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Monasaka - Le Demon au parfum de Lys


Alestan
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MONA SAKA

LE DEMON AU PARFUM DE LYS

 

Lumières innombrables au sein de l'ombre,

Promesse d'une Nuit, doucement se dévoilent,

Vibrent et scintillent au sommet du monde,

L'élève, le maître, et les étoiles.

 

 

PROLOGUE

 

 

 

Les Anciens parlaient d'une île aussi vaste qu'un continent, perdu dans la brume, au milieu du grand océan. Les Anciens étaient pour la plupart séniles, enfermé dans un hospice, et ne cessaient de se plaindre avant leur dernier soupir. Par conséquent, peu de gens les écoutaient parler. Seul quelques rares élus, et une poignée d'infirmières, savaient que le destin du Monde se joua sur cette île-continent, qu'ils nommaient Alesta. Aussi, si vous croisez l'un de ces vieux fous et que vous lui demandez de vous parler de la Mona Saga, voilà ce qu'il vous répondra :

- Comment ?

En effet, l'Ancien est un peu sourd. Il vous demandera de répéter plusieurs fois. Mais une fois qu'il aura comprit, il vous dira quelque chose dans ce style là :

 

Il y a bien longtemps, Sept Sages enseignèrent à l'Homme la Science, l'Art, et les Techniques. En échange, les Hommes devaient oeuvrer des siècles durant, afin d'ériger deux monuments en l'honneur de leurs maîtres. Avec la Science, l'Art et les Techniques, ils élevèrent deux immenses Portes.  L'une à l'Est, et l'autre à l'Ouest du Monde. Une fois le labeur achevé, les Sages réunirent un cortège sans précédent pour célébrer la grandeur des deux monuments. Ils marchèrent avec leurs fidèles jusqu'à la Porte de l'Est, et l'ouvrant aux yeux de tous, innondèrent le Monde de lumière. Lorsque les Hommes eurent comprit que les Sages les abandonnaient, nombreux furent ceux qui sombrèrent dans la tristesse. Les Sages, après avoir sécher leurs larmes, prodiguèrent un dernier conseil :

« Nous reviendront à la fin de ce Cycle d'Or, dans six millénaires. Alors viendra le Fer, puis l'Argent. Si nos trois dons se seront révélé être une bénédiction, nous arriverons par la Porte du Levant, et trois autres enseignements vous seront accordé. Seulement, si votre peuple ne se montre pas à la hauteur de nos attentes, celle du Couchant s'ouvrira, et vous devrez répondre de vos actes face au Châtiment des Justes. »

Les fidèles demandèrent alors ce que cachait la Porte de l'Ouest, mais les Sages avaient déjà disparu dans la lumière, laissant le Monde aux mains des Hommes. Six mille ans s'écoulèrent, au cours desquels nos ancêtres usèrent de la Science et des Techniques pour étendrent leur Empire, amassant des richesses comme jamais l'Humanité n'en avait contemplé. Ils soumirent des peuples entiers, anéantissant ceux qui leur résistaient. Ils se créèrent des outils, puis des armes, et finirent par plonger le monde dans la guerre.

La Nuit du dernier jour de la six millième année, quelques rares fidèles attendaient le retour des Sept Sages à la Porte du Levant. Mais sans surprise, cette dernière demeura fermée. A l'Ouest du Monde la terre trembla et se fissura, engloutissant des pays entiers dans les flammes de ses entrailles. Les océans se déchaînèrent à l'ouverture de la Porte du Couchant, et des ténèbres innondèrent les Sept Continents pour le purifier des Hommes corrompus. Cette besogne fut confiée aux Soixante Douze, les Anges Maudits ; ceux que l'ont nommaient avec crainte et désespoir : Les Dëhemos.

Les Justes furent durement châtiés, et cela aurait put être la fin du Monde tel que nous le connaissons. Si ce n'est que l'un des Sages, autrefois appelé Monasaka par les fidèles, le plus craint et solitaire des Sept, franchit la Porte de l'Est contre toute attente. Il était le seul à vouloir donner une deuxième chance à l'Humanité, et bien que son intervention le bannit à jamais du Royaume Céleste, Mona fit face aux ténèbres des Soixantes-douze, sauvant les Hommes de leur Châtiment. Ses cheveux étaient d'argent, et ses yeux aussi pâle et envoûtant que la Lune.

Il méprisait la Science et n'avait cure des Techniques. Mais le don de l'Art l'avait à jamais changé, car de tous, ce fut le seul que les Hommes maîtrisèrent à sa juste valeur. Monasaka sacrifia sa divinité pour stopper les Soixante Douze. Il usa de leur immense pouvoir pour sceller la Porte du Couchant, la verouillant par une clef magique, dont il était le seul Gardien. Puis Mona, le Sage de la Lune, disparut. Il laissa le Monde aux mains des Hommes, et l'on raconte qu'il se cacha parmis eux, veillant sur sa Clef jusqu'au jour où de nouveaux, les péchés de nos semblables éveillent un Mal que l'on ne préfère pas nommer.

 

Puis l'Ancien fera une pause, durant laquelle il oubliera votre visage et votre nom, bien qu'il subiste en lui des mystères insondables, et des connaissances qu'aucune bibliothèque ne saura jamais vous renseigner. Cependant, il aura oublié de vous dire que trois mille ans s'écoulèrent, et malgré la compassion de Monasaka, la Porte de l'Ouest, à nouveau, appliqua le Châtiment des Justes. Aucun fidèle n'attendait cette fois-ci du côté du Levant. Et bien que l'Art, la Science, et les Techniques avaient atteint des sommets inégalés, le Mal qui envahit le Monde ne cessa jamais plus de se déverser.

Le Cycle du Fer s'est achevé dans les larmes et le sang.

Bienvenue dans l'Ere d'Argent.

 

 

CHAPITRE UN : L'ELIADE

 

 

Il y a des gens qui, sans le savoir, cherche toujours à retrouver ceux qu'ils ont perdu. Et il y en a d'autres qui, même en connaissance de cause, perdent ceux qu'ils ont toujours recherché. Finalement, il reste ceux qui n'ont pas conscience d'avoir déjà trouvé ce qu'ils cherchaient... Et les singes.

Dernier mot d'un condamné à mort.

 

 

 

1.0 – EN DESSOUS, DANS LES NUAGES

 

 

Les rideaux était tirés, plongeant la pièce dans une douce obscurité. Un jeune homme, installé face à son bureau de bois, des cheveux bruns et décoiffés cachant son regard, tenait entre ses doigts un médaillon en forme de pentacle, sertie en son centre par un curieux cristal. Il portait une chemise bleue sous sa veste blanche, cette dernière couvrant en partie un sarouel noir, retenu par une ceinture qui pendait négligemment sur sa jambe. Il semblait perdu dans ses pensées. Passant l'index sur la pierre, le jeune homme déclencha un mince faisceau de lumière, qui indiqua un point sur le plafond, légèrement en diagonale de sa position.

- Juste au-dessus.

Il prononçait cette phrase depuis deux jours maintenant, jouant avec le médaillon des heures entières en réfléchissant à la bonne décision. Car la direction indiqué par ce précieux objet impliquait forcément un choix. Et il n'avait aucune idée de ce qu'il l'attendait au bout du chemin. Des coups frappés à la porte le firent sursauté, une voix grave et rauque résonnant de l'autre coté.

- L'équipage est réunit cap'taine !

- Parfait Sid ! J'arrive !

La lumière s'évanouit lorsque son doigt effleura à nouveau le cristal, puis Almak passa la chaîne autour de son cou, pour dissimuler le pendentif sous sa chemise. Il passa une main dans ses cheveux, dévoilant des yeux gris et aiguisés, puis se dirigea vers la porte, pour découvrir le pont de son navire d'emprunt, qu'il avait baptisé pour l'occasion...

- L'Tornado est prêt à franchir la couverture des nuages Cap'taine. L'informa Sid.

Almak adressa un bref signe de tête à son second, dont le visage décharné et l'oreille à moitié dévorée le faisait ressembler à un pirate complètement dégénéré.  On pouvait entendre le vent siffler dans les interstices du bois vernis. D'innombrables goutelettes scintillaient sur sa peau et les voiles des deux mâts du navire, gonflées à cinq mille pieds d'altitude. Les six hélices latérales et la principale l'arrière tournaient à régime réduit. Ils voguaient à l'intérieur nuages, traversant ces immenses montagnes de cotons humide pour dissimuler leur présence. Almak suivit Sid jusqu'au milieu du pont, où une vingtaine d'hommes était rassemblé, pour la plupart voleur ou bandit. Un nouveau choix s'imposait au Capitaine : Dire la vérité et avouer qu'il n'avait aucune idée de sur quoi ils allaient tomber, ou bien parler pour ne rien dire. Sa décision ne se fit pas attendre, prenant place face à l'équipage, pour s'exprimer sur un ton théâtral.

- Les amis... Le moment que nous attendions tous est enfin venu. La récompense de notre périple sera bientôt à portée de canon ! Chacun d'entre vous m'a permis d'avancer et affronter l'avenir le sourire aux lèvres. Sans vous, rien de tout cela n'aurait été possible. Emprunter un chemin seul est moins amusant qu'à plusieurs. A présent, plus que d'être fier d'avoir accomplit notre quête avec succès, je suis à la fois reconnaissant, et honoré de pouvoir me tenir à vos côtés.

Des acclamations sauvages retentirent. Le discours avait provoqué la liesse de son maigre équipage. Se retournant, Almak inspira une grande bouffée d'air en empoignant le bastingage du Perce Nuage, que les experts en la matière nommaient Vandread.

- C'était un beau discours Cap'taine. Le félicita Sid. Mais si vous voulez mon avis, v'là une semaine qu'nous naviguons sans connaître not' destination.

Le silence s'abattit sur l'assemblée, et Almak sût parfaitement où son second voulait en venir. En effet, ce dernier souleva le problème majeur de leur expédition.

- Vous êtes sûr d'savoir c'que vous faîtes ? L'équipage commence à s'poser des questions vous savez ?

Des murmures s'élevèrent. Almak scrutait les nuages, évitant de croiser les regards de ses hommes. Il y avait plusieurs raisons à cela. Pour commencer, il les avait recruter  sur une promesse d'or qu'il ne possédait pas. Ensuite, le navire ne lui appartenait pas. Pour finir, il n'avait aucune connaissance en navigation de Vandread. Sans compter qu'il avait oublié son sabre dans le château-arrière du navire. Il ne lui restait plus que les mots.

- Est-ce que partir à l'aventure nécessite une raison ? Tenta Almak. Le butin n'est pas la seule raison qui pousse le chasseur de trésors à quitter son chaleureux foyer.

Les autres ne prononçaient pas un mot. Il devait encore les convaincre juste assez longtemps pour atteindre la destination du médaillon.

- Partir... N'est rien de plus qu'un moyen de s'évader.

Au lieu des applaudissements auxquelles il s'attendait, Almak perçut le son familier de plusieurs sabres brandit dans sa direction. Il ne prit pas la peine de se retourner pour comprendre que certains venaient également de le mettre en joue avec un pistolet. Une bourrasque gonffla sa veste, la lueur de ses yeux avaient imperceptiblement changé.

- Depuis combien de temps tu préparais ton coup, Sid ?

- A l'instant où tu nous as r'cruté Cap'taine. Siffla la voix familière. Tu n'as pas comprit ? Tous ces gars... Travaillent pour moi.

Almak fit face à son second, comprenant qu'il s'était fait avoir. Il aurait aimé les manipuler jusqu'au bout sans employer la force.

- Tu n'as pas fais le bon choix Sid. Je ne sais pas ce qui nous attend là-haut.

- Tu crois que j't'ai pas vu tripoter ton bijou ?

La situation devenait dangereuse. Almak était encerclé. Il analysa rapidement les membres de l'équipage pour trouver la meilleure ouverture, cherchant un moyen de gagner du temps.

- Tout les hommes se tripotent les bijoux, c'est dans leur nature. Enchérit-il.

- Ne t'en fais pas... J'veux que tu nous r'gardes piller ton trésors avant d'te tuer.

- Tu changes de sujet ? Tu deviens timide dès qu'on parle de tes bijoux ? Qu'est-ce-qu'il se passe Sid ? Tu n'as plus de...

Un objet lourd en bois percuta violement le crâne d'Almak, l'interrompant pour l'envoyer s'écraser lourdement sur le sol. Un filet de sang émergea de son front pour dévaler la crête de son nez, puis sa conscience s'évanouit.

- Attachez-le ! Brailla Sid. Prévenez-moi quand il sera réveillé !

Alors que deux balourds traînaient Almak jusqu'à son propre bureau, sous le tillac du Tornado, son second porta son regard vers le ciel, contemplant les nuages supérieurs sans discerner au travers le gigantesque bâtiment volant qui les surplombait. Ses deux dirigeables, qui soupesait la structure d'un formidable galion, étaient aussi grand que le Tornado qui, face à un arsenal composé d'une cinquantaine de caronades et de seize canons de quatre, risquait fortement de finir son vol dans une tempête de débris incandescant. A la tête de ce navire de guerre, qui se trouvait être la destination mystérieuse du médaillon, était un homme craint et respecté de tous dans le monde stricte des Vanders, les marins du ciel.

 

 

1.1 – AU-DESSUS, SOUS LE CIEL

 

 

Debout derrière la figure de proue de son navire, un cygne taillé dans l'ébène, Le Capitaine Klein Alphea scrutait l'horizon appuyé au mât de beaupré de son Vandread de guerre, qu'il avait baptisé Eliade. Sa longue cape noire et déchirée flottait dans son dos au rythme des bourrasques, l'homme scrutait l'océan de nuages blancs qui se perdait dans l'horizon. Il était doté d'une forte stature ainsi que d'une moustache si épaisse et broussailleuse qu'elle aurait pu être sujette aux moqueries. Cependant, aucun membre de l'équipage n'était assez fou pour oser rire de cet ornement. Et si un petit malin se faisait prendre en train de se moquer du Capitaine, ce dernier ordonnait qu'on le pende par un pied deux jours et deux nuits, à six mille pieds du sol.

Cela faisait maintenant cinq jours que l'Eliade parcourait le ciel, et sa destination n'était plus qu'à une journée de vol. La veille, un orage avait considérablement ralentit son allure, au grand déplaisir du capitaine Alphea, qui ne pouvait concevoir un dépassement des délais de livraison. Après tout, il avait une réputation à défendre. Mais surtout, plus que n'importe quelle autre raison, son client était un homme à la fois extrêmement influent et effrayant. Décevoir ce genre de personne relevait du suicide. Sa carrière en prendrait un coup. Ses supérieurs de la flotte d'Albieros avait insister pour qu'il escorte un précieux chargement. Ce n'était pas dans ses habitudes d'accepter une mission aussi banale, jusqu'à ce qu'on refuse de lui renseigner ce qu'il devait transporter et protéger. Sa curiosité l'avait emporté. Personne, hormis une femme qu'il devait se coltiner depuis leur départ, avait connaissance de la cargaison. Il arrivait à Klein de s'interroger sur la nature de cette dernière. Son invitée l'avait gentiment rembarée lorsqu'il lui posa la question.  Il sortit un énorme cigare de son sarouel, s'apprêtant à l'allumer lorsqu'une voix bagayante et imbibée de crainte l'arracha à ses pensées.

- C-Capitaine. Madame Be-B-Becket souhaite s'-s'entretenir avec vous m-mon ca-capitaine.

Klein baissa les yeux, dévisageant le jeune matelot roux en redingotte noir de ses yeux bleus et pénétrants. Il inspira profondément, remuant son impressionnante moustache.

- Souhaite s'entretenir... Grinça-t-il. Me convoquer sur mon propre navire ? Finit-il par exploser. C'est elle qui donne les ordres maintenant ? Et toi tu lui obéï gentiment ? Tu veux finir comme Carlim et passé le reste du voyage pendu au bastingage ?

- N-n-n... N-non mon capitaine. J-Je... Je p-pensais juste...

- Apprenez à terminer vos phrases pauvre idiot ! Et hors de ma vue ! Cracha Klein.

Le marin s'executa aussitôt, s'éloignant avec une rapiditée déconcertante. Le capitaine était conscient d'inspirer la peur à son équipage, mais c'était ça façon de se faire respecter. Il avait toujours procédé ainsi. Sans cela, sa réputation du Cygne Noir  des Vandread n'aurait pas été aussi solide, il en était certain. Seulement, cette femme ne semblait pas éprouver la moindre crainte à son égard. Pire, elle avait du répondant, cette Krystal Becket.

 

 

 

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Très bon prologue !

 

L'histoire sur le sage et les mystérieuses portes donne vraiment envie de lire la suite, ça annonce vraiment du bon côté scénario !

A travers les premiers chapitres on découvre les personnages qui feront partis de ce monde.

Almak est charismatique et à un côté mystérieux avec son médaillon mais tout ne se passe bien pour lui :-X. On découvre le capitaine Klein lui aussi charismatique je sens qu'il sera mêlé à une quête qui le dépasser.

 

Niveau dialogue et description j'ai rien à dire ça se lit facilement !

 

J'attends la suite c'est vraiment prenant pour un début !

 

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1.2 – L'OEUF

 

Le salon du quartier des officiers de l'Eliade avait été transformé en laboratoire pour la durée du voyage, au grand déplaisir de Klein. Après avoir hurler des ordres aux membres de l'équipage qui se trouvait sur son chemin, il détaillait désormais sa salle préférée avec une expression méprisante, regrettant que le luxueux mobilier ait été remplacé par un arsenal de bricoles alchimiques, dont il ne comprenait absolument pas le fonctionnement. L'endroit était plongée dans une étrange lueur rougeoyante, qui éveillait un sentiment inexplicable chez le capitaine. Il se sentait, malgré lui et sans raison apparente, mal à l'aise. Passant devant des tables décorées de fioles multicolore, frémissantes parfois sous une flamme chatouilleuse, Klein se dirigeait vers la source de lumière. Il réalisa qu'il n'avait encore jamais pénétré ce lieu depuis l'embarquement. A vrai dire, depuis leur dernière dispute, il faisait tout pour éviter de croiser cette Becket. Le capitaine repensa à sa cargaison, alors que les fioles laissaient place à des piles de parchemins et d'autres feuillets garnis de notes et de formules sans queue ni tête. Pourquoi son client avait interdit de jeter un œil à ce qu'il tenait tant à expédier. « Il s'agit d'un trésor inestimable de la Confrérie. » lui avait-il expliqué, avant de rajouter qu'« un retard de livraison ou la moindre fuite sera considérée comme une trahison et sévèrement puni. »

La Confrérie. Rien que ce nom avait suffit à Klein pour s'incliner sans broncher. Une mystérieuse organisation, oeuvrant dans l'ombre et le secret. Le fruit d'une alliance entre les Cinq Royaumes d'Alesta, formée il y a bien longtemps pour « préserver le monde ». De quoi exactement ? Klein ne préférait même pas y penser. Les tables laissèrent place à de grosses cuves métalliques, et il faillit trébucher sur des cables traversant le sol, ces derniers reliés aux réservoirs légèrement cuivré. Le capitaine avait soudain très chaud. Où se trouvait cette stupide femme ? Klein aurait hurler son nom s'il ne se sentait pas aussi... Epuisé. Il s'essuya le front en approchant du fond de la salle, là où, derrière un grand rideau de velour, reposait autrefois son bain à remoue. Poussant le voile qui protégeait son intimité, Klein se trouva face à la source de cette envoûtante et chatoyante lumière. Clignant plusieurs fois des yeux pour s'habituer à cette nouvelle clarté, il esquissa un pas en arrière en recouvrant sa vision.

Devant lui, dans son bain demi-creux, se trouvait un œuf translucide, emplit d'un liquide écarlate. Des tuyaux partant des cuves étaient connectés à la structure en verre, créant un léger courant dans le fluide luminescent. Fronçant des sourcils et suant à grosse goutte, Klein éprouva une vive curiosité concernant l'oeuf. S'approchant avec prudence, un haut le cœur le força brusquement à placer une main sur sa bouche. Il crût un instant perdre conscience et s'appuya sur la surface du récipient, agréablement tiède. « Mais où se cache cette stupide femme... » Pensa-t-il lorsque l'intensité de la lumière changea subitement pour plonger les lieux dans une totale obscurité. Klein s'apprêta à jurer, mais son instinct le poussa au silence. Il se tourna lentement, et prit une grande inspiration, ses muscles se crispant en découvrant ce que renfermait la structure.

- Ecartez-vous d'elle. L'avertit une voix suave et langoureuse.

Klein se braqua aussitôt, oubliant un instant la surprise de sa découverte et l'atmosphère étouffante des lieux. Malgré ses efforts, il ne parvenait pas à discerner de silouhette dans l'obscurité.

- Montrez-vous immédiatement Becket ! Ordonna-t-il.

- Retirer votre bras.

Klein s'executa, et la lumière se rétablit à la seconde où il rompit le contact avec l'oeuf. Il aperçu brièvement une main avant que le liquide ne retrouve son aspect rouge et impénétrable. Les mots lui manquèrent.

- Ne prenez pas cet air ahurit. Le réprimanda Kristal Becket, surgissant de nulle part. Ce liquide est de l'Essence d'Anima. Il brille dans l'obscurité et prend la substance de l'eau à la lumière.

- Quelle était cette chose ? Gronda Klein, passant une main sur son front tandis que son interlocutrice s'approchait de l'oeuf.

- Vous ne savez vraissemblablement pas à quoi ressemble le corps d'une femme.

- Je ne vous permet pas ! Lança brusquement le capitaine, vexé. Que fait cette chose dans mon vaisseau ! Où est passée la cargaison ?

Kristal Becket était désormais proche de Klein. Des bottes en cuirs noirs, des collants résilles visible jusqu'à un short trop court en révélait beaucoup trop pour le vieux capitaine. Tout comme le corset noir et luisant, compressant une poitrine généreuse et déroutante. Une frange de jais retombait sur ses yeux mauves, des lèvres douces et sensuelles prononçant d'une voix voluptueuse :

- Désolé Capitaine, mais vous n'étiez pas sencé savoir ce que contenait le chargement.

- Serait-ce une menace ? S'offusqua Klein.

Les yeux mauves de Kristal brillèrent un instant avant de retrouver leur éclat naturel. Bien qu'il ne l'admettra jamais, le capitaine en eut froid dans le dos. La jeune femme examinait à présent l'oeuf avec intérêt, les talons de ses bottes se répercutant sur le plancher à chacun de ses pas.

- Ne me prenez pas pour un imbécile Becket ! Pesta Klein d'une voix menacante. Un membre de mon équipage m'a fait parvenir votre requête, j'y ai répondu, alors vous allez à présent m'expliquer tout ce foutoir dans mon bain à remoue !

- Vous êtes un homme amusant capitaine. Susurra Kristal. Ne vous énervez pas, je vais vous...

Klein agit au quart de tour, empoignant la femme par le cou de sa main de marin habile et puissante. Il fulminait. Sa moustache vibrait au milieu de son visage rouge et contracté. Il avait chaud et se sentait humilié. C'en était de trop.

Sale petite peste... Siffla le capitaine avec mépris. Oser me convoquer sur mon navire... Mon navire... SUR MON NAVIRE !

A nouveau la lueur dans ce regard aguicheur. Malgré la pression sur sa gorge, elle n'eut aucune réaction, au grand déplaisir de Klein. S'aprêtant à resserrer sa prise, sans pour autant aller jusqu'à la tuer, il lâcha soudainement le cou de la jeune femme, comme sous l'effet d'une décharge. Cette dernière se contenta de lui adresser un sourire navré.

- Vous me décevez Klein. Vous nous décevez.

Le capitaine se contenta de demeurer immobile, abasourdis par ce qu'il venait de ressentir. La peur. L'horreur. Il s'était senti faible et terrifié. Par quelle ruse ? Quelle magie ? Il avait vu maintes choses et connu de nombreux périls lors de ses voyages, mais jamais il n'avait croisé une femme de cette espèce. Il examina instinctivement les lieux avant de reporter son regard sur Kristal Becket.

- Nous ? Répéta-t-il sans comprendre.

- Moi et lui. Répondit-elle. Nous, en somme. Tout comme elle...

Kristal posa une main sur l'oeuf, replongeant la salle dans l'obscurité. Klein contempla alors une deuxième fois ce que renfermais le mystérieux objet, et en fut cette fois-ci subjugué. Il contenait une femme nue, belle et pâle, et le capitaine décelait en elle quelque chose d'iréelle. Sa chevelure dorée flottait en longues boucles autour de ses épaules, son visage reflettant la pureté de cette déesse plongée dans un sommeil apaisant.

- ...Et très bientôt, lui. Termina Kristal.

- Mais qu'est-ce que vous essayer de me dire ? S'énerva Klein.

- Le point de livraison est atteint.

La femme se rapprocha de lui, gardant son contact avec le verre. Le capitaine s'effraya en réalisant qu'il était incapable de bouger.

- Que... Que voulez-vous dire ? Suffoqua Klein à sa grande surprise.

Elle garda le silence. Il avait du mal à reprendre son souffle. Dès le moment où il avait croisé le regard de cette Becket, quelque chose d'inexplicable avait changé en lui. Pourquoi ne pas la faire taire immédiatement ? Sans compter la chose enfermé dans cet œuf qui, malgré sa splendeur, ne lui semblait pas du tout humaine. Quelle était cette aura autour d'elle ? Il repensa aux premières paroles de cette femme, « Il brille dans l'obscurité et prend la forme de l'eau à la lumière ». Klein trouva étrange que le liquide dans cet œuf ne devienne translucide qu'après un contact direct. Il en arriva à une conclusion idiote : De la lumière émanait du corps contenue dans l'oeuf. Se trouver face au visage de Kristal Becket éjecta Klein de ses pensées confuses. Son visage était tout proche du sien, sensuel, charmeur, avec ses yeux mauves et hypnotiques. Il en arriva à une deuxième conclusion idiote : Depuis qu'il avait croisé le regard de cette femme, il perdait peu à peu le contrôle de ses gestes, comme sous l'effet d'un sort.

- Quel idiot vous faites... Murmura Kristal. Le point de livraison est venu directement à nous. A présent, ouvrez grand les yeux capitaine.

Immobile, désormais incapable de parler, comme si quelqu'un lui avait placé une boule de tissu dans la bouche, Klein n'eut d'autre choix que d'assister à ce qui allait suivre. Le visage de celle qui l'avait piégé s'éloigna et l'obscurité laissa place à la douce lueur rougeoyante. Elle avait retiré sa main de l'oeuf, quittant son champ de vision. Et bien qu'il souhaitait ardemment la suivre du regard, le capitaine contemplait à contrecoeur le rideau de son bain à remoue. Quelque chose bougea légèrement, soulevant imperceptiblement le tissu. Puis très lentement, une ombre glissa de l'ouverture pour prendre une forme instable et vaguement humanoïde. Un être terrifiant en résultat, frêle et souffrant, une silouhette d'encre noir. Vide. Le capitaine tenta bien de se débattre, sans succès. Des yeux se matérialisèrent soudain sur le visage de cette abomination. Un œil à la place de la bouche, trois autres sur une joue, émergeant encore du front et du menton. Le spectacle arracha un cri étouffé à Klein, puis il faillit perdre conscience en observant le corps se séparer en une gueule cauchemardesque, garnie de dents aiguisées et à la langue décomposée. L'horreur le submergea lorsque l'orifice vomit un flot de sang noir et brûlant, puis il perdit raison, Lorsque sa chair se carbonisa au contact du liquide ardent.

La dernière chose que le capitaine perçut avant de perdre conscience fut le son des cloches d'alertes mêlé aux tirs répétés d'un de ces Vandread modifié. Il y avait peut-être, également, les mots d'une femme dissolu dans cette océan de souffrances.

 

 

1.3 – L'ATTAQUE

 

 

Plusieurs détonations réveillèrent brusquement Almak, attaché au siège de son propre bureau. Sa première pensée fut pour son médaillon, qui à son grand soulagement, se trouvait toujours autour de son cou. Le sang sur son visage commençait à sécher. Ils avaient signalé leur position un peu trop tôt à son goût. Almak aurait opté pour un abordage éclair si Sid ne l'avait pas trahit à un instant aussi mal choisit. Mais peu importait, la première chose à faire étant qu'il se libère de ses liens. Cependant, son ex-second n'avait pas hésité à utiliser l'un de ces nœuds de matelots dont il n'avait pas la moindre idée de comment s'en défaire. Les rideaux du château-arrière était découvert, et Almak croisa son reflet dans la baie vitrée qui s'étendait sur la longueur de la cloison, dévoilant le soleil déclinant qui illuminait les nuages d'une douce lueur orangée. Il y avait également un objet massif dans le ciel, qui leur faisait de l'ombre. Dans quoi s'était-il embarqué ? Les détonations des canons ébranlèrent la cabine, manquant de faire chuter le jeune homme. Se penchant en avant, Al prit appuie sur ses jambes, relevant ses coudes pour caler le siège dans son dos. Immobile dans cette position burlesque, il constata seulement que Sid avait oublié de lui attacher les pieds.

- Quel idiot...

Esquissant quelques pas hasardeux pour contourner son bureau, il se dirigea vers la porte donnant sur le pont du navire, manquant à plusieurs fois de s'écraser contre le plancher. Al finit par atteindre son objectif, son visage s'écrasant brusquement contre le bois massif de la porte. Le Tornado avait sans doute effectué une manoeuvre pour réajuster ses tirs. Il pouvait entendre les cris excités de l'équipage dans le feu de l'action, bien qu'il était difficile de faire la différence entre exitation et hurlements effrayés. Reculant d'un pas, le dos courbé, Almak prit son élan pour enfoncer la porte, quand soudainement elle s'ouvrit à la volée. Un gorille avec une peruque blonde ébouriffée lui faisait face au moment où il entamait sa charge. La suite sembla assez confuse. Le gorille se trouvait être Rick, le maître voilier. Il tenait un sabre dans une main, ses yeux bleus écarquillés dans une expression ahurit. Almak, avec ses cheveux châtins mal coiffés, poussa un juron étouffé lorsque sa joue rencontra le torse puissant de son opposant. Les deux chutèrent sur le pont du Tornado, alors en pleine effervescance. Affalé sur Rick, il abaissa plusieurs fois les paupières sur ses iris argentés, dévisageant l'homme comme s'il le voyait pour la première fois.

- Rien de cassé ?

Pour toute réponse, l'autre enfonça ses deux pieds dans le ventre d'Almak, l'envoyant s'écraser sous le pas de la porte qu'ils venaient de traverser. Le siège se brisa sous l'impact, sans pour autant libéré le jeune homme de son emprise avec le dossier. Il pouvait cependant bouger plus librement, et effectua une roulade pour se rétablir à genoux, avant de se redresser d'un bond sur ses bottes. La situation du Tornado lui apparut alors plus clairement.

Le navire était à la hauteur d'un gigantesque vaisseau, dont les deux dirigeables étaient à eux seul aussi grand que lui. Almak compta cinq mâts dont le mât de beaupré, incliné à l'avant de l'Eliade, surplombant un cygne noir en figure de proue, opposé à ce qu'on appelait la Queue de Poisson, la voile du gouvernail. Les cinq canons sur le pont tirèrent successivement, effleurant à peine la structure de l'Eliade. Almak se dit que la bataille était perdu d'avance, lorsque Rick  vînt se placer dans son champ de vision, un rictus aux lèvres.

- Tu as cru malin de ne rien nous dire, hein ? Le railla-t-il.

- Ce n'est pas ce que tu crois... Mais pour ma défense, je... Attention !

Al se recroquevilla, le maître voilier se retournant instinctivement sous l'avertissement. La diversion était enfantine, mais elle avait marché, profitant au jeune homme qui s'élança vers l'escalier menant au tillac, le pont supérieur. Rick, ayant découvert la supercherie, le talonnait. L'équipage s'activait sur le pont et à la barre se tenait Sid, avec ses cheveux en pointes et sa grande balafre, barrant en diagonale son visage marqué et disgracieux. Il jubilait dans son pantalon à lacet rapiécé, son sabre contre la hanche, son torse à nu sous un gilet noir aux manches déchirés.

- Feu ! Feu ! Feu ! R'gardez-les à se pisser d'ssus ! Feu par tous les démons !

- Sid !

Almak arrivait au pas de course vers le pirate, Rick à sa suite, arrachant une exclamation stupéfaite au nouveau capitaine du Tornado.

- Mais... Qu'est-ce-qu'il fout ici lui ? Brailla-t-il.

- On ne fait pas le poid ! S'écria Al. Il n'y a pas de trésors ! C'est un bâtiment de l'armée d'Albieros !

Le plus gros de l'équipage, composé d'une vingtaine d'hommes, cessa de hurler pour se tourner d'un seul mouvement vers la dunette du tornado, là ou l'ancien et l'actuel capitaine se faisait désormais face, Rick s'étant étalé de tout son long après qu'Almak lui ait habilement fait un croche-pied.

- Tu te fous de ma gueule ! S'emporta Sid.

- Non. Se défendit Al. Regarde le nom sur la coque. V.A.A. Eliade. Vandread de l'Armée d'Albieros. 

- La ferme ! S'écria le pirate. S'en ait assez de tes conneries Horrocks ! Regarde ! Le navire ne se défend pas, leur commandant n'est sans doute pas à bo...

Une vingtaine de détonations retentirent presque silmutanément, suivit immédiatement par des sifflements stridents. Poussant Sid d'un coup d'épaule, Almak coupa le flux d'hydrogène dans l'aérostat du Tornado en poussant le levier correspondant d'un coup de botte. La conséquence prévue fut une soudaine perte d'altitude, forçant l'équipage à s'accrocher pour ne pas léviter, et évitant ainsi de prendre les projectiles de l'Eliade directement dans la coque. L'autre conséquence se traduisit par une rafale de boulets arrachant les voiles du perce-nuage, réduisant en éclat son mât principal dans un fracas assourdissant et une tempête de débris. Lors du choc, la tête d'Almak rencontra violemment la rembarde du tillac, l'étourdissant avec une intense douleur. Puis il sentit tout son poid être attiré par le plancher du navire, signe que ce dernier prenait de l'altitude.

- Préparez-vous à l'abordage ! Lança Sid d'une voix puissante après avoir rétablit la position du levier. Prend la barre Rick. Colle-nous à l'Eliade.

- Oui Capitaine ! Rétorqua le maître voilier.

Le pirate céda sa place pour se diriger vers Al, alors titubant. Il empoigna le jeune homme par le cou pour le positionner devant lui, sa bouche contractée pour former les prémices d'un sourire. Ses yeux noirs se braquèrent sur le médaillon en forme d'étoile à cinq branches, puis se plissèrent à la vue du joyau scintillant d'un éclat blanc en son centre. Pourquoi brillait-il en cet instant ? Sid le prit entre son pouce et son index, examinant rapidement les inscriptions sur l'objet.

- Ca d'la valeur ça Horrocks ?

Le leader de la muniterie dévisagea Almak, croisant ses yeux gris clair comme s'il les voyaient pour la première fois. Quelque chose l'agaçait dans ce regard, et l'intimidait aussi. L'âme qui le regardait derrière ces yeux n'avait pas d'âge, elle brillait d'une lueur froide et était emprunt d'une insondable tristesse. Tout le contraire de ce jeune idiot d'Horrocks, qui répondit à sa question d'une voix presque grave.

- Mon nom est Almak.

Un violent coup de pied entra en contact avec les côtes de Sid, lui coupant le souffle. Pendant ce temps, le Tornado s'était élevé jusqu'à l'extrémité des bas-mât de l'Eliade, là où se trouvait la hune du gabier. Sans voile et avec un gouvernail vraissemblablement endommagé, Rick manoeuvrait tant bien que mal pour s'approcher du bâtiment tandis que l'équipage se remettait des dommages causés par les canons ennemis. Tandis que Sid dégaînait son sabre, Almak faisait fonctionner ses méninges à toute vitesse pour trouver un échappatoire... En vain. Autant dire qu'il n'y en avait pas, ce qui arracha un sourire contrit au jeune homme.

- Qu'est-ce-qui t'fait rire ? Espèce de petit salopard... Grinça Sid. J'vais t'le faire regretter.

- J'ai toujours trouvé les manches déchirées complètement dépassées. Lui avoua Almak.

Mais Sid n'était pas du genre à prêter attention aux moqueries d'un jeune blanc-bec. Alors que le Tornado entamait son approche, à porté de tirs des carabiniers de l'Eliade, le capitaine à la balafre fondit sur Al, portant un coup d'estoc au visage de la pointe de son sabre. Sid s'apprêta à savourer sa victoire lorsque son mouvement se stoppa subitement. Sa stupeur se mua peu à peu en crainte respectueuse à la vision du jeune homme, qui dans un accès de génie, ou de folie, avait contourné l'acier au dernier moment pour immobilisé le dos de la lame avec ses dents. Sid n'en croyait pas ses yeux et se sentit soudain en grand danger. Profitant de cette faiblesse, Almak ressera sa prise jusqu'à s'engourdir la mâchoire pour désarmer son adversaire d'un mouvement sec et rapide. Il lui fallut une rotation complète sur lui-même pour y parvenir, se retrouvant ainsi dans le dos de Sid, pour le menacer à l'aide du tranchant de la lame, posé contre sa nuque.

- 'Est-ce 'e a'ait 'dit ? 'Aint'nan 'aisse 'oi 'iriger c'navi'e. Tenta d'articuler Al.

- Quoi ?

- 'Ai 'dis, 'est-ce 'e a'ait'i ? 'Aisse 'oi 'iri...

Le cri sauvage que lança Rick en surgissant derrière Almak l'interrompit, mais sans lui, il n'aurait sans doute pas aussi bien anticiper l'attaque surprise. Il se retourna lorsque le maître voilié abaissait son sabre de toutes ses forces, si bien que le jeune homme cru perdre toutes ses dents en parant le coup. Ils enchaînèrent plusieurs échanges jusqu'à ce que Sid se jette sur Al, l'envoyant s'écraser sur le levier du contrôle d'hydrogène, qui se brisa alors dans la plus mauvaise position possible.

- Rick ! La barre ! Hurla Almak qui avait lâcher le sabre dans sa chute. A tribord toute !

Privé de la source lui permettant de voler, le Tornado entama une descente mortelle accompagné par les cris paniqués de son équipage. Toujours privé de ses mains, Al repoussa Sid du pied pour se redresser, s'adressant ensuite d'une voix clair et puissante à l'équipage.

- Les canons à la proue du navire ! Attachez-les à babord si vous tenez à la vie !

- Tu n'es plus capitaine Horrocks. Gronda Sid en se rapprochant de lui. C'est moi qui donne les ordres. Entendu ? A quoi tu joues Rick ?

Le maître voilié executait les directives d'Almak, tentant de maintenir le cap en direction de l'Eliade. Le reste de l'équipage venait quand à lui de changer les cinq canons de places, fixant solidement ces derniers au bastingage à l'aide de cordes. Le Tornado avait presque atteint le niveau du pont du gigantesque Vandread, le point de non-retour.

- Qu'est-ce-que tu essayes de faire ? Demanda Sid en se positionnant à côté de lui.

- Simple sécurité. On va se servir de la propultion des canons pour réajuster notre trajectoire.

- Tu veux dire... Pas bête. Mais on aura qu'une seule chance.

Un pirate au bandana rouge, Miller si Al se souvenait bien, traversa le pont en courant pour faire face au tillac.

- Tout est en place capitaine !

La fin de sa phrase fut ponctué par un immense choc qui ébranla chaque parcelle du Tornado. Dans grondement sourd et grinçant, le bois craqua et se fissura lors de l'impact, plaquant tous les hommes face contre terre. Les manœuvres de Rick avait suffisamment rapproché le navire pour que sa base entre en contact avec le bastingage de l'Eliade, le laissant en suspend entre le pont du Vandread et le vide en contrebas.

- Feu ! Hurlèrent silmutanément Sid et Almak.

Cinq détonations retentirent, et après une attente qui sembla anormalement longue, la balance pencha favorablement en faveur de l'équipage du Tornado, dont la structure bascula lentement du côté du vaisseau ennemi.

- Accrochez-vous !

Dans un vacarme affolant, le petit Vandread emporta un mât dans sa chute, créant un chaos complet sur le pont de l'Eliade. Assurant sa prise à l'aide de ses jambes sur la rembarde du tillac, Almak observait Sid se retenir à celles de Rick, lui même fermement accroché à la barre du navire. La tête à l'envers, le jeune homme ne put s'empêcher de rire à la vue de cette situation pour le moins amusante, découlant d'un abordage digne de sa témérité.

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1.4 – LA DEFENSE

 

Au son des cloches d'alarmes, la panique s'était emparé de l'équipage de l'Eliade à l'apparition inexplicable d'un petit Vandread à hélice, dont les intentions ne laissaient aucun doute après une première série de tirs aux canons. Walter, second du capitaine Alphea, parcourait le pont du prestigieux navire de la flotte d'Albieros à la recherche de son commandant, sans lequel il ne pouvait donner l'ordre d'attaquer. Filiforme dans sa redingotte blanche, le nez crochu et l'expression orgueilleuse, Walter était fils de noble et le valait bien. Surveillant de temps à autres les déplacements du vaisseau ennemi tout en parcourant le parquet lustré de l'Eliade, il interrogeait au hasard chaque marin croisant son chemin.

- Où se trouve le capitaine ? Lançait-il sans qu'un seul de ces incapables ne parviennent à lui donner réponse satisfaisante.

Le temps pressait, et cela l'agaçait encore plus. Fort heureusement, l'ennemi se contentait pour l'instant d'endommager la coque, preuve flagrante de son incompétence. Pourtant, même si cela lui faisait mal de l'avouer, il n'avait absolument pas remarqué qu'un Vandread pistait l'Eliade depuis la couverture des nuages.

- Ce sont donc des idiots congénitales... Pensa Walter à voix haute. Hey toi !

Il héla un jeune matelot s'aprêtant à grimper à la hune du second mât, un rouquain aux yeux humides, avec un air de chien battu. Le même, qui un peu plus tôt, avait annoncé à Klein Alphea que Madame Becket souhaitait s'entretenir avec lui. Au soulagement de Walter, le bougre parvint à le renseigner, sans quelques difficultées.

- Il... Il p-prend un b-b... B-b-bain ! Le C-Capitaine p-prend un b-bain a-aux quartiers des officiers. A-avec B. Avec B-Be-B... A-Avec B-Be...

- J'ai compris Morgan ! L'interrompit Walter, à deux doigts d'exploser.

Le Matelot se pencha maladroitement en signe de respect, avant de grimper au mât avec une agilité que l'on ne percevait pas au premier regard. Le noble aurait même juré le voir afficher un sourire. Un sourire désagréable. Sournois. Pourquoi prêtait-il de l'attention à cet insignifiant détail ? Maudissant intérieurement cet équipage de basse extraction qui lui faisait perdre son temps, Walter se dirigea vers le quartier des officiers, dont l'accès se faisait par le tillac du Vandread. A nouveau les canons de l'ennemis percutèrent la coque du navire, provoquant un léger frémissement sur le pont. Walter passa sous le premier mât, ignorant les requêtes d'attaquer des marins, et allant même jusqu'à menacer le maître d'équipage, qui eût l'insolance de lui tenir tête. Seul le capitaine pouvait donner l'ordre d'attaquer, sauf si ce dernier était dans l'incapacité de s'exprimer ou de commander. Si personne ne respectait les règles, les débordements s'accentueraient à bord, et engendrerait le chaos. Walter détestait le désordre. Il était maniaque et minutieux. Et ce n'est pas l'assaut ridicule d'un Perce-nuage minable et innoffensif qui allait changer ses habitudes.

Il accelerait le pas à mesure qu'il approchait de la porte en bois de chêne et aux gonds d'aciers du tillac. Ses yeux examinèrent rapidement la dunette, richement décorée et surélevée par rapport au pont principal, où l'un de ses hommes maintenait fermement la barre. Puis Walter reporta son attention devant lui, amorçant un geste pour attraper la poignée qui le mènerait directement au capitaine Alphea, lorsque celle-ci s'actionna sans son intervention. Le premier lieutenant de l'Eliade recula rapidement, manquant de prendre la porte en pleine face. Il positionna ses bras contre le corps et colla ses bottes l'une contre l'autre, levant légèrement son menton pointu afin de faire son rapport à l'imposante silouhette de Klein Alphea.

- Un vaisseau ennemi à fait son apparition à bâbord capitaine. Nous attentons vos ordres pour attaquer.

- Mes ordres pour attaquer ? Demanda Klein sur un ton dédaigneux, à la limite du moqueur.

Walter se maîtrisa pour ne pas paraître interloquer. Le capitaine Alphea, non... Le Cygne Noir, venait de lui répondre par une question. Pire, il avait esquissé un sourire sous cette immense et ridicule moustache. En tant que second pendant près de dix années à ses côtés, il ne l'avait jamais vu esquisser le moindre sourire. Walter se reprit, ignorant les dernières secondes qu'il venait de vivre.

- Les caronnades suffiront capitaine.

- Oui... Très bien. Bon travail Water.

- Walter Capitaine.

A l'entendre écorcher son nom, le premier lieutenant eût de sérieux doutes quand à la santé de son supérieur. Sans compter sa fierté qui en prit un coup.

- C'est exact. Lancez l'attaque Walker.

Walter serra les dents jusqu'aux escaliers menant au tillac, relâchant la pression sur sa mâchoire uniquement pour hurler un « caronnades ! », suivit de « feu ! », lorsqu'il se posta derrière le timonier en compagnie de cet étrange et déplaisant capitaine Alphea. Un instant même, il crût déceler une lueur mauve dans le regard de ce dernier, avant de réaliser qu'il faisait honte à son rang en cédant à de telles inepties. Mais toutes ces pensées inhabituelles, pour un homme comme Walter, furent balayées par la manœuvre inscencé, presque indécente, qu'effectua l'ennemi pour éviter une rafale qui aurait dû régler leur cas en quelques secondes.

- Téméraire. Souffla Klein.

- Ils n'ont plus de mâts et leur gouvernail est touché... Capitaine. Ajouta Walter avec plus de réticence que d'habitude.

- Vous pouvez donc vous chargez du reste seul ?

Le premier lieutenant pensa soudain saisir l'attitude étrange de l'homme. Il le testait. Le capitaine Alphea souhaitait simplement connaître ses compétences en tant que maître d'un navire. Après tout, il y avait des rumeurs concernant le retrait du Cygne Noir, circulant entre les officiers avant le départ de cette livraison. Walter saisit toute l'importance de ses futur choix, et l'onde de satisfaction mêlé de peur qui le submergea lui procura une inexplicable érection.

- Oui capitaine ! Lança-t-il avec détermination.

- Merci... Winsley. Juste une chose avant que l'on se quitte, savez-vous où je peux trouver le matelot de troisième classe, Morgan ?

L'exitation passé, Walter cru que le sol se dérobait sous ses pieds. Comment osait-il le rabaisser en ignorant son nom, alors qu'il connaissait celui de Morgan ? Le bègue ? Sa voix se fit froide et tremblante.

- Walter... Morgan se trouve à la hune du second mât. Capitaine.

- Parfait. Soyez prudent, l'ennemi est hors de portée désormais.

Tandis que Klein s'éloignait, Walter tourna instinctivement la tête vers le Vandread pirate, qui en dépit de ne plus posséder de mâts, s'était élevé jusqu'au niveau des premières hunes de l'Eliade.

- Ils sont hors de portée des canons lieutenant. Répéta le timonier à la barre.

- Fermez-là Leod ! Intima sèchement Walter avant d'hurler à l'attention de l'équipage. Ils vont tenter un abordage ! Carabiniers à leurs postes ! Tribord toute Leod !

Lentement, l'Eliade amorçait sa manœuvre tandis que le petit Vandread se rapprochait toujours de plus en plus près. Walter en distinguait la coque, avec son gouvernail endommagé et ses deux hélices encore intactes. La première génération de Perce-Nuages possédait un aerostat intégré à la structure, et chargé à l'hydrogène. Puis elle fut remplacé par des dirigeables externes, renforcés et fonctionnant à l'air chaud, jugé beaucoup moins dangereux. L'équipage ennemi n'avait à priori rien à perdre, pour oser s'aventurer à porter de tirs avec un tel engin.

- Ils sont proches lieutenant. Lâcha Leod sur un ton monotone, où perçait cependant une légère inquiétude.

- Evidemment ! S'emporta Walter. Ils sont à portée de tirs des carabiniers. A mon commande...

Plus aucun son ne sortit de la gorge du premier lieutenant lorsque les hélices du vandread ennemi se stoppèrent soudainement, suivit par la chute inéxorable du vaisseau dans le vide. Walter fut abasourdis par une telle preuve de bêtises, dépassant tout ce à quoi il avait put assister. A vrai dire, l'équipage entier de l'Eliade observait sans voix le perce-nuage au mât brisé perdre de l'altitude, jusqu'à ce qu'un cri s'élève, emprunt d'une éclatante vérité, en entraînant de nombreux autres.

- Il va s'écraser sur le pont !

Walter s'apprêta à donner l'ordre de pointer les canons en direction de l'ennemi lorsqu'il réalisa. Il comprit que tirer sur une réserve d'hydrogène si près d'un Vandread, fut-il l'Eliade, était une grave erreur. Car l'explosion qui suivrait embraserait le navire et les emporterait tous. Ne sachant quoi faire, Walter assista impuissant à la collision, qui faillit le mettre à terre. Le bateau ennemi tenait miraculeusement en équilibre sur le bastingage, et il souhaita très fort qu'il vascille en faveur du vide. Alors, surpassant le grincement du bois et les craquements sourd émis par la coque du petit Vandread, des coups de canons retentirent silmutanément. La balance pencha en défaveur de Walter, qui poussa un juron hargneux en assistant à l'abordage le plus improbable de sa vie. Le navire s'écroula sur le côté, faisant perdre de l'altitude à l'Eliade lors de l'impact, le forçant honteusement à s'accrocher à la redingotte de Leod pour ne pas tomber. Puis, dans un terrible fracas, il se renversa au trois quart, pulvérisant le troisième mât de l'Eliade et entraînant une partie de l'équipage ennemi à bord du Vandread, l'autre s'accrochant tant bien que mal à ce qu'ils pouvaient. Dans le chaos engendré, la scène aurait put être comique, mais elle ne l'était pas. Pas pour Walter.

- Aux armes ! Hurla-t-il. L'ennemi est à bord ! Tuez-les avant qu'ils ne se relèvent !

Le premier lieutenant prenait seulement conscience du danger imminent. Le désordre engendré par l'impact avait semé la panique chez ses hommes. Avaient-ils réellement planifié ça ? Si tel était le cas, qui sait quel genre de pirates Walter allait devoir affronté ? Des sauvages sans foi ni loi, impassible face au danger et la mort. Non. Ce n'était pas le moment pour craindre et émettre des suppositions.

- Leod ! Ordonna Walter sur un ton claquant et sifflant. Donnez moi votre sabre et contentez-vous de tenir la barre.

Le timonier s'executa, lui remettant son arme à la poignée de cuir blanc et à la lame légèrement courbée. Walter enchaîna quelques moulinets avant de descendre du tillac, rejoignant le reste de l'équipage dans la défense de l'Eliade.

- Postez-moi des carabiniers dans ces hunes pour les abattres à vue ! Hurla-t-il en se dirigeant vers la carcasse du Vandread ennemi. Ne provoquez surtout pas d'incendie ! Mais qu'est-ce que... Ne pointez pas ce canon dans cette direction bandes d'incapables !

Il approchait du second mât, là où une foule de matelots s'étaient amassé, braillant courageusement face aux pirates douloureusement débarqué. Walter joua des coudes pour se frayer un passage, ignorant le poid qui ne cessait de s'alourdir dans son estomac. Il n'avait pas encore aperçu un seul ennemi, ni croisé le capitaine Alphea qui aurait dû, vraissemblablement, se trouver dans les environs. Walter dépassait les dernières lignes de marins pour arrivé à la périphérie d'un cercle, formé par son équipage, et entourant les restes du Perce-nuage renversé.

- A quoi vous jouez ! S'emporta Walter. Où sont-ils passés ?

- Ils se cachent lieutenant. Le renseigna un matelot de forte corpulence et au visage juvénile, immobile juste à sa droite.

Walter examina en détail la quantité de débris qui jonchaient le pont, percevant d'imperceptible mouvement sous les restes des voiles du mât brisé, qui recouvrait par un malheureux hasard une partie du vaisseau ennemi. Il se retînt de gifler le lourdeau.

- Je devrais tous vous faire fouetter ! Siffla-t-il avant d'hausser brusquement la voix. Qu'est-ce-que vous attendez pour attaquer ! Bougez-vous ! Que font les carabiniers ? On les voit bouger d'i...

Une puissante détonation l'interrompit, accompagné par un projectile perçant un carré de voile pour percuter un marin se trouvant à quelques pas de Walter. Le boulet terassa cinq de ses hommes dans une bouillie éclatante de chairs et d'os, un flot de sang se répandant sur le plancher lustrée en même temps que des cris enragés s'élevaient du Vandread ennemi. Puis un deuxième canon retentit, visant cette fois-ci la proue de l'Eliade, où demeurait une autre partie de son équipage.

- Attaquez ! ATTAQUEZ !

Walter hurlait à s'en briser la voix. Il compta une dizaine d'adversaires surgir de leur cachette, chiffre ridicule comparé à la cinquantaine de matelots qui chargaient à ses côtés. Tandis qu'il levait son sabre, paré au choc contre ces pirates imprudent, ses carabiniers en éliminèrent trois, qui s'écroulèrent au milieu de leurs cris sauvages. Puis, alors que Walter et ses hommes atteignaient le niveau des hélices tordues du perce-nuage, une corde se tendit, entravant leurs chevilles. Le piège entraîna une réaction en chaîne, projetant une vingtaine d'hommes face contre terre, dont le premier lieutenant en personne. Ce dernier frappa le pont du poing avec un cri de rage, coincé sous deux matelots. Ils avaient mordu à l'hameçon. Un coup de feu retentit et Walter reçu un liquide tiède et épais sur la joue. L'un des hommes qui le bloquait ne bougeait plus. Il réalisa que l'ennemi avait percé par le flanc.

La situation tournait à leur désavantage. Un pirate passa près de Walter, tranchant la gorge du second matelot qui, venant de se relever, émit un horrible et désagréable gargouillit. Le pauvre bougre chuta sur le premier lieutenant désemparé, qui lutta pour se dégager des cadavres de ses compagnons. La situation lui échappait totalement. Des détonations et le sons des sabres s'entrechoquant se mêlaient aux cris et aux râles des premier blessés. Quelle était la situation ? Walter poussa de toutes ses forces pour se libérer du premier corps au crâne perforé, redoublant d'effort pour renverser l'autre et se positionner à quatre pattes, cherchant son sabre des yeux. Des gens courraient près de lui sans le remarquer, leurs bottes claquant sur le plancher teinté de rouge, et Walter fut brusquement prit de nausée. Son cœur battait beaucoup trop fort dans sa poitrine, au point de lui faire tourner la tête. Ses muscles se crispaient sans qu'il ne puisse les maîtriser. Il avait peur. Peur de mourir là, sans qu'on ne lui prête attention. Alors le sabre de Leod lui apparut à un mètre devant lui, près du corps d'un pirate vêlu aux cheveux blonds, tué par plusieurs balles. Walter rampa pour atteindre l'arme, espérant que personne ne remarque sa position ridicule, mais celle-ci fut habilement projeté dans les airs par une botte noire pour ne plus redescendre. Walter leva les yeux, découvrant son sabre entre les dents d'un jeune homme aux cheveux décoiffés, les mains attachées à un dossier de chaise visible dans son dos. Il semblait totalement étrangé à la bataille qui se déroulait autour de lui, haussant simplement un sourcil en remarquant Walter à quatre pattes. Le pirate fila ensuite en direction du tillac, esquivant les combats sans grande difficultée malgré les liens qui l'entravaient. Il se déplaçait rapidement et avec agilité, se mouvant tel un félin entre les membres des deux équipages. Qui était-ce ? Où courrait-il ainsi ? Et surtout, pourquoi ses mains étaient-elles liées comme celles d'un prisonnié ? Se demanda succesivement Walter. Choisissant ce qui était, pour lui, la solution la moins dangereuse, il décida finalement de suivre cet étrange voleur de sabre.

La tâche ne fut pas aussi aisée qu'elle le fut pour le jeune homme. Walter dû esquiver plusieurs coups de lames, l'une d'elle déchirant la manche de sa redingotte, lui laissant une longue coupure sur la peau. Il lâcha un glapissement et serra les dents. Même si la blessure n'était pas profonde, il sentait l'air frotté sur sa plaie, le sang  imbiber lentement son vêtement, et il ne put s'empêcher d'imaginer quelque chose de grave. Dans sa course trébuchante, Walter heurta deux matelots qui eurent peine à le reconnaître, surement parcequ'ils ne pouvaient concevoir que le premier lieutenant, fut-il blessé, fuiraient ainsi les combats pour battre en retraite, seul. Ignorant leurs regards étonnés et effrayés, Walter dépassa enfin le premier mât, l'entrée du tillac se trouvant juste en face de lui. A son arrivé, deux corps de marins gisaient au sol, devant la porte aux gonds d'aciers  grande ouverte. Le pirate était venu à bout de ces hommes sans utiliser ses mains. Il n'y avait pas de sang. Juste assomés. Tandis qu'il pénétrait dans le hall du château arrière de l'Eliade, Walter se demanda s'il avait réellement choisit la solution la moins dangereuse.

L'atmosphère à l'intérieure de l'Eliade contrastait brusquement avec le chaos régnant sur le pont. L'endroit baignait dans la lumière des chandeliers, qui trônaient de chaques côtés des trois ouvertures entre les cloisons de bois sculpté. Celle en face de Walter menait aux quartiers du capitaine, dont lui seul possédait la clef. Hésitant un instant entre sa droite, où l'on accédait à la salle des caronnades, et son opposé, où un escalier menait aux cales inférieures, le lieutenant opta finalement pour la deuxième solution, qui à son goût, avait plus de chance de le conduire au voleur de sabre. Walter ralentit l'allure au milieu des marches, jouant sur la discrétion bien que le son de ses pas restait inaudible comparé au vacarme sourd provoqué par les combats sur le pont. Il arrivait aux quartiers des officiers, long et large couloir rectiligne percés de nombreuses portes, qui s'étendait environ jusqu'au troisième mât du pont de l'Eliade. L'endroit était particulièrement confortable pour un navire de guerre, avec de belles tapisseries accompagnant les motifs de nuages et d'oiseau taillés dans le bois, mise en valeur par des lustres scintillant, bien que la moitié était désormais en pièce sur le plancher suite à l'impact du vaisseau pirate. L'équipage résidait quand à lui dans la seconde moitié du Vandread, beaucoup moins luxueuse, et dont l'accès se faisait du côté de la proue. Alors qu'il avançait silencieusement, Walter se souvînt que l'entrée du salon, que le capitaine se réservait parfois pour utiliser son bain à remoue, avait été condamné pour la durée du voyage. Une certaine Becket y avait élue domicile et personne hormis le capitaine Alphea n'avait l'autorisation d'y pénétrer.

La chute des lustres avait considérablement obscurcit les lieux, ce qui poussait le second de l'Eliade à marcher précautionneusement, redoutant une attaque surprise dans les parties sombres du couloir. L'ennemi possédait une arme, ce qui n'était plus son cas, et pour cause. Alors que la bataille perpétuait un bruit de fond, mêlant cris étouffés et battements sourds, la chute d'un objet métallique alerta Walter. Cela venait de sa droite, la quatrième porte depuis l'escalier, entrebaillée au quart. La cuisine des officiers. Il n'y avait aucune chance que le coq prépare à manger en telle situation. Longeant la cloison qui le séparait de l'accès, Walter se demanda pourquoi un pirate choisirait de se cacher là. Il aurait plutôt misé sur le salon, qui se trouvait juste à sa gauche. Qui était cette Becket déjà ? Elle avait un lien avec la cargaison d'après ce qu'avait retenu Walter. Il chassa ces pensées inapropriées pour se concentrer à nouveau sur la cuisine, n'étant plus qu'à un pas de l'entrée. Il distinguait une lueur orangée, filtrant à travers l'ouverture, comme si quelqu'un avait allumé un feu. Walter redouta un incendie. Il était suffisamment près pour jeter un œil à l'intérieur, se rétractant aussi vite qu'il le put lorsqu'une voix s'éleva, agréable à l'écoute bien que légèrement traînante.

- Je devrais pas trop en mettre...

Walter retînt son souffle, certain d'avoir été repéré. Il avait cru apercevoir une marmite au centre de la pièce, une silouhette s'activant derrière cette dernière. Que signifiait tout ceci ? La voix n'appartenait pas au cop, il en était sûr.

- Sur les plaines d'Albieros je l'ai retrouvée. Aussi belle qu'une rose dans un champ enneigé...

Malgré les combats qui faisaient rage, l'homme qui cuisinait en cet instant chantonnait un air des ports de la Mer Morte, déstabilisant sévèrement Walter. Il attendait en silence, réfléchissant à ce qui lui restait à faire. Il devait saisir la moindre occasion pour prendre l'avantage, même si cela revenait à s'emparer d'une casserole et d'assomer son adversaire avant qu'il ne réagisse. Walter pressa son bras blessé, où le sang commencait à coaguler, respirant à grande bouffée à mesure que la chanson arrivait à son terme.

- … Et le ciel, qu'il m'appel, je n'saurais contesté. Que la paire de mamelles... Mmm... Il en manque un peu...

C'était le signal qu'il attendait. Déployant tout ses membres, Walter poussa la porte à la volée, pénétrant brusquement dans la cuisine. La pièce était uniquement éclairé par le feu sous la marmite, derrière laquelle, comme l'avait aperçu Walter, se tenait le voleur de sabre. Le lieutenant se figea, tout comme son adversaire. Ce dernier tenait un chapelet de saucisses entamés dans une main, un poivrier dans l'autre, et donnait l'impression d'être passablement dérangé. Des tables de travails encadraient la pièce, avec leurs ustenciles et des ingrédients aussi bien diverses qu'appétissant. Sur celle qui se trouvait à l'angle gauche de Walter, reposait contre un tas de pomme de terres le sabre de Leod ainsi qu'un dossier de chaise. Une telle chance n'arrivait pas deux fois. Tentant de détourner l'attention, tout ce que parvint à articuler Walter fut :

- Mais, qu'est-ce-que vous êtes train de faire ?

- C'est que... Je suis encore nouveau... J'ai du mal à m'intégrer au sein d'une équipe. S'excusa maladroitement son interlocuteur. Vous savez, quand papa à vendu la ferme...

Alors qu'il s'empêtrait dans un discour sans queue ni tête, l'ennemi esquissa un geste vers l'avant, la lumière des flammes éclairant son visage. Un éclat étrange dans son regard poussa Walter à se retourner pour s'emparer du sabre, sentant sa gorge douloureusement se nouer en le brandissant à nouveau, car la lame se trouvait désormais entre les deux mains du jeune pirate, le chapelet coincé entre ses dents. Le lieutenant tenta de se dégager sans succès, incapable de bouger la lame de sa puissante emprise. La vitesse à laquelle il s'était déplacé pour contourner la marmite et franchir les trois mètres qui les séparaient dépassait l'entendement. Derrière ses yeux gris et inexpressif se cachait quelque chose d'ancien et de terrifiant. Quelque chose qui fit disparaître les entrailles de Walter, lui procurant la sensation d'être aspiré par son propre estomac. Cela ne dura que l'espace d'une seconde, mais l'expérience faillit faire perdre la raison au lieutenant de l'Eliade.

- Mais, qui êtes-vous ? Marmonna-t-il faiblement.

Le pirate rompit le contact en croquant dans une saucisse, laissant le chapelet tombé à terre. Violemment tiré vers l'avant, Walter se cramponna à son sabre qui reculait en même temps que le front de son adversaire s'approchait du sien. Au choc, il cru que son crâne se fendait en deux, libérant toute la matière qu'il contenait. L'éclair d'un blanc éclatant qui lui aveugla la vue s'estompa à l'instant où il heurta le plancher, un bourdonnement désagréable lui perturbant l'ouïe, l'empêchant d'entendre ses lamentables gémissements. Son agresseur laissa tomber le sabre aux pieds de Walter pour franchir tranquillement la porte, ne prenant pas le temps de vérifier s'il était conscient où non. Saisissant l'opportunité de cet oublie, et concentrant toute son énergie à se remettre debout, le lieutenant déploya un ultime effort pour ramasser l'arme et se lancer à la poursuite de l'ennemi. Il franchit l'ouverture à son tour, puis trébucha jusqu'à la troisième porte grande ouverte du mur opposé, l'entrée du salon des officiers. Ses bottes écrasant du verre brisé, Walter empoignait son sabre des deux mains tandis qu'il s'engageait prudemment dans le passage. Puis un sifflement, provoqué par la fermeture d'une porte massive indiqua à Walter son échec. L'impact lui brisa le nez, raidissant tout ses membres pour le laisser tomber comme une planche inanimée dans le couloir, plein de rage et de rancune avant de sombrer dans l'inconscience.

 

 

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1.5 – LA FILLE AUX CHEVEUX D'OR ET LE GARCON AUX YEUX D'ARGENTS

 

 

La porte avait claquer fort. « Le marin ne devrait pas se relever. » Conclua Almak en ayant la même impression que s'il venait d'entrer dans l'une de ces maisons closes du port d'Urkab. Refuge chaud et chaleureux, sensuel, pas toujours propre, mais réconfortant dans les régions froides et hostile d'Albieros. Excepté le fait que, dans la salle où il se trouvait désormais, aucune de ses pauvres filles ne tentaient de lui soutirer son argent. Almak caressa la pierre au centre de son médaillon, déclenchant un mince faisceau de lumière. Celui-ci indiqua le fond de la pièce, avant de disparaître lorsque le jeune homme rompit le contact. L'objet l'avait guidé une année entière pour le mener dans cette salle aux airs de laboratoire mobile, dans un Vandread de Classe S appartenant à la flotte d'Albieros, l'Eliade. Il avait beaucoup voyagé et vue maintes choses, certaines qui resteront à jamais gravé dans sa mémoire et d'autres qu'il préférait oublier. Mais désormais, son périple touchait à sa fin. Trouverait-il une réponse ? Un ultime message ? Un indice ? Almak ne laissait rien paraître, mais il était impatient et nerveux. Et s'il était déçu ? Le jeune homme préféra ne pas y songer. Il approcha des fioles et des ingrédients se trouvant sur les tables qui l'entouraient, examinant en détail le contenu des bechers et autres ampoules à décanter, avant de s'arrêter sur un assortiments d'herbes médicinales, plus particulièrement la feuille du dormeur, dont les propriétées et l'odeur légèrement mentolée lui était familère.

- La fleur des rêves pour une nuit de cauchemards... Murmura Almak pour lui-même.

De nombreuses notes, pour la plupart écritent dans un langage codé, s'amassaient entre les fioles et autres tubes immaculés, parfois raturées ou inachevées, avec une plume encore plantée dans son encrier. Almak s'interessait à l'alchimie et aux secrets des herbes, lui-même avait été formé par un maître en la matière. Aussi, lorsqu'il tomba sur un parchemin n'employant pas de symboles étrangés, il s'empressa de parcourir les lignes, tentant de comprendre quelles expériences étaient ici menées :

 

 

K.B, 17 de Volwin, Saternel, 774ème Cycle

 

Bien que le sujet demeure dans un profond sommeil, il réagit de manière systématique à un contact extérieur depuis l'incident d'Ostiak. Le plus remarquable réside dans le phénomène lié à l'essence d'Anima, opérant une modification de son état.

Les analyses ont révélé la présence d'une immense source lumineuse.

Malgré les efforts déployés, aucun signe d'éveil n'a été enregistré.

 

 

K.B, 19 d'Ateïd, Saternel, 774ème Cycle

 

Lors d'un disfonctionnement des cuves d'Anima, le sujet a réagit sans contact extérieur. Après de nombreux tests, aucune correlation n'est apparut entre ces deux évènements. Les données ne se complètent pas. Il s'agit d'un facteur externe.

Néanmoins, malgré les efforts déployés, aucun signe d'éveil n'a été enregistré.

 

 

K.B, 20 de Stönder, Saternel, 774ème Cycle

 

Nouvelle réaction sans contact. Théorie du facteur externe confirmée. Le sujet a été scellé par des méthodes demeurant à ce jour inconnue.

 

Les résultats sont clairs. Il n'y a plus qu'à attendre.

 

Almak replaça le parchemin à sa place, encore déstabilisé par ce qu'il venait de lire. Quel lien pouvait-il exister entre son précieux médaillon, et cet endroit qu'il estimait de plus en plus éloigné à l'idée qu'il s'en faisait au départ ? Le faisceau lumineux avait pointé un rideau en velour, couvrant partiellement la source de cette lueur chaleureuse chatoyant les environs. La série de cuves reliées entre elles par cables et tuyaux correspondait à celle mentionnée dans sa récente lecture. Et s'il tombait sur une nouvelle espèce mutante et affreusement laide ?Almak se sentait désemparé. Trouver une simple lettre aurait été plus que suffisant. Et ensuite ? Quoi qu'il advienne ensuite, Almak savait d'avance que la tâche pour fuir ne serait pas aisée. Le Tornado n'était pas en mesure de décoler, et même si par chance Sid s'emparait de l'Eliade, qui sait quel sort il lui réserverait. Mais après tout, peu lui importait, il agirait en fonction de la situation. Le temps était désormais venu de lever le rideau.

Prudemment, le jeune homme avança dans la pénombre, empruntant la voie désignée par son médaillon et gardée par les réservoirs ronronnant, brassant en leur sein un curieux mélange. Leur aspect métallique paraissait cuivré près de cette source de lumière pâle et flamboyante, éclairant le plafond au-dessus des tringles et perçant à travers un mince espace dans le rideau. Almak se posait toutes sortes de questions quand à ce qu'il trouverait derrière ces battants de tissu plissée. Il n'arrivait pas à l'expliquer, mais il se sentait soudain attiré par ce qu'ils cachaient. Al n'aimait pas l'idée que ses sensations soient ainsi manipulées. A deux pas de son objectif, il passa un doigt sur la pierre de son médaillon qui, pour la première fois depuis le début de son périple, refusa de briller. Almak ferma les yeux. Le grondement et les cris de la bataille sur le pont, ajouté aux bourdonnement des machines, étaient les seuls sons qui lui parvenaient. La salle en elle-même recelait d'odeurs qui l'empêchaient de se concentrer sur celles qui l'intéressaient. Il avait un arrière goût de saucisses dans la bouche et sentait ses poils s'hérisser comme s'il était en présence d'un danger. Ce qui était naturellement le cas depuis qu'il avait été fait prisonnier par son propre équipage. Ses paupières libérèrent ses yeux gris et clair, le confrontant au rideau qui l'opposait. Almak tendit une main pour l'attraper, se préparant au choc de ce qui l'attendait, lorsque ce dernier s'ouvrit à la volé, dévoilant un corps massif qui se cramponna à ses jambes, un visage ridé et boursoufflé, trempé de larmes et de la bave aux lèvres, le suppliant d'une voix terrifiée.

- Pardonnez-moi ! Pardonnez-moi !

Terrorisé, Almak décocha un puissant crochet du gauche pour renvoyer face contre terre un vieil homme à la moustache drôlement taillé.

- Excusez-moi, vous m'avez fait peur. S'excusa Al en réalisant son geste inconsidéré. Je vous pardo...

Almak ne termina pas sa phrase. Non seulement en remarquant avoir malencontreusement assomé le vieil homme perturbé, mais surtout parcequ'il venait désormais de franchir le rideau, et découvert ce qu'il renfermait : Un œuf dans un bain à demi-creusé, contenant un liquide rouge ensanglanté. De toutes les suppositions qui l'avaient traversées, il était tombé sur la seule à laquelle il n'avait pas pensé. Almak était partagé entre rire et envie de pleurer.

- C'est quoi ce truc ? Souffla-il sans s'empêcher d'éprouver une désagréable déception.

A quoi cela rimait ? Almak jeta un œil au vieil homme, se demandant si ce dernier avait un quelconque lien avec sa découverte. Emittouflé dans sa cape noire, il semblait avoir subit un terrible choc. Le coup l'avait seulement sonné, car il convulsait désormais sur le plancher, marmonnant des mots étouffés.

- Le point... De livraison... Est arrivé. Démon... Pardonnez-moi... J'ai vu un démon...

- C'est-ça... S'agaça Almak. Tu peux pas garder tes délires masochistes pour toi vieil homme ?

« Une odeur légèrement mentolée... »

Le déclic fit l'effet d'une décharge chez le jeune homme. La présence de feuilles du dormeur ne laissait aucun doute quand à la situation du matelot à l'épaisse moustache. Les herboristes les plus habiles pouvaient concevoir un filtre si puissant, que seule son odeur suffisait à un dormeur pour sombrer dans la folie d'un cauchemard éveillé. Mais pourquoi faire subir à ce vieil homme un tel venin ? Cette recette qu'une seule poignée de maîtres est capable de préparée. Almak sentit sa déception se muer en curiosité, ses méninges tentant d'assembler les différents éléments qui lui correspondait. L'homme qui lui avait donné un nom lorsqu'il avait oublié le sien. Celui qui l'arracha à l'obscurité, au prix d'une vie de larme. Le propriétaire de ce médaillon. Que voulait-il lui laisser comme héritage ? Surement pas un œuf impossible à transporter, fournit avec son vieil homme drogué. Almak se décida à examiner de plus près l'étrange objet, contournant le corps du marin crispé, évitant les tuyaux reliés au verre de l'ovocyte. Poursuivant son observation, Almak remarqua un autre élément après avoir parcouru un demi-cercle autour de l'oeuf. Il y avait un miroir à quelques pas, derrière le bain, contre la cloison qui séparait les différentes salles du galion. Un miroir dans une arche de pierre noire, que l'on pouvait confondre avec une entrée menant à un nouvel espace. Almak se dit alors qu'il aurait plutôt choisit un cadre dorée, puis termina son inspection en retrouvant sa position d'origine.

- C'est génial... Soupira-t-il. Tu parles d'une quête...

- Pardonnez-moi !

Surpris par la rapidité avec laquelle le vieil homme s'était projeté sur lui, Almak décocha son direct du droit en plein visage, laissant échappé un « lâche-moi ! » haut perché et effrayé, réalisant qu'il venait, à nouveau et par idnavertance, durement frappé le marin empoisonné.

- Ne bougez pas vieil homme ! Gronda Almak en le pointant du doigt. Où se cache le trésor ? Si vous coopérez je vous donnerais trois pièces de cuivres.

Mais son interlocuteur avait cessé de bouger, laissant le jeune homme partagé entre l'envie d'en savoir plus et de la tentation de regagner le pont pour trouver un moyen de s'échappé.

« Que tenais-tu à me dire ? » Songea Almak, contemplant l'oeuf sans bouger, hésitant à le toucher. Ce liquide rouge le répulsait et malgré la douce chaleur qu'il répandait, aucune odeur ne s'en dégageait.  Alors qu'il hésitait, entre rester et s'en aller, une soudaine brûlure sur sa poitrine lui arracha un cri perçant. Instinctivement, sa main se recroquevilla, et il sentait là, sous ses doigts, son médaillon chauffer sans pour autant l'être au point de le blesser. Almak s'apprêta à l'arracher, lorsqu'un éclat s'en échappa, d'un blanc clair et pur. Alors une voix voluptée s'éleva,  frêle et éloignée, et le jeune homme ne comprit qu'après coup que, ce fut dans ses pensées, qu'elle s'était exprimée.

« Je t'ai attendue... »

Almak s'était immobilisé, se tenant sur ses gardes tous ses sens éveillés. Quelqu'un avait parlé. Son médaillon sifflait et bourdonnait, puis la pièce se trouva soudain plonger dans l'obscurité. « La pierre a parlé ? » S'interrogeait-il, captivé et effrayé par la lumière de ce joyau qui sans raison, s'intensifiait dans sa paume.

- Que veux-tu dire ? Demanda Almak au bijou, haussant le ton pour couvrir le son de la pierre, qui muait lentement en une note haut perché.

« Où es-tu ? » Souffla la voix douce et frémissante, se répercutant en écho dans chaque parcelle de son crâne avec l'effet d'une migraine.

- Répond plutôt à mes...

La mâchoire d'Almak se paralysa, le laissant bouche ouverte lorsqu'un puissant rayon de lumière innonda la pièce, jaillissant de l'oeuf dans un grondement sourd, en accord avec la note aigue de la pierre. Il observait alors pour la première fois, celle qui en était la source. Sa main s'éloigna du médaillon qui, lentement, lévitait vers ce qui devait être, d'après Almak, un ange prisonnier d'une cage de verre. Regarder de face cette intense lumière le forçait à placer une main devant son visage. Les pupilles de ses yeux étaient deux gouttes noires dans un ciel pluvieux, mais il discernait tout de même, par instant, la silouhette d'une fleur si belle qu'elle s'en allait désormais rejoindre les étoiles. Les cables reliant l'oeuf explosèrent, déversant un liquide miroitant dans les rayons de lumière. Son collier appuyait contre sa nuque, la pierre pointant fort au-devant, comme l'invitant à avancer vers l'avant. De l'eau se déversait sous ses pieds, tandis qu'il esquissa un pas dans la tentative absurde de s'approcher.

« Longtemps... J'ai attendue... »

Une série d'infimes craquements forcèrent Almak à se stopper, pressentant l'inévitable événement qui devait en découler.

« … Aldan. »

Almak sentit son cœur se compresser au point de le faire souffrir. Sa gorge se noua, et le flux d'émotions qui découla de ce simple nom manqua de le faire vasciller. Mais les notes du médaillon et l'oeuf de verre, après s'être finalement harmoniées, ce tûrent soudainement, entraînant un ultime frémissement, pour enfin donner lieu à une brusque explosion. Réagissant à son instinct, Almak se recroquevilla, subissant l'impact du souffle et du verre brisé. Le choc passé, la lumière blanche avait cessée, plongeant les lieux dans une totale obscuritée. Al se redressa, encore désorienté, quelques égratinures couvrant les parties de son corps qu'il avait exposé. Mais la seule chose qui l'avait réellement marqué, était ce nom qu'elle avait prononcé. Le calme avait fait son retour dans la salle, et dans le noir il faisait face à l'oeuf à la coquille brisé. Almak avait oublié la bataille et le sort de ses camarades. Il oublia même le vieil homme assomé qui, par chance, se trouvait à la base du bain, évitant ainsi les projectiles expulsés par l'onde condensée. Ses yeux d'argents contemplaient bouche-bée une fille aux cheveux d'or et bouclés, ses derniers retombant contre ses hanches, recouvrant une partie de sa poitrine dévoilée. Devant le socle de l'oeuf, elle se tenait droite et lui faisait face. Son corps entier se démarquait de l'ombre, sa peau satinée diffusant un pâle halo dorée. Figée, elle gardait les yeux fermées, et Almak pensa même un instant se tenir devant un fantôme.

- Qui es-tu ? Demanda-t-il maladroitement, sans réellement réussir à cacher son effarement.

Sans répondre, la jeune femme avança dans sa direction, venant si près qu'il hésita un instant à reculer. S'arrêtant à un pied, elle leva légèrement la tête comme pour le dévisager, ses paupières aux longs cils demeurant fermées. Sa main douce et tiède se glissa tendrement dans la sienne, laissant Almak silencieux et choqué.

- Il fait sombre ici. Susurra-t-elle avec mélancolie.

- En même temps tes yeux sont fermées. Lui rappela Almak avec son don de parole retrouvée. Tu as dis un nom avant de tout faire exploser. Ajouta-t-il dans la foulée. Peux-tu le répéter ?

- Sauve-moi...

Son instinct prenant les devants, Almak rattrapa la fille dorée avant qu'elle ne tombe durement sur le plancher, soudainement évanouie sans pouvoir l'expliquer. Sa légerté le surpris, pas plus que sa beauté et du désir qu'éveillait chez lui son intimité et sa poitrine ferme et rebondie.

- Reprend toi ! S'offusqua Almak, secouant la jeune femme dans ses bras. Je ne suis pas venu pour sauver qui-que-ce-soit. Hey ! Ouvre les yeux !

Malgré ses appels elle ne se réveillait pas, et la lueur l'entourant s'estompa doucement. Al se trouvait face à un dilemme. Sa raison le poussait à partir sans encombrement, son cœur ne pouvant se résoudre à abandonner la fille qu'il l'avait appelé « Aldan ».

- Que faisais-tu dans cet oeuf ? S'interrogea Almak, éprouvant tout de même un peu de compassion pour cette belle et fragile demoiselle qu'il tenait fermement.

Il se doutait bien qu'elle avait un lien avec les expériences menées en ces lieux. Mais ce qu'Almak ne comprenait pas, c'était pourquoi cette fille connaissait le nom du premier propriétaire de son médaillon. De plus, jamais son maître, Aldan, ne lui avait mentionné l'existence d'une jeune femme qui l'attendait tout ce temps.

- Je dois être fou.

Al avait fait son choix, et décida de regagner le pont principal en compagnie de celle dont il ignorait tout, y compris le nom. Avant toute chose, il dépouilla le vieil homme de sa cape et de son bas, regrettant l'odeur de mâle en habillant rapidement la fille, avant de batailler un moment afin de l'installer dans son dos. Dans le noir, Almak retrouva la sortie du laboratoire, puis regagna le tillac. Trop absorbé par sa charge, il ne remarqua pas le grognement du marin qu'il avait blessé avec une porte, et dont il écrasa la main au passage.

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1.6 – CHUTE

 

Walter bouillonnait, vaincu et humilié par un déchet de cet envergure. Le bras entaillé, front enflé et nez brisé, le lieutenant de l'Eliade avait reprit conscience lorsqu'une détonation retentit dans la salle des officiers. Il avait attendu, allongé, jusqu'à ce que ce jeune sot passe en trombe avec une femme comme fardeau, sans manqué de l'écraser. Il avait soif de vengeance. Aucun noble ne pouvait accepté d'avoir été ainsi traité. Sans quelques difficultés, Walter récupéra son sabre et regagna le pont, suivant le même chemin que son agresseur. Il s'étonna de la vitesse avec laquelle ce dernier avançait, malgré le poid qu'il portait. Remontant les escaliers jusqu'au hall du château arrière, Walter aperçu sa cible franchir la porte pour gagner le pont, où le son des combats avait perdu de son intensité. Avaient-ils gagné ? Et si l'Eliade était tombé aux mains de ces pirates ? Le lieutenant ménagea sa sortie, espérant en son for intérieur qu'il ne s'agisse pas de la dernière.

Malgré le désordre qu'engendra la bataille, le calme régnait désormais. Le principal de l'équipage était regroupé entre le deuxième et troisième mât, Walter cherchait le pirate et la fille du regard, lorsqu'il les aperçu longeant le bastingage sans que personne ne les remarques.

- Arrêtez-les !

Ils étaient trop éloigner pour l'entendre. Walter jura, s'engageant à la poursuite dans son triste état. L'autre filait au trot avant de s'arrêter net devant la foule.

 

*

 

« Coincé. »

Almak devait se faire une raison. Il resserra sa prise sur la fille, cherchant un moyen de passer cet obstacle de taille. « Est-ce qu'ils se battent encore ? » Malgré-lui, le jeune homme s'inquiétait pour ceux qui avaient partagé son voyage. Il les avait entraîné dans cette bataille inutile. Aucun trésor sur ce navire. Juste une femme dans un œuf.

« Les proches laissent des lettres où un objet en souvenir,  maître laisse un humain. C'est normal. Tout va bien. »

Tout va mal. Almak prend du recul afin de passer en force. Son esprit aiguisé avait déjà formé un plan. Il foncerait jusqu'au tornado, s'emparant d'un bout de voile pour sauter par dessus bord grâce à ce rudimentaire parachute. L'idée était stupide. C'était la seule. En toute chose, s'habituer au jugement intuitif. Epaule gauche devant lui, Almak chargea de toute ses forces. Ses jambes se détendirent avec puissance, projetant son corps contre le dos d'un malheureux matelot, qui fut éjecter brutalement sur celui lui faisant face. Almak appelait ça l'effet domino. Le coup de la corde c'était lui.

 

*

 

« Incencé. »

Walter n'arrivait pas à le croire. Ce garçon était dénué de raison. Il le rattrappait enfin lorsque le pirate entra en collision avec ses hommes, se frayant un chemin telle une taupe hors de sa taupinière.

- Poussez-vous !

Pourquoi aucun d'eux ne bougeaient ? Walter joua des coudes pour franchir les corps immobiles. Quelque chose clochait.

- Bougez-vous enfin !

Ils semblaient figés. Cette pensée refroidit le Lieutenant. Son petit univers à bord de l'Eliade venait de s'effondrer à cause de ce misérable abordage. Raté en plus. Walter se stoppa au deuxième rang, frappant au visage l'un des marins qui ne broncha pas.

- Dispercez-vous c'est un ordre ! Je suis le Lieutenant Walter Fiedzerberg et je vous ordonne de vous dispercer matelots !

Aucune réaction. Le pirate de son côté avait redoublé d'effort, franchissant la foule pour disparaître de la vue du noble. Walter lâcha son sabre pour s'emparer du pistolet à coup unique de l'homme qu'il venait de gifler. Puis il parvînt à son tour à rejoindre l'espace vide séparait l'équipage du vandread ennemi renversé.

 

*

 

C'était facile. Personne n'avait bougé. Le plancher était teinté de sang. Il y avait des corps éparpillés, et Almak en reconnu quelques uns avec un pincement au cœur. C'était des frippouilles, mais leur mort avait été indirectement causé par lui. Les marins étaient alignés devant un groupe de pirates, parmis lesquels Almak reconnu Sid, debout face à une femme en tenue légère et un matelot aux cheveux roux. La bataille avait été perdue. Il régnait pourtant une étrange atmosphère sur le pont. Tout était calme et silencieux. A part la voix derrière lui qui avait retentit, le poussant à forcer le pas.

- Qu'est-ce qui se passe ici !

Et voilà qu'elle retentissait à nouveau. Conscient de son égoïsme, Almak profita de la chance laissée par cette suprenante situation pour foncer vers la carcasse de son navire, s'emparant du sabre d'un cadavre au passage, sans oublier de prendre soin à ne pas lâcher la séduisante et mystérieuse fille.

 

*

 

- Répondez !

Walter crut un instant être fou. La situation le dépassait. Pourquoi personne ne bougeait ? Pourquoi personne ne l'écoutait ? Pire : Pourquoi le troisième classe Morgan et une étrangère discutaient devant un groupe de prisonnier ?

- Où se trouve le Capitaine Alphea ? Hurla désespérément Walter. Morgan !

Le lieutenant en oublia presque son voleur de sabre. La femme s'était tourné dans sa direction, sa voix suave et envoûtante s'élevant à l'attention de son compagnon.

- On dirait que j'en ai oublié un.

- Mais enfin qu'est-ce qu'il se passe ici ! S'enragea Walter. Qui êtes-vous ? Morgan, je vous jure que si vous ne...

- Fermez-là.

Et Walter se tût. Comme s'il y avait été contraint. Celle qui le regardait avec dédain dans sa tenue frivole s'adressa ensuite à l'un des prisonniers.

- Suis-moi.

Et le pirate à la balafre obéït. Au point que le lieutenant assimila progressivement la paralysie de son équipage à la volonté de cette femme. Elle ordonna ensuite aux matelots de s'écarter et se dirigea vers le tillac, Morgan sur ses talons. Mais ce dernier se stoppa soudain lorsque sa maîtresse lui jeta un regard glaçant.

- Reste et efface les preuves.

- Oui mon Capitaine.

- Je lui ferais part de ton courage.

- Merci Capitaine Becket.

Puis la femme disparut dans les rangées de marins, qui commençèrent doucement à se mouvoir, comme s'ils venaient de s'éveiller. Des murmurent muèrent progressivement en discussions, pour finir par former un brouhaha d'auto-questionnement. Walter reprenait ses esprits lorsque les marins réalisèrent la présence des pirates survivants et inversemment. Les questions se changèrent cris alors que les deux camps chargeaient, s'affrontant à nouveau parmis les nombreux corps de leurs camarades. Les ennemis étaient féroces, tenant tête à des adversaires cinq fois plus nombreux. Walter regretta d'avoir jeter son sabre, jusqu'à ce qu'il aperçoive la silouhette de sa cible et son fardeau, slalomment entre les combattants avec un sabre entre ses dents et un épais rouleau de voile entre ses mains, ces dernières soutenant le postérieur de sa prisonnière. Que voulait-il en faire ? Le lieutenant l'ignorait, mais cela ne l'empêcha pas de se lancer à sa suite arme au poing. 

 

*

 

« Le goût de l'acier est désagréable. »

Almak en avait maintes fois fait l'expérience. Il était fier de cette technique qu'il avait longuement travaillée. Tout résidait dans l'équilibre du poid du sabre et la force de la mâchoire, en plus d'ignorer la douleur intolérable que subissait ses dents. Sans compter l'hygiène. Mais plus important, les combats avaient subitement reprit. Almak n'était pas certain que son plan ait une chance de fonctionner. Sans compter que la fille acroissait nettement la difficulté de ce dernier. Il parvenait enfin au bastingage, se collant contre son bord, hésitant soudain à faire le grand saut. Une idée saugrenue lui vînt à l'esprit. Il pourrait attacher les deux plis de la voile au poignet de la fille et les enrouler autour des siens.

« La chute risque de durer longtemps, mais peut-être qu'en tenant bon... »

Almak déposa son sabre et la jeune femme, fixant à l'aide de nœuds solides les deux extrémités du large carré de voile selon son nouveau plan.

- Relève-toi !

Le jeune homme s'empara aussitôt du sabre pour désigner de sa pointe celui qui venait de parler. Al le reconnu comme étant le matelot en redingotte blanche qu'il avait assomé un quart d'heure plus tôt. Son visage meurtrie et tuméfié le regardait avec noirceur, le canon d'une arme à feu pointé dans sa direction. Gardant la position de sa lame, Almak se redressa lentement, ses yeux gris fixés dans ceux de son adversaire. Ils n'étaient plus que deux sur le vaisseau. La fureur de l'ultime résistance des pirates contre l'équipage de l'Eliade bourdonnait en toile de fond. La distance qui les séparaient était trop grande pour qu'il prenne l'initiative, même pour lui. Almak devait créer une ouverture sans l'aide de son sabre.

- Calmez-vous Monsieur. Conseilla-t-il sur un ton neutre. On peut trouver un compromis ? Je vous donnerais trois pièces...

- Ferme-là ! Poustillonna le matelot. Qui es-tu ? Répond ou je fais feu.

- Comment-ça qui je suis ?

Almak avança furtivement son pied droit, déplaçant son sabre sur la gauche. L'autre posait son pouce sur le chien à percussion de son pistolet.

- Répond pirate.

Un sourire s'était inscrit sur le visage désabusé d'Almak.

- Je suis Firiël. La Fée du Miel.

Tout allait se jouer en cet instant. Et en vérité, tout se joua réellement en cet instant. La trajectoire de son sabre était déjà calculé. La poignée dans la main gauche, son pouce et son index, consciemment souple, cotoyait le majeur ni crispé, ni relâché. Ses deux autres doigts sont fermement serrés. Un coup d'estoc en deux pas. Almak se lança à la fin de sa phrase, lorsqu'il fut brûtalement stopper par des cheveux d'or tombant en cascade sur une cape noire. Une détonation et le coup partit. Les poignets attachés à la voile blanche, la fille frémit. Almak lui, sentit son cœur cesser de battre, un affreux sentiment lui glaçant le sang tandis que son sabre tremblait dans sa main.

- Non...

 

*

 

- Idiote ! Pourquoi tu as fais ça ?

Walter regardait le jeune homme attraper la fille avant qu'elle ne s'effondre. Le coup était partit dans sa poitrine. Il ne s'était pas attendu à ce genre de retournement. Il visait toujours le pirate, conscient de ne plus avoir de balle. La bataille se poursuivait sur l'Eliade, où des femmes étrangères et des marins figés laissait place à un chaos complet. Tout allait de travers pour Walter. Il ne comprenait pas le but. Il ignorait tout. Sa vie elle-même n'avait plus aucun sens. Le monde entier n'avait aucun sens. C'était la première fois qu'il tuait quelqu'un. Le lieutenant avait bien assisté à des batailles et vu des cadavres aux cours de son existence, mais jamais il n'était passé à l'acte. Par contre, il lui était arrivé d'engager un assassin dans sa jeunesse, pour éliminer l'amant d'une femme dont il était amoureux. Elle avait continué de rejeté ses avances, et ne l'avait plus jamais revu.

Alors que son esprit s'égarait, son adversaire se jeta d'un bond sur lui. Le mouvement fut si rapide qu'il en était fantômatique. Walter observa la pointe du sabre s'enfoncer dans le canon de son pistolet, découpant l'arme en deux sous la puissance et la précision du coup d'estoc. La lame entra ensuite dans la chair de son torse, se frayant un passage dans son sternum pour s'y planter jusqu'à la garde. Le tout se passa en un battement de cils, et Walter eût un haut le cœur, comme s'il s'apprêtait à vomir. Mais se qu'il régurgita dans un bruit de gorge était brûlant et visqueux, d'un rouge écarlate. Le souffle lui manquait, ses poumons étaient en feu sous l'impulsion d'une violente douleur dans chaque parcelle de son corps. Des yeux gris le dévisageaient sans la moindre émotion. Les yeux d'un mort. Son meurtrier était un fantôme aux yeux d'argents, qui lui souffla en guise d'adieu :

- Mon nom est Almak.

 

*

 

« Le temps presse. »

Almak laissa son sabre planté dans la poitrine de son ennemi tandis qu'il s'effondrait. Ses lèvres avaient bougé mais aucun son en était sortit. Al reporta son attention sur la fille. Elle était gravement blessée. Pourquoi être intervenue ? Son état l'inquiétait. Et si elle savait quelque chose ? Si Aldan l'avait laissé là, pour lui ? Les chances étaient minces. Raison de plus, elle ne devait surtout pas mourir.

- Reste avec moi. Lui ordonna Almak tout en passant ses bras sous son dos et ses jambes.

- Où... Suis-je....

Sa voix était douce et terriblement faible.

- Sur un Vandread. Ne t'inquiète pas, on s'en va.

Elle sourit en fermant les yeux. Malgré sa blessure et le sang qui se déversait de sa plaie, imbibant le tissu de la cape qui recouvrait son corps nu.

- Non, ouvre les yeux. Regarde-moi. On va s'en sortir, mais j'ai besoin que tu m'aides.

Elle marmona quelque chose d'incompréhensible. Almak la fit répété.

- J'ai besoin de toi. Tu peux m'aider ?

- Crois pas... Que ce sera gratuit...

Elle délirait. Al l'avait portée à nouveau jusqu'au bastingage. Il employa son énergie à la passer par dessus bord, la retenant par la taille.

- J'ai besoin que tu t'accroches le temps que je te rejoigne. Tu peux le faire ?

- Oui.

Son visage se crispait cependant en réponse à la douleur. Un filet de sang s'échappait de ses lèvres. Elle gardait son calme. Almak la trouva courageuse et se sentit honteux de lui faire subir un tel traitement.

- Tu verras... Lui assura-t-il. Tout va bien se passer.

Il mentait bien. S'assurant que la fille se maintienne seule de l'autre côté de la rembarde, Almak la franchit à son tour, en équilibre sur la corniche qui terminait la coque de l'Eliade. Un faux mouvement et s'était une chute vertigineuse dans le vide.

- Accroche-toi.

Almak glissa une main dans le dos de sa mystérieuse inconnue, lui demandant de tendre les bras afin qu'il se place entre elle et le bastingage.

- Je te tiens, tu peux approcher ta main droite ?

La jeune femme s'excuta, incroyablement résistante avec une blessure qui serait venu à bout d'un homme normalement consitué. Lâchant sa prise avec le navire, Almak fit passer son poignet une fois autour du tissu de voile, alors gisant sur le pont, avant de reprendre position. Il réitéra son geste, puis passa à l'autre main. La fille aux cheveux d'or se tenait étroitement contre lui toute la durée de la manœuvre. Almak sentait sa force diminué à vue d'oeil.

- Reste avec moi. On y est presque.

Elle laissa sa joue reposer contre son torse. La seule raison qui l'empêchait désormais de tomber était le lien autour leurs poignets.

- Je compte jusqu'à trois et je lâcherais. La voile se gonflera lorsque nous lèverons les bras.

- Tu es un idiot...

Pas le temps de s'attarder sur ça. Almak commença son décompte. « Un... » Jamais il n'aurait crût en arriver là. « Deux... » Elle était vraiment jolie.

- Trois !

Les deux extrémitées de la voile fermement compressées dans ses mains, le jeune homme lâcha le bastingage pour se laisser tomber dans le précipice.

L'Eliade était presque à l'arrêt, ce qui facilita grandement l'envol. Leur deux corps formaient un angle de quarante-cinq degré par rapport au plancher du pont lorsque la voile se gonfla enfin, tirant brusquement sur leurs muscles lorsqu'une bourrasque les projeta d'un seul coup au-dessus du pont. Almak ne put s'empêcher de crier. Leurs cheveux fouettaient l'air tandis que leur trajectoire les fit passer à un pied de la dunette du troisième mât. Ils passèrent en l'espace d'une poignée de secondes de tribord à babord, avant de se stabiliser après une soudaine perte d'altitude au milieu de l'imposante coque du Vandread.

- Mais ça marche ! Se réjouit Almak. Tu as vu ça marche !

 

*

 

Walter était secoué par des spasmes. Il avait retiré le sabre dans un effroyable cri de souffrance, et gisait désormais le dos contre le plancher. Il contemplait le ciel, sentant son âme s'extirper de son corps. Le responsable de son état venait de passer en trombe dans son champ de vision, accorché à un carré de voile avec la femme qu'il avait tué. Tout cela n'avait aucun sens.

Puis le grincement familier des roues de fer d'un fauconneau en fonte résonna près de lui. Il tourna douloureusement la tête, pour discerner le troisième classe Morgan dirigeant la pièce d'artillerie vers la carcasse du perce-nuage ennemi. Walter ouvrit la bouche et la ferma plusieurs fois sans qu'un autre son que ses gargouillements ne s'en échappe. Il aurait tant aimé insulté une dernière fois son équipage.

 

 

1.7 - MANIPULATIONS

 

 

Le garçon avait laissé des dégâts derrière son passage. Tel fut le constat de Kristal en prénétrant dans la salle des officiers avec son otage. Almak Horrocks. Le même nom que cet homme. Sa mission était accomplie. La fille avait rencontré l'héritier. La suite ne dépendait plus d'elle. Pour le moment.

Ses formes compressées dans ses vêtements moulants, Kristal faisait face au miroir caché derrière l'oeuf brisé. Ses doigts aux ongles vernis effleurèrent sa surface, qui sembla se liquéfier à son contact.

- Passe devant.

Son prisonnier, un homme particulièrement laid et répugnant, se dirigea alors vers le psyché, comme s'il voulait passer au travers. Kristal n'affichait pas la moindre surprise en observant le pirate embrasser son reflet dans la glace, pour finir par disparaître en son sein, le miroir ondulant derrière son passage. Alors une gigantesque détonation retentit, et l'ensemble de Vandread sembla sur le point de se fracturer.

- Dans les temps Morgan.

Kristal s'engagea à son tour dans le passage, évitant ainsi les flammes ardentes de l'explosion causé par une énorme source d'hydrogène, réduisant en cendre le bois de chêne, les décorations, les instruments, sans compter l'équipage.

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1.8 - CHUTE (SUITE)

« On est mort. » 

Almak en était désormais persuadé. L'explosion du Tornado entraîna une pluie de débris incandescants, qui par chance ne les avaient pas touché. Ce qui n'était pas le cas de la voile, instantanément déchiré par un projectile expulsé à la vitesse du son. Le trou laissa filtrer l'air, accélérant progressivement leur descente vers la terre ferme.  La toile se sectionna finalement en deux, et leur envol se transforma en chute libre dans la couverture des premiers nuages. Almak se démena pour serrer la fille dans ses bras tandis que l'air sifflait fort dans ses oreilles. Sa chemise était tâchée de sang. Ils tombaient comme deux pierres étroitement enlacées, leurs vêtements fouettant leur peau sous l'impulsion de leur vitesse mortelle.

« La gravité. »

Almak ressentait la puissance dégagé par ce mot. Etre irrésistiblement attirée par notre Mère la terre. Elle voulait nous garder. Bien que dans son cas, Elle allait les tuer. Le coton des cumulus, chargé de goutelettes d'eau, laissa place à la vue du sol verdoyant et sauvage des plaines d'Alesta, de hautes montagnes s'élevant au Sud et le début de la mer à l'Ouest. Malgré la manière imprévisible dont ils chutaient,  Almak pouvait apercevoir par éclair le paysage se rapprocher ineluctablement.

« Si tu as une quelconque utilité c'est le moment où jamais ! » Paniqua-t-il mentalement à l'encontre de la jeune femme.

Les courants d'air les balançaient dans tous les sens, lorsqu'une note familière résonna comme un appel. C'était le même son émit par l'oeuf avant de se briser. Dans les bras d'Almak, la fille commença soudain à briller. Comme une petite étoile. Le phénomène prenait de plus en plus d'ampleur, et le jeune homme aperçut son médaillon émettre une intense lumière. Il y avait un lien évident entre les deux. Alors qu'ils se rapprochaient dangereusement d'une plaine de collines rocailleuses, leur vitesse diminua progressivement, comme si un matelat venait les ceuillirent délicatement avant de ralentir la chute. Leurs corps étaient aussi léger qu'une plume, se laissant guidé par une force invisible et incroyablement réconfortante. La lumière était si forte qu'elle aveuglait désormais Almak, employant toute son énergie à garder la fille étincelante dans ses bras.

Un homme qui passerait par là aurait assister à l'atterissage en douceur d'une étoile filante, alertant son arrivé par une note claire et haut perchée. Suivit quelques minutes plus tard par la carcasse enflammé d'un gigantesque Vandread de la flotte d'Albieros, qui s'écrasa au Nord des Plaines Rocheuses, à la frontière du Royaume Ademar d'Alesta.

 

 

1.9 - PROMESSE

 

 

« Je suis en vie. »

Almak était en vie. Il avait assisté à un miracle. Agenouillé sur l'herbe d'une colline, il tenait dans ses bras la jeune femme en sang qui venait de lui sauver la vie à deux reprises. On aurait dit qu'elle dormait. Al la regardait avec une expression grave sur le visage. Son sourire forcé avait disparut pour laisser place à une tristesse incommensurable. Il avait échoué. Son maître devait être déçu de là où il le regardait. « Tu agis sans réfléchir. » Lui répétait Aldan dans sa jeunesse. « Prend le temps. Suis ton instinct mais prend ton temps. Ton esprit regarde au loin quand ton corps regarde devant, et inversement. » Sur le coup Almak n'avait rien comprit. Puis une vie de pertes et de combats lui avait enseigné la Voie. La quête du médaillon l'avait aveuglé. Il était redevenu un enfant, cherchant désespérément à connaître son maître.

- Embrasse-moi...

Almak perdit le fil de ses pensées. Elle lui avait parlé. Elle lui avait demandé de l'embrasser. Ses yeux de jades le dévisageaient sous ses paupières entrouvertes. Son expression paisible lui provoqua une décharge, vibrant jusque dans son cœur. Qui était-elle exactement ? Almak répondit sur le ton de la confidence.

- Tu veux dire là, tout de suite ? Tu veux pas qu'on parle un peu avant...

- Idiot...

Elle souriait de plus belle. Pourquoi elle voulait l'embrasser ?

- Je... Je vais trouver de l'aide. Tu va vivre, d'accord ? Je rembourserais ma dette, je le promet.

- Ne fait pas des promesses que tu ne tiendras pas et approche-toi.

Son sérieux ne faisait aucun doute. Alors tendrement, Almak avança son visage près de celui de l'inconnue. Ses lèvres n'étaient qu'à un doigts des siennes lorsqu'il réalisa :

- Je ne connais même pas ton nom.

- Deoria... Murmura-t-elle dans un souffle chaud. Promet-moi de ne jamais m'abandonner.

Fermant les yeux, Almak promit et lui accorda son baiser. Elle le lui rendit avec passion, et l'instant dura beaucoup plus longtemps qu'il ne l'aurait imaginé. Elle avait un goût de sang et de fleur. De la douceur, de l'affection et du réconfort. Des sentiments dont le garçon avait presque oublié le sens. Au moment où il envisagea de rompre l'acte, Deoria plaça ses mains derrièrent son crâne pour l'empêcher de reculer. « Je ne crois pas qu'on va aller plus loin dans ton état. » Pensa furtivement Almak, avant d'avoir l'effroyable impression d'aspirer autre chose que de la salive. Un courant d'air essayait de forcer le passage de sa bouche pour pénétrer dans sa gorge. Quelque chose entrait, et à nouveau la jeune femme diffusa une prodigieuse lumière blanche. Almak crût être engloutit par l'intensité de l'éclat, et la déflagration scintillante qui suivit le plongea complètement dans l'obscurité. Il avait terminé sa chute comme une étoile dans une mer d'encre. Deoria avait disparue, ne laissant que les vêtements du capitaine de l'Eliade derrière elle.

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Fin du premier Chapitre.

Je tenais à le poster dans son intégralité pour suivre un rythme hebdomadaire à partir du chapitre II. Il y a beaucoup de texte, aussi je tiens à remercier tous ceux qui prennent le temps de lire l'histoire dans son intégralité.

 

Egalement, toutes vos critiques/avis sont les bienvenues !

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Voila j'ai rattrapé les derniers chapitres !

 

Et que dire à part, qu'on est vraiment emporté dans ton univers, les personnages sont tous attachants, d'autres un peu moins lol. La madame Kristal m'intrigue beaucoup, ainsi que le destin d'Almak et la mystérieuse fille aux cheveux d'or. En tout cas cela annonce une aventure trépidante pour Almak 8).

 

Le dernier chapitre m'a laissé sur ma faim avec la disparition de la fille aux cheveux d'or. J'attends la suite des aventures d'Almak ;D. Continue ton scénario commence très bien !

 

Dernière chose niveau description tu es très bon, largement mieux que moi ><.

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Merci Kyojin, pour les descriptions, il faut beaucoup lire et un peu écrire, des petites nouvelles par exemple, puis augmenter le rythme jusqu'à te créer un environnement bien à toi. Je dessine beaucoup aussi, et ça aide pour imager ^^.

 

En tout cas voici la partie de cette semaine :

 

 

CHAPITRE DEUX : DEUX CHASSEURS, UNE PROIE

 

« Hors de la Brume se laisse porter,

Longtemps bercé par vent et vagues,

Contemple le ciel les yeux cavés,

L'enfant aveugle privé de larmes. »

 

 

 

« La Sagesse commence dans l'émerveillement. »

Socrate

 

 

2.0 – CONSEIL RESTREINT

 

 

- Maréchal...

Quelqu'un chuchotait à son attention tandis qu'il somnolait.

- Maréchal Akulatraxa !

Il était assis dans un fauteuil en cuir confortable, des conversations bourdonnant en bruit de fond. Quel idée de venir aussi tôt ? Tout les gradés savaient qu'un conseil restreint ne se réunissait pas en deux ou trois mouvements. Il s'était certainement assoupit à cause de l'attente solanellement ennuyeuse.

- William, le Commandant vous dévisage.

La paupière qui ne se trouvait pas derrière un cache noir laissa place à un œil bleu et vif. William aspira une grande bouffée d'air, remarquant le regard exaspéré du Capitaine de sa Division. Ils étaient assis autour d'une table en hexagone en compagnie d'une dizaine d'autres.

- Sérieusement, change de tenue Zackary. Marmonna William.

- Le jour où vous me laissez votre place.

- Il faudra me tuer.

Zackary Kriphos, son bras droit, installé à sa droite. Chef du premier groupe de Chasseurs de sa Division. Il portait un costume blanc excentrique avec un haut de forme, une canne noire se terminant par une caricature de sa tête en ivoire, portant également un haut de forme, et ne quittant jamais sa main droite. Le Magicien Blanc. Il avait un faible pour les belles femmes. En fait il devenait complètement inutile en leurs présences. Mais c'était un guerrier hors pair, et un stratège encore plus effrayant. Son visage et ses yeux noirs étaient aiguisés comme ceux d'un aigle. Malgré les boutades qu'ils se lançaient, William éprouvait beaucoup de respect pour lui.

- Silence s'il-vous-plaît ! Maintenant que tout le monde est présent nous pouvons commencer.

Les conversations cessèrent. Le Commandant avait parlé. Il présidait le Conseil en bout de table, vieil homme chauve et ridé en kimono noir, une veste ample et blanche sur les épaules. Il plissait constamment les yeux, si bien que William n'en avait jamais vue la couleur. « Il est constipé. » Se plaisait à faire remarquer le Maréchal à son Capitaine, entraînant bien souvent le fou rire de ce dernier. La voix forte et rocailleuse du Commandant résonnant dans la Salle du Conseil des Cinq Divisions.

- Passons à la raison de notre présence. Hier, environ deux heures avant la tombée de la nuit, L'Eliade, un Vandread d'artillerie lourde transportant un chargement destiné à la Confrérie, a été attaqué. L'information nous est parvenue se matin par corbeau en provenance d'un village des Plaines Rocheuses. Un paysan aurait aperçu une carcasse en flamme tomber...

- L'Eliade ? Gronda sur un ton féroce un homme imposant en armure d'argent et en cape noire, installé face à Zachary. Le navire de Klein Alphea ?

- Maréchal, vous venez d'interrompre le Commandant. Le réprimanda un jeune homme aux cheveux bruns et raides, vêtu de la même manière.

Le Maréchal Roy Elesias et le Capitaine Winter, de la Division du Cygne. Des combattants féroces. La Montagne et la Colline. William les appelaient ainsi. Le premier était un monstre uniquement guidé par son instinct. Un prédateur que lui-même redoutait. Son corps était couvert d'innombrables cicatrices à cause des blessures provoqué par les balles où les lames l'ayant un jour traversé. Roy massacrait avec un rire incontrolable sur les champs de bataille, écrasant les têtes de ses adversaires comme de vulgaires noix entre ses gros doigts. Un démon. Magnifique. Le Capitaine Winter quand à lui demeurait mystérieux. Il semblait sans cesse ennuyé. Il avait une voix traînante et agaçante malgré sa belle gueule. William ne le connaissait pas personnellement, mais pour obtenir la position de Capitaine au sein de la Division du Cygne, ses talents ne laissaient aucun doute. Le visage du Commandant Alkadia s'était rembrunit après la remarque impolie de la part du colosse d'Albieros.

- Ne prenez pas la parole sans permission Maréchal Elesias. Ordonna-t-il d'un ton sec. Une question Capitaine Kriphos ?

William regardait son bras droit lever la main comme un élève en classe. Il devait toujours se faire remarquer celui-là...

- Pourquoi le Capitaine Becket et le Capitaine des Dragons manque à l'appel Commandant ?

Effectivement. Ils n'étaient que neuf réunis autour de l'hexagone, au lieu des onze habituel. Zackary avait consciemment évité de nommer le deuxième abscent, qui de toute manière, n'avait jamais assister à une seule réunion du Conseil.

- Vous avez oublié de prévenir votre ravissante subordonnée Maréchal Lili ? Taquina William sans demander de permission pour parler.

- C'est Apolys Ru'an. Soupira la voix étouffé d'un guerrier en manteau noir, ses yeux ambrés le fixant avec intensité derrière des bandages lui dissimulant cheveux et visage.

Le siège à sa droite était vide. Le Maréchal Ru'an, de la Division du Corbeau, était un homme plein de mystères, qui ne se séparait jamais des trois sceptres trônant habituellement dans son dos. L'un se terminait par un filet, le deuxième par un tambour sur lequel était peint un œil rouge, et le dernier formait un croissant de lune couvert de runes. William avait déjà vu l'un d'entre eux à l'oeuvre. Si Zachary était le Magicien Blanc, Apolys était le Sorcier Noir. Un homme sage et dangereux.

- Silence ! Trancha le vieux Commandant. Le Capitaine Becket est déjà sur place avec deux groupes de Chasseurs de sa Divison.

- Pourquoi nous avoir convoqué dans ce cas ? Souleva la voix désabusé du Capitaine Winter, ses grands yeux verts dirigé avec impertinence vers leur chef.

- Soyez respectueux Winter. Le corrigea un Maréchal au visage si beau et délicat qu'il en semblait presque irréel.

Azaël Alkadia venait de s'exprimer de sa voix douce et rassurante. Il était le deuxième siègeant sans son bras-droit. Fils du Commandant de la Confrérie. Maréchal de la Division du Dragon. Des yeux gris et froids dissimulés derrière un sourire aimable. Il avait adressé un bref signe de tête à William en guise de salut. C'était un homme droit et sage, respectant scrupuleusement l'autorité de son père. Tout le contraire de son Capitaine.

- Vous pouvez pas tous simplement la fermer ?

Celle qui s'impatientait était la seule femme présente sur l'hexagone. Le duo de la Division du Tigre. Velucia Nox, assise entre le Commandant et son père, le Maréchal Orün Nox, petit vieux à la barbe blanche dont seul la tête et les épaules dépassaient de la table. Orün était le frère du Roi de Jelaka, le Royaume de l'Ouest. Tout le monde le respectait. Sa fille, Velucia, était une très belle femme aux longs cheveux améthystes, ce qui était amusant lorsque l'on savait que la deuxième présence féminine de ce conseil avait des yeux mauves tout à fait étonnant.

- Je suis d'accord ! Brailla subitement Zachary en se redressant, adressant un clin d'oeil à la ravissante Capitaine.

- Inutile... Souffla William en se massant la tempe du pouce, détournant le regard de son pitoyable subordonné.

Alors que chacun commençait à s'exprimer en même temps, un sifflement métallique imposa un silence de mort. Un poignard passa à un cheveu de l'oreille de Zachary pour se figer derrière lui, dans le mur de pierres taillées. Une chaîne d'or reliait la poignée de l'arme pour rejoindre la main du Commandant, qui retira d'un mouvement sec et rapide son projectile afin de le récupérer au creux de sa main.

- Dernier avertissement. Siffla-t-il avec un calme terrifiant.

C'était un vieux fou, qui savait se faire respecter. Après avoir rangée son ustencile sous sa veste, le Commandant reprit son discours où il l'avait laissé.

- Le Maréchal Ru'an est celui m'ayant informé de l'attaque. Nul autre que lui, le Capitaine Becket, et moi-même, n'était au courant de l'incident avant cette réunion. A présent écoutez moi bien bande de petits insolents, l'attaque de l'Eliade est désormais classé confidentiel. Seul les Onze membres de ce Conseil sont au courant de ce fait, et il doit en demeurer ainsi. La cargaison que transportait le Capitaine Klein Alphea constitue une violation intolérable de notre Règlement. Nous arrivons donc à la véritable raison de cette réunion : Lequel d'entre vous... Misérables insectes que vous êtes... Est le commanditaire de l'extraction de notre pièce maîtresse, notre seul atout, dans la lutte contre ce Fléau !

Le Commandant avait terminé sa phrase en hurlant, écrasant durement son poing contre le bois d'acajou de la table Hexagonale. Velucia avait sursauté, les autres, William y comprit, affichaient désormais une expression grave et concentrée.

- Qu'est-ce-qu'il vous prend le vieux ? Vous nous accusez ? Gloussa le Maréchal Elesias. Avant de soudainement rugir comme un lion enragé : Vous savez qui je suis ? Vous pensez être au-dessus de tout le monde ? J'en ai rien à cirer de votre rang !

William la ressentit telle un énorme poid sur ses épaules : La tension. Une pression écrasante se dégageait du vieux Commandant et de Roy Elesias. Une lutte invisible. Un duel colossal dont seul une poignée de personne pouvait en admirer l'intensité. 

- Maréchal, vous venez d'insulter le Commandant... Murmura le Capitaine Winter à son supérieur.

- Les seuls personnes connaissant l'emplacement de la Clef se trouvent dans cette salle. Informa Apolys Ru'an sous ses bandages, comme pour détendre l'atmosphère.

- Tu veux me faire croire que la Chambre des Clefs n'est pas au courant Lili ?

William se surprit à participer ainsi au débat. Ce n'était pas dans ses habitudes.

- C'est Apolys Ru'an, Maréchal Akulatraxas.

- Tu n'as pas répondu à ma question.

Il ne rétorqua pas. Evidemment. Les quinze membres de la Chambre des Clefs connaissaient les moindres faits et gestes des Chasseurs de la Confrérie. Ils avaient des oreilles partout, y comprit dans cette salle, en cet instant. La Chambre savait quand quelqu'un enfreignait le Règlement, avant même que l'idée ne lui vienne à l'esprit. A peu de choses près.

- Commandant, je crains en effet que vous portiez un jugement trop hâtif.

William et les autres gradés se tournèrent d'un seul mouvement vers Azaël Alkadia, avant d'attendre la réaction du père qui, à la surprise de tous, fut à la fois calme et mesurée.

- Le fait est, Maréchaux et Capitaines des Cinq Divisions, que le mal rongeant ceux qui vivent hors de la Brume se glisse lentement sur nos Terres. Des rapports mentionnent certains cas dans les villages bordant la Mer Intérieure.

- Il n'y a aucune preuve que le Fléau se rapproche d'Alesta. Protesta Roy Elesias.

La phrase déclencha une série de débats bruyant, auxquelles William ne prenait pas part. Il méditait. Où alors il s'endormait, il ne savait pas trop. Ainsi, un haut placé de la Confrérie l'avait rapatrié auprès des siens sans autorisation. Et manque de chance, la cargaison a disparue avec le Vandread. Elle était plongé dans un bain d'Anima la première et dernière fois qu'il l'avait vu. Magnifique. Un être parfait.

Une voix éraillée qui ne résonnait que trop peu souvent entre ces murs s'éleva alors pour la première fois, imposant un silence respectueux. Le petit Orün Nox, Maréchal de la Division du Tigre et plus vieux membre de ce Conseil, s'exprima.

- Vous pensez vraiment être à l'abris derrière vos masques et vos manigances ? Nous visitons ces Terres Mortes à la recherche d'un ultime espoir, expiant encore les péchés de nos ancêtres. Aveugle. Aveugle ils étaient et aveugle nous le sommes. Lorsque l'aube se lève sur le port d'Oberon, réchauffant la pierre blanche de nos maisons et le sable de nos plages, des pêcheurs retrouvent une dizaine de barques échouées par la marée. Dans ces embarcations de misères, ils y trouvent chaque jours des corps d'enfants. Parfois quatre, parfois vingt. Tous ont les yeux arrachés. Surement par leur mère, avant de les envoyer vers une mort certaine. Un jour un marin m'a emmené voir un peu plus loin, à l'orée de la Brume d'Alesta. Là, il y avait des centaines, voir des milliers de radeaux et de canots en train de dériver. Tous contiennent des cadavres d'enfants. Il y a même des nourissons. Il serait fou d'oublier qu'il existe un Mal qui ne se nomme pas dans les Terres Extérieures. Mais il serait plus fou encore d'ignorer qu'un jour ce Fléau frappera à nos demeures et nos châteaux.

Il venait de calmer tous ceux présent dans la Salle. Il y eût quelques murmures, puis plus rien. Alors le commandant se leva de son siège, mettant un terme à ce Conseil.

- Comme toujours, vos paroles sont dures et pleine de sagesse Maréchal Nox. L'enquête est assigné à la Division du Corbeau. Les autres peuvent retourner à leurs occupations habituelles. La moindre divulgation de ces informations entraînera une peine égale à celle prononcée pour trahison. La scéance est levé. Puisse la fleur s'épanouir...

- ...Et nos âmes la ceuillirent. Terminèrent en cœur les dix autres chefs du corps armé de la Confrérie des Chasseurs d'Ame.

- En clair c'est la mort... Chuchota Zackary à son attention.

William inspira un grand bol d'air avant d'expirer lentement, revigorant ses poumons avant de sortir une cigarette roulée de la poche intérieure de son long manteau brun, le dos de sa main rencontrant les écailles tièdes du plastron de son armure. Ils furent les premiers à sortir de la salle étouffante et obscure, regagnant un couloir en pierre blanche et au sol dallé de marbres. Des lustres brillaient haut au-dessus de leurs têtes,  diffusant une délicieuse lumière blanche. William et son bras-droit marchaient côte à côte, le premier recrachant un épais nuage de fumée tandis que l'autre tapotait son épaule avec le pied de sa canne. Le Capitaine Zachary attendit d'être suffisamment éloigné des autres chefs de Divison pour rompre le silence.

- Tu penses que le vieux dit vrai ?

- A quel moment ? Rétorqua William d'une voix paisible et chaleureuse.

- Quand il accusait l'un de nous d'être le responsable de cet incident.

- Je pense que ce vieux gateux de Commandant ne l'est pas encore tout à fait. Ca te dirais des vacances Zaky ?

- Non, je sais où vous voulez en venir.

Son bras droit le connaissait bien. Le Maréchal souhaitait en effet mener sa petite enquête.

- Je les donnerais à quelqu'un d'autre alors... Deux autres pour être précis.

 

 

2.1 – SORS DE MA TÊTE !

 

Almak rêvait. Il rêvait qu'il était aveugle. Deux tâches d'encre sur un tableau noir. Il y avait cependant une odeur végétale, florale... Un soupçon d'algues. La caresse du vent sur le bois sec. Le ballotement d'une barque, poussée vers le rivage par les vagues. Un enfant allongé dans cette dernière, le visage tourné vers le ciel. Un garçon dont on avait ôter les yeux sous ses paupières. Dont le soleil avait brûlé la peau. Ses lèvres saignaient à cause des vergetures. Le manque d'eau et de nourriture laissait paraître ses os sous des vêtements de misères. Pourtant Almak vivait. Il ne se rappelait plus pourquoi. Il entendait les mouettes crier au-dessus de sa tête. La première mélodie qu'il entendait depuis longtemps. Seulement, il ne pouvait pas bouger.

 

« Y'en a un d'vivant par là ! »

 

Un homme avait crié. La barque s'était arrêté. Almak ne saurait dire comment, la soif avait eu raison de lui. Un vieux marin l'avait trouvé. Edgar Ed' Edward, les trois Ed'. Cet homme l'avait soigné et nourri, avant de le confier à l'orphelinat. Il se rappelait s'être plusieurs fois échappé pour lui rendre visite, lorsque les autres enfants le prenait pour cible à cause de son handicap. « T'laisse pas faire par ces voyous. 'sont jaloux ta p'tite gueule d'ange. J'tai bien rafistolé gamin. » Le réconfortait Edgar, avant d'ajouter, en guise d'adieu. « Tu s'ras bientôt à l'âge d'travailler p'tit gars.'Vont surement t'voyer chez l'gros Jack. T'laisse pas faire surtout. Ceux qui s'laisse faire c'est des couards. Des lâches. T'laisse pas faire p'tit gars. »

 

Les sons et les odeurs se dissipèrent pour se mélanger. Le rêve avait changé.

 

- Que lui est-il arrivé ?

Le parfum de la ville et de son marché. Almak était assez grand pour lire et écrire, mais depuis que le vieux Ed' l'avait trouvé, il n'avait pas encore parlé. Sauf peut-être dans son sommeil. Il portait des tapis en guise de présentation, un lourd fardeau pour un garçon de son âge.

- Un marin l'a pêché sur le rivage. Il était à moitié mort quand on l'a trouvé. Vous avez fait votre choix ? S'empressa de demander le gros Jack, dégageant une forte odeur de sueur derrière son étal.

- Quel âge a-t-il ?

Almak se tenait devant le comptoir, écoutant avec attention la voix chaleureuse et apaisante de ce curieux client.

- Qu'est-ce-que ça peut vous faire ? S'impatienta son propriétaire.

- Un nom peut-être ? Rétorqua l'étranger sur un ton calme et amusé.

- Il en a pas. Trancha l'obèse. Si vous ne voulez rien acheter passer votre chemin.

- A vrai dire, je crois avoir trouvé. Combien pour le garçon ?

Le marchand éclata d'un rire gras et grossier. Almak n'en croyait pas ses oreilles, manquant de lâcher les précieux échantillons de la boutique sous les yeux de son énorme maître.

- Fais gaffe aux tapis ! Cracha-t-il à son attention.

- Cinq pièces d'argent. Négocia soudain le client.

- Je ne le vend pas.

- Huit.

- Une pièce d'or. Enchérit le gros Jack sur un ton où Almak devinait un grand sourire.

- C'est d'accord. Content de faire affaire avec vous.

L'homme tira une bourse et paya la somme exhorbitante pour un esclave aveugle. Le Marchand rit de plus belle et passa son comptoir pour arracher les tapis des mains de l'enfant. Almak sentit son nouveau propriétaire s'approcher, une main tiède vînt alors se poser sur ses cheveux pour les décoiffer.

- Tu es libre de me suivre ou de rester.

Puis l'homme rompit le contact pour s'éloigner, laissant le garçon face à son choix. Oscillant entre la peur et la curiosité, Almak finit par se lancer sur les pas de son libérateur. Il le rattrappait presque lorsque la voix rassurante s'éleva.

- L'élève se doit d'avoir un nom pour que son maître l'appel.

L'enfant s'arrêta, troublé par l'aura bienveillante que dégageait ce voyageur.

- Elève se disait Al dans l'ancien langage. Et Maître se disait Mak. Almak. L'élève maître. Je me prénomme l'élève blanc. Aldan. Almak et Aldan. Imaginons que l'élève disparaît. Il ne reste que le maître blanc. Un petit garçon comme toi serait près à assumer un tel destin ?

Almak ne pouvait se résoudre à répondre. Il n'avait pas tout compris, mais l'homme venait de lui donner un nom. Il sentait sa gorge se nouer. Personne avant cet inconnu ne lui avait prêté la moindre attention. La moindre reconnaissance. Il avait toujours été rejeté. Le dernier de la portée. L'aveugle. Celui qui venait de l'autre côté de la Brume.

- Cela prendra du temps... Mais je t'apprendrais à parler.

L'homme avançait dans sa direction tandis qu'il parlait. Almak pouvait le sentir. Il avait une odeur de fleur. Un parfum délicat aux premiers abords, étonnement puissant lorsque l'on s'habituait à le respirer. Aldan était agenouillé devant lui, l'invitant à grimper sur son dos. Le garçon ne bougeait pas, ne sachant quoi faire dans ce genre de situation. Une main alors guida les siennes autour de son cou, et le reste suivit naturellement. C'était la première fois que quelqu'un le portait ainsi. Il apprit de nombreuses choses sur l'homme à travers ce contact chaleureux. Ses cheveux étaient long et retombaient sur ses épaules. Il était grand, et portait un long manteau. Son bras droit était étrangement solide et froid. Un bras mécanique. Ils marchèrent ainsi quelques pas lorsque Aldan s'exprima à nouveau.

- Un long voyage nous attend.

 

La phrase demeura en suspend, et Almak se réveilla sur l'herbe sauvage, ouvrant les yeux sur une aube fraîche et colorée. Il resta un moment immobile, laissant le rêve s'estomper dans le ciel rose de cette nouvelle matinée. Il pensait avoir enfoui ses lointains souvenirs au plus profond de lui. Un passé sans couleur. Uniquement défini par les sons, les goûts, les sensations et les odeurs. Puis Almak repensa à des événements beaucoup plus récent. L'abordage de l'Eliade, la fille dans l'oeuf, leur chute mortelle, l'intense lumière, et le baiser. Deoria. C'était son nom. Il l'avait embrassé et...

Al se redressa soudainement. Que s'était-il passé ensuite ? L'Eliade tombait du ciel dans un brasier ardent. Il avait perdu connaissance. Elle lui avait refilé un truc par la bouche. Il s'en souvenait maintenant. Un tour d'horizon lui apporta une multitude d'informations. Un paysage bossu et rocailleux, balayé par le vent. Des champs d'herbes sauvages et quelques rares arbres escaladant les collines. Les contours bleutées des montagnes au Sud. Il se trouvait dans les Plaines Rocheuses, territoire du royaume d'Ademar. Les terres du Dragon. Il avait toujours son médaillon. Personne ne s'était approché de leur position au cour de la nuit. Almak retrouva les restes de la voile qui lui avait presque sauvé la vie. Le presque n'était pas de trop.

Après un rapide compte rendu, il ne manquait que deux choses. La fille, et le sang. Où était passé le sang sur sa chemise ? Pourquoi les vêtements qu'il avait volé au vieux fou reposaient par terre sans couvrir qui que ce soit ? Elle était partie nue. Nue dans ces contrées dangereuses et sauvage. Nue dans sa perfection, une blessure mortelle en pleine poitrine. La raison poussait Almak à penser qu'elle était autour, quelque part, et certainement morte. Son instinct le laissait croire qu'il avait manqué quelque chose d'extrêmement important.

« Les méthodes les plus simple ont le plus de chance de fonctionner. » Médita le jeune homme avant de lancer sur un ton naïf.

- Je sais que tu es là !

Seul le soufflement du vent lui répondait. Il lui disait : « Mince, trouvé. » C'était la première fois qu'Almak entendait le vent parler. Une voix à la fois proche et éloignée. Un écho qui murmurait à son oreille...

« Attend un peu... »

Depuis quand le vent parlait ? Une voix s'était exprimée certe, mais envisager cette possibilité relevait pour Almak du fanatisme religieux. C'était comme cette femme il y avait bien longtemps, qui avait brûlée sur un bucher...

« Madonna ? »

- Exactement.

Le visage d'Almak se décomposa lentement.

- Exactement...

Cette fois quelque chose n'allait pas. Ses muscles se crispèrent avant de se relâcher en douceur. Ses sens exacerbés, le jeune homme examina en détail la colline sur laquelle il se trouvait. Il ne sentait personne.

« Bon, on fait quoi maintenant ? »

- Où te caches-tu ? Rétorqua Almak sur le qui-vive, de plus en plus désorienté.

« Ne fais pas semblant de l'ignorer. »

Son cœur battait la chamade. Ecartant la végétation à coup de botte, il cherchait un indice qui le mènerait à cette voix de plus en plus agaçante.

- Sors de ta cachette maintenant ! J'ai t'ai reconnue ! Deoria c'est ça ? S'impatientait Almak en sentant sa respiration s'accelerer.

« Je suis dans ta tête idiot. »

Al se stoppa subitement. Impossible. Ridiculement impossible.

- Tu te crois dans le récit d'un conteur moisit au quoi ?

« Que... Je ne te permet pas ! » S'offusqua-t-elle.

Elle paraissait vivante et énergique. Le même ton doux et apaisant, mais en beaucoup moins innocent.

- Non ! S'énerva soudain Almak. Arrête tout de suite ! Je ne joue pas à ce jeu là.

« De quel jeu tu parles ? Je t'ai sauvé la vie je te rappel. » Répliqua la voix dans le fond de sa pensée.

- Non, toi de quoi tu parles. Pourquoi tu parles d'ailleurs ? Sors de ma tête. Ordonna-t-il.

« C'est comme ça que tu me remercies ? C'est la meilleure ! » Lâcha Deoria avec mépris.

Almak devait passer pour un fou à rouspéter et gesticuler tout seul. En vérité, il avait réellement l'impression d'être fou. Etait-ce le choc lié à la chute ? Il n'y avait plus aucune trace de sang. Avait-il tout imaginé ?

« Tu n'as rien imaginé du tout. »

- Parce que tu lis dans mes pensées en plus ? Lâcha Almak, scandalisé par cette découverte.

« Ce n'est pas forcément un privilège quand on tombe sur un idiot de ton envergure. »

- Bon, ferme-là maintenant.

« Tu rigoles j'espère ? »

- Non sérieusement, arrêter de parler.

« Et ta promesse alors ? »

La situation échappait à tout contrôle. Almak ne maîtrisait plus rien. Il se dirigea vers un rocher qui jaillissait de la terre pour s'assoir et réfléchir. Il n'avait plus que ça à faire. Le problème qu'il devait affronter était de taille. Un combat sans merci.

- Quelle promesse ?

« Avant de m'embrasser ! » S'emporta-t-elle. « Tu as promis de ne jamais m'abandonner. Tu crois vraiment que c'était ma dernière volonté de me faire embrasser ? »

- Attend tu veux dire quoi par là ? C'est quoi ce genre de promesse où la fille vient vous hanter le crâne ? Je pensais plutôt à prendre de tes nouvelles, écrire une lettre de temps en temps... Tu vois non ?

« J'en ai bien peur. »

- Maintenant sors de ma tête, d'accord ? Je te donnerais...

« Tu n'as pas trois pièces de cuivres sur toi. »

Un cauchemard éveillé. Almak quitta son siège en roc pour s'agenouiller devant la pierre. Il était difficile pour lui de croire que son maître, même pour une plaisanterie,  eût laissé cette femme pour héritage. Alors il plaça la paume de ses main contre la roche, s'écrasant brutalement le front contre sa surface.

« Non mais t'es malade ! Arrête ça imbécile ! » S'écria Deoria avant de gémir douloureusement.

Il saignait. En plus d'avoir très mal. Quelque chose lui dit qu'elle aussi. Mais le choc lui avait remit les idées en place. Almak n'y pouvait rien. Il était comme ça. Il avait crée le personnage. Celui qui n'avait pas de nom. L'autre qui avait grandit auprès du gros Jack et de ses tapis. Le vrai Almak était l'élève, qui ne s'était pas élevé au rang de maître. Et ce dernier ne pouvait pas exister tant que la présence de la fille envahissait ses pensées.

- Il faut que tout ça cesse.

« Qui a dit que ça durerait ? » Lança d'un ton sec la voix contrariée.

- Qu'est-ce que tu veux dire ?

« Je me suis réfugiée en toi pour me soigner. Par ta faute je te rappel. Mais sitôt guérie, je pourrais sortir pour te frapper. »

- Attend... T'es quoi au juste ?

Là était la vraie question. Qui était Deoria ? Une humaine ? Certainement pas. A première vue, elle résultait d'une expérience, dans un Vandread hautement sécurisé. Et que son médaillon l'avait invité à poursuivre. Il y avait forcément un lien.

« Un enfant de la Terre tout comme toi. »

- Génial, merci. Les bousiers aussi sont des enfants de la Terre.

« C'est ce que je constate en ta compagnie. »

Almak hésita à se cogner à nouveau la tête contre le rocher. A place, il se contenta de relativiser.

- Donc si je comprend bien, une fois que tu seras... Guerie, tu sortiras de ma tête ?

« Pourquoi tu as fais une pause ? »

- Pour rien. S'agaça Almak. Donc tu sors de ma tête une fois que tu es rétablie, c'est bien ça ?

« Dans les grandes lignes... »

- Ah, parce que c'est un livre maintenant ?

« Ne joue pas à ça... »

- C'est toi qui joue je te rappel. Je n'ai rien demandé. La balle ne m'aurait pas atteint avec ou sans ton intervention.

« Tu tiens si peu à la vie ? »

Pour qui se prenait-elle ? Almak regrettait presque d'avoir mit les pieds sur le perce-nuage.  Tandis que Deoria attendait la réponse, il se leva pour récupérer la cape noire sur l'herbe, la revêtant sur ses épaules. Elle était percé d'un trou. Il n'était pas encore complètement fou.

« Tu doutais encore ? »

- Qui ne douterais pas ?

« Un saint esprit ? En fait non, tu as raison... Il n'y en a pas. »

Un silence s'imposa, et Almak trouva l'instant extrêmement reposant. Uniquement bercé par la caresse du vent. C'était délicieux.

« Où allons-nous ? »

- Par là.

Il désignait le Sud et ses montagnes, souhaitant s'éloigner le plus possible des restes du Vandread qu'il avait indirectement anéantie. Il s'apprêta alors à poser la question qui lui brûlait les lèvres depuis qu'il avait posé les yeux sur cette mystérieuse fille. Mais Deoria le devança, à sa plus grande déception.

« Désolé... Mais je ne me souvient pas. »

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Deux bons chapitres !

 

Les membres du conseil sont vraiment charismatiques et classes pour la plupart, ils ont chacun leurs personnalités, ça fait du beau monde. Celui de la Division du Corbeau est celui m'impressionne le plus et il m'a fait penser à Gérard de Fairy Tail. Zakary et William sont intéressant aussi.

J'ai hâte de voir ses membres à l'oeuvre au combat surtout !

 

La seconde partie, on a une partie sur le passé de Almak qui est assez mystérieux avec sa rencontre avec celui qui est devenu son maitre. Son maitre m'a fait penser à Edward dans FMA :). Sinon Déoria n'a pas disparu elle s'est réfugié dans le corps d'Almak le temps de guérir, j'ai bien aimé le dialogue entre les deux, Almak qui se croit fou et Déoria qui joue le jeu lol. Ils forment déjà un beau couple :P !

 

J'attends la suite des aventures de nos 2 voyageurs !

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2.2 – MINA ET REN

 

 

- Des vacances ?

Le jeune guerrier à la longue tresse et au manteau noir avait du mal à le croire. Sa cooéquipière semblait toute aussi surprise.

- C'est ça. Des vacances.

Le Maréchal les guidait à travers un gigantesque couloir sur deux étages. Les murs abritaient des arches noires des deux côtés, toutes renfermant un miroir. Il y en avait au moins une centaine. Cent dix-huit pour être exact. De nombreux guerriers allaient et venaient en ces lieux. Une foule de capes et d'armures multicolores, se déplaçant seuls ou par petits groupes. Rares étaient ceux qui se mélangeaient. Il régnait une oppressante rivalité entre chaque Division de la Confrérie.

- Pourquoi le Couloir des Portails alors ?

- Reste poli Ren.

William avait un don pour ce genre de répliques sans queue ni tête. Malgré ses nombreux défaults, Ren gardait un profond respect pour lui. William Akulatraxas était un guerrier effrayant. Une légende de la Confrérie. William le Drake, Maréchal de la Division du Loup, section armée du Royaume d'Elnath. Il portait toujours une cape de voyage rapiécée par dessus son armure d'écailles noire. Ses cheveux ressemblaient à une crinière d'encre et de flammes. Un bandeau lui cachait un œil, l'autre perçant à travers la chair pour éplucher l'âme de ses interlocuteurs. Bien qu'il ressemblait à un monstre, son visage exprimait une quiétude hors du commun.      Les traits d'un Roi sage et bienveillant. Ren admirait cet homme. Définitivement.

- On peut savoir où tu nous emmènes papa ?

Sa cooéquipière s'impatientait. Meïlyssamina Akulatraxas. Ce nom extravagant appartenait à la fille du Maréchal. Tout le monde l'appelait Mina, et près de la moitié des hommes de la Division du Loup en était dingues. Ren n'attachait aucune importance aux femmes, mais il devait tout de même avouer qu'elle était jolie, même si Mina dénigrait tout ce qui faisait allusion à sa féminité. Elle ne se maquillait pas, préférait les armes aux parfums et les combats aux magasins. Ses cheveux de jais étaient toujours attachés, hormis une mèche rebelle qui se baladait sans cesse sur son visage angélique. William ralentit le ryhtme de ses bottes sur le damier de marbres pour finir par s'arrêter et se retourner avec un grand sourire.

- C'est merveilleux Mina, tu m'as appelé pa...

Le Maréchal se tût subitement. Le poing de sa fille était entré en contact avec sa figure.

- Arrête de faire durer le suspens et explique-nous le plan. Lâcha-t-elle d'une voix froide et méprisante.

Ren assistait à ce genre de situations fréquemment. William souhaitait simplement que sa fille soit un peu plus... Fille. Cette dernière refusait catégoriquement de paraître fragile devant un homme. Elle était combative, avec un caractère bien trempé. Ils formaient un duo efficace. Cela suffisait. Le Maréchal se tenait désormais le nez, concédant à la demande de sa fille.

- Je ne peux pas vous l'expliquer maintenant. Officiellement, vous êtes mes gardes du corps durant mon séjour à Nimrol. Je dois régler quelques affaires.

- Donc il y a une autre raison ? Le questionna Mina, retrouvant son calme.

- Officiellement, non. Rétorqua William en les dévisageant de son œil électrique. Mais plus un mot avant d'avoir franchit le Portail, des oreilles nous écoutent.

Mina plissa ses yeux de saphir, moins intimidant, mais plus envoûtant que ceux de son père. Elle faisait semblant de détecter l'ennemi pour se moquer, déclenchant un soupir exaspéré de la part de Ren.

- Allez, détend-toi. Lui lança-t-elle en lui frappant douloureusement l'épaule du poing.

- Mais t'es débile où quoi ? S'énerva-t-il en la foudroyant de son sombre regard, ennuyé par ses facéties.

- Qu'est-ce-que tu peux être grognon...

- Calmez-vous tout les deux.

Combien de fois William leur répétait cette phrase ? Ren avait depuis longtemps perdu le compte. Il avait pratiquement vécu les dix dernières années aux côtés de ces deux-là. Il assura sa prise sur l'un des deux sabres qui pendaient à sa ceinture alors qu'ils reprenaient leur trajet. Ses deux autres bras, soigneusement rangée dans leurs fourreaux d'ébènes. Il était devenu fort grâce à eux. Il avait déjà ôté la vie à nombre d'hommes malgré son jeune âge. Ren aimait cette vie de violence. On le comparait souvent à une lame, froide et inflexible.

- Nous y voilà. Annonça William.

Ils étaient arrivé au bout du couloir, faisait face l'un des miroirs. Une plaque d'argent, au centre de l'arc qui encadrait la surface polie, affichait le numéro dix-neuf. Le dix-neuvième Portail parmis les cent dix-huit autres, que les Chasseurs appelaient entre eux les « raccourcis ». Il s'agissait du moyen de voyager le plus rapide et efficace d'Alesta, propriété exclusive de la Confrérie. Quarante-six d'entre eux permettaient de se déplacer aux quatre coins du continent en l'espace de quelques secondes. Les autres étaient des passages vers les terres au-delà de la Brume, et leurs accès était étroitement surveillé. Certains n'étaient jamais utilisés, car on attendait toujours le retour des unités les ayant un jour franchit. Ainsi, le Portail soixante-six était condamné depuis que le Capitaine Saël de la Division du Cygne l'avait emprunté, voilà bientôt deux siècles. Adossé à côté de l'arche noire, Zachary Kriphos semblait attendre le trio depuis un moment d'après son expression agacée.

- Je continue de croire qu'il s'agit d'une mauvaise idée, William. Lança-t-il en guise d'accueil.

- Qui ce soucie de ce que tu crois ? S'enquit le Maréchal avec un sourire railleur.

- Tu as trouvé tes deux vacanciers à ce que je vois.

Mina se renfrogna, adressant un regard appuyé à Ren, comme si elle commençait à regretter d'avoir accepté de suivre son père. Lui-même éprouvait quelques doutes quand à la nature de leur mission.

- Tu nous accompagnes Zack ? Questionna la jeune femme avec suspicion.

- Je ferais tout ce que tu voudras Mina. En échange, je te demande juste de me montrer la couleur de ta culo...

Plus aucun son ne s'achappa de la gorge de Zachary lorsque la cooéquipière de Ren lui asséna un violent coup de pied dans l'entrejambe, le laissant lentement s'accroupir sur le sol dallé.

- Merci. Je me sens beaucoup mieux. Enchérit-elle.

- T-Tout... Le plaisir... Est pour moi... Suffoqua le Capitaine en tentant veinement d'afficher un sourire charmeur.

Ren poussa un soupir audible, impatient de connaître la véritable raison de leur présence. Alors que Zachary se relevait avec difficulté, William approchait une main droite du miroir numéro dix-neuf. Ses doigts entrèrent en contact avec leurs reflets, diffusant une onde sur l'ensemble de la surface polie. Comme si une pierre venait de rompre la surface de l'eau.

- De l'autre côté se trouve la cité de Nimrol, au Sud-Ouest du Royaume d'Ademar. Renseigna William. Nous entrons par l'auberge du Trèfle d'Or, tenu par un certain Pile.

- Pile ? Souleva Mina avec amusement.

- Un gros type avec une drôle de face.

Sur ces mots, le Maréchal de la Division du Loup s'engagea dans le miroir, embrassant son double avant de laisser les plis de sa cape rapiécées disparaîtrent derrière lui.

- Ne prenez pas de risques inutiles. Leur conseilla Zachary, qui malgré une douleur persistante, affichait une expression grave et inhabituelle.

Ren et Mina l'ignorèrent, franchissant à leur tour la Dix-neuvième Arche du Couloir des Portails, l'Oros Florseïs. Le Capitaine ramassa son chapeau blanc à l'aide de sa canne, l'envoyant tournoyer dans les airs pour le replacer sur ses cheveux noirs et plaqués sur le crâne. Le miroir avait retrouvé une apparence solide. Zachary esquissa un sourire.

- Rien n'est plus magique qu'un mystère.

 

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2.3 – GARY

 

 

« Des temps anciens, à l'aube de la moisson,

Des cornes et des griffes hantaient les forêts.

Prédateurs terrifiant et dénués de raison,

Les fermiers plus que tous, les redoutaient. »

 

 

-Tu peux pas arrêter deux secondes de jacasser ?

« Je t'ai dis de communiquer par pensée. »

- J'ai pas envie de passer pour un fou.

« Ah, parce que c'est mieux de parler tout seul ? »

- Ferme-là pour voir ?

« Espèce de... Après tout le mal que je me suis donné ! Tu veux que je te résume pourquoi on se retrouve perdu au milieu de nulle part ? Alors, pour commencer... »

Almak serra les dents, réunissant toute la patience et la concentration dont il disposait pour ne pas hurler. Malheureusement, Deoria n'avait pas tout à fait tord. Il était perdu. Des collines et des roches à perte de vue, et les Montagnes Bleus du Sud qui semblaient hors de portée. Il n'avait ni nourriture, ni eau. Pas même une arme. La situation était périlleuse, mais pas insurmontable. Al avait connu pire. Bien pire.

« … Donc tant que je ne suis pas entièrement rétablit, je ne bougerais pas d'ici. »

- Evidemment, on pourrait aussi se barbouiller de miel et faire le poirier dans l'herbe. Lança Almak avec sarcasme. Tu pourrais pas te taire ? Je dois réfléchir.

Il avait marché toute la journée et était exténué. Le problème avec les Plaines Rocheuses se trouvait dans l'abscence de routes et d'indications. Un voyageur pouvait marcher trois jours sans trouver le moindre village.

« Repose-toi, tu es fatigué. » Compatit Deoria dans un coin de sa tête.

- Pas avant d'avoir trouvé de l'eau. Rétorqua Almak.

« Et où comptes-tu trouver de l'eau ? »

- Le fleuve Elkëom passe par les Plaines avant de se jeter dans la Baie des Sirènes à l'Est. Il se sépare en plusieurs rivières, dont une qui traverse la Forêt d'Encre.

« Tu connais cette région ? » S'enquit-elle.

- Pas du tout. Avoua le jeune homme. Mais mon maître voyageait beaucoup et il aimait me parler des lieux qu'il avait visité.

Almak se tût aussitôt. Pourquoi parlait-il d'Aldan à cette étrangère qui hantait ses pensée ? Sans compter qu'elle semblait avoir oublié tout ce qui la concernait avant d'être libéré de sa prison de verre. Deoria se garda de poser des questions à ce sujet, comme si elle avait perçu son malaise.

« On est encore loin de cette forêt ? »

- Aucune idée.

Et c'était la vérité. L'après-midi touchait à sa fin, et après avoir longtemps errer parmis les herbes folles et les pierres glissantes, le soleil disparaissait lentement à l'Ouest. Il y avait parfois des colonnes qui s'élevaient au sommet d'une colline, des pierres craquelées et couverte de lierres. Almak avait entendu parlé d'une terrible catastrophe il y a plusieurs centaines d'années, ayant balayé des civilisations entières de la surface de la terre. Peut-être s'agissait-il là des vestiges d'un peuple disparu. Al ressera la cape noire autour de ses épaules. Le vent était frais en ce début de soirée, et jamais il ne cessait de souffler sur ce paysage bosselé. Almak escaladait une pente plus escarpée que les précédentes, forçant sur ses jambes pour maintenir son avancé. Son ventre grognait bruyamment, et sa gorge était sèche. Il dût se rattraper à des touffes d'herbes plusieurs fois pour ne pas tomber. Après une montée épuisante et douloureuse, son ascention arriva finalement à son terme, et Almak contemplait désormais la vallée qui s'étendait à ses pieds. 

« On est arrivé ? » Demanda Deoria d'une voix engourdie, comme si elle venait de se réveiller.

Le ciel s'assombrissait, mais ce n'était rien comparé à la forêt qui se dévoilait, une mousse noire recouvrant le fond de cette dépression naturelle. Ici les arbres produisaient des feuilles sombres. Les Noctarîl de la Forêt d'Encre. Un lieu maudit selon les rumeurs. Aucun voyageur de s'en approchait. Le vent charria une odeur sauvage dans l'air. Almak prit une profonde inspiration, expirant lentement le parfum de cette région oubliée.

« Alors, on est arrivé ? »

- Elvenstör, la Vallée du Silence. Se contenta-t-il de répondre.

« Et encore ? » S'agaça Deoria.

- Cette forêt à une mauvaise réputation. Expliqua Almak. Aucun oiseau ne la survole, et aucun animal ne foule la terre sous ses ramures. La rivière qui la traverse d'Ouest en Est se nomme Elika, la Sinueuse.

« Rien de rassurant en somme... »

- Il y a de l'eau. Et quoi qu'en dise les rumeurs, là où il y a de l'eau, il y a de la vie.

Almak s'apprêta à entamer la descente en direction de la forêt, lorsque Deoria s'exprima sur un ton léger et amusé.

« C'est étrange, mais parfois... On dirait que ton esprit tordu s'efface pour laisser place à un autre beaucoup plus élégant. »

- Arrête de raconter n'importe quoi. Se moqua Almak.

Mais il savait au fond de lui qu'elle disait vrai. Etait-ce le lien les unissant qui se fortifiait à mesure du temps ? Cette pensée effrayait le jeune homme, qui souhaitait rapidement se débarasser de cette migraine ambulante.

« Arrête de réfléchir et avance. » Lança Deoria sur le même ton, adoptant ainsi l'habitude de toujours obtenir le dernier mot.

Descendre la pente ne fut pas une tâche aisée. Le vent s'évanouissait à mesure qu'Almak approchait de l'orée des bois menaçants. Il se fixa pour objectif d'atteindre la rivière Elika avant la tombée de la nuit. L'obscurité ne le dérangeait pas, mais la fatigue d'avoir ainsi marché toute la journée se faisait plus que jamais ressentir. Il commençait à avoir des crampes, compressant douloureusement les muscles de ses jambes. Arrivé sous l'ombre des premiers arbres, Almak détailla les feuilles noires qui  le surplombait. Les Noctarîl dégageaient une aura sombre et oppressante. La Forêt d'Encre n'était pas vaste, et pouvait être traversée en une journée. Cependant son instinct le mettait en garde. La vallée ne lui inspirait pas confiance.

« Tu es sûr que ton maître est déjà venu ici ? » S'enquit Deoria.

- Oui. J'étais avec lui.

« Mais tu as dit... »

- Assez. Coupa Almak. Et arrête de fouiller ma mémoire, parasite.

« Tu es obligé d'être grossier ? » S'offusqua-t-elle.

- Qui est en train de se balader dans la tête de l'autre ?

Deoria se tût, vexé. Le jeune homme jeta un dernier regard aux alentours, avant de pénétrer dans l'épaisse forêt. L'atmosphère devînt étouffante. L'entrevêchement de branches et de feuilles ne laissait filtrer que peu de lumière, et bien qu'une distance assez grande séparait chaque Noctarîl, des broussailles et autres nœuds de ronces rendaient la progression difficile. Après une bonne heure de marche, Almak commenca à douter de son choix. L'air était froid et humide, et aucun son hormis ses propres pas ne venait troubler le silence de la Forêt d'Encre. Pas un seul chant d'oiseau, ni aucun bruissement. Il y avait par contre beaucoup d'insectes qui virevoltaient autour de lui, en particulier des moustiques qu'il s'efforçait de chasser sans réellement y arriver. Almak en écrasa un sur son cou, avant de chuchoter, comme s'il se sentait épier.

- On approche de la rivière.

« Tu répètes ça depuis un moment déjà. » Souffla Deoria.

Le jeune homme ignora la remarque, progressant à travers l'épaisse végétation tandis que l'obscurité gagnait chaque parcelle de la forêt. Son ventre émit un grognement bruyant. Almak avait bien vu quelques champignons, mais leur apparence était trop douteuse pour qu'il prenne le risque d'en goûter un. Toutes sortes d'images représentant divers mêts commençaient à lui traverser l'esprit. Un rôti avec ses pommes de terres dorées, de belles tranches de porc salé, une meule de fromage avec une miche de pain, diverses tartes aux fruits...

« Tu entends ? » Lança Deoria, interrompant le fil de ses pensées.

Almak le perçu également. Le courant. L'écoulement de l'eau contre la berge. La rivière n'était plus très loin. Il accéléra le pas, slalommant entre les troncs, sautant par dessus les branches mortes et les buissons d'orties, jusqu'à finalement franchir une dernière ligne d'arbres. Les feuilles d'encres avaient laissé place aux étoiles et à la lune. Elika la Sinueuse séparait bel et bien la forêt en deux, d'Ouest en Est.

- Tu vois ? Se félicita Almak avec un grand sourire. J'avais raison.

« Je dois avouer que tu disais vrai. » Concéda Deoria.

Le jeune homme avança vers la rive. Le cour d'eau était relativement rapide, et sa largeur ne dépassait pas trois brasses. La rivière serpentait en de nombreuses courbes à travers les bois, ce qui lui avait valu son nom. Almak soupira avec soulagement, s'agenouillant près du bord pour réunir ses mains et accueillirent l'eau fraîche et limpide entre ses paumes.

« Attend ! »

- Quoi ?

« Toi aussi tu le penses. Tout dans cette forêt porte à croire qu'elle est effectivement maudite. Tu ne trouves pas étrange que l'on ait effectivement croisé aucun animal sur notre route ? Même l'eau pourrait être empoisonnée. » S'inquiéta Deoria.

- N'importe quoi ! S'exclaffa Al. Cette rivière est juste un embranchement du fleuve Elkëom, tu as oublié ce que j'ai dit ? De nombreux villages ont accès à cette source.

« J'ai un drôle de sentiment... »

Almak regardait à présent l'eau dans le creux de ses paumes, elle avait réussit à le faire douter. Aldan lui avait raconté une annecdote à propos des feuilles de Noctarîl.

- Bon, explique-toi. Tu as trois secondes.

« Je ne sais pas... C'est comme si quelque chose vivait dans cette eau. »

- Argument rejeté.

Levant ses mains à hauteur de son visage, Almak but d'une traite le liquide vital et cristallin, sentant son corps se revigorer en une gorgée. Puis, comme poussé par une soif extinguible, il réetira son geste de nombreuses fois, ignorant les protestations de Deoria.

« Tu es un idiot. » Conclua-t-elle.

- Peut-être, mais un idiot désaltéré. Contra Almak avec un soupir de satisfaction.

La nuit était tombé, mais la lueur de la lune et de ses étoiles suffisait amplement au jeune homme. Ses pupilles se dilataient au-delà de la moyenne. Le gris de ses yeux ne formait alors qu'un mince cercle, capable de s'adapter aux lieux les plus obscurs. Almak fouilla les bois aux alentours de la clairière, rassemblant un tas de brindilles et de feuilles mortes. Puis, établissant un camp de fortune près de la rivière, il entreprit d'alumer un feu, avec un objet dont il ne se séparait jamais.

Un briquet à silex.

« Comment ça marche ? » Demanda Deoria avec curiosité.

Almak sortit l'objet en question d'une poche boutonnée de son sarouel, qui se résumait à une pierre et un crochet d'acier.

- En les frottant l'un contre l'autre, on obtient une étincelle. Je n'ai pas trouvé d'amadou, donc je ne sais pas si le feu va prendre avec ces étranges feuilles.

Il ne lui fallut que trois essais pour que son combustible ne s'enflamme dans une étrange lueur verte. Almak demeura un instant bouche-bée devant ce spectacle étonnant, avant de relativiser.

- C'est l'un des effets secondaires des feuilles de Noctarîl.

« Tu n'en sais rien du tout. » Devina Deoria.

- Le vert exprime la passion et l'amour chez les arbres.

« Arrête d'en faire trop... »

- Nous avons la bénédiction de la forêt.

Il disait tout ce qui lui passait par la tête, dans le seul but d'agacer cette petite voix trop bavarde. Puis, Almak ôta sa cape, sa veste et sa chemine, déposant son sarouel près du feu, afin d'entamer une pêche à main nue sous le clair de lune. Sur son corps couvert de cicatrices, il découvrit alors une étrange marque, à l'emplacement du cœur. Une cicatrice formait un croissant de lune, avec un œil observant le ciel à l'intérieur. Un croc barrait la courbe inférieure de l'astre, qui pointait vers l'Ouest.

- C'est quoi ça ? S'horrifia Almak, frottant le symbole pour le faire disparaître. Deoria ?

« Un bouton ? » Tenta cette dernière.

- Un bou... Comment tu peux dire un truc pareil ? Siffla-t-il sombrement.

« Arrête de paniquer pour un rien. C'est juste un Sceau. Il disparaîtra quand je serais rétablie. » Le rassura Deoria.

- « C'est juste un Sceau. » Ironisa-t-il. Mais oui, tout va bien. C'est juste un Sceau. Je suis défiguré.

Deoria ne prit pas la peine de répondre. Al s'immergea dans la rivière, peu profonde. Il ruminait encore après cette découverte, mais sa situation précaire ne lui permettait pas de s'attarder sur ce genre de détail. Le courant au niveau du bassin, le jeune homme planta ses pieds dans la vase pour ne pas être emporté, se préparant à capturer le premier poisson qui passerait près de lui.

« Tu n'as aucune chance. »

- On verra bien qui rira à la fin. Assura-t-il sagement.

Plusieurs dizaines de minutes passèrent sans qu'Almak n'effleure la moindre prise. Le rire joyeux et moqueur de Deoria lui provoquait des spasmes de colères, et il décida finalement d'abandonner sa pêche infructueuse, acceptant son échec en grinçant des dents. Il tremblotait près des flammes émeraudes qui, sans qu'il ne puisse l'expliquer, ne diffusaient aucune chaleur.

- Ainsi, l'esprit de la forêt fait en sorte que je ne me brûle pas. Expliqua Almak à une Deoria muette face à un mensonge aussi éhonté.

Le jeune homme ne put retenir un long baillement. Il ne savait pas lequel des deux maux était le plus fort, la fatigue ou la faim ? Finalement, le deuxième l'emporta, et après s'être sécher à l'air libre, Almak s'habilla pour effectuer un tour des environs, sans oublier de réalimenter le feu. La forêt prenait une dimension beaucoup plus inquiétante la nuit. Qui savait ce qui se cachait derrière un tronc ou au cœur des ronces ? L'ombre des feuilles enlaçait les arbres, s'infiltrant dans la terre brune. Et ce silence, uniquement troublé par les ailes électriques des insectes environnants. Almak rebroussait chemin, cherchant des plantes ou des baies à se mettre dans l'estomac, lorsqu'une lueur assez proche se dessina derrière les arbres. Un feu vert, comme le sien.

- Quelqu'un campe là-bas. Chuchotta Almak à l'adresse de la voix dans sa tête.

« Un voyageur perdu ? Comme toi ? Et je rappel que tu n'es pas obligé de t'exprimer à haute voix avec... »

- Je ne vois pas d'autres explications. Trancha-t-il. A moins... Peut-être que l'esprit de la forêt...

« Tu vas arrêter avec ça. »

Prudemment, Almak se glissa vers la source de lumière, lorsqu'un bruit familier le déstabilisa quelque peu. L'écoulement de l'eau. Une deuxième rivière. Il était pourtant certain d'avoir fait marche arrière. Avançant jusqu'à la dernière ligne d'arbres englobant la berge, Al retrouva avec stupéfaction son feu de camp, et la cape noire qu'il avait laissé derrière lui.

- Qu'est-ce ça signifie ? S'interrogea-t-il avec une crainte grandissante.

« Tu n'as pourtant pas biffurqué. »

- On est de l'autre côté de la rive. Réalisa-t-il.

Faisant demi-tour, Almak courrut en ligne droite, revenant sur ses pas. Après avoir esquiver les obstacles des ramures, il retrouva son camp improvisé,du bon côté de la rivière. Son estomac se contracta douloureusement, sans que la faim en soit la cause.

- C'est impossible...

« L'eau. »

- Comment ça l'eau ?

« Je te l'avais dis. » Insista Deoria. « L'eau était bizzare. »

Almak dû faire l'allé-retour une dizaine de fois pour s'imprénier de la terrible vérité. Il était piégé dans un espace exessivement restreint, comprenant les deux rivages d'un cour d'eau. Il maudit Elika la Sinueuse, s'allongeant près des flammes crépitantes en méditant sur ses choix inconsidérés. Tout allait de travers depuis qu'il avait croisé le chemin de cette femme. Sa quête principale, concernant son maître, était revenue au point zéro. Une année de quête tombé à l'eau. Il avait bu son échec et se trouvait désormais coincé dans une forêt maudite, en compagnie d'un parasite cérébrale.

« Tu me vois vraiment comme ça ? »

- De quoi ? Trancha Almak, démoralisé par la tournure des évènements.

« Un parasite. »

Il demeura silencieux. Hormis les récents évènements, il devait avouer qu'elle lui était apparut tout d'abord comme un ange. Sa beauté l'avait subjugué. En y réfléchissant, le médaillon l'avait amené à elle. Elle l'avait appelé Aldan. Beaucoup de mystères l'entourait.

- Je ne connais pas d'autres mots pour quelqu'un qui trouve refuge dans la tête de l'autre.

« Je n'ai pas eu le choix. » S'excusa Deoria, prenant un ton doux, avec pour la première fois une note de regret.

- Merci. Murmura Almak à sa propre surprise. J'ai conscience que sans toi je serais sans doute applatit au milieu des Plaines Rocheuses. Si on est condamné à errer ici jusqu'à la mort, je tiens quand même à te le dire.

Elle ne rétorqua pas. Et lentement, Almak sentit la fatigue abaisser ses paupières, pour le plonger dans un sommeil sans rêve.

 

*

 

Quelque chose grognait près de lui. Un souffle bestial. Almak n'avait pas encore ouvert les yeux, tentant de deviner l'origine du bruit.

« Almak... » L'appela soudain Deoria.

« Quoi ? »

« Tu vois ! Tu communiques par pensée ! » Lança-t-elle.

« Il y a une bête sauvage près de nous. » Avertit-il.

« Oui je sais. On dirait un loup. Un grand loup. »

« Que... Comment ça un loup ? Où tu vois un loup ? » Paniqua Al.

« Il reniffle autour de nous depuis plusieurs minutes. »

Almak entrouvit les paupières. Il y avait une grosse silouhette recouverte de poils qui examinait ses bottes. Le jeune homme les referma aussitôt, sentant son cœur battre à tout rompre.

« Il est énorme ! » S'offusqua-t-il.

« Ce n'est pas tout, il est arrivé en marchant sur ses deux pattes, comme toi. »

« Mais... Il est énorme ! Pourquoi tu n'as rien dit ! »

« Il n'a pas l'air méchant. On dirait qu'il est curieux. »

« Il veut me dévorer. C'est tout. J'attaque à trois. Un... »

« Non, attend... »

« Deux... »

« Il n'a pas l'air de vouloir... »

- Trois !

Almak se rua sur le monstre avec un cri de rage, le projetant brutalement à l'aide de ses pieds. Repoussé, la bête poussa un hurlement féroce, comme si elle appelait le reste de la meute caché dans les bois. Le jeune homme se releva en toute hâte, remarquant les longs bras de l'animal qui rappelait, malgré un pelage gris tacheté, ceux d'un homme. L'animal se dressa alors sur ses deux pattes, se jetant sur Almak pour l'envoyer s'écraser contre le tronc d'un arbre. Le choc l'étourdit, mais un nouvel assaut le força à éviter une patte aux longues griffes, tentant de lui labourer la poitrine. Un détail attisa un sérieux doute chez Al tandis qu'il contournait le corps massif et poilu. Assénant un coup de pied dans les côtes, cinq doigts griffus s'emparèrent de son mollet.

- S'il-vous-plaît, calmez-vous.

Entre deux grognements, une voix caverneuse avait retentit, avec un léger accent aristocrate. Prit dans le feu de l'action, Almak n'y prêta pas attention, contrairement à Deoria.

« Il a parlé ! »

« Arrête de dire n'importe quoi ! » S'agaça Almak en se libérant de la prise du monstre bipède.

Le jeune homme entreprit de fuir en se jetant dans la rivière, lorsqu'un immense poid le plaqua au sol près de la berge, lui coupant le souffle. La bête tentait de l'immobiliser, mais Almak se débattait comme un fou furieux, refusant de périr d'une manière aussi grotesque. Finalement, au terme d'une lutte acharnée, le loup remporta le duel avec sa force prodigieuse. Impuissant, Al fixait le monstre dans les yeux, deux billes jaunes et bestiales qui le dévisageait avec une drôle d'expression. Il remarqua alors pour la première fois une petite corne qui décorait le crâne du loup, et la vision lui arracha un rire nerveux et incontrôlable. Ainsi, boire l'eau de la rivière l'avait rendu fou.

- Puis-je savoir pourquoi vous riez, Monsieur ? Demanda le monstre avec politesse.

Le rire d'Almak mua en cri effrayé, avant de s'éteindre subitement. La bête avait parlé. La voix fébrile, le jeune homme rétorqua sur un ton désespéré.

- Dépêche-toi de me manger qu'on en finisse.

- Diantre ! S'offusqua le monstre. Jamais je ne ferais une chose pareille.

Contre toute attente, le loup libéra sa prise, et Almak demeura un instant allongé près de la rive, sans comprendre ce qu'il venait de se passer. Il tenta de maîtriser sa respiration qui s'était emballé, ne lâchant pas des yeux la stature imposante de son agresseur. Puis, avec méfiance, il se releva pour lui faire face.

- Attend... Pourquoi tu parles ? T'es quoi au juste ?

- Je suis un Lougacorne. Rétorqua la bête féroce.

Un sourire naquit sur le visage d'Almak, avant de laisser place à une expression choqué.

- Tu mens !

- Voyons, je ne vous permet pas Monsieur.

« Almak ! Tu vois bien que tu le vexes ! » Intervînt Deoria.

Il y eut un instant de battement, durant lequel le jeune homme se sentait si désorienté qu'il en avait le tournis.

- Non, non, non... Stop ! Toi le monstre arrête de parler. Tu n'existes pas, d'accord ?

- Je ne peux malheureusement pas cesser d'exister très Cher, et je vous prie de mettre fin à cette mascarade afin que je puisse vous expliquez.

Almak contourna lentement la silouhette du loup, qui le surplombait presque de deux têtes. Il avait placé ses deux pattes devant son torse, comme pour lui intimer de se calmer. Ce qui était actuellement au-dessus de ses forces.

- Pourquoi ? Pourquoi moi ? S'enquit Al à toute vitesse. S'il vous plaît monsieur le loup avec une fausse...

- Lougacorne. Le corrigea-t-il. Et ce n'est pas une fausse corne.

Almak n'avait jamais entendu parlé d'une telle espèce animale. Et il exerçait en cet instant une grande maîtrise sur lui-même pour ne pas fuir en criant sa détresse.

- D'accord ! Concéda-t-il. D'accord monsieur le Lougacorne...

- Mais vous pouvez m'appeler Sieur Gary si vous préférez. L'interrompit la bête avec sa gueule cauchemardesque.

- Sieur... Non ! Je refuse ! Trancha sévèrement Almak.

« Fais un effort. Il essaye d'être gentil avec toi. » Le gronda Deoria.

« Ne t'en mêle pas ! »

- Ne soyez pas aussi peu familier Monsieur, Gary me convient très bien.

- Ce n'est pas le problème. Lâcha Al avec ironie. Qui es-tu ? Pourquoi tu me renifflais ? Et surtout, pourquoi un... chose, comme toi, existe ?

La mâchoire du jeune homme se relâcha de stupéfaction lorsque le loup sur deux pattes effectua une révérence.

- Je me nomme Sieur Garyolëmar Vi Orebor, fils d'Archiëlo de la dynastie d'Orebor. Je cueillais près de cette rivière lorsque je suis tombé sur vous. Et bien que je pressens un certain obscurantisme dans votre dernière question, j'existe depuis quatre-cent cinquante et une apogées lunaires.

« Il ment. Il veut juste nous bouffer. » Conclua Al, consterné.

« Arrête d'être aussi renfermé. Je suis sur que Gary est un bon Lougacorne. »

« Je t'interdis de prononcer ce mot. » L'avertit Almak.

« Louga... »

- Ca fait beaucoup d'apogées tout ça ! Lança Al sur un ton faussement interessé. Ce fut un plaisir de vous rencontrez Gary, mais nous devons partir et...

- Nous ? S'étonna l'animal avec un léger grognement.

- Je veux dire moi. Se rattrapa-t-il. « Je plus moi égal nous » comme on dit.

- Ma foi, je n'ai jamais entendu parler d'un tel adage. Vous comptez sortir de la forêt ?

Almak s'apprêtait à prendre ses jambes à son cou, mais le monstre venait d'esquisser un pas dans sa direction, réduisant l'espace qui les séparait.

« Il a tout deviné ! On est fichu ! » Se plaigna-t-il.

« Répond-lui ! » Conseilla Deoria.

- Non.

« Pourquoi tu mens ? »

- Oui.

« Idiot... » Soupira-t-elle.

- Je me balade par-ci, par-là. Expliqua Almak d'une voix hésitante.

Le loup avec une corne sembla alors réfléchir, se grattant le bout du museau.

- Serais-ce trop demandé de vous accompagnez ? Voilà bien longtemps que je n'ai pas croisé un seul être vivant dôté de la parole.  - Ne vous inquiétez pas, j'ai de la nourriture...

- Je préfère voyager seul. Coupa Almak. Et je préfère vous avertir, j'ai une étrange maladie ces derniers temps...

« Accepte ! » Ordonna Deoria.

« Non ! Pourquoi ? »

« Pour sortir de cette forêt. Nous sommes coincé je te rappel. »

- … Mais, après réflexion, un peu de compagnie ne me fera pas de mal.

Gary le loup poussa un hurlement qui se répercuta contre les arbres aux alentours. L'aube se levait seulement sur la forêt d'Encre.

- Vraiment ? Magnifique ! Se réjouit-il. Vous me faîtes un immense privilège Monsieur... Pardonnez-moi, mais je ne pense pas avoir entendu votre nom.

- Firiël. Mentit Almak.

- Monsieur Firiël donc. Enchanté. Ajouta Gary en esquissant à nouveau une révérence.

La situation échappait totalement au contrôle d'Almak. A vrai dire, il pensait être victime d'halucinations particulièrement violente. Ce qui ne l'empêcha pas pour autant de répondre avec une certaine lassitude.

- Enchanté...

- Attendez-moi ici. Je file chercher mes provisions et je vous rejoins.

Gary franchit d'un bond le cour d'eau, regagnant la rive opposé pour s'enfoncer dans les bois. Almak, pour sa part, retourna s'installer près du feu, cachant son visage derrière les paumes de ses mains.

- C'est ça... Soupira-t-il. Si quelque chose m'arrive, tu es responsable.

« Je sais. » Murmura Deoria.

 

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Deux bon chapitres !

 

On découvre deux nouveaux personnages, Ren et Mina qui sont charismatiques. Mina est la fille de William ça en dit long sur sa personnalité :P. Ils s'en vont tous pour une mission sous couverture, j'attends de voir que cette mission va nous révéler et l'action !

 

Almak et Déoria eux continuent leurs marches, enfin plutôt Almak, qui semble un peu perdu, on apprend un peu plus sur ton univers, avec quelques noms de villes et de rivières cités par Almak. Il finit par arriver dans une étrange forêt très lugubre, à la recherche d'une source d'eau, mais cette rivière semble l'avoir fait halluciner. Mais dans tout ça, je m'attendais pas à tomber sur un tel personnage que Gary, un lougacorne :P quel étrange bête, il semble parler et existe depuis pas mal de siècles.

Je suis sûr qu'il doit connaitre des choses sur la quête de Almak, sera t'il un futur compagnon ? Et a t'il subit une malédiction ?

 

J'attends la suite !

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2.4 – LE TREFLE D'OR

 

 

- Une pinte et deux jus de violettes Pile !

Un gros bonhomme joufflu vêtu d'un tablier blanc tâché adressa un clin d'oeil à William, s'éloignant de leur table pour passer commande au comptoir. L'auberge du Trèfle d'Or dégageait une forte odeur de sueur et le ménage était si négligé que Mina doutait sérieusement de l'hygiène des lieux.

- Je peux savoir ce qu'on fait ici ? S'enquit-elle auprès de son père.

- J'ai besoin de me désaltérer avant de vous expliquer.

La jeune femme tapotait le bois de ses ongles, impatiente de quitter l'endroit. Des clients à l'aspect louche lui jetaient des regards en coin. Sa jupe de guerre et son corset révélateur devaient y être pour quelque chose. Ren quand à lui fronçait ses sourcils aiguisés comme à son habitude, fusillant du regard ceux qui osait le regarder.  Mina retrouva le sourire en observant son cooéquipier agir de la sorte. Elle l'avait toujours considéré comme un grand frère solitaire et coincé. Le mettre en rogne était un de ses passes temps favoris. Elle jeta un œil vers les vitres, si crasseuses que même les rayons de soleil ne parvenaient pas à les percer.

- Blonde et deux jus ! Annonça Pile en déposant les boissons sur leurs tables.

Du liquide s'échappa lors de l'impact, les verres s'entrechoquant sous la brutalité du service.

- Ajoute ça sur ma note. Lança William à l'adresse de l'aubergiste qui attendait son paiement.

- Tu m'dois d'jà dix pièces d'or Maréchal. Protesta Pile.

- Sur la note de Zachary alors.

- Y'm doit quinze pièces d'or et sept d'argents c't'idiot.

- Vraiment ? S'étonna William en grattant la cicatrice qui barrait son œil sous le cache. C'est simple alors. Transfert mes dix pièces d'or sur sa note, comme ça je ne te dois plus rien, et Zachary te devra vingt-sept pièces d'or avec ce que l'on vient de commander. La prochaine fois qu'il viendra, s'il refuse de payer, il sera dans l'illégalité pour avoir accumuler une dette de plus de vingt pièces d'or, et sera donc obligé de payer.

L'aubergiste demeura silencieux, réfléchissant à la logique de cette affaire.  Evidemment, il n'y en avait aucune. Mina savait que Zachary n'avait jamais posé un pied au Trèfle d'Or.

- C'est d'accord. Aquieça Pile après s'être probablement emmêlé les méninges.

- Sacré Zaky ! S'exclaffa William avant d'amener la choppe à ses lèvre.

Mina poussa un soupir prononcé, exprimant son désir de savoir pourquoi elle était forcé d'attendre dans cet endroit misérable. Ren fixait avec sévérité le contenu de son verre, comme si la boisson venait de l'insulter. Son père ingurgita la totalité de sa pinte avant pousser une exclamation satisfaite.

- Passons aux choses sérieuses à présent !

Il avait capté leur attention. Mina s'était demandé tout ce temps ce qui nécessitait d'agir dans le plus grand secret. Ce n'était pas dans les habitudes de la Division du Loup d'être mêlé aux affaires d'espionnages et de surveillances.

- Un Conseil des Cinq Divisions s'est tenu ce matin. Informa William. Zachary m'a reveillé et a prit mon poing dans la figure. Il a de sérieux problèmes avec les femmes, mais il ne méritait pas un tel traitement de ma part.

- S'il-te-plaît papa, viens-en aux faits.

- Donc... Le Conseil. Se corrigea-t-il. Le Vieux nous a parlé d'un Vandread victime d'une attaque hier soir. Son chargement était apparemment destiné à la Confrérie.

- De quoi s'agissait-il ? Questionna Ren, dont l'intérêt s'était refroidit.

- La Soixante-treizième.

Mina retînt son souffle, subitement absorbé par la conversation. Son père osait enfin parler du secret le mieu gardé de la Confrérie.

- La Dëhemos du Maréchal Aldan Alkadia. Ajouta William, son visage s'assombrissant à vue d'oeil. Vous le savez déjà certainement, mais je vais rappeler la petite histoire. Après avoir quitté la Confrérie, sans rendre au préalable la Soixante-treizième qui lui avait valu son succès, Aldan fut dès lors considéré comme un traître. Cependant, nul ne savait ce qu'il advînt de lui, si bien que beaucoup de choses ont été dîtes à son sujet, le propulsant au rang de légende. Quoi qu'il en soit, il y a sept ans, un mystérieux groupe commandita la mort du Maréchal, et livrèrent la Dëhemos à la Confrérie en échange d'une gigantesque somme d'or. Nos supérieurs l'envoyèrent loin au Nord, dans les Terres Gelées, la gardant dans un centre de recherche étroitement surveillé. Seulement... L'un des hauts gradés de notre Confrérie a récémment jugé intelligent de la rappatrier sans autorisation, et un incident impliquant sa disparition a ajouté un peu d'huile sur le feu.

- Tu as un nom en tête ? S'enquit Ren.

- Plusieurs. Rétorqua le Maréchal. Beaucoup trop malheureusement. Zack mène son enquête interne. Le Commandant soupçonne l'un d'entre nous, et je le rejoint là-dessus.

- Et la Chambre des Quinze dans tout ça ? Souleva Mina.

- Elle est forcément impliqué. Malgré leurs expériences en tout genre, seul Aldan parvenait à se synchroniser avec la Soixante-treizième. Quelque chose se préparait et à mal tourné. J'ai besoin de vous deux pour mener l'enquête.

- Tu as une piste ? Demanda Ren.

- Pas la moindre. Avoua William avec légerté. Le Vandread s'est écrasé au Nord des Plaines Rocheuses, frontière du Royaume d'Ademar et du nôtre. Le Capitaine Becket est déjà sur place, les résultats de son inspection appartiendront à la Division du Corbeaux. Mais nous savons qu'il y a deux carcasses, les assaillants ont péris avec l'équipage de l'Eliade. J'ai le sentiment qu'un détail a été négligé. Comment de simples pirates auraient deviné l'emplacement de ce bâtiment hautement sécurisé ?

- Une fuite peut-être. Tenta Mina.

- J'en doute. Poursuivit son père. Les marins d'Albieros ont bonne réputation. Le cerveau de cette attaque était bien informé. Il visait le chargement, j'en suis persuadé. Et je ne pense pas me tromper en ajoutant qu'il est en ce moment même en train de fuir avec la marchandise. C'est là que vous intervenez.

Une enquête officieuse. C'était une première pour leur jeune équipe. Mina ne put s'empêcher d'être fière d'avoir ainsi prouvé leur valeur, et leur confiance, envers son père aux cours de ces années. En prenant en compte ses études à l'Académie, voilà bientôt onze ans qu'elle avait rejoint la Confrérie, la moitié de son existence.

- Nimrol se trouve à cent cinquante lieues au Nord de la frontière d'Ademar. Expliqua le Maréchal. Si le responsable de cette attaque a prit la direction du Sud, pour se cacher dans les Montagnes Bleus, il devrait se trouver à l'extrémité Sud des Plaines d'ici demain soir. Si son chemin n'a pas été semé d'embûche.

- La surface à surveiller est gigantesque. Remarqua Mina.

- Pas avec Ren. Sourit William avec un regard appuyé. Ton Eveil à récemment augmenté je crois. 

Le jeune homme posa instinctivement sa main sur son bras, là ou se trouvait la marque du Dëhemos. Les progrès de Ren dépassaient largement ceux de Mina. Mais elle savait qu'à eux deux, ils ne représentaient que peu de choses comparé au monstre qui leur faisait face. Malgré le fait qu'elle aimait son père, il arrivait à Mina d'en avoir peur. La chose qui partageait son corps était si terrifiante qu'elle refusa longtemps qu'il la touche ou la prenne dans ses bras.

- Je crois que tout est dit. Conclua William. Ah, non. En fait j'oubliais, ne dîtes à personne ce que je viens de révéler, je risquerais la mort. Et vous aussi. On ne met pas le nez dans les affaires des puissants sans risquer de sentir la merde.

- Je n'ai jamais entendu parlé de ce genre de proverbe. Commenta Ren.

- Va reniffler sous la toge du Vieux, et tu verras que je n'ai rien inventé. Contra le Maréchal.

- Papa... Soupira Mina. Pourquoi tu es allé sentir les sous-vêtements du Commandant ?

- Tu as entendu Ren ? Arrête ça, c'est répugnant.

- Quoi ? S'offusqua le concerné.

- Je savais que tu avais un problème. Lança Mina à son attention.

Au terme d'une rapide dispute, les trois Chasseurs se calmèrent pour rire brusquement, puis leurs cris de joies s'estompèrent pour laisser place à des conseils et une dernière consigne :

Si vous ne trouvez pas de suspect d'ici sept jours, retrouvez-moi ici. Si au contraire vos chemins se croisent, retournez directement à la Confrérie par la voie longue et chiante. Je vous attendrais aux portes d'Elaris.

- Longue et chiante ? Répéta Ren.

- En marchant, tout simplement.

 

 

2.5 – DEUX AMES EN UNE

 

 

Almak souriait, en grinçant des dents. Devant lui se tenait Gary. Un lougacorne avec un grand sac en bandouillère. Le lougacorne était un loup bipède munit d'une corne frontale. Il parlait avec un léger accent de gentleman. Il grognait aussi. Ses crocs étaient affreusement pointus. Gary le lougacorne était, de l'avis d'Almak, une abération de la nature.

- Juste pour savoir, tu te situes où exactement ? Demanda-t-il. Plutôt loup... Plutôt licorne ? Tes ancêtres se sont mélangé les pinceaux ou bien...

- Licorne ?

La bête à la fourure grise et tacheté de blanc émit une série de grognements qu'Almak interprêta comme un rire.

- Voyons Monsieur Firiël, les licornes n'existent pas. Ce sont des foutaises émises par de sombres ignorants.

Près de la rivière, Al demeura choqué. L'aube se levait tandis que les troncs bruns et les feuilles noires se dévoilaient, et que cette créature affirmait que les licornes n'existaient pas malgré sa propre présence.

- Tu... Tu es sérieux ?

- Résolument.

- Comment tu peux répondre « résolument » alors que tu es toi-même un genre de... monstre mythique... Avec une corne ?

- Je ne vois pas le rapport Firiël, mais passons. J'ai ramené quelques provisions en vue de notre voyage.

« Il est resté longtemps tout seul. » Compatit Deoria.

« Arrête de prendre sa défense. » Trancha-t-il.

Gary déposa son fardeau à terre, invitant d'une main aux longues griffes le jeune homme à s'approcher. Il y avait une poêle et une casserole, un carnet avec sa plume et son encrier, ainsi qu'une quantité impressionnante de champignons gris au chapeau beige.

- Pourquoi autant de champignons ? S'étonna Almak.

- Très amusant Firiël. Lougacorne et champignons font la paire n'est-ce-pas ? Le taquina Gary en montrant les crocs, imitant vaguement un sourire humain.

- Oublie ce que je viens de dire. Partons d'ici.

Gary enfila son sac, invitant Almak à le suivre avant de sauter par dessus la rivière. Le jeune homme dû prendre son élan afin d'accomplir la même prouesse, atterissant de justesse sur l'autre bord. Le lougacorne se faufilait avec rapidité entre les arbres, bondissant par-dessus les obstacles qui jonchaient le sol. Le jeune homme parvenait à le suivre avec difficulté, mais il n'arriva à sa hauteur que de retour à leur point de départ. Son visage s'assombrit.

- Tu n'aurais pas bu l'eau de la rivière par hasard ?

- Effectivement, pourquoi cette question ? Rétorqua Gary.

Almak mit fin au silence qui suivit par un long soupir. Au final, ils étaient coincé tous les deux au sein de la Forêt d'Encre.

- Vous avez l'air épuisé Firiël, est-ce que tout va bien ?

« C'est comestible le Lougacorne ? »

« Arrête d'être aussi pessimiste. » Le gronda Deoria.

- Ecoute Gary, je dois t'expliquer quelque chose... Dit Almak en s'installant sur l'herbe. J'ai bu l'eau de cette rivière, et depuis, je n'arrive pas à la quitter...

- Serait-ce une métaphore pour un conflit amoureux ? L'interrompit la bête sur un ton mielleux. Pourtant je vous ai vu vous baignez tout nu sous le clair de lune.

- Si tu ne me faisais pas aussi peur je t'aurais frappé. Lâcha froidement Almak. Et je n'étais pas nu. Maintenant laisse-moi t'expliquer : On ne peut pas partir tant que le poison de l'eau fait effet.

- Inutile de vous vexez, la solution est pourtant évidente. Il suffit de laisser reposer l'eau sur un feu d'émeraude avant de la boire.

- Mais oui ! C'est pourtant évident ! Se moqua Al avec sarcasme. Comment ai-je pu oublier ?

- Vous êtes un drôle de personnage Firiël. Rétorqua Gary avec humour.

« C'est lui qui dit ça ? C'est le comble... »

« Calme-toi et fait ce qu'il dit. »

Almak s'executa, jouant de son briquet à silex après avoir réunit suffisamment de feuilles noires. Des étincelles jaillirent pour donner naissance à des flammes vertes, et Gary s'empressa de sortir la casserole de son sac pour la remplir d'eau.

- J'ai une gourde également. Informa-t-il avec suffisance. Elle nous sera utile pour le voyage.

« Tu as vu, il a une gourde. »  Nota Deoria.

« De quel voyage il parle ? »

Le lougacorne tînt l'ustencile au-dessus du feu près d'un quart d'heure, avant de porter la casserole à sa gueule. Almak crût pour sa part attendre des heures.

- Attention, c'est sans doute brûlant. Alerta-t-il.

Mais Gary ne broncha pas, lapant une gorgée du breuvage avant de le partager gracieusement. Hésitant un premier temps, le jeune homme finit par approcher ses lèvres, tentant un rapide contact pour tester le métal. Froid. Les Flammes d'Emeraudes des Noctarîl. Des mots, puis des phrases entières ressurgirent de sa mémoire. « Des poisons mortels sont conçu à partir des feuilles de cet arbre. Il n'existe qu'un seul remède : Porter à combustion le venin avec l'essence même de son existence, les feuilles. La Forêt d'Encre est une vraie Mine d'Or pour les assassins et les comploteurs. »

« Les Noctarîl produisent la maladie et le remède. » Ajouta Deoria.

Almak bu une gorgée, puis laissa Gary remplir sa gourde avec le reste de la casserole. Il était venu dans cette région d'Alesta par le passé. Il n'en gardait aucune image. Uniquement la voix chaleureuse et apaisante d'Aldan, lui enseignant maintes et maintes choses sur la nature et ses nombreux secrêts. Le lougacorne chargea son sac, et à nouveau, ils s'enfonçèrent dans les bois de la Forêt d'Encre, en direction du Sud. Cette fois-ci, Elika la Sinueuse les laissa partir, et le soleil avait atteint son apogée dans le ciel lorsque Gary et Almak traversèrent la dernière rangée de Noctarîl pour découvrir le reste de la vallée d'Elvenstör. Une longue montée les attendaient avant de regagner la fin des Plaines Rocheuses, et le plateau aux pieds des Montagnes Bleus. Al sentit son moral monter en flèche en retrouvant la caresse du vent, le chant des oiseaux et les monticules de roches agrémentant le paysage. Les seules ombres du tableau étaient la fille le monstre qui l'accompagnaient. Almak avait faim, et son estomac ne cessait de le lui rappeler douloureusement. Gary sembla le remarquer, et après une longue marche silencieuse, il s'exprima le premier.

- Que diriez-vous de déjeuner Firiël ?

Almak aquieça, soulagé que le lougacorne propose ses provisions sans qu'il n'en demande la permission. Il avait encore du mal à accepter que son chemin ait croisé celui du lougacorne, et les intentions de ce dernier demeuraient cachées. Il semblait terrifiant, mais s'exprimait avec politesse et sur un ton mesuré. Ses agissements ressemblaient fort à ceux d'un homme. Peut-être s'agissait-il d'un maléfice. Au fond, Almak s'en fichait éperdument. Après leur repas, il annoncerait la fin de leur collaboration. Alors qu'il préparait le feu, Gary avait sortit sa poêle, épluchant désormais les pieds des champignons à l'aide de ses griffes.

- Pratique. Commenta Almak.

- Je ne voyage jamais sans mes ustenciles de cuisines.

« Il n'a pas comprit. »

« Les champignons me semblent suspect. » Révéla Deoria.

- Ils proviennent de la forêt n'est-ce-pas ? S'enquit Al.

- Ils ne sont pas contaminé, si c'est ce que vous sous-entendez. Rétorqua Gary, légèrement vexé.

« Tout va bien Almak. On peut lui faire confiance. »

« Si tu veux, mais je reste méfiant. »

Le lougacorne prépara une poêlée de champignons persillés, qu'ils dégustèrent avec avidité. Bien que le plus affamé des deux demeurait Almak, qui mangea à lui seul les trois-quart du repas. Mais Gary ne s'en offusqua pas, au contraire amusé par l'appétit de son nouveau compagnon d'aventures.

- On dirait que vous n'avez rien avalé depuis des lustres. Remarqua-t-il après une série de grognements.

- Presque deux jours. Souligna Al après avoir aspirer une grande bouffée d'air. A présent Gary, je me disais...

- Comment êtes-vous arrivé dans cette forêt ? Demanda subitement le lougacorne, interrompant le jeune homme qui s'apprêtait à mettre fin à leur duo.

Almak fut frappé par l'intonation de la question. A mi-chemin entre l'innocente curiosité et la réprimande. Se doutait-il de quelque chose ?

- J'ai entendu parlé d'un trésor caché dans la rivière qui traverse la Forêt d'Encre. Inventa Almak, adoptant un ton d'aventurier torturé. C'est pour ça que j'ai plongé dans le courant, mais je n'ai rien trouvé. J'avais besoin de cet argent pour sauver la ferme de papa. Nous avons tellement de dettes. Et Maman est obligé de rester au lit à cause de la maladie qui lui ronge ses forces jour après jour... Ma sœur est à son chevet, allégeant ses souffrances. Je dois désormais trouver un autre moyen d'avoir beaucoup d'argent.

Gary poussa un glapissement, faisant sursauté Almak. Il ne comprit qu'après coup que le lougacorne pleurait, ému par son histoire.

- Je... Je ne savais pas, Firiël. Puis-je vous être utile en quoi que ce soit ?

- Non. Justement. Je comptais retrourner à la ferme familial pour...

- Je vous offre mon aide, afin d'apporter à la fois mon soutient, et mon assistance. Promit Gary en posant une patte sur son épaule.

« Tu as ce que tu mérites. » Lui souffla Deoria. « C'est cruel de mentir avec un discours pareil. »

Almak ne lui prêta aucune attention. En vérité, quelque chose d'étrange se produisait. Les contours de Gary commençaient à onduler, et ses paroles se perdirent dans un flot incompréhensible. Le jeune homme ne percevait que des bouts de phrases, dénué de sens.

- … Beaucoup de voyages... Seul... Casserole... Recettes... Champignons...

Les tâches sur le pelage du lougacorne se promenaient sur ses bras et son cou, allant des jambes aux épaules par couple de deux, valsant aux rythmes des tambours en musique de fond.

« Almak ? Tu te sens bien ? J'ai une drôle d'impression... »

Même la voix de Deoria semblait faible et lointaine, comme jaillissant d'un puit. Al tenta de se relever, mais il chuta sur les fesses après avoir longuement lutté pour s'agenouiller.

- Je crois que j'ai du mal à digérer. Constata Almak avant de rire nerveusement.

- Vous allez bien Firïel ? S'inquiéta Gary en l'examinant.

Il n'allait pas mal, mais pas très bien non plus. Pour dire vrai, Al se sentait léger et irrésistiblement attiré par des détails d'ordinaires annodin.

- Tu savais que tes yeux étaient beau Gary ?

- Je le croise parfois dans le reflet de l'eau.

- Serais-tu l'esprit de la forêt ?

« Tu n'es pas dans ton état normal ! » L'avertit Deoria.

« Toi non plus. »

- Pourquoi ta corne est si petite ?

Gary sursauta comme sous l'effet d'un choc électrique. Almak avait, sans le savoir, touché un point sensible.

- Ce n'est pas la taille qui compte, mais la vaillance du lougacorne. Gronda-t-il avec dédain.

- Arrête de bouger s'il-te-plaît. Quand je te regarde au premier plan, le paysage est trouble derrière toi.

« Arrête ces sôttises Almak. »

- Je dois t'avouer un truc Gary, j'ai une voix dans la tête.

« Almak ! » Protesta Deoria d'une voix subitement sérieuse.

- Une voix ? S'étonna le lougacorne. Qu'entendez-vous par là Firiël ?

- C'est pas des blagues, j'ai même une marque sur la poitrine, regarde...

« Je te l'interdis ! » Intervînt furieusement la jeune femme. « Personne ne doit savoir ! C'est notre secrêt ! »

« Ah bon ? Pourquoi ? » La taquina Almak en affichant un grand sourire.

Il se redressa après trois essais, remontant sa chemise afin de prouver la véracité de ses révélations à Gary. Son mouvement se stoppa soudainement, une main appuyant sur son bras. Il reconnu le visage en forme de cœur et les longs cheveux dorées. Elle portait une robe blanche, semblable à celle des mariées, et affichait une expression fortement contrariée.

- Idiot.

- Tiens ? Tu es rétablie ? S'enjoua Almak.

Deoria lui enfonça un poing dans sa tempe, l'envoyant s'écraser à terre le sourire aux lèvres. Gary l'observa tomber comme une planche, se lançant à la rescousse du jeune homme. Ses champignons semblaient avoir un effet sur le comportement de son compagnon, qui se solda par une perte de conscience. Gary sentit son cœur battre la chamade, éprouvant des remords pour ne pas avoir prit en compte le fait que Firïel, malgré sa chaleureuse présence, n'était pas un lougacorne.

- Par Orëbor, pardonnez-moi Firïel.

Rangeant son matériel, Gary attrapa Almak, le portant sur son épaule tout en marchant vers le Sud, surpris la légèreté et le sourire béat du jeune homme.

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2.6 – DUEL

 

 

Installé au sommet d'une colline, Ren méditait. Le vent charriait toutes sortes de murmures qu'il tentait d'interprêter, et la tâche nécessitait une concentration si délicate qu'elle le plongeait dans un état de transe. Des murmures se mélangeaient, subtiles et difficiles à interpréter. Un groupe de cavaliers se déplaçaient au Nord Ouest, les vibrations de leurs destriers se répercutant contre la terre. Les activitées d'un village plus au Sud perturbaient également l'écoute de Ren. Il devait faire abstraction de ces perturbations, les reléguées au second plan. L'après-midi touchait à sa fin, mais aucune présence solitaire n'avait éveillé son attention. Les allées et venues de la faune des Plaines Rocheuses lui paraissait comme une tempête qu'il devait surmonter pour atteindre son objectif.

- Tu entends quelque chose ? Demanda Mina, assise près de lui.

Elle venait de réduire ses efforts à néant. Ren grimaça avant de jeter un regard noir à sa cooéquipière.

- Si tu cessais de m'interrompre, peut-être que je percevrais quelque chose. Ginça-t-il.

- Allons vers l'Est. Proposa-t-elle. Si mon père dit vrai, et que notre cible se dirige vers les Montagnes Bleus, elle atteindra tôt ou tard le Plateau d'Algoreb.

Ren se leva, récupérant sa sacoche et ses deux sabres afin de suivre la jeune femme, qui portait pour sa part quelques provisions en bandouillères. Le Maréchal les avait quitté pour prendre la direction d'Elaris, la principale cité des Montagnes. Mina semblait plutôt exitée par leur mission. Elle ne cessait de parler d'Aldan aux Cheveux Blancs et de sa mystérieuse Dëhemos: La Soixante-treizième.

- Moi je pense qu'il n'ait pas mort. Lança-t-elle tandis qu'ils reprenaient leur route au travers des roches et des collines.

- C'est la seule méthode pour extraire un Dëhemos. Argumenta Ren.

- Faux. On dit qu'il y en a une deuxième.

- Un guerrier de son envergure aurait préféré mourir.

- Comment tu peux le savoir ? S'étonna Mina.

Ren ne prit la peine de répondre. Ce qui laissa malheureusement la voie libre à la jeune femme pour exposé sa théorie bancale.

- On parle d'Aldan. Le Guerrier Blanc. Personne ne lui arrivait à la cheville, pas même mon père. Je suis certaine qu'il a élaboré un plan, afin de berner tout le monde et récupérer sa Dëhemos. Nous devons être prêt à affronter le Chasseur Légendaire en personne.

- Rien que ça... Sourit Ren.

« Qui est resté à ton avis ? »

Ses traits s'affaissèrent. Voilà que l'autre venait à nouveau de s'éveiller. Il haïssait cette voix.

« Disparaît. » Ordonna-t-il sur un ton glacé.

« Lequel ? Toi ou moi ? » Lança-t-il avant de s'évanouir dans un soupir.

Ren exerçait un contrôle permanant sur le flux de ses pensées. Il ne devait jamais relâcher sa vigilance. Si l'autre percevait une faille dans son esprit, les conséquences seraient désastreuses.

- William m'a dit que ton Sceau s'effritait après chaque Eveil. Lâcha Mina, devinant le malaise qui s'emparait de son cooéquipier. Tu te tiens le bras au même endroit à chaque fois qu'il te parle. Ajouta-t-elle.

Effectivement, Ren remarqua la position de sa main, compressant la marque que le Sceau avait gravé dans sa chair. Son geste était instinctif. Mina le connaissait bien. Trop même.

- Ce ne sont pas tes affaires.

Ils marchèrent toute l'après-midi dans un silence imposé par la jeune femme, observant le soleil se coucher à l'Ouest, ce dernier plongeant hors de leur vision son éclat chatoyant dans le grand océan, et ce, au-delà de la Brume.

 

 

*

 

Lorsqu'Almak se réveilla, enroulé dans sa cape, la nuit était déjà tombée. Il se rappelait avoir prit un coup particulièrement violent, puis le monde sombra dans l'obscurité. Il repensa alors aux champignons. Ceux que le lougacorne lui avait concoctés. Ils étaient sans aucun doute empoisonnés. Ou peut-être que le monstre l'avait drogué pour ensuite le dévorer. Mais si tel était le cas, il ne serait pas en mesure de réfléchir. Quelque chose remua alors contre son torse, lui arrachant une exclamation étouffée. Almak découvrit que ce quelque chose se révéla être, dans son ensemble, la jeune femme qu'il avait sauvé. Deoria reposait ses longs cheveux bouclés contre son bras, son corps collé contre le sien. Il en avait le bras engourdit. La surprise de sa découverte passée, Al se redressa subitement, laissant la jeune femme se cogner la tête au sol.

- Qu'est-ce que tu fais là ? S'offusqua-t-il en s'écartant de la fille.

Deoria s'étira en baillant, avant de frotter ses yeux sans prendre en compte la nouvelle tournure des évènements.

- Fais moins de bruit... Gary est en train de dormir. Le réprimanda-t-elle.

Le lougacorne était allongé à quelques pas d'ici, sa gueule reposant sur ses deux pattes avant. Mais Almak demeurait encore perplexe quand à la soudaine apparition de son parasite. Que faisait-elle ainsi couché contre lui ? Surtout après l'avoir assomé.

- Pourquoi tu es resté ? S'enquit-il sur un ton autoritaire.

- Je dois comprendre quoi par là ? Lança sèchement Deoria après s'être brusquement relevé.

Elle le toisait de ses yeux verts, pétillant comme deux émeraudes. Il n'y avait plus aucune trace de la blessure infligé par le marin du Vandread. Sa robe de soie blanche semblait refleter le doux rayonnement de la lune. La peau pâle sous le ciel étoilé, Deoria plaça les mains sur ses hanches en attendant sa réponse.

- C'était le marché, non ? Tu te rétablie, on se quitte, fin de l'histoire.

- Ce n'est pas aussi simple. Contra-t-elle.

- Au contraire. Protesta Almak. Rien de plus simple. Je continue ma route vers le Sud. Toi, tu restes avec le monstre et vous mangez des champignons toxiques jusqu'à la fin de vos jours. Tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes.

- Tu as toujours la marque. Le lien ne peut être brisé.

Al écarta sa chemise pour vérifier les dires de la jeune femme. Le symbole était toujours présent, incrusté à l'emplacement de son cœur. Une vague de lassitude et d'impatience lui déclencha une bouffée de colère.

- Qu'est-ce que ça veut dire ? Trancha-t-il en tentant de se contenir. Tu as dit que ça disparaîtrait.

- C'est ce que je croyais. Assura-t-elle sombrement. Mais tu es toujours mon propriétaire.

- Je ne suis pas propriétaire. J'ai rien signé.

« Je suis toujours connecté à tes pensées. » Prouva Deoria en demeurant face à lui, s'exprimant sans bouger les lèvres.

- C'est un cauchemard... Se lamenta Almak, massant ses tempes par dépit.

- Gary ne peut pas me voir, ni m'entendre. Ajouta-t-elle en se rapprochant doucement. Nous allons devoir rester ensemble encore un moment.

- Je ne comprend pas. Pourquoi tu te trouvais sur ce navire ? Pourquoi ce médaillon pointait dans ta direction ? Qui es-tu à la fin ? Un esprit ? Tu te souviens de rien hormis ton nom ?

- La vérité Almak, c'est que j'ai peur de me souvenir. Susurra-t-elle en se stoppant à un pied de lui. En y réfléchissant, je crois avoir connu cet Aldan qui ne cesse de vivre à travers toi. Tu n'en possède cependant aucune image. Pourquoi ?

- La conversation s'arrête ici.

Almak s'était exprimé sur un ton sans réplique, tournant les talons pour mettre le plus de distance possible entre lui et les deux autres. Il envisagea de tirer un trait sur Deoria et Gary lorsque la jeune femme le rattrapa, surgissant sur sa gauche pour lui barrer la route.

- Tu ne disais pas « chercher des réponses » ? Demanda-t-elle en plongeant son regarde dans le sien. Tu n'es pas le seul à te poser des questions. Nos chemins ne se sont pas croisé par hasard Almak.

- Pousse-toi.

Deoria ne bougea pas d'un pouce, affichant une expression déterminé. En temps normal, Almak l'aurait envoyer balader, mais en cet instant, quelque chose l'en empêchait. La jeune femme dégageait une aura envoûtante et chaleureuse, mais ce fut un sentiment plus profond qui le fit soudain hésité à s'en séparer. La haine. Une vengeance sanglante et sans pitié, qui s'abattra comme un fléau sur les bourreaux de son maître. Voilà six ans qu'il cherchait une piste ou ne serait-ce qu'un nom. Mais il n'avait rien trouvé. Comme si Aldan n'avait jamais existé. Le médaillon était son seul héritage matériel, et après toutes ces années, son chemin croisait celui de Deoria.

- Cela ne sert à rien de fuir Almak. Tant que le Sceau subsiste nous sommes toujours enchaîné. Ajouta-t-elle.

Il retrouva son calme et son visage se détendit. Malgré sa nature étrange, elle resplendissait. Al retrouva une voix détachée et légèrement traînante.

  - Parce que nous sommes enchaîné maintenant ?

Contre toute attente, elle s'approcha pour l'enlacer et blottir sa tête contre son torse. Le geste le prit au dépourvu. La jeune femme était nue sous sa robe de soie, et sa poitrine compressée contre son corps avait de quoi éveiller des désirs malvenues dans ce genre de situation. Délicatement, il l'écarta afin de mettre les choses au clair.

- Voici le marché : Je t'aide à retrouver la mémoire, et tu trouves un moyen de séparer nos pensées. Une fois que tout est rentré dans l'ordre, je retourne à mes affaires et toi... Toi tu fais ce que tu as a faire. Marché conclu ?

- Le marché est déjà conclut. Souffla-t-elle.

Alors qu'Almak s'apprêtait à rétorquer, une patte aux longues griffes agripa son épaule, un souffle bestial et tiède retentissant près de son oreille.

- A qui vous parlez Firiël ?

Le jeune homme poussa un cri haut perché, bondissant comme un chat hors de portée du monstre qui venait de surgir. Deoria avait disparut en un instant, comme l'aurait fait un esprit.

- Pardonnez-moi, je vous ai fais peur ? Compatit le lougacorne.

- Ne refait plus jamais ça ! Le gronda Almak, compressant la peau où son cœur battait à tout rompre.

- J'ai entendu des voix, et remarquant votre abscence, je suis venu vous trouvez. Expliqua Gary. C'est étrange, j'aurais juré que vous étiez en pleine discussion.

« Il ne doit rien savoir. »

« Je sais. »

- C'est... Je suis Noctamarien.

- Diantre ! Qu'est-ce donc ?

- J'entretiens des discussions dans mon sommeil. Mentit Almak. Le plus souvent avec des vieux marins de la Mer Morte. Tu m'as réveillé et j'ai crié.

Gary goba l'histoire sans sourcillé, demandant même des détails sur les sujets de conversations des marins. Il en inventa sur le fil en retournant à leur campement, puis se sentant parfaitement éveilllé, Almak proposa au lougacorne de poursuivre leur trajet de nuit, afin d'atteindre le Plateau d'Algoreb au plus vite.

- Ah, et j'oubliais... Si tu refais un coup comme celui des champignons, je te tues. Avertit le jeune homme en menant la marche.

 

*

 

- Mina, réveil-toi.

Une main lui secoua légèrement l'épaule. Ce n'était pas encore l'aube. Ren semblait curieusement exité.

- Le vent a parlé.

- Mmm... Et il a dit quoi ? Lâcha-t-elle en s'étirant contre les racines de l'arbre qui lui servaient de lit.

- Notre cible marche sous les étoiles en direction des Montagnes Bleues. Ou devrais-je dire, nos cibles.

Mina se frotta les yeux, replaçant sa mèche avant de se redresser sous l'arbre qui la surplombait, surmontant une colline basse des Plaines Rocheuses. Elle nota l'utilisation du pluriel de la part de son cooéquipier.

- Tu veux dire qu'il n'est pas seul ?

- Je ne suis pas certain. Je dirais deux individus. L'un dégage une aura écrasante par rapport à l'autre. Il y avait également une troisième présence. Très légère. Peut-être un animal qui les accompagnes.

Ren semblait sûr de lui. La main appuyé contre l'écorce de l'ancien, il contemplait les étoiles. Sa longue tresse se balançait au vent, le mouvement calqué sur ceux des plis de son long manteau. Mina trouva qu'il ressemblait à une ombre. L'ombre d'une lame dans la nuit. Un spectacle effrayant et éblouissant.

- Arrête de faire le beau idiot. Lança-t-elle après lui avoir frappé l'épaule du poing.

- Tu es la seule à trouver ça marrant. Grinça Ren en retrouvant son visage sérieux et renfrogné.

- On les rattrape quand d'après toi ?

- Demain après-midi si on ne fait aucune halte.

- Qu'est-ce qu'on attend ?

Ils récupérèrent leurs affaires et entamèrent leur avancé par l'Est, où leur route croisera celle de leur proie, aux portes du Plateau d'Algoreb.

 

 

*

 

- Non, ce n'est pas héréditaire... Soupira Almak.

- Et après que le vieux marin, Monsieur les Trois Ed', est valeureusement triomphé du kraken, le trésors dont il vous parlait aurait subitement disparu ?

- C'est ça...

- Mais alors... N'est-ce pas merveilleux Firiël ? Tout vos problèmes d'argent seraient résolu si nous mettions les griffes sur ce trésor ! Nous pourrions créer un remède pour votre pauvre mère.

« Almak... Met fin à cette discussion une bonne fois pour toute. » Lâcha Deoria avec lassitude.

- Pourquoi on va vers le Sud à ton avis ?

Gary poussa un grognement de contentement, réajustant son sac tandis qu'ils parvenaient aux limites des Plaines Rocheuses pour observer le Plateau d'Algoreb, s'étendant sous leur yeux. Une vaste terre, plane et fertile, un océan de verdure sous un ciel couvert et orageux. Au loin s'élevait les Montagnes Bleues, dont les sommets gelé étaient frappés par une tempête.

« Il apprendra la vérité tôt ou tard. » L'avertit sa deuxième conscience.

« Tu as raison. Mieux vaut tard que jamais. » La rassura-t-il.

L'après-midi s'annonçait pluvieux. Almak ne savait pas vraiment ce qu'il devait faire en premier lieu. Comment retrouver les souvenirs de la jeune femme ? Il repensait au Vandread et à l'oeuf de verre. Aucun blason, ni aucune marque. L'Eliade appartenait à la flotte d'Albieros. Elle allait en direction du Sud. C'était la seule piste du jeune homme. Avant de se lancer sur une enquête, Almak devait faire des provisions dans un village ou une petite cité. Il ne souhaitait pas retenter l'expérience des champignons.

- Regardez Firiël ! Un chemin ! S'exclama Gary alors qu'ils descendaient la dernière colline des plaines.

Le lougacorne désignait une route de terre battue plus en contrebat, sans doute emprunté par les marchands qui transitaient entre les villages du Plateau d'Algoreb. Almak préférait ne pas croiser la route de soldats ou d'autorité en compagnie d'un monstre pareil. Ils risqueraient de les attaquer par effroie.

- On va couper tout droit.

« Quelqu'un approche. » Souffla Deoria.

- Vous sentez Firiël ? S'enquit Gary. On dirait que deux personnes approchent par l'Ouest.

Almak le sentait en effet. Et en concentrant son regard, il pouvait observer deux silouhettes marcher au loin, sur le chemin.

- Le terrain est à découvert. Remarqua-t-il à regret.

« Pas le choix. On a juste à faire profil bas. » Proposa Deoria.

« Je te signale qu'on a un animal qui risque de poser problème. »

Gary, j'ai deux où trois choses à te demander, juste au cas ou il s'agirait de bandits.

- Des bandits vous dîtes ? S'inquiéta le lougacorne.

« Ou pire. »

 

 

*

 

La pluie tombait en fines gouttelettes lorsque leur proie apparut enfin dans leur champ de vision. A plusieurs centaines de pieds, Ren réalisa alors qu'il s'était trompé. Il n'y avait qu'un seul individu et sa monture. Une étrange monture. Ils coupaient à travers le Sud, ou leur route croiserait la leur au niveau du chemin de terre. Mina ne pouvait s'empêcher d'exprimer ses soupçons.

- J'ai du mal à croire qu'il s'agit d'un meurtrier en cavale. Souffla-t-elle. C'est quoi la chose sur laquelle il se déplace ?

- On dirait l'un de ces grands loups des Terres Gelées.

Ren ne ressentait plus l'extraordinaire aura de la nuit passée. S'agissait-il d'un leurre ?  Etant donné l'amplitude de l'attaque contre le Vandread, le jeune homme doutait que l'individu qu'ils s'apprêtaient à rencontrer ait un quelconque lien avec leur enquête. La pluie s'accentua, et le duo se trouvait désormais à porté de voix du cavalier.

- Même si ce n'est pas notre cible, peut-être qu'il nous apprendra quelque chose. Assura Ren à sa cooéquipière.

 

 

*

 

- Excusez-moi Firiël, je ne vois pas en quoi le fait de me faire marcher à quatre pattes puisse...

- Ferme-là et comporte-toi comme une monture. Siffla nerveusement Almak.

Le lougacorne n'était pas fait pour être monté. Son dos était inconfortable, et il devait s'accrocher à la lanière du sac de cuir pour ne pas tomber à la renverse. Sa position recroquevillée devait être amusante à observer. Il commençait à pleuvoir et ils avaient désormais rejoint le chemin, les deux voyageurs n'étant plus qu'à quelques pas de leur position. C'était un homme et une femme. Lui en manteau noir qui cachait sa tenue de sabreur, elle en jupe de guerre aux lamelles d'acier, un corsage vert foncé aux petites manches ballons. L'un était doublement armé et l'autre portait une poignée sans lame accroché à sa ceinture. Almak espérait tracer en direction du plateau sans avoir à faire avec ces deux individus. Leur présence ne lui augurait rien de bon.

- Halte voyageur ! L'interpella une voix féminine et autoritaire.

« Merde... On est foutu. » Se lamenta mentalement Almak, affichant un faux sourire en surface.

« Ils n'en ont pas forcément contre toi. » Le rassura Deoria.

- Firiël, serait-ce des band...

Al asséna un coup de talon dans les côtes de Gary, le forçant au silence tandis qu'il se préparait à l'affrontement.

 

*

 

L'animal que le jeune étranger chevauchait maladroitement était un véritable monstre. Mais il s'était tout de même arrêté à son appel. Des cheveux châtins et mouillés retombait trempés sur son front, formant un rideau au-dessus de ses yeux gris. Il portait une longue cape noire par-dessus une veste blanche, à première vue désarmé. Les chances de boucler rapidement l'enquête semblèrent s'évanouir. Seul les yeux d'argent étaient assez rare pour être remarqué. Sans oublier la bête qu'il montait, sans selle.

- Pardonnez notre impolitesse de vous avoir ainsi retardé. S'excusa Ren auprès de l'individu. Nous arrivons de l'Ouest, et si cela ne vous dérange pas, j'aimerais vous posez quelques questions concernant un incident survenu récemment.

Mina remarqua que l'étranger continuait de sourire, un sourire niait, sans comprendre un traître mot de ce que racontait son cooéquipier.

- Vous comprenez ce que je viens de dire ? Ajouta Ren.

- Moi... P-pas parler... Votre langue. Bégaya le cavalier avec une voix de gorge.

Ren lui jeta un regard appuyé, comme s'il percevait une arnaque. La jeune femme porta alors son attention sur la bête monstrueuse, qui éveillait en elle une suspicion grandissante.

- Nous enquêtons sur un vol effectué à bord d'un Vandread de la flotte l'Albieros. Un objet de grande valeur a été dérobée. Articula Ren en agrémentant son discour de grand gestes. Le voleur, un homme dangereux, a prit la direction du Sud. Avez-vous aperçu un individu suspect au cour de votre voyage ?

- Pas problème... Veut pas de problèmes.

Mina détaillait la gueule du loup, remarquant une petite corne sur le front de ce dernier. L'animal l'observait avec curiosité, avec des yeux étincelant de vie.

- C'est marrant cette petite corne. Lança-t-elle en étirant le coin de ses lèvres. C'est la première fois que je vois une telle monture, de quelle espèce s'agit-il ?

- Poney. Informa l'étranger.

- Non. Je suis un lougacorne.

La jeune femme poussa un cri terrifié, assénant un puissant coup de poing dans la gueule du monstre. Un hurlement sinistre déchira l'air tandis qu'un puissant coup de tonnerre secoua le ciel. La bête s'était redressé sur ses deux pattes arrière, éjectant son cavalier sur le bord du chemin. Ren avait portée une main sur l'un de ses sabres, paré à tranché au moindre mouvement.

 

*

 

Gary avait réduit son plan à néant. Almak se relevait après sa chute, et la pluie tombait désormais avec cadence. Des éclairs illuminaient les nuages noirs au-dessus des plaines. L'homme menaçait le lougacorne de la pointe de son arme, tandis que ce dernier tentait veinement de s'expliquer auprès de la jeune femme.

« Il va le tuer. » Conclu sombrement Deoria.

- … Ne soyez pas effrayé Mademoiselle. Je vais tout vous expliquez. Et je vous prierais, cher Monsieur, de ne pas pointer cette chose sur moi.

- Qui es-tu ? Parle ! Ordonna le guerrier à la longue tresse.

- Je me nomme Garyolamar vi Orëbor, fils...

La lame du sabre se rapprocha d'un pas. Almak décida alors d'intervenir avant que son compagnon de soit embrocher par le sombre individu.

- Je vais vous expliquez !

« Qu'est-ce que tu fais ? » S'agita Deoria. « C'était ta chance de fuir ! »

« C'est parcequ''il a croisé ma route qu'il se retrouve là. » Expliqua calmement Almak.

L'homme dégaîna son deuxième sabre pour le pointer cette fois-ci dans sa direction.

- Tu parles notre langue maintenant ? S'enquit-il.

« Il se sent pousser des ailes. » S'amusa Almak malgré la situation.

- Sauve-toi Gary. Ordonna-t-il sur un ton grave.

- Firiël ? S'exclama le lougacorne, que la jeune femme observait avec curiosité. Je ne puis vous abandonnez.

- Va en direction du plateau. Je te rejoindrais.

- On dirait que ton vrai visage apparaît. Lança le type menaçant en délaissant Gary se rapprocher de lui.

« Toi aussi tu prends la grosse tête. Il est armé je te signale. »

« Je n'ai forcément besoin de lame pour danser. »

 

 

*

 

Ren la perçut le temps d'un éclair. L'aura qui lui promettait un adversaire formidable. Etait-ce vraiment lui ? Son aspect le décevait quelque peu.

- Laisse partir le monstre Mina.

Sa cooéquipière recula d'un pas, rassurant d'une voix douce la bête que l'autre homme appelait Gary.

- Tu peux aller en paix. Nous ne sommes pas ici pour le tuer.

- Mais je ne peux pas abandonner Monsieur Firiël. Lâcha fébrilement le loup à corne, avant de lâcher un étrangement glapissement.

- Je t'ai dit que je te rejoindrais sale monstre ! S'emporta celui qu'il appelait Firiël.

Ren faisait désormais pleinement face à celui qui osait prétendre remporter un duel contre lui. Même s'il ne s'agissait pas de leur cible, un tel comportement méritait punition.

- Je vous attendrais Firiël ! Lança le loup avant de reculer avec hésitation, son sac en bandouillère.

Mais l'autre ne prit pas la peine de répondre, fixant avec amusement Ren de ses yeux d'argent. Un détail imperceptible avait cependant changé son expression. Peut-être était-ce dû à la pluie qui ruisselait sur son visage. Une expression sauvage.

- Tu as besoin de deux armes pour t'en prendre à un homme désarmé ? Jouta son adversaire.

- Faisons un marché. Lança Ren. Si tu me touches, nous te laisserons rejoindre ton ami. Dans le cas contraire, tu ne seras pas en mesure de partir.

- Cela me semble honnête. Tu peux même garder tes deux sabres si tu le souhaites.

- Soit.

Ren plaça son pied gauche en avant, levant haut le sabre de sa main droite, l'autre pointant son adversaire en plein cœur.

 

 

*

 

« C'est une mauvaise idée Almak. » Soutenait Deoria.

L'homme au visage fin et noble s'apprêtait à attaquer. Al relâcha ses muscles pour les tendres à nouveau lentement, ressentant ainsi chaque partie de son corps agir selon sa propre volonté. La pointe du sabre adverse se rapprocha plus tôt qu'il ne l'avait prévue. Une attaque beaucoup plus rapide que la normal. Almak esquiva par la droite, la deuxième lame fauchant dans un sifflement l'air d'un ample mouvement latérale. Il esquiva en se laissant tomber sur le dos, surgissant à nouveau en se propulsant des deux mains. Il s'apprêta à asséner un coup de poing lorsque son adversaire recula, rabattant ses deux lames en visant son cou. Il évita la décapitation d'un cheveu. Almak était fluide, comme l'eau d'une rivière. Ses yeux examinaient chaque détail avec une rapidité et une précision hors du commun, en particulier lorsqu'il se laissait guidé par son instinct. Il se laissa rouler sur le dos, se redressant en poirier pour venir frapper la garde du sabre le plus en retrait.  Imprévisible, comme le courant d'un rapide. Son adversaire lâcha sa prise sous l'impact, envoyant le sabre voler dans les airs. Al le rattrapa dans sa chute après s'être rétablit d'un bond en arrière.

Quand un obstacle apparaît, l'eau trouvait simplement un autre chemin.

« Tes réflexes sont impressionnant. » Se réjouit Deoria.

- On peut dire que je t'ai touché, non ? S'enquit Almak en désignant le sabre à la poignée d'ébène qu'il tenait dans sa main droite.

 

 

*

 

Beaucoup de mouvements inutiles, mais une perception du combat que Ren ne soupçonnait pas. Son adversaire venait d'inverser la tendance dans une danse tout à fait original. Les choses sérieuses pouvaient commencer.

- Une garde de sabre de compte pas. Contra-t-il.

- Ce n'était pas dans les règles.

Il tenait son sabre comme un débutant. Serrant la poignée sans laisser de leste au pouce et à l'index. Mina observait le combat avec intérêt, le monstre ayant quitté la route de terre, qui devenait peu à peu un chemin de boue. Ren retira sa sacoche, décidément attiré par cet étrange individu. Il rêvait de le découper pour ôter cette expression irritante de son visage.

- Bon. Trois pièce de cuivre et l'affaire est réglé ? Proposa-t-il.

- Tu es soupçonné d'avoir descendu un Vandread de la flotte d'Albieros. Informa Ren. Et d'avoir dérobé son contenu, qui était malheureusement destiné à une organisation de gens extrêmement dangereux.

- Tu vois quelque chose sur moi ? J'ai une tête à attaquer des vaisseaux de l'armée ?

- C'est ce que nous verrons. Accepte de coopérer si tu ne veux pas te blesser.

- Je suis obligé de refuser l'ami.

- Je ne suis pas ton ami. Trancha Ren.

Son adversaire le contournait lentement, regagnant le chemin tandis que l'orage battait son plein au-dessus de leur tête. Ren se mit en garde, sabre devant lui. Il hésitait à couper un bras pour calmer la confiance exacerbé de l'individu. Un bras en moins n'allait pas le tuer. C'était un droitier, le choix fut sélectionné.

- Dernier avertissement. Lança Ren. Coopère.

- Va chier.

Le chasseur s'élança subitement sur sa proie, et cette dernière l'imita à sa suprise, tendant la pointe de son sabre vers l'avant, la paume plaquée contre l'extrémité de la poignée. Une attaque aiguille. Ren dévia la lame qui passa à un pouce de son bras gauche, abaissant son sabre dans un geste qui oterait les deux bras de son adversaire en un seul coup. Trop lent. L'autre changea de main en pleine course, utilisant l'élan de sa frappe pour executer une rotation complète, terminant sa chorégraphie accroupit, paré à trancher son bassin.

- Assez joué..

Ren passa à la vitesse supérieure. Son pied droit se décala en un éclair pour abattre son sabre sur l'épaule gauche de son adversaire. Son mouvement parut un instant flou tant sa rapidité dépassait celle du commun des mortels. Il y eût un contact, mais l'attaque adverse ne cessa pas pour autant sa courbe, qui traversa son manteau noir pour pénétrer sa chair.

 

 

*

 

La veste d'Almak se teintait de sang. Son épaule gauche, et sa main droite, qui s'était instinctivement déplacée pour ralentir le coup, retenait douloureusement la lame tranchante du sabre. Il avait eu de la chance de s'en sortir avec une blessure aussi superficielle. En vérité, l'idée ne lui avait pas traversé l'esprit que son adversaire le surpassait au maniement du sabre.

« Si je n'étais pas intervenue tu serais manchot. » Le réprimanda Deoria.

« Je ne t'ai pas demandé d'intervenir. » Trancha Almak.

Plus étonnant encore, sa propre attaque avait été contré de la même manière par l'homme à la tresse noire. Bien que son sabre avait entaillé ses côtes, l'autre l'avait contré également avec sa paume, dont le sang ruisselait sur le tranchant de la lame.

- Egalité. Lâcha Almak avec un sourire provocateur.

- Je t'ai touché le premier. Protesta sombrement son adversaire. Quel est ton nom guerrier ?

- Edgar.

- Ne me mens pas.

- Edward.

Toujours accroupis, Almak ressera sa prise sur le sabre adverse pour l'empêcher de bouger. L'autre l'imita.

- Tu es pile à la bonne hauteur. Souffla-t-il.

- Pardon ?

« Recule ! » S'écria Deoria.

Esquissant un pas en avant, son adversaire lui asséna un puissant coup de genou dans le front, et l'éclair qui déchira le ciel à cet instant précis aveugla Almak dans un puissant flash de lumière. Il eût l'impression que son crâne avait explosé avant de s'effondrer, sentant sa conscience l'abandonner tandis que Deoria le priait de rester éveiller.

 

 

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Deux très bons chapitres avec des révélations et du combat :P!

 

On connait maintenant les plans de William, il cherche à savoir qui l'auteur de l'attaque du navire à sa façon. Mina et Ren sont désignés pour cela. Dans ce chapitre il y a un détail mystérieux venant de Ren avec son pouvoir, du nom de l'éveil. Tout le monde à ce pouvoir ?

On apprend aussi que Aldan était un membre de la Division et qui l'était très puissant, j'espère qu'il est vivant aussi pour voir de quoi il était capable.

 

Quand à nos 2 voyageurs, ils se font un nouveau compagnon de voyage et on remarque que Gary cherche vraiment de la compagnie ;D. Ils finissent par tomber sur Mina et Ren, donnant lieu à un très beau combat entre Almak et Ren, mais Almak finit par baisser sa garde et perd.

 

Que va t'il se passé maintenant pour eux ? J'attends la suite !

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Merci Kyojin !

 

L'Eveil n'est réservé qu'à une élite de la Confrérie, et peu de gens ont ce pouvoir. Cependant, j'y reviendrais à travers un arc dans le chapitre 3, où les capacitées de Deoria seront dévoilée ( A travers une epic battle ! )

 

La suite en fin de semaine, avec la conclusion du chapitre 2, mais tout de suite une carte de la région où se trouve les héros :

 

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2.7 – CAPTIF

 

 

L'orage passait, la pluie s'était calmée. Ren avait eu l'avantage de la surprise. Mina s'apprêtait à soigner la plaie de son cooéquipier lorsqu'il désigna leur cible, assomé sur le chemin.

- Commençons plutôt par l'attacher, ma blessure est légère.

- Comment tu l'as trouvé ?

- Il se surestime.

- Ce ne serait pas plutôt toi qui l'aurait sous-estimé ? Le taquina Mina avec un brin de vérité.

Elle s'approcha du jeune homme en fouillant dans son sac, saisissant un rouleau de bandage et une fine corde aussi solide que l'acier. L'entaille sur sa paume était assez profonde, elle s'empara donc d'un flacon d'alcool fort, imbibant le tissu avant de l'enrouler autour de la main. Puis, délicatement, Mina passa la corde autour des deux poignets pour executer un double nœud particulièrement difficile à défaire. Ren essuyait pendant ce temps les traces de sangs sur ses sabres, encore vexé par la remarque de la jeune femme.

- Il a une bosse énorme. Commenta-t-elle en soulevant une mèche de cheveux trempé.

- Il peut s'estimer heureux d'avoir encore sa tête. Se vanta Ren avec dédain.

« Mina. » L'interpella avec douceur une voix suave.

« Tu a sentis quelque chose Ely ? »

« C'est un hôte lui-aussi. »

« Vraiment... »

Ren, je crois qu'on a trouvé notre voleur. Informa Mina, légèrement déçue de s'être trompée en imaginant le retour d'Aldan. Il doit avoir un Sceau quelque part...

- Je m'attendais à mieux qu'une tête brulée. Lâcha son cooéquipier. Il ne donne pas l'impression d'être un stratège.

Mina s'attaquait désormait à l'épaule blessée du jeune homme. Elle examina un curieux médaillon en forme de pentacle, gravés de runes et sertie d'un diamant étincelant en son centre. Puis elle écarta la veste et la chemise bleu pour nettoyer la plaie, lorsque le blessé stoppa subitement son geste, empoignant son bras.

- Hey, tu sautes des étapes. Souffla-t-il en la fixant avec un sourire enjôleur. On devrait d'abord apprendre à se connaître avant...

Elle ôta son genou du sol pour écraser durement l'entrejambe du prisonnier. Ce dernier lâcha prise, ponctuant sa phrase par un gémissement étouffé.

- Tout va bien Mina ? S'enquit Ren.

- Oui, oui. Il va se tenir tranquille maintenant s'il tient à ses bijoux. N'est-ce-pas ?

- D'accord... Madame... Expira le jeune homme en tentant de récupérer son souffle.

- Qu'est-ce que tu caches là-dessous ? Demanda-t-elle avec légerté en reprenant les soins, détaillant une marque sur la poitrine de son blessé.

- Une tâche de naissance.

- Ce n'est pas bien de mentir. Le réprimanda Mina, avant de s'adresser à son compagnon : Mission accomplie. Il a le Danëteom.

Un éclair d'incompréhension passa dans les yeux d'argent de leur cible. La jeune femme fut alors surprise de l''entendre rétorquer, sur un ton où perçait une parfaite ignorance :

- Attendez... Vous savez ce que c'est ?

- Ne joue pas au plus malin avec nous. Gronda Ren en se rapprochant.

- Non, sérieusement. Protesta leur prisonnier. Ecoutez, je pense que notre discorde est basée sur un malentendu. Commencez par me détacher et...

- Tu vas devoir répondre à nos questions si tu tiens à ta virilité. Avertit Mina. Pour commencer dévoile ton vrai nom. Je suis Mina, et celui qui vient de nous rejoindre est mon cooéquipier, Ren.

Il semblait s'être calmé à la proximité de Ren, qui le fusillait du regard. Cependant la lueur dans ses yeux continuait de briller intensément. Elle aurait pu le trouver à son goût si son caractère n'était pas aussi nonchalent et stupide.

- Firiël.

- Tu peux tromper cet animal mais pas moi. Contra Mina en se référant à Gary.

- Quel intérêt à connaître mon nom ?

- C'est la moindre des politesses. Insista-t-elle en terminant de panser l'entaille, superficielle malgré la puissance du coup porté par Ren.

- Almak. Lâcha le jeune homme après une courte hésitation. Tu me libères maintenant ? J'étouffe.

- C'est drôle, ton nom... Réfléchit Mina en faisant le lien. Il ressemble...

 

 

*

 

« Elle relâche son attention. »

Et elle avait les mains glacées. Almak agit au quart de tour, lançant ses bras derrière sa tête pour sentir la terre mouillée sous ses doigts, se propulsant sur les jambes pour effectuer une roue verticale. Il se rétablit à deux pas de la jeune femme, éclatant d'un rire victorieux.

- Deux fois dans la même semaine qu'on oublie de m'attacher les pieds ! Jubila-t-il. Adieu le mec qui ressemble à une fille et la fille qui ressemble à un mec !

Il traça hors du chemin en direction du Plateau d'Algoreb, laissant ses deux agresseurs prendre conscience de leur erreur. Gary avait certainement prit de l'avance, mais Almak était certain qu'il l'attendait comme un fidèle toutou, quelque part.

« Derrière-toi ! » L'alerta Deoria.

Un son étrange se rapprochait dangereusement. Un bruit de fissure, comme le dégel d'un lac en hiver. Le bruit fila dans un crissement aigu entre ses jambes tandis qu'il sortait du chemin de terre, et surgissant de nul part, un mur de glace s'éleva avec fracas devant lui. Almak le percuta de plein fouet, luttant pour garder l'équilibre tandis que trois autres remparts bleutés jaillirent du sol pour l'enfermer dans un cercueil glacé.

- C'est quoi ce truc ? Paniqua-t-il en frappant du pied les parois qui malgré les impacts sourds à répétition ne cédaient pas.

« Un tour de la fille. » Devina Deoria.

« Comment elle fait ça ? C'est une mutante ou quoi ? »

- La fille qui ressemble à un mec ! L'interpella une voix de l'autre côté de sa prison.

Un objet entra en contact avec les murs de glaces, déclenchant une exéburance sur la cloison, en face d'Almak. Une barre gelée en émergea pour venir frapper son entrejambe, lui arrachant une exclamation étouffée. C'était un coup en traître.

- Je... Je ne le pensais pas... Balbutia-t-il.

- Almak c'est ça ? Lança-t-elle avec autorité. Tu vas promettre de ne plus t'enfuir si tu ne veux pas finir en cornet glacé.

« Leur échapper sera plus dur que prévue. »

« Je ne comprend pas très bien ce qu'ils sont, mais une autre occasion se présentera. Crois-moi. »

« Ils ont l'air au courant pour le Sceau. » Ajouta avec une certaine amertume Deoria.

« Ce n'est pas ce qui m'inquiète le plus actuellement. »

- C'est d'accord ! Se résolut Almak. J'ai compris le message.

- Promis ?

- Croix de bois, croix de fer, si je mens, tu vas en enfer.

- Non, tu vas en enfer.

- C'est ce que je viens de dire.

Sa prison de glace frémit. Des craquellement retentirent en série, des fissures tailladant les parois avant de les éclater en d'innombrables blocs. Ces derniers se consumèrent en lévitant, libérant une neige blanche et scintillante. Le spectacle était ahurissant. Almak demeura bouche-bée en observant les flocons se déplacer dans un courant d'air, regagnant la garde du sabre à l'origine de ce piège. Chaque cristaux se comprima pour former une lame translucide, d'une pâle lueur bleutée. La couleur était étrangement assortie aux yeux de la jeune femme, qui répondait au nom de Mina.

- C'est un drôle de sabre que tu as là. Remarqua Almak, sans défense contre de tels adversaire avec ses mains attachées.

- Un mec qui ressemble à une fille ?

Al se retourna, faisant face à la sombre silouhette du dénommé Ren. Il ne l'avait pas vu venir, tout comme il n'avait pas vu venir la poignée d'un sabre lui percuter la tempe. C'était la troisième fois en moins d'une journée qu'il se faisait assomé, et Deoria commença à associé les idioties de son hôte au nombre de coup impressionnant que le cerveau de ce dernier encaissait.

 

 

2.8 – LA FAIM, C'EST LA FIN

 

 

Le temps s'était dégagé, le croissant de lune et les étoiles régnaient désormais dans le ciel. Ils avaient parcouru un bout de chemin en fin d'après-midi, retournant sur leur pas avant de bifurquer à l'Ouest du Plateau d'Algoreb. Le lendemain, ils contourneraient les vastes prairies pour regagner la Trouée d'Aboros, traçant à travers les Montagnes Bleues pour regagner la cité d'Elaris. William serait satisfait de leur prise. Il ne faisait aucun doute que cet Almak était fortement impliqué dans l'incident du Vandread.

- Alors, on est réveillé ? S'enquit Ren avec un sourire satisfait.

- J'ai l'impression de passer mon temps à dormir. Rétorqua son prisonnier, allongé sous sa garde près d'un olivier

Ren dût admettre que ce dernier avait la tête solide. Et que, malgré sa situation, il ne laissait transparaître aucune inquiétude, mais plutôt un visage profondément ennuyé.

- Vous allez me libérer ?

- Non.

- Qu'est-ce que vous voulez à la fin ?

- Nous allons te ramené auprès de notre chef, qui décidera de ton sort. Expliqua calmement Ren.

- Quel chef ?

Almak s'était renfrogné, demeurant allongé sur l'herbe tandis que Mina, assise près de leur feu, se leva pour les rejoindre, l'air sombre.

- Le Braëla est trempé, nos provisions sont bonnes à jeter. Annonça-t-elle en s'agenouillant près du prisonnier.

Le Braëla était un pain fourée à la viande et aux légumes, très nourrissant et mêt de choix pour les longs voyages. L'orage  avait certainement humidifié la mie, le rendant immangeable.

- Tu ne l'avais pas enveloppé ? Soupira Ren.

- Je pensais que tu l'avais fait. Rétorqua Mina, outrée d'être ainsi accusé.

- Comment tu peux dire ça ? C'est ton sac !

- On a plus rien a mangé, Ren ! S'énerva-t-elle. Pourquoi ce serait à moi de tout vérifier ?

Almak assistait à leur dispute avec curiosité, suivant du regard les répliques cinglantes des deux cooéquipiers.

- Tu essayes de me faire porter le chapeau. Protesta Ren.

- Ah bon ? Tu as quoi dans ta sacoche pour voir ?

- Des choses...

- Ouvre-la. Ordonna Mina.

Ren s'executa avec une expression gêné. Il y avait un chiffon pour nettoyer ses deux sabres, une gourde, et un tas de pierres.

- C'est quoi ça ? Gronda-t-elle. Pourquoi tu portes ces trucs dans ta sacoche ? Tu comptes les lancer sur tes ennemis ?

- C'est pour le poid. Expliqua Ren en rougissant. Je pensais que ça ferait un bon entraînement...

- Tu ne sert à rien. Le coupa sur un ton meutrier la jeune femme. On a pas avalé un seul morceau de nourriture depuis la veille, tout ça pour rattraper cet idiot avant qu'il n'atteigne le Plateau. Où tu as ramassé ces cailloux ?

- Calme-toi Mina. Lui intima-t-il. Ce n'est pas si grave.

Dans le silence qui suivit, leur trois ventres gargouillèrent silmutanément. Ils n'avaient désormais plus d'autres choix que de trouver un village, ou même chasser, bien qu'ils n'avaient aucun ustencile pour cuisiner convenablement.

- Voilà quelque chose d'intéressant. Remarqua Almak. On dirait que des tensions règnent au sein du couple.

Ren s'apprêta à rétorquer sur un ton menaçant lorsque Mina le devança, écrasant impitoyablement le bas ventre du prisonnier du poing.

- Nous ne sommes pas un couple, mais une équipe. Informa-t-elle.

- Il va finir par ne plus pouvoir se reproduire. Nota Ren en observant Almak se recroqueviller comme une larve. Mettons le problème de nourriture à plus tard, il est temps d'interroger le suspect.

- D'accord, mais tu n'échapperas pas à ta punition. Ajouta Mina.

 

 

*

 

Almak commençait à craindre fermement la jeune femme. Malgré son visage pur et innocent, elle semblait capable des pires atrocités.

« Elle le paiera. » Assura-t-il à Deoria.

« Je t'avais dis de fuir tout-à l'heure. Tu es responsable de la situation. » Le réprimanda-t-elle.

« Tu es de quel côté ? Un peu de compassion, ça ne coûte rien. »

- Où étais-tu dans la soirée d'avant hier ? Le questionna Ren.

Mina l'observait avec insistance, comme pour déceler un probable mensonge de sa part. Almak se redressa pour s'assoir, s'étirant tout en réfléchissant à la réponse qui pourrait le disculper.

- J'étais prisonnier de mon propre équipage, suite à une mutinerie de mon second.

« Bien vu. Passe les détails me concernant. »

- Comment ça prisonnier ? Releva l'homme à la tresse avec un regard suspicieux.

- Tu ne sais pas ce qu'est un prisonnier ? S'étonna Al.

Ren l'attrapa subitement par le cou, sans pour autant enlever le sourire narquois du visage d'Almak.

- Ne te laisse pas provoquer Ren. L'apaisa Mina, lui faisant lâcher prise.

- Il est en train de monter un scénario qui le fera passer pour un innocent. Devina-t-il en foudroyant Almak de ses yeux sombres.

« Il est perspicace. » Nota Deoria.

« Je ne l'aime pas. »

- D'où vient la marque sur ta poitrine ? L'interrogea à son tour Mina.

Elle avait mit le doigt sur la chose la plus difficile à expliquer. Il devait jouer le grand jeu.

- Je vais tout vous expliquez. Lâcha Almak sur le ton de l'aveu. Mon second, un certain Sideon, a décidé de me trahir dans le ciel au Nord des plaines. En réalité, j'ai été trompé par l'ensemble de mon équipage. Il s'agissait d'une bande pirate, dont l'unique but était de s'emparer de mon navire. Sid a changé notre cap pour un Vandread convoyeur, qui transportait, du moins d'après lui, un immense trésor. Il m'avait attaché dans mes propres quartiers, m'obligeant à observer l'abordage, qui se révéla catastrophique. J'ai eu de la chance d'y survivre, et profitant du chaos qui suivit, je décidais de m'échapper en cherchant un perce-nuage de survie dans les cales de l'immense vaisseau. Je vous passe les détails de la guerre et du sang, des nombreux dangers qui me guêttait dans chaque recoin du Vandread. Ce fut épique, et je jouais le rôle du meilleur ami, secrêtement amoureux de la copine du héros, comme dans les légendes...

- Cesse tes idioties et raconte ce que tu as trouvé dans les cales du Vandread. Trancha Ren.

« Tu vas leur parler de moi ? » Intervînt Deoria d'une voix à demi-teinte.

« Ils savent quelque chose. Autant en profiter. »

« J'espère que tu sais ce que tu fais. »

- Il y avait un œuf de verre, et du matériel alchimique. Révéla Almak avec le plus grand sérieux. Et un vieil homme, qui semblait m'attendre.

L'expression de ses deux ravisseurs changea en même temps, passant du doute à une attention très particulière. Le feu à quelques pas de leur position projetait d'étranges ombres sur leur visage. La nuit offrait une atmosphère froide et inquiétante, parfaitement assortie à l'histoire qu'il s'apprêtait à conter.

- L'oeuf contenait un liquide rouge et sombre. L'homme m'invita à avancer, et après avoir détâcher les liens qui m'entravaient, je remarquais qu'il était aveugle. Il avait une longue barbe blanche et de longs cheveux blancs. Puis il me guida jusqu'à l'oeuf, sans rien dire, et touchant sa surface de ses doigts, une puissante lumière envahit brusquement la pièce. J'ai sentis à cet instant un courant d'air se frayer un passage dans ma bouche, et quelques secondes plus tard, l'éclat blanc disparût, avec le viel homme. Je ne peux expliquer comment, par miracle, je me suis échappé, car je crois bien avoir simplement sauté dans le vide et atterit comme une plume sur une colline rocheuse. Pour ce qui est de la marque, je n'ai pas la moindre idée de quoi il s'agit, et c'est la stricte vérité.

« Tu mens comme tu respires. » S'amusa Deoria.

« Non, je sublime la vérité. »

Mina et Ren semblaient réfléchir intensément. Almak n'avait fait aucun faux-pas et ses yeux n'avaient pas scillé. L'identité de Deoria demeurait caché, sans qu'il ne réfute la possibilité d'un événement original. Il les écoutaient se concerter par messe-basse.

 

*

 

- Je pense qu'il dit la vérité. Souffla Mina.

- Il nous cache toujours quelque chose. Contra son cooéquipier.

- Peut-être, mais son récit se tient. Rappel toi, dans la légende d'Alestros, Kilian tombe amoureux de la fiancé du héros. Et au final, les deux meilleurs amis s'offrent un duel à mort pour séduire la belle Gertrude. Alestros tue Kilian, découvre qu'il aimait son ami, et décapite Gertrude dans sa colère.

- Je connais cette légende. Aquiesça leur suspect avec sérieux.

- Mina, arrête de jouer à son jeu. Gronda Ren qui ne riait pas du tout.

- J'ai faim. Ajouta Almak.

- Moi-aussi. Va trouver à manger Ren.

Une veine se gonfla sur la tempe gauche de son compagnon. Il était à deux doigts d'exploser.

- Et pourquoi moi ?

- Sinon je dis à notre Maréchal que tu as essayé de me tripoter dans mon sommeil. Sourit Mina avant de prendre un ton gêné et blessé. Papa... Ren m'a... Moi et Ren nous avons...

Elle observa les yeux de son cooéquipier s'écarquiller sous le menace, rougissant maladroitement en imaginant sans doute la scène qu'elle s'apprêtait à décrire. Sans répondre, il se dressa sur ses deux jambes, tournant des talons pour s'éloigner dans les hautes herbes.

- C'est pour les pierres dans ta sacoche ! Lança-t-elle avant qu'il ne disparaîsse dans l'obscurité.

Mina se trouvait désormais seule avec Almak. Elle allait procéder à son propre interrogatoire, avec une méthode plus douce. Elle se rapprocha de lui, écartant la mèche qui recouvrait son œil afin de pouvoir pleinement le dévisager. Il l'observait en fronçant les sourcils.

- Il t'obéït bien. Tu lui as également éclater l'entrejambe pour qu'il soit comme ça ?

- Désolé, je suis une fille plutôt nerveuse. Avoua Mina.

- Ce n'est pas le mot que j'aurais employé, mais j'accepte tes excuses. J'ai également une question pour toi.

- Je t'écoute.

- Comment tu as fais le truc avec la glace tout-à-l'heure ? Demanda-t-il en affichant une expression qui la perturba quelque peu.

Il posait la question qui l'innocentait aux yeux de Mina. Et ses yeux ne mentaient pas. Dérobé la Soixante-treizième sans connaître ses capacitées n'avait aucun sens. Il avait parlé d'un vieil homme dans son discours. S'agissait-il d'Aldan ? Dans ce cas, pourquoi choisir ce garçon ? Le récit était flou. Elle se décida à répondre.

- Ceux qui possède le Sceau, le Danëteom comme nous le nommons, seront les hôtes des Soixantes-douze Dëhemos, ceux-là même qui anéantirent l'Ancien Monde. Ils seront les outils du Jugement, ils seront fort et fier, pour finalement prêter allégeance, à celle qui fut la Première.

- C'est sympa comme poésie. Souffla Almak en levant les yeux vers les étoiles, affichant un sourire triste. Donc tu es en train de dire que moi-aussi je peux utiliser une magie comme la tienne ?

- Si tu aimes la musique et la poésie, oui. Lui assura Mina. Mais je ne vais pas te dévoiler mes partitions, sinon mon art ne te paraîtra plus si magique que ça. On se rapproche du feu ? Tu commences à avoir froid.

Quelque chose avait changé chez le jeune homme. Elle avait glissé les doigts sous le masque. L'effort devait être maintenu pour découvrir celui qui se cachait derrière. Ils s'intallèrent côte à côte, elle croisant les jambes et lui réchauffant ses mains nouées près du feu. Il avait quelque chose de sauvage, d'instinctif, émanant de lui. Elle devait le traiter avec respect et prudence.

- Depuis le flash de lumière, est-ce que quelque chose a changé en toi ?

- Non.

Mina avait été trop direct, elle devait rectifier le tir.

- A part, peut-être... Quelque chose semble m'habiter depuis. Ajouta-t-il à son agréable surprise. J'ai l'impression que c'est lié à la marque. Tu sembles savoir quelque chose sur ce sujet. Qu'est-ce que ça signifie ?

- Tu es habité par un Dëhemos. Un esprit ancien. Autrefois nous étions à leur service, et ce sont eux, maintenant, qui sont au nôtre.

Il sembla choqué par l'explication, tournant lentement son visage dans sa direction, ses sourcils disparaissant derrière des mèches de cheveux ondulés.

- Tu veux dire... Que je suis possédé ? S'enquit-il d'une voix légèrement paniqué.

- Le terme ne convient pas. Expliqua Mina. Pour que le Dëhemos et l'hôte se synchronise, il faut un accord commun. N'importe quoi fait l'affaire. Un marché, un pari, un accord, une promesse...

- Un baisé ? Ajouta subitement Almak avant de se mordre la lèvre inférieure.

- Oui, je pense que ça marche aussi. Tu te souviens de quelque chose ?

- Comment tu sais tout ça ? Rétorqua-t-il sur la défensive. Toi et ton copain vous appartenez à une secte ou ce genre de chose ? Je suis pas interessé, je préfère le dire tout de suite.

- Nous sommes des Chasseurs d'Ames de la Confrérie d'Elaris, siège de l'Union des Cinq Royaumes. Révéla Mina. Le Vandread que ton équipage a attaqué comportait un objet de valeurs aux yeux de nos supérieurs. Il s'agit du Dëhemos qui t'a laissé ce Sceau sur la poitrine. Je ne sais pas pourquoi la synchronisation s'est accomplie, mais quelque chose me dit... As-tu connu un homme qui s'appelait...

Un cri dans la nuit interrompit Mina, empoignant son sabre dépourvu de lame tandis qu'elle se relevait, en alerte.

- Courrez !

C'était la voix de Ren, qui apparaissait à travers les hautes herbes pour se rapprocher à la lueur des flammes au pas de course.

- Courrez !

- Ren ? S'étonna Mina en observant son compagnon les dépasser en toute hâte avec sa sacoche et un autre sac dans la main.

- Ca lui prend souvent ? Remarqua Almak.

Des rugissements retentirent, les poussant à regarder instinctivement une demi-douzaine de tigres écaillés se jeter dans leur direction. Son suspect bondit comme un chat mouillé, lançant un cri aigu et effrayé, tandis que Mina poussait un juron en déguerpissant à ses côtés, poursuivit par d'énormes félins lézard affamés. Ils fuyèrent ainsi de longues minutes, tirant sur les dernières réserves de leurs souffles en ignorant les battement acharnés de leurs cœurs fatigués. Ren filait devant eux dans le noir, Almak la ralentissant à cause des liens autour de ses poignets. Comprenant que la fuite ne les sauverait pas, Mina plaqua au sol le jeune homme en attrapant la poignée de son sabre.

« Ely. » Appela-t-elle.

Après plusieurs roulé-boulé, elle planta la garde de son arme dans la terre, sentant ses forces dangereusement s'épuiser. Almak s'apprêta à lui reprocher sa bétise, lorsqu'un bouclier de glace émergea du sol pour leur créer un cocon protecteur. Des tigres Nâgas s'attaquèrent à leur protection avant de s'éloigner, sans doute à la poursuite de Ren. Mina retira son sabre dans l'obscurité la plus totale, le collant sur le plafond gelé. Une petite ouverture laissa filtrer la pâleur de la lune.

- On a plus qu'à attendre. Souffla-t-elle, exténuée.

Il la regardait dans l'obscurité. Ses yeux d'argent brillaient d'un étrange éclat. Sa nouvelle démonstration l'avait sans doute impressionné.

- Belle tentative pour me séduire. Lâcha-t-il. Mais je ne suis pas ce genre de mec qui se laisse...

Un autre morceau du plafond se détâcha pour tomber sur le crâne d'Almak, le réduisant au silence. Mina réfléchit à la suite des évènements, éprouvant quelques regrêts quand au sort que réserverait la Confrérie à ce pauvre garçon, qu'il soit coupable, ou non.

 

 

 

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2.9 – LE VILLAGE DE MARA

 

 

Contrairement à Mina, recroquevillé près de lui, Almak n'avait pas dormi du reste de la nuit. Il entendit des rugissements et des grognements jusqu'au petit matin, lorsque la lumière de soleil envoya un rayon par l'ouverture de leur cocon de glace.

- Bonjour... Lança la jeune femme après s'être étiré. Bien dormi ?

- Comme un bébé coincé dans une grotte des Terres Gelées, qui attend gentiment d'être dévoré. Plaisanta-t-il.

- Je vois, tu n'as pas fermé l'oeil ?

- Contrairement à toi. En tout cas, ton pouvoir est pratique.

« Qu'est-ce qui te prend de pactiser avec elle ? » Lui reprocha Deoria.

Les révélations de Mina concernant sa partenaire avait déclenché chez elle une vague de mépris à l'encontre de sa ravisseuse. Pourtant, Almak savait désormais qu'il n'était pas le seul à détenir ce Sceau, et que Deoria était, vraissemblablement, une Dëhemos. Un démon, en somme.

« La seule raison qui me pousse à rester est d'en savoir plus à ton sujet. » Se défendit Al.

« Ne me mens pas, la vrai raison c'est que tu ne peux pas partir. »

Des coups retentirent contre la parois de leur défense, interrompant leur dispute mentale avant qu'elle ne commence. La voix de Ren s'éleva.

- Tout va bien là-dedans ?

Mina attrapa la poignée de son sabre, brisant la glace qui les entouraient pour la réunir en une lame compacte et translucide. Le courant d'air froid qui se dégagea fit frémir Almak des pieds à la tête. La silouhette sombre de Ren leur apparut, il ne semblait pas avoir connue de difficultés pour s'échapper.

- J'ai quelque chose pour toi. Lança-t-il à l'adresse d'Almak.

Ren ôta un sac en cuir, le jetant dans sa direction. Al l'intercepta, découvrant le bagage de Gary le Lougacorne.

- J'ai trouvé ça en tombant sur la tanière des tigres lézards.

- Merde... Gary... Se lamenta Almak en découvrant des tâches de sangs sur l'objet.

« Le pauvre... » Souffla Deoria avec compassion.

« Il a sans doute essayé de nous suivre. »

« Peut-être qu'il est encore en vie. »

« Espérons. » Lâcha Almak avec gravité.

- Je peux savoir ce que tu faisais dans la « tanière des tigres » ? Lui reprocha Mina.

- Il faisait nuit, je suivais une piste dans les hautes herbes quand je suis tombé sur eux. Ne commence pas à m'accuser, tu connais la suite. Mais j'aimerais savoir, pourquoi autant de champignons ?

Ren observait désormais Almak, dont l'épisode du déjeuner avec le lougacorne lui revînt en mémoire. Un plan se forma dans son esprit, bien qu'il serait sans doute difficile de convaincre ces deux ravisseurs à manger ces champignons à l'aspect repoussant.

Le lougacorne est champignovore. Expliqua Al. Je... Désolé, mais la nouvelle de sa disparition... C'était mon compagnon de voyage...

Mes condoléances. Intervînt Mina en posant une petite main sur son épaule, foudroyant du regard son cooéquipier. J'ai eu un chat quand j'étais petite, et sa mort m'avait énormément affecté. Il m'arrive encore de penser à lui, mon doux Ventouse des Ténèbres Eternelles.

« C'est quoi ce nom ! » S'offusqua Almak, choqué.

« Cette fille n'a aucun goût. » Conforta Deoria.

- Il est mort quand tu l'as transformé en sculpture de glace. Rappela Ren. Et ça date de trois ans, tu n'étais pas une enfant.

Une dispute éclata entre la fille et son cooéquipier qui, semblait-il, passait leur temps à se prendre la tête sur des détails insignifiant. Almak se trouvait entre deux feux, sans parvenir à placer sa proposition de déguster les champignons du lougacorne. Le soleil se levait tranquillement à l'horizon, innondant les prairies de sa lumière chaleureuse, dévoilant un ciel dépourvu du moindre nuage, leur promettant une belle journée.

- … Tout ça parce que Monsieur préfère transporter des cailloux plutôt que des choses utiles ! Tu n'as qu'à les manger tiens... Pourquoi tu ne les as pas jeté sur les tigres ? Tu m'aurais rendu service pour une fois.

Dans sa colère, une mèche retombait sur son œil droit, qu'elle écartait à chaque fois d'un geste brusque. Malgré son air de garçon manqué, Almak lui trouvait un certain charme. Mais son caractère trempé avait de quoi réprimer l'envie à tout prétendant potentiel. Ren, malgré un visage coloré et une veine prête à exploser, gardait une expression renfrognée et impassible. Al repensa à leur combat, et dût admettre à contre-coeur qu'il avait trouvé un adversaire à sa taille. Avait-il des capacités semblable à la fille ? Si tel était le cas, alors il le surpassait.

- Mina, le prisonnier nous écoute... Grinça-t-il.

Elle se tût soudainement, reprenant contenance. Adressant un sourire gêné à Almak, elle entreprit de fouiller son sac à la recherche d'un probable morceau de nourriture.

- Bon... Réfléchit Ren. La Trouée d'Aboros est à deux jours de marches. Nous devons faire une halte dans un village pour récupérer des provisions.

- On a toujours les champignons du lougacorne... Tenta Almak.

- Ces trucs avec des verrues sur le chapeau ? Se moqua-t-il. Tu veux nous empoisonner où quoi ?

« Tu aurais dû t'en douter. » Glissa Deoria.

« Qui ne tente rien n'a rien. »

- Tiens, ça se mange ? Interrogea Mina.

Elle tenait un morceau de matière grise enveloppé de gras, sans doute présent dans son bagage depuis plusieurs mois. Hûmant l'objet non-identifié, le visage de la jeune femme se renfrogna.

- A vos risques et périls. Lâcha-t-elle en proposant la boule suitante et visqueuse aux deux garçons.

Ren réprima une expression de dégoût en détaillant la chose. Al pour sa part hésitait. Bien qu'il faisait tout pour oublier les contractions répété de son estomac, la faim eût finalement raison de lui.

- Je veux bien goûter.

« Tu es fou ! » L'avertit Deoria.

« Je fais de l'hypoglycémie ». Rétorqua-t-il en prenant le morceau répulsant de ses deux mains.

Les deux autres l'observèrent avec dégoût tandis qu'il approchait la substance de sa bouche. Retenant sa respiration, Al la goba d'un trait. Il sentit la chose descendre difficilement dans sa gorge avant de se frayer un passage dans son tube digestif. La première bouffée d'air lui donna l'impression d'avoir avaler l'une de ses chaussettes. Ses joues le picotaient. Même Ren semblait impressionné.

- Alors ? S'enquit Mina.

- C'est comme... Bwa !

Almak se pencha busquement pour régurgiter ce qu'il venait d'avaler, posant ses coudes sur les genoux afin de vomir le peu de réserve de son estomac.

« Je n'ai pas de mots pour décrire l'ampleur de ta bétise... » Soupira sa petite voix.

- Pas le choix. Constata Ren. Dévions notre route par l'Ouest, nous aurons plus de chance de trouver des habitations.

Mina aquiesça, et ils reprirent leur chemin à travers la plaine sans qu'Almak n'ouvre la bouche, par peur de sentir à nouveau l'horrible sensation l'envahir. Ren en tête, le voyage se déroula dans le calme, chacun vaquant à ses pensées. Les vastes prairies de cette région d'Alesta, cotoyant le Plateau d'Algoreb, s'appelait dans le jargon local « les Champs des Herbes Folles ». Son vrai nom était Vaestra Goëth, comme le lui apprit Mina. Ses ravisseurs ne tentèrent pas de lui poser de nouvelles questions, à son grand soulagement. Toutefois, il estima nécessaire d'aborder certains points avec Deoria.

« Donc tu étais destiné à une sombre organisation. » Récapitula Almak. « Une Dëhemos. Et tu n'es pas la seule qui plus est. Ces chasseurs, comme ils s'appellent, semble être dans la même situation que nous. »

« Je dois t'avouer quelque chose Al. Je savais déjà tout ça. J'ai sentis leur présence avant de les croiser. »

« Je suis pas aussi idiot que tu le crois. Tu me cachais quelque chose depuis le début. Que tu sois humaine où non est le dernier de mes soucis. Mais si tu as des informations concernant Aldan, je crois que c'est le moment de vider ton sac. »

« Je pense... Je crois que cet homme était mon précédent hôte. J'ai beaucoup réfléchit à tout ça, et mes conclusions me portent à croire que notre rencontre est loin d'être le fruit du hasard. Mais je te promet que mes souvenirs le concernant semblent avoir subit une détériotation. Je n'arrive pas à me remémorer son visage. »

« Tu as bien de la chance. » Lâcha sombrement Almak, qui gardait pour seule image de son maître une vision qu'il s'était contraint d'oublier.

« Pourquoi recherches-tu à tout prix des indices sur lui ? » Le questionna avec douceur Deoria. « Chaque fois que tu penses à lui, une tristesse insondable s'abat sur ton cœur. Je peux ressentir tes émotions Almak, pourtant, je n'arrive pas à comprendre tes sentiments en ce qui le concerne. »

« C'est mieux ainsi. » Lui assura-t-il. « Pour commencer, je crois que nous allons suivre ces deux-là jusqu'à cette Confrérie, ce sera un bon début en ce qui concerne ta mémoire. Ensuite, j'aimerais savoir... C'est quoi ton pouvoir ? »

« Je peux apparaître à mon hôte sous forme physique. » Dévoila-t-elle.

« Ah... C'est un peu pourri, non ? J'aurais bien aimé avoir un sabre de glace... »

« Mais je t'en prie ! » S'offusqua Deoria. « Tu n'as qu'à te faire l'autre binbèche, peut-être qu'elle te transmettra ses capacitée va savoir. »

« Serais-tu jalouse ? » S'amusa Almak.

« Très drôle. Attend un peu la prochaine fois que tu dormiras. Tu ne t'étonneras pas à ton réveil si tu te retrouves chauve. »

La menace le refroidit. Le soleil entamait sa descente à l'Ouest alors qu'ils marchaient le long des premiers champs de blés, signalant la présence de paysans dans les parages. Leurs ventres criaient famine, celui d'Almak surpassant de loin les borgorymes des deux autres. Ren les guida le long d'une route de campagne, certainement utilisé par les troupeaux et les convois d'après les traces sur la terre. Ils croisèrent même un cavalier chevauchant en toute hâte vers le Nord, mais ce dernier ne prit pas la peine de s'arrêter pour leur procession.

- Je ne voudrais pas vous pressez. Dit Almak en brisant le silence. Mais si on ne trouve pas rapidement à manger, c'est un homme mort que vous allez présenter à votre chef.

- Ferme-là. Trancha Ren devant lui.

- On s'arrête au premier village. Le rassura Mina.

Par chance, ce dernier se profila au bout de leur route, cerclé de remparts en bois. Une zone fortifiée, synonyme de la présence d'un petit seigneur dans les environs. Une vague de soulagement déferla sur leur petit groupe. Almak pouvait même percevoir les odeurs de grillades d'échapper du village, éveillant un puissant désir en lui.

- Les portes sont ouvertes. Informa Ren avec, pour la première fois aux yeux d'Almak, un sourire franc et satisfait.

Mina poussa un cri haut perché, poussant les deux hommes à se retourner avec étonnement.

- C'est génial, non ? Se défendit-elle avec un sourire éblouissant son visage.

Ils approchaient des portes de la cité où, à la place des gardes habituels, siègeait à même le sol un vieillard aux longs cheveux gris et sales, adossé contre le rempart. Ce dernier les interpella alors qu'ils passaient devant lui.

- Merde ! Bienvenue à Mara bande d'enfoirés ! Les acceuilla-t-il avec un sourire édenté.

Ren le dépassa pour rejoindre la place qui s'offrait à leur yeux, bordées de commerces. Al se stoppa avec Mina au niveau du mendiant en haillon, cette dernière plissant les yeux pour afficher son mécontentement.

- Vous pourriez être plus poli. Le réprimanda-t-elle.

- A quoi bon ? Rétorqua-t-il d'une voix éraillée. Nous allons tous mourir tôt ou tard.

Le vieil homme sentait mauvais, rappelant le morceau de viande gris qu'Almak avait avalé, puis régurgité, dans la matiné.

- Qu'est-ce qui te faire dire ça le vieux ? Questionna-t-il.

- Ce village est maudit ! Maudit par les Dieux ! S'écria-t-il. La nuit, une ombre rôde dans les rues pour dévorer les entrailles des malheureux. Cinq ont été retrouvé complètement évicérés, comme des poissons !

- Viens Almak. Intervînt Mina. Il ne sait plus ce qu'il dit.

- Oh si, je sais parfaitement ce que je dis mademoiselle ! Le vieux Frey sait ce qu'il raconte, et il prie chaque jour de ne pas être le prochain. Dîtes, vous n'auriez pas quelque chose à bouffer ?

La jeune femme invita Almak à la suivre, mais il ne pouvait s'empêcher d'éprouver de la pitié envers ce vieux fou au bord du gouffre.

- Tu peux prendre quelques champignons dans le sac de Gary ? Demanda-t-il à la jeune femme.

- De qui ?

- Le loup avec une corne.

Mina s'approcha de lui, fouillant dans le bagage tâché de sang pour en ressortir une poignée qu'elle tendit au vieil homme. Il allait sans doute passer une fin d'après-midi mouvementé.

- Mais... C'est quoi cette merde ? Trancha-t-il en découvrant l'aspect repoussant des champignons.

Il jeta leur présent sur le visage d'Almak, qui après s'être longtemps retenu, ne put s'empêcher de vomir sur les jambes du vieillard.

- Désolé... Marmona-t-il dans un bruit de gorge.

Alors que le mendiant les insultait de tout les noms, Mina le tira à l'intérieur des remparts, soucieuse de ne pas leur créer d'ennuis avant de trouver une nourriture convenable. Ils avaient désormais pénétré dans le village de Mara, où la menace du monstre mystérieux de sembla pas si ridicule que ça, comme les volets fermés et les rues vides pouvaient en témoigner. 

 

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Trois très bon chapitre !

 

Almak se fait finalement attaché et est prisonnier, mais malgré cela il joue toujours le mec blasé. J'ai bien aimé les dialogues et répliques entre eux. On découvre le pouvoir de Mina qui est la glace 8) un pouvoir toujours aussi classe, je l'ai prévu pour un perso dans mon scénario aussi.

On apprend un peu plus sur les Dehëmos, ainsi que leurs fonctions et ils sont à l'origine des pouvoirs que portent les chasseurs. Ce qui veut dire que tous les chasseurs en possèdent ? J'ai hâte de voir les autres Dehëmos et leurs pouvoirs. En tout cas le dialogue était sympa. Mina essaie de jouer la carte de la tendresse pour connaître un peu plus Almak, mais ça finit avec Ren pourchasser par les tigres-lézard ;D.

Nos 3 voyageurs reprennent leur route, on découvre le pouvoir de Deoria qui me semble un peu trop simple, je pense que c'est beaucoup plus intéressant que ça. Ils finissent par arriver dans le village de Mara qui au premier abord n'est pas très joyeux, surtout avec les dires du veillard.

Un nouvel arc se présage ? Gary où est il ? C'est ombre ne serait ce pas Gary qui aurait perdu la tête ?

 

Un détail m'est venu à l'esprit, je pense que c'est vraiment Gary l'ombre, son côté bestiale est revenu, vu qu'il a perdu son sac de champignon qui doit être un sorte de calmant contre ses pulsions bestiales. Mais c'est qu'une supposition ;D !

 

J'attends la suite !!! :)

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CHAPITRE TROIS : GRABUGE

 

 

« Soleil et Lune,

Brillent Jour et Nuit.

Vérité et fortune,

Pour chaque vie.  »

 

 

 

« L'Homme est le seul animal suffisament intelligent pour être totalement idiot. »

R. Burdet

 

 

 

 

3.0 – UNE CHAMBRE, POUR TROIS ?

 

 

Ren percevait une sombre ambiance au sein du village, tandis que Mina et leur prisonnier le rejoignait sur la place pavée. Les gens étaient pour la majorité cloîtré chez eux, ce qui ne présageait rien de bon.

- Plutôt froid comme accueuil. Lança Mina en parvenant à sa hauteur en compagnie d'Almak, pâle et nauséeux.

- Dîtes... Je ne me sens pas très bien... Lâcha ce dernier sur un ton faible.

Sa cooéquipière l'examina rapidement, passant une main sur son front. Ren trouva qu'elle lui accordait un peu trop de compassion.

- Il est brûlant. Constata-t-elle.

- En même temps il a passé la nuit avec toi. Remarqua-t-il en étirant le coin de ses lèvres.

- Une autre remarque de ce genre et tu peux dire adieu à tes deux portes-bonheurs.

Ren comprit qu'elle faisait allusion à son entrejambe, ôtant le sourire de son visage. Il détailla la place, où plusieurs chariots et étals exposaient des vêtements, des épices, et d'autres denrées en tout genre. Les marchands demeuraient silencieux, et leurs rares clients, ouvriers des champs d'après leur accoutrement, semblaient tout aussi timide. Aucun ne leur prêtait attention, malgré leur apparence étrangère. Le village ne devait pas être très riche. Les habitations en pierre se faisaient rare, et ne dépassaient presque jamais un étage. Des constructions en planches et des toits de chaumes, des enseignes à demi-effacés par l'usure, cotoyant des ruelles en terre battue, mal entretenues. Le Royaume d'Ademar traitait toujours aussi bien son peuple, augmentant chaque année les taxes sans se préoccuper de la situation précaire. Une majorité de pauvres au service  d'une poignée de riches. La « civilisation ».

- Le mendiant nous a parlé d'un monstre rôdant la nuit dans le village. Rapporta Mina, le tirant hors de ses réflexions. Je pense qu'il s'agit d'un simple meurtrier, mais on devrait tout de même redoubler de prudence. Je suis prête à enquêter si ces dires s'avèrent...

- C'est le travail du seigneur de cette région, pas le nôtre. Coupa Ren à contrecoeur. Le Code de la Confrérie nous interdit d'interférer dans les affaires extérieures.

- Dîtes, si on trouvait à manger ? Intervînt Almak, qui semblait sur le point de s'écrouler.

Il n'avait pas tord. Ils se mirent donc à la recherche d'une auberge, qu'ils trouvèrent rapidement sur l'allée principale, qui traversait le village du Nord au Sud. Sur deux étages, le rez-de-chaussée en pierre taillée, un écriteau sur l'avant-toit du perron annonçait le « Baron Ballonné ». Un nom pas très vendeur, selon Ren.  Il entra le premier, découvrant une brasserie modeste mais conviviale, du moins, lorsqu'elle était fréquenté. Le petit groupe se dirigea vers le comptoir, à l'angle d'un escalier menant aux étages. Il y avait une dizaine de tables et plusieurs tabourets pour meubler les lieux, ainsi qu'une tête de tigre décorant la cheminée en sireuil, sur leur droite. 

- C'est quoi le rapport avec le Baron ? Murmura Almak. Il a fini dans le ventre du tigre ?

- Je pense que le tigre est le Baron, et qu'après avoir mangé les clients, il s'est sentit ballonné. Rétorqua Mina à voix basse.

Ren aurait aimé leur dire de se taire à tout jamais, mais voilà qu'un homme grassouillet avec une grosse barbe grisonnante, dépassant son comptoir, le fixait avec méfiance derrière ses lunettes rondes.

- C'est moi le Baron. Se présenta-t-il d'une voix haut perché, qui déclencha un rire silencieux chez leur prisonnier. Qu'est-ce qui vous amène jeunes gens ?

- Bonjour. Le salua Ren, après avoir écrasé le pied d'Almak. Nous aimerions dîner et réserver deux chambres pour la nuit.

- Il n'est pas un peu tôt pour dîner ? Se méfia le Baron.

- Nous n'avons rien mangé depuis presque deux jours. Intervînt Mina avec une moue craquante.

Le Baron retourna derrière son comptoir, leur faisant signe d'approcher.

- Trois repas complet et deux chambre, en prenant en compte la conjecture économique actuelle, ça vous revient à quinze pièces d'or.

- Quinze ? S'étonna Ren, avant de se tourner vers Mina, qui s'apprêtait à protesté. On a que douze pièces, et il faut penser aux provisions.

- Dix pièces si vous ne prenez qu'une chambre. Ajouta l'aubergiste. Je suis navré, mais comme vous pouvez le constater, les affaires ne vont pas très bien ces derniers temps.

- Vous voulez parler des meurtres ? Interrogea Mina en sortant une bourse de son sac.

- Appelez-ça comme vous le voulez, mais cette histoire ressemble plus à une bête sauvage en vadrouille qu'à un tueur de sang froid. A chaque fois qu'un malheureux est retrouvé, son cadavre est déchiqueté. Ce n'est pas l'oeuvre d'un homme, de mon avis. Mais j'aimerais savoir, pourquoi il est attaché votre copain ?

Mina passa la bourse à Ren, qui paya les dix pièces d'or avec un pincement au cœur. Un village perdu au millieu des herbes folles pratiquait des prix aussi élevé que la capitale d'un royaume.

- Il est accusé de vol. Rétorqua-t-il. L'affaire est confidentielle.

- Oh, je vois... Lâcha le Baron en crispant son menton. Vous faites ce que vous voulez. C'est pas mes oignons. Mais ne saloper pas la chambre avec vos... Activitées.

- Qu'est-ce qu'il sous-entend là ? Gronda Mina.

- Rien. Trancha Ren.

L'aubergiste encaissa son argent, lui tendant une clef.

- Chambre quatre. Annonça-t-il. Le dîner sera servit dans une demi-heure.

Ils quittèrent le Baron pour atteindre la porte correspondante au premier étage. Ils détaillèrent deux lits et le même nombre de commodes. Il y avait un poêle dans un coin de la pièce, sans bois pour l'alimenter.

- Une chambre, pour trois ? Remarqua Almak. Je ne vois que deux lits.

- En effet. Tu dormiras par terre. Trancha Ren sur un ton sans réplique.

- Je vous dénoncerais au Syndicat des Prisonniers. Menaça-t-il.

- Ce genre de Syndicat n'existe pas.

- Je vous déconcerais au Baron.

- Il s'en ballonne.

- Bâtard, je te tuerais quand je serais libre.

- Ma lame sera planter au travers de ta gorge avant ça.

Ils s'étaient rapproché pour se fixer avec une haine palpable, ce qui força Mina à les écarter.

- Je crois qu'on a déjà eût assez de mésaventures ces derniers temps pour ne pas empirer les choses. Almak dormira dans un lit pendant que nous échangerons à tour de rôle avec Ren. Il faut quelqu'un pour surveiller le prisonnier de toute façon.

- Je suis d'accord avec Mina. Il faut quelqu'un pour surveiller le prisonnier. Conforta Almak.

« Cet idiot est assez tordu pour préférer un lit plutôt qu'une occasion de s'échapper. » Pensa Ren tandis qu'ils regagnaient le rez-de-chaussée pour attendre le repas. Ils s'installèrent dans un coin, observant deux clients entrer pour savourer une pinte au comptoir. Il profita de cet instant pour reprendre l'interrogatoire du prisonnier, installer à côté de Mina.

- Parle-nous de toi. Tu es originaire de quel Royaume ?

- Aucun. Rétorqua-t-il.

Il ne mentait pas. Ren le lut dans ses yeux. Les deux seules régions en dehors des Cinq Royaumes étaient les Terres Gelées du Nord, et l'immense région d'Ennîlan, qui se perdait jusque dans les eaux du Sud. Deux territoires dépourvues de présences humaines.

- Les Iles du Golfe d'Elios ? Ajouta Ren. La Baie des Sirènes ?

- On peut pas continuer après manger ? S'enquit Almak. Je n'aime pas répondre le ventre vide.

- C'est avec notre argent que tu vas manger. Répond à mes questions si tu as vraiment faim.

- Parle-moi plutôt de cette Confrérie. C'est quoi exactement ?

- Son nom complet est la Confrérie des Chasseurs d'Ames. Informa Mina, déclenchant un regard lassé et renfrogné chez son cooéquipier.

- Comme... Chasseurs de fantômes ? Questionna leur prisonnier.

- C'est lui qui enquête ou c'est nous ? Adressa Ren à sa cooéquipière, qui l'ignora.

- On devrait plutôt parler de Chasseur de Dëhemos. Les fondateurs de la Confrérie sont à l'origine du Sceau, le Danëteom. Le pouvoir de contrôler les Soixantes-douze Dëhemos. Il ne reste que peu de vestiges de l'Ancien Monde, mais on sait qu'après l'ouverture de la Porte de l'Ouest, un peuple fuya des Terres Extérieures pour accoster sur ce qui devînt par la suite notre continent. Ce peuple, dont nul ne connait le nom, ou même la nature de son existence, est à l'origine de la Brume qui entoure Alesta. C'est grâce à elle que le Fléau n'a pas encore infectés nos terres. Ce peuple, nous les appelons Aërims. Et beaucoup pense que nous sommes leurs lointains descendants.

- Les mystères au-delà de la Brume. Souffla Almak, fixant ses poignets liés sans les voirs. Ce Fléau... De quoi s'agit-il exactement ?

- La raison d'être de la Confrérie. Alesta est le seul continent encore épargné, et le devoir des Chasseurs d'Ames est de la protéger.

Ils mirent fin à leur discussion lorsque le Baron vînt à leur rencontre, un plateau avec trois boles et des boissons en équilibre sur une main.

- Des œufs pochés au vin de Vaëstra et un petit cadeau de la maison. Attention aux âmes sensibles et aux gosiers fragiles.

L'aubergiste servit les plats, leur annonçant la suite du dîner, une volaille au vin blanc et aux morilles sur sa colline de pommes aux fours. Ren oublia son interrogatoire, salivant d'avance son repas. Almak avait retrouvé ses couleurs, et le visage de sa cooéquipière s'était illuminé, comme si le gros Baron brillait d'un éclat divin.

- Pour dix pièces d'or, c'est la moindre des choses vieil obèse. Siffla-t-elle une fois que l'aubergiste eût le dos tourné.

Ils mangèrent avec appetit, et chaque bouchée plongea dans leur estomac comme dans un bain chaud et fortifiant. Ren trouva une vérité dans l'expression « le bonheur est fait de petites choses. » Mina riait en observant leur prisonnier manger les mains attachées, et il ne put lui-même se retenir de sourire. Ils savourèrent la boisson d'alcool pur, sans doute utilisé pour décrasser les moteurs des Vandreads. Puis chacun poussa un soupir de contentement, avant de remercier l'aubergiste et monter se coucher.

 

 

3.1 – UN GROGNEMENT DANS LE NOIR

 

 

Un rêve sans image. A nouveau. Almak marchait dans un lieu humide, où il n'y avait pas de vent. Le terrain était tortueux, et il régnait une odeur sauvage et étouffante. Le bruissement des feuilles au-dessus de sa tête lui indiqua se trouver dans une forêt. Il était un peu plus grand que la dernière fois. Cet âge où les enfants ne cessent de poser des questions. Lui n'avait pas encore prononcer une seule phrase.

- De l'Ipeca. Se réjouit la voix douce et mesurée de son maître. Ygpecaya. On les trouve la plupart du temps dans les vallées forestières des régions humides. Tiens, respire-moi un peu ça.

Almak sentit une racine lui passer sous le nez. Il devina une saveur âcre, et certainement nauséabonde. Il fit la grimace.

- C'est pas très agréable n'est-ce-pas ? On utilise la racine d'Ipeca pour faire vomir les malades victimes d'intoxication. Je la vends cinq pièces de cuivre et tu retrouves ces même racines sur le marché à trois pièces d'argent. Six fois plus chères, tu te rends compte ?

L'homme ne cessait presque jamais de parler en sa présence, comme pour l'inviter à répondre, ne serait-ce que pour lui dire de se taire. Mais Almak préférait écouter. A vrai dire, il aimait entendre cette voix chaleureuse lui apprendre toutes sortes de choses, lui décrire les paysages qu'ils traversaient, les gens avec qui ils commerçaient dans les villes. Le garçon pouvait facilement imaginer le monde en sa compagnie. Un monde coloré et pleins de mystères. Beau et terrifiant. Aldan l'appelait Mère. « Mère respire elle aussi, elle siffle et tempète, souffle les nuages et caresse notre visage. Elle peut même te parler si tu es prêt à l'écouter. » Expliquait-il en jouant avec les rimes. L'air se raffrachît, la nuit était tombé. Après qu'Aldan est suffisamment remplit son sac, il campèrent dans une clairière, et son maître lui conta des légendes près du feu. « Le Guerrier Blanc » et « La Révolte des Fées » étaient ses préférées. La première parce que le héros était un orphelin accomplissant des actes qui surpassaient les riches chevaliers, l'autre par son humour qui lui décochait toujours un sourire. Son maître, justement, arrivait à un passage clef du récit.

- … Influencé par sa sœur, Elysia se trompa dans le sortilège, et la reine se trouva affublée d'un groin à la place du nez. Toute la compagnie se moqua de la sainte souveraine, et malgré son air courroucée, elle ne put prononcer autre mot qu'un grouinement haut perché. Elysia tenta d'inverser le sort en tirant de toutes ses forces sur sa terrible création, et les gardes, croyant assister à une attaque de la jeune fée, s'en emparèrent pour l'enfermer dans les geôles de l'Arbre Millénaire...

Almak s'était assoupie au milieu de l'histoire. Lorsqu'il se réveilla en sursaut, au milieu de cette nuit-là, la présence d'Aldan avait disparue. Le garçon se mit aussitôt à la recherche de son maître, sentant son cœur battre plus fort chaque seconde. Ce qu'il craignait venait d'arriver. L'homme l'avait abandonné. Ne trouvant aucun bagage, la panique s'empara d'Almak. Il balbutia sans parvenir à crier sa détresse, s'éloignant du camp en trébuchant. Il était perdu. Des larmes lui montèrent aux yeux, et dans sa course désespérée, il rebondit contre un obstacle qui le rattrapa juste avant sa chute.

- Almak ? Qu'est-ce-que tu fais là ? S'étonna la voix familière d'Aldan. Combien de fois je te répète de ne jamais quitter le camp ? Ajouta-t-il sévèrement.

Une vague de gratitude fit vasciller le garçon, le projetant sur l'homme pour l'enlacer, essuyant son visage contre le manteau à l'odeur de fleur si familière.

- Allons, ce n'est pas pour te disputer, inutile de pleurer. Le rassura-t-il en décoiffant ses cheveux.

- Reste... Prononça Almak d'une voix tremblotante. Aldan... Reste avec moi.

Il l'écarta délicatement, s'agenouillant à sa hauteur. La manche de son bras d'acier essuya ses larmes, avant qu'il ne l'invite à monter sur son dos.

- Cinq mots. Comptabilisa-t-il. On est sur la bonne voie. Le chemin s'annonce long et périlleux, mais au final, tu deviendras sans doute un bavard aussi imperturbable que moi. Mais bon, le bavard est celui qui parle plus qu'il ne pense, celui qui pense autant qu'il parle est tout le contraire.

 

 

*

 

- Mina.

Sa cooéquipière grogna, repoussant sa main alors que Ren s'apprêtait à la secouer.

- Mina, c'est ton tour. Chuchota-t-il.

- Fout moi la paix...

- C'est ton tour ! Insista Ren.

Elle s'étira dans l'obscurité, cognant le poing contre le crâne de son cooéquipier, lui arrachant un juron étouffé. Mina dormait en nuisette, ce qui empêchait Ren de la prendre pour la jeter hors du lit.

- C'est bon, c'est bon... T'exites pas... Le rabroua-t-elle.

- Et t'endors pas pendant ton tour de garde, comme tout-à-l'heure. Ajouta Ren après qu'elle se soit levé.

Il déchaussa ses bottes et ôta son manteau, s'installant sous les draps tandis que Mina ronchonnait en s'éloignant.

 

 

*

 

Un bruit sourd tira Almak hors du sommeil. Il avait à nouveau rêvé d'Aldan. Sans en avoir la preuve, il soupçonnait Deoria de remuer ses souvenirs en quête de réponses. Entrouvant un œil, il aperçu Mina sur le plancher, ayant sans doute perdue l'équilibre en essayant d'enfiler ses collants. Almak ferma les yeux lorsque cette dernière se redressa, marmonant quelque chose d'incompréhensible. Il ralentit sa respiration, imitant un sommeil naturel. Plusieurs minutes s'écoulèrent avant que la jeune femme ne s'approche de lui, vérifiant s'il dormait en passant une main devant son visage. Elle réitéra son geste auprès de son cooéquipier, puis s'installa sans prévenir à côté d'Almak, pour s'assoupir presque aussitôt. Le jeune homme tenta de s'endormir, mais sa voisine tira brusquement toute la couverture pour s'enrouler comme dans un cocon.

- Laisses-en moi un peu. Protesta Al à voix basse, attrapant un coin du drap pour qu'elle le partage.

Malgré ses efforts, elle s'agrippait au tissu avec une force monstrueuse.

- Tu es sencée me surveiller. Insista-t-il. Hey ! Tu le fais exprès où quoi ?

Mina ne broncha pas, et il dû se résoudre à faire sans. La colère l'avait complètement réveillé. Almak aimait dormir sous la couverture quand il en avait l'occasion, et il enviait désormais l'intru qui s'était glissé dans son lit. S'installant en position assise sur le matelat, ses pieds nus entrèrent en contact avec le plancher froid. Il en eût des frissons. Les lanternes dans la rue diffusaient une faible lueur orangée à travers l'unique fenêtre de leur chambre. Almak percevait d'étranges craquements dans les murs et le plafond. Il savait que la cause était l'ancienneté du bâtiment, mais il ne pouvait s'empêcher d'imaginer une origine mystérieuse, avec un peu de frayeur dans le noir. Ses deux ravisseurs dormaient, lui laissant une chance de s'échapper sans grande difficultée. Deoria ne donnait aucun signe de vie, et Almak se demanda si les démons aussi pouvait rêver. Ou même pleurer. Il se redressa doucement pour ne pas réveiller Mina, puis attrapa ses bottes pour prendre l'air. La porte n'était qu'à un pas de lui lorsqu'une lourde respiration s'éleva, glaçant le sang dans ses veines. Une ombre passa en éclair devant la fenêtre, et Almak ne se sentait plus rassuré. Un grognement sinistre retentit, suivit d'un crissement contre le verre. Prenant son courage à deux mains, Al se tourna lentement vers l'embrasure, écartant en son for intérieur l'hypothèse du monstre tueur de villageois.

- Firiël !

Almak plaqua les deux mains sur sa bouche pour ne pas hurler de peur. Découvrant la gueule de loup familière, avec sa petite corne sur le crâne. Gary le lougacorne était perché sur l'avant-toit du Baron Ballonné, lui faisant signe de sa main griffue. Il fallut un certain temps au jeune homme pour calmer le tambour de son cœur.

- Gary ? Siffla-t-il avec une expression ahurit. Pourquoi tu n'es pas mort ! Tu n'as pas lu le scénario ?

Avec son corps d'homme poilu et sa face de bête sauvage, le lougacorne semblait indiquer quelque chose avec ses griffes. Almak ne comprenait pas, jetant des regards effrayés à ses deux ravisseurs, qui risquaient de s'éveiller à tout instant.

- Prenez le sac Firiël. Chuchota Gary. Je vais vous sauvez.

- Arrête de dire n'importe quoi. Répliqua Al en récupérant le bien du lougacorne, dans un coin de la chambre.

Gary afficha un pouce de la victoire, ajoutant un clin d'oeil démodé pour féliciter le jeune d'homme d'avoir comprit sa requête.

- Ouvrez la fenêtre cher ami. Partons avant que ces deux agresseurs se lancent à notre poursuite.

- Non, descend de là, je te rejoins en bas.

- N'oubliez pas le sac. Je suis heureux de vous voir en bonne santé !

- C'est ça... Moi aussi.

Encore sous le choc de cette rencontre imprévue, Almak quitta la chambre après avoir refermé la porte délicatement, enclenchant le verrou à double-tour avec la clef que les deux autres avait oublié sur la serrure. Il jeta cette dernière dans la cheminée du rez-de-chaussée désert, avant de fouiller derrière le comptoir pour trouver le passe de la porte de l'auberge, retrouvant ainsi Gary dans l'allée principale du village.

 

 

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Deux bons chapitres calme et plein d'humour !

 

J'ai bien aimé le dialogue entre eux dans l'auberge, c'était sympa :) surtout cette partie :

 

- En effet. Tu dormiras par terre. Trancha Ren sur un ton sans réplique.

- Je vous dénoncerais au Syndicat des Prisonniers. Menaça-t-il.

- Ce genre de Syndicat n'existe pas.

- Je vous déconcerais au Baron.

- Il s'en ballonne.

- Bâtard, je te tuerais quand je serais libre.

- Ma lame sera planter au travers de ta gorge avant ça.

 

Sinon dans le chapitre suivant, on a de nouveau une bribe du passé de Almak avec Aldan ça me rappelle un peu Allen Walker et le quatorzième dans Dr.Gray-man. En tout cas j'aime bien on découvre un peu le mystérieux passé d'Almak et d'Aldan.

Il y a pas eu l'apparition de l'étrange bête dans le village, mais plutôt le retour de Gary et il semble bien que ce n'est pas lui, le monstre qui mange les habitants. Il aide Almak à s'enfuir de l'auberge, mais je suis sûr que c'est au moment où ils voudront sortir du village, qu'ils tomberont sur le monstre et à ce moment tout va se compliquer pour eux ;D !

 

Allez j'attends la suite :) !

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Bien vu Kyojin ! J'ai passé une nuit blanche pour pondre les deux prochains chapitres, mais je pense que les suivants se feront du coup attendre avec impatience ^^

 

 

3.2 – JOUEZ AUX CARTES EST UN PECHE (si vous misez de l'argent)

 

 

- Comme c'est merveilleux de vous revoir Firiël !

Le lougacorne le serrait dans ses bras puissant, le compressant contre son corps poilu.

- Lâche-moi tu m'étouffes. Grinça Almak.

Il lui remit son sac, puis Gary le détacha à l'aide de ses griffes aiguisées. Ils prirent la direction de la porte Sud, et le jeune homme interrogea son compagnon sur ses mésaventures.

- Qu'est-ce-qui s'est passé ? Tu as été blessé, non ? Le sang sur ton sac.

- Je vous attendais, mais comme vous n'apparaîssiez pas, je me suis lancer à votre secours. J'ai finalement retrouvé votre trace une nuit, grâce au feu de  camp. J'étais dans les hautes herbes, lorsque mes jambes rencontrèrent un obsctacle qui me fit chuté douloureusement. Mon genou s'est ouvert sous le choc. Je cherchais des champignons dans mon sac, lorsqu'un homme approcha, me forçant à quitter le camp des tigres...

- Attend là, stop. Protesta Almak. Qu'est-ce-que tu foutais dans un camp de tigre ? Tu as juste trébuché sur l'un d'entre eux en fait ? Et pourquoi tu cherchais des champignons dans ton sac ? Pour nettoyer la blessure ? Si l'autre n'était pas intervenu tu serais mort si je comprends bien. Qu'est-ce-que tu vas faire maintenant ? Tu devrais mourir sale monstre.

« Gary est vivant ? » Lança la voix endormie de sa conscience.

« Je ne veux rien savoir. »

« Tu t'es échappé... » Soupira Deoria.

Effectivement, la situation ressemblait à une escapade nocturne. Gary ne l'écoutait plus depuis longtemps, prêtant toute son attention à l'architecture des lieux, examinant les maisons et boutiques avec une vive curiositée.

- Je n'aime pas me vanter, mais quelques parterres de fleurs auraient égayer les rues. Lâcha-t-il avec suffisance.

- Tout le monde s'en fout de ce que tu dis. Ecoute-moi plutôt, je vais avoir besoin de toi.

Almak avait remarqué une brasserie ouverte à cette heure de la nuit. Avant de filer, il devait se faire de l'argent facile. Et les clients de ce genre d'établissement étaient, de son avis, les parfaits pigeons. Après avoir attaché les poignets de Gary à l'aide de ses liens, Al poussa le portillon de « l'Antre De Pinte ».

« Tu sais ce que tu as à faire ? » Rappela-t-il à Deoria en découvrant un bar repoussant, abritant une dizaine de clients tirant pour la plupart une tête d'enterrement. Les discussions cessèrent, et tous affichaient désormais une expression ahurit en découvrant la silouhette imposante du lougacorne, qui suivait innocemment son compagnon.

- Je n'aime pas trop marcher dans tes combines. Lâcha-t-elle en surgissant de nul part, avec ses longs cheveux d'or tombant en cascade sur sa robe blanche en dentelle.

Almak éprouva une drôle de sensation en l'observant sous sa forme physique. Il n'aurais jamais pensé qu'une démone puisse être aussi séduisante. Il se dirigea vers une table ronde, où trois hommes éméchés avaient stoppé leur jeu de cartes pour le dévisager. La chance était de son côté.

- Bonsoir. Lança-t-il en s'installant sur une place libre.

Les trois bougres abaissèrent leurs cartes avec méfiance.

- Comment allez-vous messieurs ? Enchaîna-t-il courageusement. Belle soirée n'est-ce-pas ?

- C'est pas gagné... Souffla Deoria en posant son menton sur le crâne du garçon, enlaçant ses bras autour de son cou sans que les trois autres ne la remarque.

Ses gestes d'affections agaçaient Almak, mais il laissa couler pour cette fois. Ses ravisseurs pouvaient remarquer sa disparition à n'importe quel moment. Le temps jouait contre lui. 

- Bordel, mais c'est quoi ce monstre que tu trimbales gamin ? Grogna l'homme sur sa droite, les yeux cachés derrière la casquette d'un beret.

Les autres clients et l'homme derrière le comptoir observaient avec intérêt l'échange, sans dire mot.

- J'ai capturé la bête qui effrayait le village. Il n'y avait pas une récompense ou quelque chose ?

Les yeux des trois joueurs détaillèrent successivement Almak et Gary, avant de reporter leur attention sur les cartes, les discussions réanimant l'endroit. Ils l'avaient juste ignoré.

- Vous... Vous n'avez pas comprit ce que je viens de dire ?

- T'es pas l'premier à s'pointer avec une bestiole et réclamer la récompense ! Lança un client accoudé au comptoir.

- Si t'a pas d'argent, pas la peine de t'incruster. Avertit l'homme qui lui faisait face, les joues coloré par la boisson. T'peux r'tourner d'ou tu viens 'vec ta licorne.

- Désolé de vous contredire, mais je suis un lougacorne monsieur. Les licornes sont des créatures magiques issues de contes pour enfant. Le corrigea Gary en prenant place autour de la table.

- C'est pareil pour toi la licorne. Pas d'argent, pas de cartes.

Almak était estomaqué. Il était pourtant persuadé que l'apparence terrifiante du mangeur de champignons allaient jouer en sa faveur.

« C'est quoi le problème avec cet endroit ? »

- Il ne fait peur qu'à toi. Le taquina Deoria. Regarde comme il se tient, et son regard. Cet animal respire la douceur et la galanterie.

« Mais c'est un loup avec une corne ! Il n'y a rien de doux ou de galant, ou de quoi que ce soit ! » Protesta Al.

- C'est ton opinion.

« Bon, c'est pas grave. Plan B. »

Almak détailla une montre à gousset dans le pot, découvrant en même temps que le jeu des trois hommes était le tarot. Il n'y avait pas touché depuis des années.

- On va dire que j'ai quand même capturer le monstre. C'est sympa, non ? Hey ! Mais vous jouez au tarot ? Je peux me joindre à vous ? J'ai peut-être quelque chose qui peut vous interressez.

Il ôta le médaillon avec son pendentif en pentacle, désignant le diamant sertie en son centre.

- Une véritable pierre précieuse.

- Tu es sûr de ça Al ? S'étonna Deoria en le lâchant pour faire un tour de la table.

« Ne me sous-estime pas. »

- Tu peux rejoindre la prochaine. Concéda le joueur au béret. Mais uniquement si tu prend la main, peu importe ton jeu. Et si tu mises aussi la licorne parlante. On a besoin de main d'oeuvre avec tous ces morts.

- Heu... Vous êtes sûr ? Firiël ? S'inquiéta Gary.

- Comme vous voulez. Accepta Almak avec un sourire confiant.

- Tu te plaindras pas si tu perds gamin. Avertit l'autre. Coupe les cartes Mori.

L'homme aux joues rouges s'executa, passant le paquet à son voisin qui les distribua en quatres par groupe de trois, laissant un carte au centre à chaque tour. Le Chien. Almak serait obligé d'amasser le plus de points possible pour remporter la partie. Le pot comportait trois pièces d'or et dix d'argents, son pendentif et le lougacorne, installé à ses côtés. Il détailla son jeu, sept atouts et le roi de cœur. Pratiquement aucun point. Mori dévoilà le Chien à son attention. Deux atouts dont le petit. Une reine. Le dix de trèfles. Le trois de carreau... Le sept de cœur... La partie aurait été désastreuse, s'il n'avait pas son principal atout.

« Ok. Maintenant regarde leur jeu et dis moi ce que je dois couper. » Lança-t-il à sa partenaire invisible.

- C'est de la triche, non ? Remarqua-t-elle.

« La liberté de Gary est en jeu. »

- Par ta faute...

Almak eût peur qu'elle lui fasse faux bond, mais Deoria examina les cartes de ses adversaires, lui rapportant les précieuses informations. Il s'empara de deux rois adverses et de toutes les reines, rafflant la mise devant l'incompréhension total des trois autres joueurs. Il termina la partie en poussant le petit au bout, ajoutant dix points supplémentaires pour creuser définitivement l'écart entre la simple défaite et l'humiliation totale.

« Voilà ce que j'appel un travail d'équipe. »

- On peut partir maintenant ? S'enquit Deoria.

« Encore une et ce sera bon. »

Gary poussa un grognement de soulagement tandis que ses adversaires lui jetaient des regards soupçonneux. Ils n'avaient cependant aucun moyen de déceler son arme secrête. Il remporta la partie suivante de la même manière, élevant le total de ses gains à cinq pièces d'or.

« Je pense avoir comprit l'utilité de ton pouvoir. » Annonça fièrement Almak.

- Non. Tu n'as rien comprit. On y va ?

« Encore une et ce sera bon. »

A la quatrième victoire consécutive, l'homme au béret frappa du poing contre la table, pointant le lougacorne de son index.

- Le gamin triche ! La licorne lui fait des signes !

- Je ne suis pas une licorne, mais un lou...

- Mensonge ! Protesta Al. C'est le monstre qui terrorise votre village. Il ne sait pas jouer aux cartes.

- Rend-nous notre argent ! Ajouta le dénommé Mory.

- Et voilà... Soupira Deoria. On y arrive...

Attendez ! Se défendit Al. On peut jeter la licorne dehors, je gagnerais quand même vous verrez !

Un silence de mort s'abbatit à l'intérieur des murs de l'Antre de Pinte. Il s'était vendu tout seul.

- Je veux dire... Peut-être. C'est le jeu, on ne sait jamais ce qu'il peut se passer. Je gagnerais peut-être...

- Firiël ? Pourquoi les gens se rapprochent autour de nous ? Le questionna Gary.

- Pour rien. Lâcha Almak en se levant brusquement, fourrant ses gains dans les poches de son sarouel. Merci pour la soirée les gars.

Ils étaient désormais encerclé. Deoria avait disparut pout regagner ses pensées en un éclair. Comprenant la situation délicate dans laquelle il s'était fourré, Almak s'apprêta à rendre les gains lorsqu'un cri déchirant retentit, jetant un froid sur l'assemblé.

- Le monstre ! S'écria l'un des clients, entraînant une panique dans l'établissement.

Al et Gary sentirent des mains les agripper pour les jeter à la rue, une lourde grille en métal s'abaissant devant le portillon de la brasserie après que les volets se soit brutalement refermées.

- Quel manque de politesse. Souffla le lougacorne en aidant le jeune homme à se relever.

- Ils prennent cette histoire un peu trop au sérieux... Soupira Almak en époussiétant sa cape.

Mais le cri qui suivit, beaucoup plus proche, hérissa les poils de sa nuque. Il aperçut une silouhette déboucher de l'obscurité d'une ruelle, poursuivit par une autre plus petite. Contrairement à Gary, caché derrière lui, Almak chassa l'éventualité d'une altercation en découvrant une femme poursuivit par une enfant à la lueur des lanternes.

 

 

 

3.3 – UN CRI DANS LA NUIT

 

 

 

- Pitié ! Aidez-moi !

Almak ne savait pas s'il devait rire ou réagir. L'agresseur était une fillette avec deux tresses, poursuivant sa victime les bras tendus, comme pour jouer à chat.

- Nous devrions partir Firiël. Proposa Gary par dessus son épaule.

La femme semblait à bout de souffle quand elle les dépassa, son visage crispé par la peur. Mettant fin au spectacle absurde, Almak se décala pour stopper la fillette dans sa course, la retenant par l'épaule.

- C'est pas drôle de faire peur aux gens. La réprimanda-t-il.

La fille s'était immobilisé, baissant la tête devant son ton sévère. Elle portait une robe verte usée et des nœuds de la même couleur dans ses cheveux noirs. Puis Al retira brusquement la main, comme sous l'effet d'une décharge.

« Almak recule ! » Hurla Deoria.

« Qu'est-ce-qui te prend ? C'est qu'une mignonne petite... »

Il ne put aboutir au fond de sa pensée, sentant un objet étranger lui traverser l'épaule. Almak tressaillit, observant une quantité effrayante de sang s'écouler de la plaie. Puis son regard passa de la sombre corne qui lui perforait le poumon à la fillette, remarquant qu'une excroissance avait jaillit du maigre bras pour lui infliger la terrible blessure.

- Pas si mignonne que ça en fait... Souffla-t-il alors que la douleur s'infiltrait en lui comme des centaines d'aiguilles écorchant sa chair.

L'enfant leva alors son visage juvénile vers lui, des yeux exhorbités et un sourire fendant ses joues dans une expression qui lui retourna l'estomac. Toute humanité l'avait quitté. Sa peau se fissurait comme un vieu maquillage délavé.

- FIRIEL !

Un hurlement brisa le silence, et une brise froide vînt balayé l'allée principale du village lorsque Gary se jeta sur l'enfant, les yeux révulsés et la gueule grande ouverte.

- Sauve-toi idiot ! S'écria Almak.

Le bras libre de la fille explosa en lambeau, en révélant un autre à la peau calciné et beaucoup plus musclé. Le coup qu'elle porta écrasa le visage de son compagnon, l'envoyant s'écraser à plusieurs mètres contre la façade de l'Antre de Pinte, qui céda sous le choc.

- Gary !

Almak attrapa la corne enfoncée dans son épaule pour s'en extirper, cramponnant la plaie sanguinolante avec une grimace de douleur. Son corps était en feu. Sa vision se brouillait par instant. Il dût lutter pour ne pas perdre l'équilibre.

- Merde... Je ne m'attendais pas à ça...

« Qu'est-ce-que tu fais encore là ? » S'agita Deoria. « Dépêche-toi de fuir ! »

Mais le spectacle morbide qui se déroulait sous ses yeux le cloua au sol. Le corps de l'enfant se sépara en deux au niveau du crâne, glissant de chaque côté pour laisser place à un être sequelettique, la peau sombre et luisante. Les yeux étaient tombé durant la transformation. Le large sourire, garnis de dents aiguisées, fendait un visage sans nez et aux orbites vide. Un papillon cauchemardesque émergeant de son cocon. Almak faillit vomir face à l'horreur de cette abomination.

« C'est quoi ce monstre ? »

« Je ne sais pas mais je t'en prie, sauve-toi. Tu es gravement blessé, il te faut des soins. » Le supplia-t-elle.

« Pas avant d'avoir réglé son compte à cette chose. »

« Tu n'as pas d'armes idiot ! »

Une deuxième corne avait fait son apparition, identique à la première, surgissant à la base du coude. Al se prépara à l'affrontement, cherchant une faiblesse dans le physique de son adversaire. Ce dernier poussa un cri qui déchira la nuit, forçant le jeune homme à plaquer les mains sur ses oreilles. Il n'avait jamais rien entendu de tel. Comme si un bataillon de bûcherons s'amusaient à scier du métal. Le monstre termina sa torture par un râle, avant de charger Almak à une vitesse affolante. L'impact l'envoyant s'écraser durement sur le sol, et son cri de douleur s'unit avec celui de Deoria lorsque l'une des cornes empala sa main, l'autre plongeant vers son cœur. 

 

 

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