans que je suis vraiment étonnée de ne pas le voir publié davantage chez nous (Système Vissé, par exemple, mériterait vraiment une édition ! ) Je suis assez fascinée par l'auteur qu'est Tsuge, qui bien avant avant de finir sa carrière chez Comic Baku, était un des piliers de la revue Garô, non moins fascinante (et libertaire) dans le contexte japonais de publication de l'époque. C''est l'histoire d'une vie dans les marges, une sorte de revendication à la non rentabilité, la non efficacité. Accompagnée en creux d'une critique de ce que devient la société "des hommes pressés" et à quel point elle est parfois risible. Quote Link to comment Share on other sites More sharing options...
Recommended Posts
Join the conversation
You can post now and register later. If you have an account, sign in now to post with your account.